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17/06/2024 | FRANCE | N°21/00590

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, Ctx protection sociale, 17 juin 2024, 21/00590


TRIBUNAL JUDICIAIRE

de MEAUX

Pôle Social


Date : 17 Juin 2024

Affaire :N° RG 21/00590 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCN5A

N° de minute : 24/00421





RECOURS N° :
Le



Notification :
Le
A
1 CCC aux parties
1 titre exécutoire à Me CHRISTIAEN
JUGEMENT RENDU LE DIX SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE


DEMANDERESSE

Madame [M] [F] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Laure CHRISTIAEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaida

nt


DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE
[Localité 3]

Représentée par Madame [X] [N], agent audiencier


COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUD...

TRIBUNAL JUDICIAIRE

de MEAUX

Pôle Social

Date : 17 Juin 2024

Affaire :N° RG 21/00590 - N° Portalis DB2Y-W-B7F-CCN5A

N° de minute : 24/00421

RECOURS N° :
Le

Notification :
Le
A
1 CCC aux parties
1 titre exécutoire à Me CHRISTIAEN
JUGEMENT RENDU LE DIX SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

Madame [M] [F] épouse [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Laure CHRISTIAEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DEFENDERESSE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE
[Localité 3]

Représentée par Madame [X] [N], agent audiencier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUDIENCE

Président : Madame Murielle PITON, Juge
Assesseur : Monsieur Daniel ELALOUF, Assesseur Pôle social
Assesseur : Monsieur Serge JOSEPH, Assesseur pôle social
Greffier : Madame Emilie NO-NEY,

DÉBATS

A l'audience publique du 22 Avril 2024.

=====================
EXPOSE DU LITIGE

Suivant courrier daté du 05 février 2021, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne (ci-après la Caisse) a informé madame [M] [F] épouse [E] de la cessation de versement d'indemnités journalières à compter du 28 février 2021, le médecin conseil près de l'organisme ayant considéré que son arrêt de travail n'est plus médicalement justifié.

Contestant cette décision, Madame [M] [F] épouse [E] a sollicité la mise en œuvre d'une expertise médicale.

La mesure d'expertise a été confiée, par la Caisse, d'abord au docteur [Y] [G] puis au docteur [K] [S].

Au terme de son rapport d'expertise daté du 05 juin 2021, le docteur [K] [S] a estimé que l'état de santé de Madame [M] [F] épouse [E] ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 28 février 2021 mais que la reprise d'une activité professionnelle quelconque est possible à la date de l'expertise.

Par avis notifié le 18 juin 2021, la Caisse a avisé madame [M] [F] épouse [E] que, sous réserve des conditions administratives de droits, des indemnités journalières lui seraient réglées du 28 février 2021 au 02 juin 2021.

Suivant courrier daté du 19 juillet 2021, madame [M] [F] épouse [E] a saisi la commission de recours amiable de la Caisse d'une contestation de cette décision, laquelle en a accusé réception le 23 juillet 2021 en indiquant l'avoir réceptionné le 20 juillet 2021.

Par avis notifié le 09 août 2021, la Caisse a informé madame [M] [F] épouse [E] que les indemnités journalières ne lui seraient plus versées à compter du 1er juin 2021 car à cette date elle avait atteint la durée maximale d'indemnisation possible sur les trois années précédentes mais qu'elle pouvait adresser les prochains avis d'arrêt de travail pour réexamen de son dossier.

Suivant courrier daté du 1er septembre 2021, madame [M] [F] épouse [E] a saisi la commission de recours amiable de la Caisse d'une contestation de cette décision, arguant du fait que son arrêt initial est daté du 13 mai 2019 et que la durée maximale d'indemnisation n'était, dès lors, pas atteinte au 1er juin 2021.

La Caisse a accusé réception de ce second recours, le 13 septembre 2021.

Par requête formée le 10 novembre 2021, madame [M] [F] épouse [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Meaux du litige l'opposant à la Caisse.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 février 2022 et renvoyée à celle du 16 mai 2022.

Par jugement rendu le 11 juillet 2022, le tribunal a notamment :
- ordonné une seconde expertise médicale en application des dispositions de l'article L.141-2 du code de la sécurité sociale et désigné pour y procéder le docteur Joseph YILDIZ, ayant pour mission de :
*convoquer les parties et aviser le médecin traitant de Madame [M] [F] épouse [E], le docteur [P],
*dire si l'état de santé de Madame [M] [F] épouse [E] lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date de l'expertise réalisée par le docteur [S], soit le 03 juin 2021,
*dans la négative, préciser à partir de quelle date une reprise est possible ;
- réservé les demandes et les dépens.

Après plusieurs ordonnances de changement d'expert, le président du pôle social, par décision rendue le 26 janvier 2023, a désigné le docteur [O] [V] et prorogé jusqu'au 21 février 2023 le délai imparti dans le précédent jugement pour déposer son rapport écrit.

Par ordonnance rendue le 21 mars 2023, le président du pôle social a accordé un délai supplémentaire au docteur [O] [V] et a prorogé jusqu'au 30 juin 2023 le délai qui lui était imparti pour déposer son rapport au greffe.

Aux termes de son rapport d'expertise déposé le 24 mai 2023, le docteur [O] [V] conclut que : "L'état de la victime, à la date de l'expertise, en date du 05/06/2021, n'est pas modifié par rapport à celui du 28/02/2021. Cette expertise intervient seulement à 4 mois de la précédente expertise.
Au 03/06/2021, dans la mesure où l'état de la patiente n'est pas modifié aux deux dates respectives d'expertise, les mêmes conclusions sont retenues pour son incapacité à reprendre le travail avec les difficultés d'ordre fonctionnel sus décrites et alléguées par la victime."

Le docteur [O] [V] ajoute qu'à partir du 03 juin 2021, Madame [M] [F] épouse [E] aurait pu bénéficier d'un reclassement professionnel prenant en compte ses difficultés douloureuses et qu'elle est éligible à un travail à mi-temps, sous certaines restrictions et à la condition d'une évaluation ergonomique des risques. Il précise également que compte tenu de son âge de 58 ans et demi, cette reconversion professionnelle s'avère néanmoins difficile.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 05 juin 2023 et renvoyée à celle du 20 novembre 2023, puis à celle du 22 avril 2024.

Madame [M] [F] et la Caisse étaient toutes deux représentées.

Au terme de ses conclusions soutenues oralement, Madame [M] [F] demande au tribunal de :
A titre principal,
- Dire qu'elle était inapte à tout travail au 03 juin 2021 ;
- Annuler la décision de rejet par la commission de recours amiable de son recours à l'encontre de la décision de la Caisse notifiée le 18 juin 2021 de cesser le versement des indemnités journalières au-delà du 02 juin 2021, ensemble ladite décision du 18 juin 2021 ;
- Juger que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 03 juin 2021 comme à celle du 24 mai 2023 ;
- Ordonner à la Caisse de la rétablir dans ses droits à indemnités journalières à compter du 03 juin 2021 ;
A titre subsidiaire,
- Ordonner une nouvelle expertise médicale avec mission de :
*convoquer les parties et aviser son médecin,
*dire si son état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 03 juin 2021,
*dans la négative, préciser à partir de quelle date une telle reprise est possible ;
- Surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport ;
En tout état de cause,
- Condamner la Caisse à lui payer une somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Caisse aux dépens.

En défense, la Caisse ne formule pas d'observations sur le rapport d'expertise et demande le renvoi du dossier de l'assurée devant ses services pour liquidation de ses droits.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

À l'issue des débats, les parties ont été avisées que l'affaire était mise en délibéré au 17 juin 2024, date du présent jugement.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le versement d'indemnités journalières :

Aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, l'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail.
En application de l'article L. 162-4-1 du même code, en cas de prolongation d'un arrêt de travail, l'indemnisation n'est maintenue que si la prolongation de l'arrêt est prescrite par le médecin prescripteur de l'arrêt initial, par le médecin traitant ou par la sage-femme, sauf impossibilité dûment justifiée par l'assuré et à l'exception des cas définis par décret.

En l'espèce, par courrier du 05 février 2021, la Caisse a informé madame [M] [F] épouse [E] de la cessation de versement d'indemnités journalières à compter du 28 février 2021, le médecin conseil près de l'organisme ayant considéré que son arrêt de travail n'était plus médicalement justifié.

Madame [M] [F] épouse [E] a sollicité la mise en œuvre d'une expertise médicale, à l'issue de laquelle le docteur [K] [S], expert désigné par la Caisse, a estimé que l'état de santé de Madame [M] [F] épouse [E] ne lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 28 février 2021 mais que la reprise d'une activité professionnelle quelconque était possible à la date de l'expertise, soit au 03 juin 2021.

Aux termes de son rapport d'expertise déposé le 24 mai 2023, le docteur [O] [V], désigné par le tribunal, conclut que : "Il est évident, au regard de l'ensemble de ces pathologies, que son état, comme cela a été évoqué par le médecin-conseil, n'est pas compatible à l'époque, le 28/02/2021, avec une reprise du travail, s'agissant d'un travail de secrétaire médicale qui nécessite des exercices en suspension et des postures prolongées et douloureuses. […]
L'état de la victime, à la date de l'expertise, en date du 05/06/2021, n'est pas modifié par rapport à celui du 28/02/2021. Cette expertise intervient seulement à 4 mois de la précédente expertise.
Au 03/06/2021, dans la mesure où l'état de la patiente n'est pas modifié aux deux dates respectives d'expertise, les mêmes conclusions sont retenues pour son incapacité à reprendre le travail avec les difficultés d'ordre fonctionnel sus décrites et alléguées par la victime."

Le docteur [O] [V] ajoute qu'à partir du 03 juin 2021, Madame [M] [F] épouse [E] " est éligible à un travail à temps partiel (mi-temps) respectant les limites qu'elle décrit et qui sont objectivées par l'examen clinique et iconographique, à savoir l'interdiction du port de charge, l'interdiction de la station assise et debout prolongées, l'interdiction de monter et de descendre régulièrement les escaliers en raison de la dyspnée NYHA stade III, dyspnée au moindre effort.
La conduite automobile, en raison des lombalgies et des traitements anxiolytiques, somnifères, peuvent constituer une contre-indication notamment pour les longs trajets.
Cette reprise du travail doit être soumise à une évaluation ergonomique, et bénéficier d'un reclassement professionnel dans le cadre de la MDPH, une évaluation est nécessaire par un ergonome, un médecin du travail, un médecin MPR pour adapter le poste et définir la quotité de travail qu'elle pourrait effectuer.
Compte tenu de l'âge aujourd'hui de 58 ans et demi, cette reconversion professionnelle s'avère néanmoins difficile. "

Il ressort des conclusions du rapport d'expertise que le Docteur [O] [V] considère que l'état de santé de Madame [M] [F] épouse [E] au 03 juin 2021 était semblable à celui constaté lors du précédent examen médical, réalisé le 02 février 2021 par le médecin-conseil de la Caisse, à la suite duquel le médecin expert désigné a considéré que l'état de santé de l'assurée était alors incompatible avec la reprise d'une activité professionnelle quelconque.

Madame [M] [F] épouse [E] allègue qu'à compter du 03 juin 2021, l'expert énumère de nombreuses conditions et restrictions auxquelles la reprise d'une activité professionnelle devrait être subordonnée, rendant une telle reprise illusoire.

Le Docteur [O] [V], désigné par le tribunal, motive en effet son rapport d'expertise du 24 mai 2023 de la manière suivante : " A partir du 03/06/2021, Madame [F], épouse [E] aurait pu bénéficier d'un reclassement professionnel prenant en compte ses difficultés douloureuses au niveau du rachis cervical, lombaire et de l'épaule droite.
Son état par ailleurs n'est pas modifié à ce jour.
Elle est éligible à un travail à temps partiel (mi-temps) respectant les limites qu'elle décrit et qui sont objectivées par l'examen clinique et iconographique, à savoir l'interdiction du port de charge, l'interdiction de la station assise et debout prolongées, l'interdiction de monter et de descendre régulièrement les escaliers en raison de la dyspnée NYHA stade III, dyspnée au moindre effort.
La conduite automobile, en raison des lombalgies et des traitements anxiolytiques, somnifères, peuvent constituer une contre-indication notamment pour les longs trajets.
Cette reprise du travail doit être soumise à une évaluation ergonomique, et bénéficier d'un reclassement professionnel dans le cadre de la MDPH, une évaluation est nécessaire par un ergonome, un médecin du travail, un médecin MPR pour adapter le poste et définir la quotité de travail qu'elle pourrait effectuer.
Compte tenu de l'âge aujourd'hui de 58 ans et demi, cette reconversion professionnelle s'avère néanmoins difficile. "

Madame [M] [F] épouse [E] précise, en outre, qu'elle a été placée en invalidité de catégorie 2 à compter du 23 février 2024, ce qui corrobore les constatations faites par le Docteur [O] [V] quant à son état de santé qui ne se serait pas amélioré depuis la précédente expertise, réalisée le 03 juin 2021, ainsi qu'à son impossibilité effective d'exercer une activité professionnelle.

Aussi, l'ensemble de ces éléments permettent de considérer que Madame [M] [F] épouse [E] n'était pas apte à la reprise d'une activité professionnelle quelconque en date du 03 juin 2021 et jusqu'à ce jour.

Il appartiendra à la Caisse de procéder à la liquidation de ses droits à indemnités journalières en conséquence, en tenant compte, notamment, du respect des conditions administratives de versement de telles indemnités.

Sur la demande de frais irrépétibles :

L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, la Caisse sera condamnée à verser à Madame [M] [F] épouse [E] la somme de 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur les dépens

Succombant à l'instance, la Caisse sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile applicable, en vertu du paragraphe II de l'article R.142-1-A du code de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

DIT que Madame [M] [F] épouse [E] n'était pas apte à la reprise d'une activité professionnelle quelconque au 03 juin 2021 et jusqu'à ce jour ;

RENVOIE Madame [M] [F] épouse [E] devant la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne pour liquidation de ses droits ;

CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne à verser à Madame [M] [F] épouse [E] la somme de 800 euros (HUIT CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-et-Marne aux entiers dépens ;

RAPPELLE que ce jugement est susceptible d'appel dans le délai d'un mois à compter de sa notification aux parties.

Ainsi jugé et mis à disposition au greffe du tribunal le 17 juin 2024, et signé par la présidente et la greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE
Emilie NO-NEYMurielle PITON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 21/00590
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;21.00590 ?
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