- N° RG 24/01603 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPKS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE
Date : 17 Juillet 2024
Minute n° 24/00028
Affaire : N° RG 24/01603 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPKS
Formule Exécutoire délivrée
le :
à :
Copie Conforme délivrée
le : 19-07-2024
à : Me Eric COURMONT + dossier
Me Céline NETTHAVONGS + dossier
PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
JUGEMENT DU DIX SEPT JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE
Madame [Y] [P]
[Adresse 2]
[Localité 11]
assistée de Me Eric COURMONT, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, avocat plaidant
DEFENDEUR
Monsieur [H] [G] [D] [W]
[Adresse 4]
[Localité 7]
assisté de Me Céline NETTHAVONGS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats et du délibéré : M. Balia BATIONO, Premier Vice-Président statuant selon la procédure accélérée au fond
DEBATS
A l'audience publique du 26 Juin 2024,
GREFFIER
Lors des débats et du délibéré : Madame Béatrice BOEUF, Greffière
JUGEMENT
contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. Balia BATIONO, Premier Vice-Président, ayant signé la minute avec Madame Béatrice BOEUF, Greffière ;
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [Y] [P] et M. [H] [W] ont vécu en concubinage.
De leur relation sont nés trois enfants.
Par acte notarié en date du 11 décembre 2018, Mme [P] et M. [W] ont acquis la pleine propriété, à concurrence de moitié indivise, d’une maisons à usage d’habitation, située [Adresse 3], pour une prix de 300 000 euros.
Le prix d’acquisition a été financé au moyen d’un crédit immobilier.
Le 18 décembre 2022, Mme [P] a quitté le domicile commun.
Suivant jugement du 1er août 2023, le juge aux affaires du tribunal judiciaire de Meaux a, notamment, fixé la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère, accordé au père des droits de visite et d’hébergement et fixé la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants du père à la somme de 150 euros par mois et par enfant.
Par lettre RAR en date du 23 février 2024, l’avocat de Mme [P] a demandé à M. [W] s’il acceptait que sa clientèle rachète sa part dans le bien immobilier indivis.
Dans une réponse du 2 avril 2024, M. [W] a indiqué qu’il envisageait racheter la part de Mme [P] dans ledit bien immobilier indivis.
Les échanges entre les parties n’ont pas permis de parvenir à un règlement amiable.
Suivant acte d’huissier de justice en date du 5 avril 2024, Mme [Y] [P] a fait assigner devant la présente juridiction M. [H] [W] pour voir désigner tel mandataire judiciaire, en qualité d’administrateur provisoire de l’indivision existant entre elle et M. [H] [W].
Dans des conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, elle demande de :
Vu l’article 481-1 du code de procédure civile,
Vu l’article 815 du code civil,
Vu l’article 815-6 du code civil,
Déclarer la demande de Mme [Y] [P] recevable et bien fondée, et en conséquence :
Constater le blocage de la situation et l’impossibilité en l’état de liquider l’indivision existante
entre Madame [Y] [P] et Monsieur [H] [W] ;
Désigner en conséquence tel mandataire judiciaire, en qualité d'administrateur provisoire de l’indivision existante entre Madame [Y] [P] et Monsieur [H] [W] ;
Dire que le mandataire judiciaire aura pour mission d’administrer et liquider l’indivision, et de
faire estimer la valeur tant vénale que locative de l’immeuble sis au [Adresse 3] et après accord des parties ou autorisation du tribunal, procéder à sa vente ;
Dire que, si Madame [Y] [P] et Monsieur [H] [W] s’abstiennent de prendre parti, le mandataire judiciaire aura les pouvoirs ordinaires des administrateurs provisoires, en vue de gérer et administrer tant activement que passivement l’indivision dont s’agît ;
Dire qu’en particulier, le mandataire judiciaire pourra :
- prendre toute mesure destinée à assurer la préservation des biens,
- payer toutes dettes, régler tous comptes, en donner valables quittances,
- enfin, faire tous actes d’administration nécessaires à charge d’en rendre compte au magistrat chargé du contrôle des administrations judiciaires dans les conditions habituelles et de lui soumettre pour examen tous les frais exposés, notamment ceux de scellés, de même que de sa demande d’honoraires ;
Dire que la mission est donnée pour une durée de 12 mois et qu’elle sera éventuellement renouvelée sur requête ou en référé ;
Subsidiairement,
Renvoyer la cause et les parties devant la 1re chambre - section 5 du tribunal de céans afin qu’il soit statué sur les demandes suivantes :
Ordonner l’ouverture des opérations de comptes liquidation partage de l’indivision ayant existé entre Monsieur [H] [W] et Madame [Y] [P] ;
Commettre tel notaire qu’il vous plaira de nommer pour y procéder ;
Ordonner l’attribution du bien immobilier sis [Adresse 3] à Monsieur [H] [W] au prix de 320 000 euros ;
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Dire qu’il y a lieu à fixation d’une indemnité d’occupation due par Monsieur [W] à l’indivision et ce depuis le 12.12.2022 à raison de 1 200 euros par mois ;
Juger que les comptes d’administration devront être faits devant notaire ;
Mais en toutes hypothèses,
Condamner Monsieur [H] [W] à payer à Madame [Y] [P] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [H] [W] aux entiers dépens.
Mme [P] expose à l’appui de ses prétentions que :
- depuis son départ le 18.12.2022, M. [W] occupe seul ce bien immobilier sans acquitter la moindre indemnité d’occupation, ni se prononcer sur la mise en vente dudit bien ou le rachat de sa part ;
- un crédit immobilier grève ce bien avec des mensualités hors assurance de 1.210,27 € ;
- à plusieurs reprises des paiements sont refusés par la banque car le compte joint n’est pas suffisamment crédité par M. [W] qui laisse encore sur ce compte bancaire les prélèvements des charges grevant le bien immobilier qu’il occupe seul ;
- malgré la mise en demeure du 23.02.2024 de son conseil, M. [W] reste taisant ;
- il est donc impossible d’envisager une issue amiable ;
- l’absence de proposition concrète d’acquisition de sa quote-part de l’indivision la bloque et lui fait supporter les charges pesant sur le bien immobilier sans qu’elle en ait le moindre bénéfice ;
- c’est donc bien l’incapacité de M. [W], soit de mettre en vente le bien immobilier, soit de mettre en place un financement destiné à acquérir sa quote-part dans l’indivision qui est à l’origine de la situation actuelle ;
- il est donc dans l’intérêt des coindivisaires qu’un mandataire judiciaire soit nommé aux fins de
liquider l’indivision existante à ce jour ;
- préalablement à la saisine du tribunal de céans, elle a tenté de résoudre amiablement la situation de blocage et en faisant montre de beaucoup de patience depuis décembre 2022 ;
- toutefois, le maintien de l’indivision lui porte préjudice en raison du supplément de charges qu’elle doit supporter, et elle ne saurait rester en cette situation au seul bénéfice de M. [W] qui profite seul d’un logement à ses dépens ;
- M. [W] prétend qu’il habite au [Adresse 4] car il détient une quittance 3F ;
- or, cet appartement est occupé par sa soeur ;
- M. [W] réside bien dans le bien commun à [Localité 11] tel que cela ressort de l’acte de signification de rupture de PACS du 23.12.2022, du jugement du juge aux affaires familiales de Meaux du 1er août 2023 et de la signification de l’assignation pour cette audience, reçue en personne par M. [W] ;
- Dès lors, M. [W] est mal fondé à prétendre qu’il n’habite pas seul le bien commun ;
- il est donc redevable d’une indemnité d’occupation à l’indivision et ce depuis la séparation des parties ;
- cette demande se justifie toujours et peut être encore plus dans la mesure où les parties ne sont pas en mesure de financer le crédit immobilier ni de payer les taxes foncières ;
- de plus, M. [W] ne se résout à envisager un rachat de sa part que depuis la réception de l’assignation et encore faut il attendre le 07.06.2024 pour qu’il signe un mandat de vente pour un bien immobilier dont il est propriétaire sans justifier de la moindre visite depuis ;
- il est à craindre encore une manoeuvre dilatoire ;
- dès lors, elle maintient toutes ses demandes ;
- subsidiairement, elle rejoint la demande d’ouverture des opérations de comptes liquidation partage de l’indivision ayant existé entre les ex-concubins formulée par M. [W].
Dans des conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement, M. [H] [W] demande de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,
Débouter Madame [Y] [P] de l’intégralité de ses demandes ;
Renvoyer la cause et les parties devant la 1re chambre - section 5 du tribunal de céans afin qu’il soit statué sur les demandes suivantes ou le cas échéant statuer sur les demandes reconventionnelles ci-après de Monsieur [H] [W] :
Ordonner l’ouverture des opérations de comptes liquidation partage de l’indivision ayant existé entre Monsieur [H] [W] et Madame [P] ;
Commettre tel notaire qu’il vous plaira de nommer pour y procéder ;
Ordonner l’attribution du bien immobilier sis [Adresse 3] à Monsieur [H] [W] au prix de 305 000 euros ;
Accorder à Monsieur [H] [W] un délai de 5 mois pour racheter la part de Madame [P] dans le bien sis [Localité 11], le temps pour lui de vendre son bien sis au [Localité 9] ;
Dire n’y avoir lieu à fixation d’une indemnité d’occupation ;
A titre subsidiaire, fixer l’indemnité d’occupation due par Monsieur [H] [W] à l’indivision à la somme de 460 euros par mois ;
Juger que les comptes d’administration devront être faits devant notaire ;
Juger que chacune des parties conservera à sa charge ses frais et dépens.
Il fait valoir que :
- il réside au [Adresse 4], dans un appartement qu’il loue près de son lieu de travail ;
- il a répondu le 2 avril 2024 à l’avocat de Mme [P] ;
- il a proposé à Mme [P] de racheter sa part dans la bien immobilier mais les parties ne se sont pas entendues sur la valeur de celui-ci ;
- il produit deux estimations de deux agences immobilières, desquelles il apparaît que la maison indivise a une valeur de vente moyenne de 305 000 euros ;
- l’estimation de juin 2024 à hauteur de 320 000 euros de Mme [P] a été faite par son cousin ;
- au 30 décembre 2024, le capital restant dû sur le crédit immobilier s’élèvera à la somme de 247 891,36 euros ;
- par conséquent, la soulte due à Mme [Y] [P] sera de l’ordre de 28 500 euros (305 000 - 247 891,36 = 57 108,64) ;
- de cette soulte, il conviendra de déduire les sommes dues par Mme [Y] [P], lui ayant réglé plus que sa quote-part dans le crédit immobilier sur les années 2023 et 2024, soit une somme de l’ordre de 2 200 euros ;
- il est propriétaire d’un bien immobilier sis au [Adresse 10], estimé entre 240 000 et 250 000 euros, qu’il a mis en vente ;
- la vente dudit bien lui permettra largement de régler la soulte due à Mme [Y] [P] et de racheter le cas échéant le crédit immobilier dans l’hypothèse où le Crédit Agricole de la Brie Picardie refuserait de désolidariser cette dernière ;
- en application de l’article 815 du code civil, il est bien fondé à solliciter, à titre reconventionnel, l’ouverture des opérations de comptes liquidation partage de l’indivision ayant existé entre les ex-concubins ;
- chacun des concubins a conservé les clés de la maison indivise ;
- Mme [Y] [P] a encore des affaires personnelles et meubles dans cette maison ;
- il réside au [Adresse 4], dans un appartement qu’il loue près de son travail ;
- dès lors, il n’y a pas lieu à indemnité d’occupation.
MOTIVATION
Sur la demande de désignation d’un administrateur provisoire de l’indivision
L’article 815-6 du code civil dispose que : “Le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun.
Il peut, notamment, autoriser un indivisaire à percevoir des débiteurs de l'indivision ou des dépositaires de fonds indivis une provision destinée à faire face aux besoins urgents, en prescrivant, au besoin, les conditions de l'emploi. Cette autorisation n'entraîne pas prise de qualité pour le conjoint survivant ou pour l'héritier.
Il peut également soit désigner un indivisaire comme administrateur en l'obligeant s'il y a lieu à donner caution, soit nommer un séquestre. Les articles 1873-5 à 1873-9 du présent code s'appliquent en tant que de raison aux pouvoirs et aux obligations de l'administrateur, s'ils ne sont autrement définis par le juge.”
Cet article est applicable à toutes les indivisions, quelles que soient leur origine et leur nature.
Malgré les termes de l’article 815-6 du code civil, l’administrateur désigné judiciairement n’est pas obligatoirement un indivisaire.
Depuis leur séparation le 18 décembre 2022, Mme [P] et M. [W] ne sont parvenus à s’entendre sur le sort de la maison indivise.
Leur mésentente sur ce point est un fait constant.
La sauvegarde des intérêts de l’indivision est mise en péril par cette mésentente. Il convient de rappeler que le biens indivis a été financé au moyen d’une crédit immobilier et que des difficultés de remboursement de ce crédit se sont manifestées.
Au regard de cette situation, il convient de faire droit à la demande de nomination d’un administrateur provisoire de la succession de Mme [P] et de désigner un tiers comme administrateur provisoire de l’indivision.
Sur la demande de paiement d’une indemnité d’occupation
La demande de paiement d’une indemnité d’occupation est présentée subsidiairement.
La demande principale ayant été favorablement accueillie, il n’est plus nécessaire d’examiner cette demande présentée à titre subsidiaire.
Sur la demande reconventionnelle de renvoi de la cause et des parties devant la section 5 de la 1re chambre civile
La loi n’a pas prévu la faculté de renvoyer l’affaire en état de procédure accélérée au fond devant la formation collégiale de la juridiction.
En outre, l’article 1360 du code procédure civile dispose qu’“A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.”
L’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, dispose que “Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l'article 4.
Ils peuvent postuler devant l'ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d'appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d'appel.
Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l'aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie.”
Il n’est pas établi que les conditions posées que ces dispositions sont remplies en l’espèce.
Il suit de là que la demande reconventionnelle sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Les dépens seront supportés par l’indivision administrée.
La partie défenderesse à une demande de désignation d’un administrateur provisoire sur le fondement de l’article 815-6 du code civil ne peut être considérée comme la partie perdante au sens de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par Mme [P] sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
Statuant selon la procédure accélérée au fond, par décision contradictoire et en premier ressort, remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Désigne M. [T] [N]
[Adresse 5]
[Localité 6]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 8]
avec pour mission de :
- se faire remettre par tout détenteur en ce compris les indivisaires tous documents utiles pour l'accomplissement de sa mission et convoquer, le cas échéant, lesdits indivisaires pour examiner avec eux les différentes solutions qui s'offrent à eux pour organiser la gestion des biens indivis ;
- gérer et administrer le bien immobilier en indivision situé [Adresse 3] ;
- recevoir les loyers, en donner quittance, faire toute démarche permettant leur encaissement à leur date d'exigibilité, procéder à leur indexation, et plus généralement faire tous actes utiles à la gestion du bien immobilier ;
Dit que la mission est donnée pour une durée de douze mois à compter de la présente décision, et qu'elle pourra faire l'objet d'une prorogation par la présente juridiction, saisie selon la procédure accélérée au fond, ou par requête sur saisine conjointe des indivisaires ;
Fixe à 1.000 euros la provision à verser par Mme [Y] [P] directement entre les mains de l'administrateur judiciaire, à valoir sur les frais et sur sa rémunération, laquelle sera supportée finalement par l’indivision ;
Dit qu'à défaut du versement de cette provision dans le délai de trois mois à compter de la présente décision, la nomination de l'administrateur provisoire sera caduque et privée de tout
effet ;
Rejette la demande reconventionnelle de renvoi de la cause et des parties devant la section 5 de la 1re chambre civile du tribunal judiciaire de Meaux ;
Dit que les dépens seront supportés par l’indivision administrée ;
Rejette la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président