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11/07/2024 | FRANCE | N°21/05081

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 3, 11 juillet 2024, 21/05081


- N° RG 21/05081 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCOXY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 18 mars 2024

Minute n° 24/00632

N° RG 21/05081 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCOXY






Le

CCC : dossier

FE :
-Me JAMET
-Me TEBOUL ASTRUC



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU ONZE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A.S. Les Saisons de [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
reprÃ

©sentée par Me Morgan JAMET, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante

DEFENDERESSE

S.A.S. JSR
[Adresse 1]
représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocate au barreau de PAR...

- N° RG 21/05081 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCOXY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 18 mars 2024

Minute n° 24/00632

N° RG 21/05081 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCOXY

Le

CCC : dossier

FE :
-Me JAMET
-Me TEBOUL ASTRUC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU ONZE JUILLET DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A.S. Les Saisons de [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Morgan JAMET, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante

DEFENDERESSE

S.A.S. JSR
[Adresse 1]
représentée par Me Chantal TEBOUL ASTRUC, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge

Jugement rédigé par : M. ETIENNE, Juge

DEBATS

A l'audience publique du 23 Mai 2024 en présence de M.GRENARD auditeur de justice, qui a été autorisé à participer au délibéré avec voix consultative.

GREFFIERE

Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;

Par acte sous seing privé en date du 12 février 2015, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] a donné à bail à la SAS JSR un local à usage commercial d'une surface de 140m2, au sein de la galerie marchande du centre commercial Les Saisons de [Localité 5] situé sur la commune de [Localité 4].

Ce bail a été consenti moyennant le paiement d'un loyer annuel variable égal à 7,23% du chiffre d'affaires hors taxes réalisé par le preneur et ne pouvant être inférieur à la somme de 63 000 euros hors taxes et hors charges révisable en fonction de la variation de l'indice des loyers commerciaux.

Au cours des premières années d'exécution du bail, plusieurs réductions de loyers ont été consenties par la SAS LES SAISONS DE [Localité 5].

Par acte d'huissier de justice en date du 18 septembre 2020, cette société a fait signifier à la SAS JSR un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur la somme de 64 805,37 euros due à titre d'arriéré locatif, outre 369,31 euros correspondants aux frais de l'acte.

Par acte d'huissier de justice en date du 15 décembre 2020, la SAS JSR a donné congé à effet au 16 juin 2021.

Saisi par la SAS LES SAISONS DE [Localité 5], le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a, par ordonnance en date du 15 septembre 2021, dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation de la SAS JSR au paiement d'une somme à titre de provision sur les loyers et charges dus au 10 juin 2021 ainsi que sur la demande de conservation du dépôt de garantie par le bailleur.

Dans ces conditions, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] a assigné la SAS JSR devant le tribunal judiciaire de Meaux par acte d'huissier de justice en date du 8 octobre 2021 afin principalement d'obtenir la condamnation du preneur au paiement des loyers et charges impayées, outre les intérêts de retard.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 décembre 2023, elle demande au tribunal de :

«
- Débouter la société JSR de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société JSR à payer à la société Les Saisons de [Localité 5] la somme d'un montant de 138.537,58 euros TTC, à parfaire, selon décompte établi à la date du 6 octobre 2021, au titre des loyers et charges dus, augmentée des intérêts de retard au taux légal majoré de trois points à compter de leur date d'échéance et majorée de 10% à compter 20 septembre 2020 jusqu'à parfait paiement sauf mémoire ;
- Dire que le dépôt de garantie actualisé sera réputé acquis à la société Les Saisons de [Localité 5] en sa qualité de bailleur ;
- Condamner la société JSR à payer à la société Les Saisons de [Localité 5] la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code procédure civile ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
- Condamner la société JSR aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais de commandement, de signification et d'expulsion. »

Se fondant sur les articles 1103 et 1104 du code civil, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] soutient que la SAS JSR lui doit la somme de 138 537,58 euros au titre des loyers et charges, selon décompte arrêté au 6 octobre 2021.

En réponse aux moyens développés par la défenderesse, elle explique qu'elle n'était pas tenue de garantir le maintien de l'environnement commercial des locaux loués à défaut de stipulations particulières du bail et qu'elle ne peut donc pas être tenue responsable des difficultés économiques rencontrées par le preneur, qu'elle n'est pas davantage responsable de la fermeture du centre commercial au public liée l'épidémie de Covid-19, laquelle n'emporte pas inexécution de son obligation de délivrance ni perte de la chose louée et ne peut donc justifier l'exception d'inexécution soulevée par la SAS JSR ou la réduction du montant des loyers,
que l'épidémie de Covid-19 ne constitue pas un cas de force majeure et, enfin, qu'elle n'a pas fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat de bail puisqu'elle a accordé des réductions de loyers à la SAS JSR pendant plus de cinq années.

En réponse à la demande de délais de paiement de la SAS JSR, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] explique que cette société a dégagé un bénéfice en 2019 et 2020 et qu'elle ne démontre pas qu'elle serait en mesure de respecter un échéancier sur 24 mois.

La SAS LES SAISONS DE [Localité 5] s'oppose enfin à la demande de dommages et intérêts formulée par la défenderesse en expliquant qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de bail, contestant notamment avoir fait croire au preneur qu'elle lui consentirait des mesures d'accompagnement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, la SAS JSR demande au tribunal de :

« Recevant la Société JSR en ses demandes, fins et conclusions, notamment reconventionnelles

Y faisant droit,

SUR LES DEMANDES DE LA SOCIETES LES SAISONS DE [Localité 5]

Considérant le caractère pérenne des allègements de loyers précédemment consentis à la société JSR depuis 2017

- ORDONNER que le loyer de la société JSR pour la période écoulée depuis le 1 er janvier 2020 jusqu'au terme du bail en cours soit le 16 juin 2021 reste fixé à la somme annuelle de 6000€ HT, TVA en sus, telle que résultant de l'avenant du 19 juin 2019

En conséquence :

- DEBOUTER la Société LES SAISONS DE [Localité 5] de toute demande en paiement d'un loyer de base supérieur à cette somme pour la période écoulée depuis le 1 er janvier 2020 et le 16 juin 2021, date de la restitution des locaux,

Considérant les conséquences de la crise sanitaire sur les obligations des parties

- JUGER que la société JSR est fondée : à VOIR REDUIRE ledit loyer d'un montant équivalent à 30% des loyers HT pour la période du 16 mars 2020 au 16 juin 2021.
- JUGER la Société LES SAISONS DE [Localité 5] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions,

EN TOUT ETAT DE CAUSE ET DEBOUTANT LA SOCIETE LES SAISONS DE [Localité 5] DE TOUTES DEMANDES FINS ET CONCLUSIONS CONTRAIRES

- CONDAMNER la société LES SAISONS DE [Localité 5] à restituer à la société JSR le montant du dépôt de garantie actualisé, conservé en ses livres, sur la base contractuelle initiale de 15.750€ en principal.
- CONDAMNER la Société LES SAISONS DE [Localité 5] à verser une somme de 100.000 € à la Société JSR à titre de dommages et intérêts
- CONDAMNER la Société LES SAISONS DE [Localité 5] à verser une somme de 5.000 € à la Société JSR en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER la Société LES SAISONS DE [Localité 5] aux entiers dépens de la présente instance, comprenant le coût des commandements de payer
- JUGER n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sauf en ce qui concerne les chefs du jugement devant bénéficier à la société JSR.

Au cas où par extraordinaire le Tribunal condamnerait la société JSR à payer quelque somme que ce soit à la société LES SAISONS DE [Localité 5]

- ORDONNER la compensation des créances réciproques des parties.
- OCTROYER à la Société JSR les plus larges délais pour s'acquitter du solde qui resterait dû après compensation
- DIRE n'y avoir lieu d'allouer quelque somme que ce soit à la société LES SAISONS DE [Localité 5] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens. »

Au soutien de sa demande de maintien d'un loyer annuel de 6 000 euros hors taxes, la SAS JSR se fonde sur les articles 1134 ancien et 1719 du code civil et explique que contrairement à ses obligations légales et contractuelles, le bailleur n'a mené aucune politique particulière et efficace de promotion et d'animation du centre commercial, qu'il n'a pas fourni les efforts nécessaires pour parvenir à la commercialisation de la totalité des locaux commerciaux et, in fine, qu'il n'a pas assuré le maintien d'un environnement commercial favorable. Elle estime que les réductions de loyer qui lui ont été accordées depuis la conclusion du bail établissent l'existence de ces manquements. Elle considère que cela lui a causé un préjudice financier justifiant que le loyer annuel entre le 1er janvier 2020 et la date de résiliation du bail soit fixé à la somme de 6 000 euros hors taxes.

Au soutien de sa demande de réduction supplémentaire de 30% des loyers dus entre le 16 mars 2020 et le 16 juin 2021, la SAS JSR se fonde sur l'article 1134 précité et explique que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] a manqué à son obligation de bonne foi, d'abord en ce qu'elle ne lui a pas proposé d'aménagement des modalités de paiement des loyers et charges, ni réduction des loyers, malgré les conséquences exceptionnelles et imprévisibles que l'épidémie de Covid-19 a eu sur son activité, ensuite en ce qu'elle lui a signifié le 18 septembre 2020 et sans avertissement préalable un commandement de payer les loyers dus pour les trois premiers trimestres de l'année 2020 qui ne tenait pas compte des conséquences précitées et des abattements accordés depuis la conclusion du bail. Elle justifie également cette demande par le caractère imprévisible de l'épidémie de Covid-19.

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, la SAS JSR explique que le bailleur lui a fait croire qu'il lui consentirait des mesures d'accompagnement, a exigé pour la première fois et pendant la crise sanitaire le paiement d'un loyer 11 fois plus élevé que celui jusqu'alors facturé et, enfin, qu'il a refusé de mettre en ouvre une tentative de règlement amiable du litige. Elle soutient que cette situation l'a contrainte à donner congé et lui a causé un préjudice de perte de chance de poursuivre l'exploitation du local commercial ainsi qu'un préjudice moral et un préjudice d'image.

En réponse à la demande de conservation du dépôt de garantie, elle fait valoir que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] ne se fonde sur aucun moyen et qu'elle ne peut se prévaloir de la clause pénale stipulée au bail en l'absence de résiliation par le preneur ou de caducité du bail.

Enfin, au soutien de sa demande subsidiaire en délai de paiement, la SAS JSR se fonde sur l'article 1343-5 du code civil et explique qu'elle a été victime, de bonne foi, d'un environnement commercial et d'un contexte économique difficile, qu'elle a toujours respecté ses engagements contractuels et qu'une condamnation immédiatement exigible serait dommageable pour sa trésorerie.

La clôture de l'instruction est intervenue le 18 mars 2024 par ordonnance du même jour et l'affaire a été fixée à l'audience du 23 mai 2024 pour être plaidée.

La décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la demande de paiement des loyers et charges

L'article 1134 du code civil dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1719 du même code dispose que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ;
4° D'assurer également la permanence et la qualité des plantations.

En l'espèce, l'article 22 B des conditions générales du contrat de bail conclu entre les parties stipule que « Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer variable correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le Preneur, et tel que fixé à l'article 4 B des 'Stipulations particulières' [...] », lequel mentionne que « [...] Le montant du loyer sur chiffre d'affaire est fixé à : 7,23% du chiffre d'affaire hors taxes [...] Le loyer proportionnel ci-dessus déterminé ne pourra cependant en aucun cas être inférieur à un montant de loyer minimum garanti fixé à 63 000 € hors taxes et hors charges par an ».

L'article 6 H des conditions particulières stipule également que le preneur s'engage à verser au bailleur une « contribution au fonds commun pour l'animation, la promotion, la communication, la publicité et la décoration festive du ventre commercial » d'un montant de 40 euros hors taxes par mètre carré, hors indexation.

En outre, les articles 22 C et suivants stipulent que le preneur devra s'acquitter des charges et prestations afférentes aux locaux loués.

Enfin, il est précisé à l'article 24 B des conditions générales que le paiement se fait d'avance, le premier jour de chaque trimestre.

Au soutien de sa demande en paiement, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] produit un décompte arrêté au 6 octobre 2021 selon lequel la SAS JSR est tenu de payer une somme de 142 502,21 euros au titre du loyer, des charges et de la contribution au fonds commun pour l'animation.

La SAS JSR ne conteste pas l'exactitude des sommes portées sur ce décompte.

Elle sollicite toutefois que le loyer soit réduit à 6 000 euros hors taxes pour la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 16 juin 2021, date de résiliation du bail, et, en outre, qu'une réduction supplémentaire de 30% des loyers hors taxes soit appliquée sur les loyers dus entre le 16 mars 2020 et le 16 juin 2021.

Sur la demande de réduction du loyer à 6 000 euros hors taxes

La SAS JSR justifie sa demande par le fait que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] n'a pas assuré le maintien d'un environnement commercial favorable.

Or le bailleur d'un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n'est pas tenu d'assurer la bonne commercialité du centre, sauf stipulations particulières du bail dont la SAS JSR ne démontre pas l'existence.

En particulier, la clause 17 C des conditions générales relative au fonds commun pour l'animation, la promotion, la communication et la décoration festive du centre commercial, dont l'objet est de permettre « l'animation, la promotion, la communication, la publicité et la décoration festive du centre commercial par la mise en ouvre d'actions appropriées et coordonnées, par exemple, manifestations événementielles dans le centre commercial à caractère national, régional ou local, publicité interne ou externe au centre, développement marketing du centre, etc. », ne peut constituer une telle clause.

En effet, elle ne fait pas obligation à la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] de maintenir un environnement commercial favorable au preneur mais l'oblige seulement à mettre en ouvre des actions promotionnelles du centre, de manière générale et sans qu'aucun objectif commercial particulier ne soit assigné à ces actions.

Au surplus, la SAS JSR n'apporte aucun élément permettant d'établir que ces actions n'ont pas été mises en oeuvre par le bailleur, ni que celui-ci s'est abstenu de fournir les efforts nécessaires à la mise en location des locaux commerciaux vacants, ni même que ces deux griefs sont en lien avec la diminution de la fréquentation du centre commercial et la diminution du chiffre d'affaires dont elle fait état et, partant, qu'ils lui ont causé un préjudice.

En outre, le seul fait que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] ait accordé plusieurs réductions et abandons de loyer à la SAS JSR selon avenants des 14 septembre 2015, 18 décembre 2018 et 19 juin 2019 ne constitue pas une reconnaissance que le preneur était dans l'incapacité d'exploiter son local de façon normale, chacun de ces avenants précisant que leur objet était de « faciliter le démarrage de l'exploitation du preneur », de l'« aider [...] à pérenniser son activité » et de « faciliter l'exploitation du preneur ».

Au regard de ces éléments, la SAS JSR est mal fondée à obtenir une réduction du loyer annuel à la somme de 6 000 euros hors taxes pour la période du 1er janvier 2020 au 16 juin 2021.

Sur la demande de réduction supplémentaire de 30% des loyers

Au soutien de sa demande, la SAS JSR explique que le bailleur a manqué à son obligation de bonne foi en facturant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 66 552,84 euros à compter du 1er janvier 2020 et en s'abstenant de lui proposer une nouvelle réduction du loyer ou un aménagement des modalités de paiements du loyer et des charges pendant la période de crise sanitaire lié au Covid-19. Elle explique que cette crise était imprévisible et qu'elle doit conduire à une révision du loyer.

Si l'exigence de bonne foi doit inciter les parties à tenter une renégociation du contrat en cas de changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion, le refus opposé par l'une d'elle ne peut conduire le juge à porter atteinte à la substance même des droits et obligations contractuellement convenus, notamment en ce qui concerne le montant du loyer. La mauvaise foi, à la supposer établie, ouvre seulement droit pour la partie qui en est victime au paiement de dommages et intérêts.

Par ailleurs, si le juge peut devoir réviser le contrat lorsqu'un changement de circonstances imprévisible lors de sa conclusion rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, sur le fondement de l'article 1195 du code civil, le mécanisme prévu par cette disposition n'est pas applicable aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016, ce qui est le cas du bail litigieux.

Par conséquent, la SAS JSR est mal fondée à solliciter une réduction du loyer sur le fondement de la mauvaise foi ou de l'imprévision.

Compte tenu de ce qui précède, la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] apparait bien fondée en sa demande en paiement de l'arriéré locatif. La SAS JSR sera donc condamnée à lui payer la somme de 138 537,58 euros au titre des loyers et charges, décompte arrêté au 6 octobre 2021.

La SAS LES SAISONS DE [Localité 5] sollicite par ailleurs que cette somme soit augmentée des intérêts de retard au taux légal majoré de trois points à compter de leur date d’échéance et majorée de 10% à compter 20 septembre 2020 jusqu’à parfait paiement sauf mémoire.

L’article 29 C des conditions générales du contrat de bail stipule que « A défaut de paiement du loyer et/ou des indemnités d'occupation, des accessoires et des sommes exigibles à chaque terme d'après le présent bail, quarante huit heures après une lettre recommandée restée sans effet, les sommes dues seront automatiquement majorées de dix pour cent (10%) à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux, et ce, indépendamment de tous frais de commandement, de recettes et des droits proportionnels d'encaissement.
Toute somme exigible payée en retard sera, d'autre part productrice d'un intérêt de retard au taux d'intérêt légal, majoré de trois points qui s'appliquera de plein droit, sans mise en demeure préalable, à compter de la date d'échéance. »

Une sommations d’avoir à payer le loyer et les charges a été adressée à la SAS JSR le 18 septembre 2020, pour des impayés s’élevant la somme de 64 436,06 euros. Cette somme n’ayant pas été réglée dans les 48h, elle sera majorée de 10%, soit de 6 443,61 euros.

Par conséquent, les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter de chaque échéance et de 6 443,61 euros à compter du 20 septembre 2020.

Sur les demandes relatives au dépôt de garantie

La SAS LES SAISONS DE [Localité 5] demande de « dire que le dépôt de garantie actualisé [lui] sera réputé acquis », ce à quoi s'oppose la SAS JSR qui en demande la restitution.

Bien qu'aucun moyen ne soit produit au soutien de cette demande, l'article 5 A des conditions particulières du contrat de bail stipule que « Le dépôt de garantie sera conservé par le Bailleur pendant toute la durée du bail, de sa tacite prolongation et de ses renouvellements éventuels, sans intérêts, et restitué en fin de bail, après remise des clés et paiement de toutes sommes restant dues au titre de loyers (à cette fin, le preneur devra transmettre au bailleur la déclaration du chiffre d'affaires réalisé jusqu'au jour de la libération du local, certifiée dans les conditions de l'article 258), Indemnités d'occupations, charges, impôts remboursables, réparations ou tous autres titres dont il pourrait être débiteur envers le Bailleur et que toutes les réparations lui incombant auront été exécutées [...] Le dépôt de garantie sera automatiquement indexé lors de chaque modification du loyer fixe ou minimum pour être toujours égal à un terme de ce loyer.»

Selon cette même stipulation, le dépôt de garantie est d'un montant de 15 750 euros.

Or la SAS JSR est encore redevable de sommes à titre des loyers et charges et pour un montant supérieur au dépôt.

Par conséquent, il convient de faire droit à la demande de la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] et de débouter la SAS JSR de sa demande en restitution.

Sur la demande de dommages et intérêts

La SAS JSR soutient que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] a commis plusieurs fautes qui lui ont causé un préjudice.

Tout d'abord, elle affirme que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] lui a fait croire qu'elle lui consentirait des mesures d'accompagnement. Si pour en justifier elle produit un échange de courriels avec un responsable commercial de la société CEETRUS, il n'en ressort pas que ce responsable ou la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] ait prétendu que la SAS JSR bénéficierait de telles mesures. En effet, cet échange porte exclusivement sur une demande du preneur tendant à leur bénéfice et sur une réponse du responsable aux termes de laquelle il demandait à la SAS JSR de bien vouloir communiquer une copie du compte d'exploitation du magasin pour instruire sa demande.

La SAS JSR affirme ensuite que le bailleur a exigé pour la première fois et pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 le paiement d'un loyer 11 fois plus élevé que celui jusqu'alors facturé. Or il ne s'agit là que d'une stricte application du contrat de bail conclu entre les parties depuis 2015, qui ne peut donc constituer une faute de la part de la SAS LES SAISONS DE [Localité 5].

Le preneur affirme enfin que la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] a refusé de mettre en oeuvre une tentative de règlement du litige et qu'elle a entrepris plusieurs procédures judiciaires. Or aucune disposition n'obligeait le bailleur à mettre en oeuvre une telle tentative de telle sorte que ce grief ne peut constituer une faute de sa part. La même observation doit être faite s'agissant de l'engagement de plusieurs procédures judiciaires par le bailleur, dont l'objet était d'obtenir le paiement des sommes dues en application du contrat de bail.

Au regard de ces éléments, la SAS JSR doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes de compensation et de délais de paiement

Sur la compensation

L'article 1347-1 du code civil dispose que la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

La SAS JSR demande que soit ordonnée « la compensation des créances réciproques des parties».

Toutefois, la SAS JSR ne justifie d’aucune créance sur la SAS LES SAISONS DE [Localité 5].

Par conséquent, elle sera déboutée de sa demande relative à la compensation.

Sur la demande de délais de paiement

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Au soutien de sa demande, la SAS JSR produit plusieurs comptes de résultat pour les années 2016 à 2021 dont il ressort, selon les années, un bénéfice net d'un montant limité ou négatif.

Aucune donnée financière n'est cependant produite au titre des exercices 2022 et 2023 de sorte que la SAS JSR ne démontre pas qu'elle se trouve actuellement dans une situation financière fragile ou que le paiement de la créance de la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] présente un risque pour sa trésorerie.

Par conséquent, il convient de débouter la SAS JSR de sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La SAS LES SAISONS DE [Localité 5] demande la condamnation de la société JSR aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais de commandement, de signification et d’expulsion. 

Il n’est pas démontré que des frais d’expulsion aient été exposés.
La SAS JSR, partie perdante, doit être condamnée au paiement des dépens qui comprendront notamment les frais d’assignation, de signification de la présente décision, ceux liés au commandement de payer visant la clause résolutoire et ceux nécessaires à la mise en œuvre des procédures d'exécution et ne comprendront pas de frais d’expulsion.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS JSR à payer à la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande fondée sur ce même article.
Sur l'exécution provisoire
Selon les articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi n'en dispose autrement ou que le juge écarte l'exécution provisoire de droit s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.
L'exécution provisoire étant de droit, il n'y a pas lieu de l'ordonner.
Il n'y a pas davantage lieu de l'écarter dès lors qu'elle n'apparait pas incompatible avec la nature de l'affaire, la SAS JSR devant être déboutée de sa demande en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la SAS JSR de ses demandes de réduction du loyer ;
CONDAMNE la SAS JSR à payer à la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] la somme de 138537,58 euros TTC au titre des loyers et charges dus selon décompte arrêté au 6 octobre 2021 avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter de leur date d’échéance et de 6 443,61 euros à compter du 20 septembre 2020, à titre d'indemnité forfaitaire de frais contentieux;
DEBOUTE la SAS JSR de sa demande de restitution du dépôt de garantie ;
DIT que le dépôt de garantie actualisé est réputé acquis à la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] et qu'il vient en déduction des condamnations prononcées à l'encontre de la SAS JSR ;
DEBOUTE la SAS JSR de sa demande de condamnation de la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] au paiement d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
DEBOUTE la SAS JSR de sa demande de compensation de créances ;
DEBOUTE la SAS JSR de sa demande de délais de paiement ;
DEBOUTE la SAS JSR de sa demande de condamnation de la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS JSR à payer à la SAS LES SAISONS DE [Localité 5] une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS JSR aux dépens de l'instance en ce compris les frais d’assignation, les frais de signification de la présente décision, ceux liés au commandement de payer visant la clause résolutoire et ceux nécessaires à la mise en œuvre des procédures d'exécution et en ce non compris de frais d’expulsion;
DEBOUTE la SAS JRS de sa demande de voir écarter l'exécution provisoire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 3
Numéro d'arrêt : 21/05081
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;21.05081 ?
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