- N° RG 23/02964 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDETY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date de l'ordonnance de
clôture : 29 Avril 2024
Minute n°24/681
N° RG 23/02964 - N° Portalis DB2Y-W-B7H-CDETY
le
CCC : dossier
FE :
-Me VAUTIER
-Me BALDUCCI-GUERIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU TRENTE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDEUR
Monsieur [Z] [E]
[Adresse 2]
représenté par Maître Emmanuel VAUTIER de la SELARL EVAVOCAT, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant
DEFENDEURS
Monsieur [T] [W], [M] [P]
Madame [G] [F] [H] épouse [P]
[Adresse 1]
représentés par Me Christine BALDUCCI-GUERIN, avocate au barreau de MEAUX, avocate plaidante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré : Mme ZEDDOUN, Vice-présidente statuant comme Juge Unique
DEBATS
A l'audience publique du 07 Mai 2024,
GREFFIERE
Lors des débats : Mme BOUBEKER, greffière et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré et après prorogation du délibéré initialement prévu le 05 juillet 2024, Madame ZEDDOUN , Présidente, ayant signé la minute avec Madame CAMARO, Greffière ;
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 11 juillet 2022, M. [Z] [E], vendeur, et M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P], acquéreurs, ont régularisé, par l'intermédiaire de la société Phima Relation (CI Immobilier), conseil immobilier, un compromis de vente , portant sur un pavillon à usage d’habitation situé à [Adresse 2] moyennant un prix 321.000 €, sous condition suspensive de la vente par les acquéreurs de leur bien immobilier situé à [Adresse 1] au prix net vendeur de 510.000 €, la condition suspensive étant valable jusqu’au 11 mars 2023.
Il a été stipulé dans le compromis de vente que la réitération de la vente par acte authentique devait intervenir entre le 11 octobre 2022 et le 11 mars 2023. Une clause pénale d’un montant de 32.100 euros était convenue en cas de non-réalisation de la vente.
Le compromis de vente a également prévu une faculté de dédit au profit des acquéreurs moyennant le paiement de la somme de 8.000 €.
Par mail en date du 15 janvier 2023, confirmé par courrier recommandé dont la société CI Immobilier a accusé réception le 19 janvier 2023, les époux [P] ont informé l’agent immobilier qu’ils renonçaient à la vente.
Estimant que les acquéreurs avaient manqué à leurs obligations contractuelles, M. [Z] [E] a, par acte de commissaire de justice en date du 22 juin 2023 fait assigner M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] devant le tribunal judiciaire de Meaux en indemnisation de son préjudice.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives régularisées par voie électronique le 29 novembre 2023, M. [Z] [E] demande au visa de l’article 1231-5 du code civil de :
débouter les époux [P] de l’ensemble de leurs prétentions, constater la résiliatoin du compromis de vente de l’immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 3], selon acte sous seing privé du 11 juillet 2022, aux torts exclusifs des époux [P], les condamner solidairement à lui payer les sommes de :8.000 € au titre de la clause de dédit stipulée en annexe 1 du compromis de vente,32.100 € à titre d’indemnité conformément à la clause pénale insérée dans le compromis de venteles condamner pareillement à lui payer la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, il expose que le compromis de vente contient en annexe 1 une clause de dédit aux termes de laquelle les acquéreurs se sont engagés à payer au vendeur une somme forfaitaire de 8.000 € si, passé le délai prévu au contrat, la condition suspensive n’avait pas été réalisée ou si les acquéreurs renonçaient à acquérir le bien immobilier. Il fait valoir que le 16 janvier 2023, les époux [P] ont avisé l’agence immobilière qu’ils renonçaient à l’acquision mais n’ont pas réglé l’indemnité forfaitaire de 8.000 € dont ils sont redevables en vertu de la clause de dédit, et ce, malgré plusieurs relances et une mise en demeure du 20 mars 2023.
Il conteste l’argument des défendeurs selon lequel ils s’estiment déchargés de tout paiement au motif qu’ils n’ont pas pu vendre leur pavillon, dès lors que la renonciation des époux [P] est intervenue avant l’échéance de la clause suspensive qui expirait le 11 mars 2023. Il souligne que la clause de dédit est indépendante de la clause suspensive.
Il considère que les époux [P] sont également tenus au paiement de la clause pénale stipulée au contrat puisque l’acte de vente n’a pas été réitéré par acte authentique en raison de la rétractation fautive des acquéreurs, ce qui lui crée un préjudice financier, le bien ayant été immobilisé pendant sept mois et le prix de l’immobilier ayant depuis baissé.
En l’état de leurs conclusions récapitulatives régularisées par voie électronique le 10 avril 2024, les époux [P] demandent au visa de l’article 1104 du code civil et de l’article 32-1 du code de procédure civile, de :
déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de M. [Z] [E],débouter M. [Z] [E] de l’intégralité de ses demandes,condamner M. [Z] [E] au paiement d’une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,condamner M. [Z] [E] au paiement d’une somme de 3.000 € pour procédure abusive, condamner M. [Z] [E] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Ils font valoir que la clause suspensive prévue à l’annexe 1 du contrat qui permet aux acquéreurs de se dégager de leur engagement a été remplie avant le mois de mars 2023 de sorte qu’aucune indemnité n’est due au vendeur. Ils soutiennent encore que la clause de dédit qui avait vocation à s’appliquer à partir du 11 mars 2023, n’a pas à être mise en œuvre puisque la condition suspensive s’est appliquée dans le délai prévu au contrat.
Ils s’opposent par ailleurs au paiement de la clause pénale, expliquant n’avoir commis aucune faute et justifient ne pas avoir pu signer l’acte authentique de vente en raison de l’impossibilité de vendre leur propre maison.
Enfin, ils considèrent que la demande de condamnation au paiement d’indemnité du vendeur est abusive et justifie l’allocation de dommages et intérêts.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 29 avril 2024 par ordonnance du même jour, l’affaire renvoyée à l’audience du juge unique du 07 mai 2024 puis mise en délibéré au 05 juillet 2024, prorogé au 30 juillet 2024.
MOTIFS
Sur la clause de dédit :
Constitue une clause de dédit la stipulation qui offre aux acquéreurs la faculté de ne pas exécuter leur engagement pour une cause quelconque, indépendante de la réalisation des conditions suspensives, en abandonnant une somme aux vendeurs.
Les parties peuvent aménager un dédit conventionnel au profit de l'une ou l'autre des parties (article 1122 du code civil). La clause doit être exercée de bonne foi.
La clause de dédit est un droit conventionnel de repentir qui, à la différence de la clause pénale, ne suppose pas une inexécution imputable au débiteur. Il ne s'agit donc pas de sanctionner un débiteur qui n'aurait pas tenu ses engagements, mais de lui permettre de se délier de son engagement. La faculté de dédit permet ainsi au débiteur de se soustraire à cette exécution et l'indemnité stipulée représente la contrepartie du droit conféré à l'acquéreur de se libérer de la vente en dehors de tout contexte de responsabilité civile.
La clause de dédit empêche donc d'exiger l'exécution forcée du contrat, alors qu'il en est différemment en matière de clause pénale.
En l’espèce, l’annexe 1 du compromis de vente du 11 juillet 2022 intitulé « Condition suspensive de la vente du bien de l’acquéreur et clause de dédit » prévoit une condition suspensive valable jusqu’au 11 mars 2023 et une clause de dédit.
La « Clause de dédit » stipule que « Passé le délai [11 mars 2023 18 heures], si la condition n’a pas été réalisée par l’acquéreur ou si l’acquéreur décide de renoncer purement et simplement à ses obligations prévues dans ledit accord ou compromis de vente (renonciation qui devra être notifiée à l’autre partie et/ou au mandataire avant l’expiration du délai fixé ci-dessus par lettre recommandée avec demande d’avis de réception), l’acquéreur s’engage expressément à payer au vendeur et à l’agence un dédit d’un montant de : pour le vendeur, la somme forfaitaire de huit mille euros (8.000 €), et pour l’agence CI Immobilier, la somme forfaitaire de 800 € ».
Il ressort du mail en date du 15 janvier 2023, confirmé par lettre recommandée dont l’agence immobilière CI Immobilier a accusé réception le 19 janvier 2023, que les époux [P] ont fait part de « leur souhait de renoncer à l’acquisition » et ont reconnu être redevables des indemnités prévues dans la clause de dédit stipulée dans l’annexe 1 du compromis de vente.
Il s’en déduit que les époux [P] ont exercé leur faculté de dédit leur permettant de se libérer unilatéralement de leur engagement, selon les modalités prévues à l’annexe 1 du contrat de vente du 11 juillet 2022, et ce, avant l’expiration du délai fixé au 11 mars 2023.
La clause de dédit étant indépendante de la condition suspensive, les développements exposés par les époux [P] dans leurs conclusions concernant la condition suspensive sont inopérants.
La demande en paiement de la somme de 8.000 € formée par M. [Z] [E] est donc fondée, cette somme étant acquise au vendeur par application de la clause contractuelle de dédit.
Par ailleurs, l’exercice régulier de la faculté de dédit par les époux [P] exclut toute indemnisation autre que celle prévue par la clause de dédit. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte des préjudices causés au vendeur par cette rétractation et la rupture unilatérale du contrat (immobilisation du bien pendant sept mois et baisse du marché de l’immobilier).
La demande de dommages et intérêts formée par M. [Z] [E] d’un montant égal à celui de la clause pénale sera en conséquence rejetée.
Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formées par les époux [P] :
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Les époux [P] réclament la condamnation du demandeur à leur payer la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat et la somme de 3.000 € pour procédure abusive.
Compte tenu de la solution apportée au litige, il ne peut être retenu aucune faute du vendeur qui a tenté dans un premier temps d’obtenir amiablement le paiement de l’indemnité prévue à l’annexe 1 du contrat de vente, les époux [P] s’étant engagés en cas d’exercice de la faculté de dédit de régler la somme de 8.000 €, et en l’absence de paiement, d’avoir exercé une action judiciaire en paiement.
Les époux [P] seront en conséquence déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires :
* Sur l’exécution provisoire :
En application de l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Aucun élément ne justifie de faire échec à l’exécution provisoire de droit prévue par cet article.
* Sur les dépens :
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] qui succombent à l’instance seront condamnés aux dépens.
* Sur les frais irrépétibles :
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] condamnés aux dépens seront condamnés à payer à M. [Z] [E] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
Constate l’annéantissement de la promesse synallagmatique de vente du 11 juillet 2022 conclue entre M. [Z] [E] et M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P].
Condamne solidairement M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] à payer à M. [Z] [E] la somme de 8.000 €.
Déboute M. [Z] [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la clause pénale.
Déboute M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] de leur demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat.
Déboute M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Rejette le surplus des demandes.
Condamne M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] au titre des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Condamne M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] à payer à M. [Z] [E] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute M. [T] [P] et Mme [G] [H] épouse [P] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE