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06/06/2024 | FRANCE | N°24/01466

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 2, 06 juin 2024, 24/01466


- N° RG 24/01466 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPLG
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE





Minute n°24/559
N° RG 24/01466 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPLG






le

CCC : dossier

FE :
-Me MEURIN
-Me ZIEGLER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU SIX JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE


PARTIES EN CAUSE


DEMANDEURS

Madame [J] [N] épouse [G]
Monsieur [R] [G]
[Adresse 2]
représentés par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au ba

rreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
représentée par Me Sébastien ZIEGLER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant


COMPOSITION D...

- N° RG 24/01466 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPLG
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Minute n°24/559
N° RG 24/01466 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDPLG

le

CCC : dossier

FE :
-Me MEURIN
-Me ZIEGLER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU SIX JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Madame [J] [N] épouse [G]
Monsieur [R] [G]
[Adresse 2]
représentés par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
représentée par Me Sébastien ZIEGLER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors du délibéré :
Président : M. BOURDEAU, Juge
Assesseurs: Mme VISBECQ, Juge
Mme BASCIAK, Juge

Greffière lors du délibéré : Mme CAMARO

Jugement rédigé par : Mme VISBECQ, Juge

DEBATS

A l'audience publique du 02 Mai 2024, tenue en rapporteur à deux juges : M.BOURDEAU et Mme VISBECQ assistés de Mme CAMARO, Greffière; le tribunal a, en application de l'article 786 du Code de Procédure Civile, examiné l’affaire les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.
Le juge chargé du rapport en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré pour le prononcé du jugement à l'audience de mise à disposition du 06 Juin 2024.

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, M. BOURDEAU, Président, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS

Le 31 mars 2022, la BNP PARIBAS a adressé à Monsieur [R] [G] et Madame [J] [N] épouse [G] (ci-après les époux [G]) une offre de prêt de 685 804,70 euros au taux d’intérêt annuel fixe de 1,3 % sur 25 ans, destiné à l’achat d’un terrain et à la construction d’une maison à usage de résidence principale [Adresse 3] ainsi qu’au remboursement de trois crédits consentis par la Société Générale pour l’acquisition de leur maison située [Adresse 2].

L’offre a prévu l’obligation pour les époux [G] de rembourser la somme de 236 000 euros dès la vente de leur bien immobilier sis à [Localité 5] et au plus tard le 24e mois suivant le premier versement du crédit.

L’offre a été signée électroniquement le 26 avril 2022 par Monsieur [R] [G] et le 28 avril 2022 par Madame [J] [N].

Les époux [G] ont obtenu le permis de construire le 21 juillet 2022 et signé l’acte de vente du terrain situé à [Localité 4] le 14 décembre 2022.

La BNP PARIBAS a versé les fonds suivants en exécution de l’offre de prêt :
— 150 000 euros pour le terrain acquis le 14 décembre 2022,
— 170 955,36 euros pour le remboursement des prêts Société Générale,
— 5000 euros pour payer l’architecte ayant réalisé l’avant-projet et constitué le dossier de permis de construire,
soit un total de 325 955,36 euros.

Les époux [G] ont réglé depuis lors des échéances mensuelles de 1017,09 euros.

Le 25 mars 2023, les époux [G] ont signé un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan avec la société SCVB, exerçant sous le nom commercial STANDING CONSTRUCTIONS au prix de 395 500 euros payable en fonction de l’avancement des travaux.

Il a été prévu que le contrat était soumis aux conditions suspensives suivantes :
— l’obtention d’un prêt BNP PARIBAS de 504 524 euros sur 25 ans,
— l’obtention d’une garantie de livraison avant l’ouverture du chantier,
— l’obtention d’une assurance dommages-ouvrage, que le constructeur était mandaté pour l’obtenir pour un coût de 7 724,11 euros, non compris dans le prix convenu.

Il a été prévu que la durée des travaux serait de 18 mois à compter de l’ouverture du chantier.

Le 29 juin 2023, les époux [G] ont transmis à la BNP PARIBAS un appel de fonds de 7 749,97 euros relatif à l’assurance dommages-ouvrage et une facture de la société BMTP de 2142 euros.

Le 31 juillet 2023, la société SCVB a adressé aux époux [G] une déclaration d’ouverture de chantier.

La BNP PARIBAS a refusé de verser les fonds, le prix du CCMI était supérieur au montant alloué à la construction dans le plan de financement du prêt.

Le 6 septembre 2023, la société SCVB et les époux [G] ont signé un avenant au contrat de construction, avec une moins-value de 41 077 euros pour suppression des aménagements des combles.

Malgré cette modification, la BNP PARIBAS a refusé de verser les fonds, estimant que la modification du projet de construction nécessite une nouvelle offre de prêt.

Par acte délivré le 11 mars 2024, les époux [G] ont assigné à jour fixe la BNP PARIBAS devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins d’obtenir le déblocage des fonds et l’indemnisation de leurs préjudices.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, les époux [G] demandent, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil, au tribunal de :
— condamner la BNP PARIBAS, sous astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir, à procéder aux déblocages de fonds suivants :
• 7749,97 euros au profit de la société STANDING CONSTRUCTION, au titre de la prise d’assurance dommages-ouvrage,
• 2142 euros au titre des frais de raccordement au réseau d’adduction d’eau (somme à régler pour 642,60 euros aux époux [G] et pour le surplus à l’entreprise),
• 99 206 euros au profit de la société STANDING CONSTRUCTION, au titre de l’appel de fonds fondations,
— condamner la BNP PARIBAS à leur payer à titre d’indemnisation de leur préjudice financier lié au retard d’exécution des appels de fonds, la somme de 6102,54 euros, compte arrêté au 1er mai 2024, outre 1017,09 euros par mois courant à compter de cette date et jusqu’à complet des appels de fonds (prime DO + raccordement + fondations) conditionnant la reprise normale du chantier,
— condamner la BNP PARIBAS à leur payer à titre d’indemnisation du préjudice par eux subi du fait du retard d’achèvement du chantier et par conséquent du retard de revente de leur actuelle maison, la somme de 1534 euros, compte arrêté au 1er mai 2024, outre 255,67 euros par mois à compter de cette date,
— faire interdiction à la BNP PARIBAS de considérer le défaut de paiement à bonne date des 236 000 euros contractuellement exigibles fin novembre 2024 comme un incident de remboursement du prêt, susceptible d’en justifier la déchéance du terme, et ce pendant 18 mois courant à compter du jour où elle aura procédé au paiement des appels de fonds permettant la reprise des travaux,
— condamner la BNP PARIBAS à leur payer la somme de 10 000 euros chacun en indemnisation de leur préjudice moral,
— condamner la BNP PARIBAS à leur payer la somme de 8000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la BNP PARIBAS aux dépens de l’instance et ceux qui en seront la suite.

Les époux [G] demandent que la BNP PARISBAS débloque les fonds conformément au contrat de prêt qui constitue la loi des parties. Ils indiquent que le maintien du contrat d’architecte n’est pas une condition de validité du contrat de prêt, que l’objet de celui-ci est d’acheter un terrain et de construire une maison à usage de résidence principale et que la signature d’un CCMI sans fourniture de plan ne peut justifier l’inexécution de la banque. Ils ajoutent que l’avenant au CCMI comprend une moins-value permettant de maintenir l’enveloppe globale malgré l’augmentation du prix des matériaux. Ils exposent enfin qu’ils ont sollicité dès le 29 juin 2023 la banque afin qu’elle débloque les fonds nécessaires au paiement de l’assurance dommages-ouvrage et qu’aucune attestation ne peut être délivrée faute de paiement.

À l’appui de leurs demandes indemnitaires, ils expliquent qu’en raison du retard dans l’exécution de ses obligations contractuelles, ils subissent à la fois un préjudice financier et un préjudice moral.

Concernant le préjudice financier, ils font valoir qu’ils paient des intérêts intercalaires alors que le chantier est à l’arrêt et qu’ils ne peuvent vendre leur maison faute de possibilité de relogement. Ils sollicitent le paiement des échéances de 1017,09 euros versées de novembre 2023 à avril 2024 outre celles à échoir jusqu’au déblocage des fonds. Ils ajoutent qu’ils ne seront pas en mesure de rembourser la somme de 236 000 euros fin novembre 2024 et qu’ils devront dès lors s’acquitter d’intérêts de retard, soit 255,67 euros par mois outre une échéance de 1534 euros et sollicitent une indemnisation à hauteur de ces montants.

S’agissant du préjudice moral, ils allèguent qu’ils sont angoissés par le retard pris par le chantier et par l’éventualité de devoir négocier un nouveau prêt alors que les taux d’intérêt actuels ont fortement augmenté et ne leur permettront plus de financer leur projet tel qu’ils l’avaient prévu. Ils ajoutent qu’ils craignent, en cas de non paiement de la somme de 236 000 euros fin novembre 2024, que leur maison ne soit vendue aux enchères et qu’ils se retrouvent sans logement alors qu’ils ont un enfant.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, la BNP PARIBAS demande au tribunal de :
— débouter Madame [J] [N] et Monsieur [R] [G] de leurs demandes,
— condamner in solidum Madame [J] [N] et Monsieur [R] [G] à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner in solidum Madame [J] [N] et Monsieur [R] [G] aux dépens.

Pour s’opposer à la demande de déblocage de fonds, la BNP PARIBAS expose d’abord que les opérations de construction mises en œuvre par les époux [G] ne sont pas conformes à celles pour lesquelles le prêt a été consenti. Elle explique que les époux [G] devaient financer intégralement leur projet au moyen du prêt alors que désormais ils apportent la somme de 55 000 euros. Elle ajoute qu’ils devaient confier la réalisation de la construction de leur maison à un architecte pour un coût total de 354 523,52 euros et qu’ils ont finalement signé un CCMI pour un ouvrage de 450 000 euros, soit 100 000 euros de plus. Elle fait valoir en outre que le projet a été fortement diminué puisque les combles aménagés sont supprimés et qu’il ne subsiste qu’un seul étage. Elle rappelle ensuite qu’elle ne peut débloquer la portion des fonds relative aux opérations de construction qu’après avoir reçu l’attestation d’assurance dommages-ouvrage et précise qu’elle n’a pas ce document. Elle énonce enfin que le montant des fondations excède le pourcentage prévu par les articles L232-1 ; L242-1 et R231-7 du CCH (25 %).

À titre subsidiaire, elle rappelle au visa des articles L131-2 et R131-2 du CPCE qu’une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après une astreinte provisoire et qu’elle ne peut être antérieure à la signification. Elle ajoute que les époux [G] ne justifient pas de la nécessité de cette astreinte.

Elle conteste les demandes indemnitaires aux motifs que :
— la mensualité actuellement payée par les époux [G] ne correspond pas à des intérêts intercalaires mais au montant de la prime d’assurance et de l’échéance convenue rapportée proportionnellement aux décaissements effectués et que la preuve d’un lien avec le retard de chantier n’est pas apportée, pas plus que celle d’un préjudice,
— le préjudice financier lié au retard de vente de leur maison compte tenu de l’impossibilité de reprise du chantier n’est ni direct, ni actuel, ni certain,
— le préjudice moral n’est pas établi, les époux [G] indiquant dès septembre 2023 pouvoir vendre leur maison et être hébergés.

Elle fait valoir enfin, au visa de l’article 1193 du code civil, que le contrat ne peut être modifié que par l’accord des deux parties et que dès lors, le paiement de la somme de 236 000 euros fin novembre 2024 prévu par le contrat est dû. Elle ajoute que les époux [G] ne précisent pas le fondement juridique de leur demande d’interdiction de considérer l’absence de paiement comme un incident et de se prévaloir de la déchéance du terme.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 2 mai 2024 et mise en délibéré au 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’exécution forcée du contrat

Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés, de bonne foi.

Il résulte de l’article 1193 du code civil que les contrats ne peuvent être modifiés que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

L’article 1217 code civil prévoit que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
— refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
— poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
— obtenir une réduction du prix ;
— provoquer la résolution du contrat ;
— demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées. Des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.

L’article 1219 code civil ajoute qu’une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

En l’espèce, l’offre de prêt acceptée par les époux [G] prévoit que le premier versement doit avoir lieu après acceptation de l’offre par tous les intervenants. Il est précisé que les époux [G] doivent adresser préalablement à ce versement :
— une attestation de remboursement à hauteur de 236 000 euros à prélever sur le produit disponible de la vente de leur bien sis [Adresse 2] établie par le notaire,
— l’attestation dommages-ouvrage,
— le permis de construire,
— les copies des factures des travaux financés,
— l’ordre irrévocable donné au notaire de virer le produit de la vente.

Trois premiers versements ont eu lieu.

L’offre prévoit en outre que le solde est mis à disposition après signature de l’acte par un ou plusieurs chèques (ou virement) libellés à l’ordre des entrepreneurs qui lui lui sont adressés sur la demande des époux [G].

Alors que les époux [G] ont transmis des appels de fonds relatifs à la construction de leur maison dès juin 2023, aucune somme supplémentaire n’a été versée. La BNP PARIBAS a d’abord indiqué saisir son expert VERIFIMMO compte tenu de la modification du projet de construction puis a précisé en septembre 2023 que celui-ci avait émis un avis favorable, qu’un avenant était en cours de rédaction et que les factures pourraient être réglées après la signature de celui-ci. Cependant, en novembre 2023, elle a informé les époux [G] qu’un avenant n’était pas possible et qu’un nouveau prêt devait être formalisé. Il convient dès lors d’analyser si les époux [G] ont respecté leurs obligations et, le cas échéant, de déterminer si leur inexécution justifie celle de la BNP PARIBAS.

Sur l’existence d’un CCMI au lieu d’un contrat d’architecte :

Il résulte de l’offre de prêt, que celui-ci a été accordé pour l’achat d’un terrain et à la construction d’une maison à usage de résidence principale [Adresse 3] ainsi que pour rembourser trois crédits consentis par la Société Générale pour l’acquisition de leur maison située [Adresse 2]. Aucune mention à un contrat d’architecte ne figure dans l’offre.

Cependant, cette offre a été établi au vu de documents transmis par les époux [G] et notamment :
— une attestation de leur architecte datée du 23 mars 2022 indiquant :
Je (…) certifie que la présente opération ayant pour objet la construction d’une maison individuelle est réalisée pour le compte de M/Mme [G], qui m’ont confié une mission complète ou une mission comprenant au minimum la conception d’un projet architectural, l’assistance pour le dépôt de la demande de permis de construire et l’assistance pour la passation des marchés de travaux.
Cette opération est située [Adresse 3].
Je certifie que la construction sera réalisée par des entreprises de travaux choisies par le(s) maître(s) d’ouvrage.
(…)
Je certifie que le maître d’ouvrage confiera la réalisation des travaux constitutifs du « hors d’eau – hors d’air » à une pluralité d’entreprises juridiquement distinctes et apparemment indépendantes, à défaut je m’engage à l’informer de l’obligation de conclure avec cette entreprise de travaux un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan (CCMI) conformément aux dispositions de la loi n°90-1129 du 19 décembre 1990. Je suis informé que le non-respect de cette obligation d’information peut entraîner la requalification du contrat conclu avec l’entreprise de travaux en CCMI et que ma responsabilité pourrait être engagée.
— un avant-projet daté du 20 janvier 2022 réalisé par l’architecte précisant « LOT unique TCE », ce qui signifie qu’une entreprise prend en charge toutes les étapes nécessaires à la construction.
Ces documents ne permettent pas d’établir qu’un CCMI ne pouvait être signé.

Conformément à sa mission minimale, l’architecte a établi les plans, déposé la demande de permis de construire au nom des époux [G] et les a aidés dans la recherche d’entreprise de construction de maison.

Le 25 mars 2023, les époux [G] ont signé un contrat de construction d’une maison individuelle (CCMI) sans fourniture de plan au prix de 395 500 euros avec la société SCVB STANDING CONSTRUCTIONS.

Ainsi, les pièces produites aux débats ne permettent pas d’exclure la possibilité pour les époux [G] de confier la construction de leur maison à une société dans le cadre d’un CCMI sans fourniture de plan. Aucun manquement à leurs obligations ne peut être relevé sur ce point.

Sur le prix de la construction :

En l’espèce, la BNP PARIBAS a adressé une offre de prêt de 354 523,52 euros aux époux [G] pour la construction de leur maison au vu de l’avant-projet du 20 janvier 2022 réalisé par l’architecte prévoyant un coût de la construction de 345 000 euros.

Si les époux ont signé plus d’un an après un contrat de construction d’une maison individuelle avec la société SCVB STANDING CONSTRUCTIONS pour un prix dont une partie devait être payée directement par les maîtres de l’ouvrage, aucune disposition de l’offre de prêt ne leur interdit de financer au moyen de deniers propres une partie des travaux de construction.

S’agissant du coût financé par le prêt, les époux [G] ont signé un avenant au CCMI portant le coût de la construction à la somme de 354 423 euros, soit une somme supérieure à celle prévue par l’architecte mais inférieure à celle prévue par le prêt.

Compte tenu de ces éléments, aucun manquement à leurs obligations ne peut être relevé sur ce point.

Sur la valeur de la construction :

L’avenant au CCMI prévoit la suppression de l’ensemble de l’aménagement des combles (escalier, isolation et plâtrerie, électricité, chauffage, plomberie et sanitaire, revêtement de sols, portes intérieures). La maison devait comporter un rez-de-chaussée et des combles aménagés, de sorte que la maison réellement construite sera plus petite et ne comprendra plus autant de pièces.

L’offre de prêt prévoit un cautionnement par la société CREDIT LOGEMENT. À ce titre, l’emprunteur a l’interdiction « sans autorisation préalable de la banque, de céder ou d’hypothéquer le bien financé et d’accomplir tout acte susceptible d’en diminuer la valeur. Pour garantir les sommes qu’il pourrait devoir au prêteur ou au garant, l’emprunteur consent une promesse d’affectation hypothécaire du bien, objet du prêt, ou de tout autre bien de valeur équivalente, au bénéfice du prêteur ou du garant ».

Si la maison effectivement construite au moyen du crédit ne correspond plus à celle prévue et aura vraisemblablement une valeur moins importante compte tenu de la suppression des pièces situées au-dessus du rez-de-chaussée, l’obligation faite à l’emprunteur de ne pas diminuer la valeur de son bien n’est pas relative à l’offre de prêt mais au cautionnement, de sorte qu’aucune obligation les liant contractuellement à la BNP PARIBAS n’existe concernant la valeur du bien.

Ainsi, aucun manquement à leurs obligations issues du contrat de prêt ne peut être relevé sur ce point.

Sur la nécessité de produire préalablement une assurance dommages-ouvrage et une garantie livraison :

Il ressort de l’offre de prêt que l’attestation d’assurance dommages-ouvrage doit être produite préalablement au premier versement.

En l’espèce, le premier versement a eu lieu sans qu’elle soit produite, puis les époux [G] ont adressé à la banque dès le 29 juin 2023 une demande de décaissement du prêt à hauteur de 7749,97 euros afin de régler l’assurance dommages-ouvrage et de produire cette attestation. En conséquence, aucun manquement ne peut leur être reproché.

L’article L232-1 e) et g) du code de la construction et de l’habitation dispose que le contrat de louage d’ouvrage n’entrant pas dans le champ d’application de l’article L. 231-1 et ayant au moins pour objet l’exécution des travaux de gros œuvre, de mise hors d’eau et hors d’air d’un immeuble à usage d’habitation ou d’un immeuble à usage professionnel et d’habitation, ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage, doit être rédigé par écrit et préciser :
— la référence de l’assurance de dommages souscrite par le maître de l’ouvrage en application de l’article L. 242-1 du code des assurances,
— l’engagement de l’entrepreneur de fournir, au plus tard à la date d’ouverture du chantier, la justification de la garantie de livraison qu’il apporte au maître de l’ouvrage, l’attestation de cette garantie étant établie par le garant et annexée au contrat.

Il ne peut être déduit de ces dispositions une obligation pour la BNP PARIBAS de verser les fonds liés à la construction de la maison des époux [G] à la production de l’assurance dommage-ouvrage et de la garantie de livraison. Dès lors, aucun manquement ne peut être reproché aux époux [G] sur ce point.

Sur le pourcentage du prix dédié aux fondations :

L’article R231-7 du code de la construction et de l’habitation s’applique au CCMI avec fourniture de plan, or les époux [G] ont conclu un CCMI sans fourniture de plan.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la BNP PARIBAS ne saurait se prévaloir d’un quelconque non-respect des obligations légales ou contractuelles découlant de l’offre de prêt pour opposer un refus de versement des fonds relatifs à la construction de leur maison aux époux [G].

En conséquence, la BNP PARIBAS sera condamnée à procéder au déblocage des fonds suivants :
— 7749,97 euros au titre de l’assurance dommage-ouvrage,
— 2142 euros au titre du raccordement au réseau d’adduction d’eau,
— 99 206 euros au titre des fondations.

En application de l’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution, cette condamnation sera assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision afin d’en assurer l’exécution et plafonnée à un montant total de 30 000 euros. Cette astreinte sera provisoire conformément à l’article L131-2 du même code.

Sur les dommages et intérêts :

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Sur les échéances de 1017,09 euros :

L’offre de crédit prévoit au titre du remboursement du crédit :
— de la date d’ouverture du compte jusqu’au premier versement du crédit, le règlement de la prime d’assurance d’un montant de 195,03 euros,
— après le premier versement du crédit et pendant 24 mois maximum, le règlement de 1912,85 euros assurance incluse,
— si le remboursement de 236 000 euros intervient le 24e mois suivant le premier versement du crédit, le règlement de 1908,20 euros assurance comprise.

Elle précise que tant que le crédit n’est pas totalement versé, le montant du règlement est calculé au prorata du crédit utilisé sur le montant de 1717,82 euros pendant les 24 premiers mois.

Selon le courrier adressé par la BNP PARIBAS le 23 février 2023, les échéances de 1017,09 réglées par les époux [G] correspondent à la fraction de l’échéance convenue contractuellement relativement aux décaissements effectués, à savoir 325 955,36 euros sur les 680 478,88 euros prévus au total.

Ces échéances ne sauraient dès lors constituer un préjudice indemnisable dès lors que le paiement de ces sommes n’est pas en lien avec l’inexécution de la BNP PARIBAS mais correspond aux conditions de remboursement de la somme effectivement versée par l’organisme prêteur prévues par l’offre de prêt.

En conséquence, les époux [G] seront déboutés de leur demande.

Sur les échéances de 1534 et 255,67 euros :

Les époux [G] indiquent qu’ils ne parviendront pas à rembourser la somme de 236 000 euros au terme convenu, à savoir en novembre 2024, au motif que leur maison actuelle ne peut être vendue tant que la construction de la future maison n’est pas achevée.

Cependant, ce préjudice futur ne saurait être indemnisé au motif que la preuve de son caractère certain n’est pas rapporté. En effet, aucun élément ne permet de certifier que la maison ne sera pas vendue d’ici novembre 2024. En outre, les époux [G] avaient indiqué à la BNP PARIBAS le 30 août 2023 qu’ils allaient mettre en vente leur résidence principale plus tôt que prévu afin de combler la différence de prix. Ils ajoutaient qu’ils mettaient à jour les estimations de la maison et que les mandats de vente seraient signés avant la fin du mois de septembre. Ils prévoyaient une vente au prix de 320 000 euros, ce qui leur aurait permis un solde de 80 000 euros pour financer les derniers appels de fonds lorsque le prêt serait épuisé.

En conséquence, les époux [G] seront déboutés de leur demande.

Sur le préjudice moral :

Il résulte des développements ci-dessus que la BNP PARIBAS n’a pas exécuté ses obligations. Cette inexécution a engendré un préjudice moral pour les époux [G] en ce sens qu’ils ne peuvent achever leur projet immobilier alors que celui-ci a débuté et que les taux d’intérêt ont fortement augmenté de sorte qu’obtenir un nouveau prêt remet en cause tout espoir de concrétiser leur projet tel qu’il avait été prévu initialement.

En conséquence, il convient de condamner la BNP PARIBAS à leur payer la somme de 5000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande relative au remboursement des 236 000 euros :

Selon les dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

L’offre de prêt prévoit que les époux [G] s’engagent à rembourser la somme de 236 000 euros dès la vente de leur bien situé à [Localité 5] et au plus tard le 24e mois suivant le premier versement du crédit.

Les époux [G] indiquent qu’ils ne pourront pas payer cette somme au terme prévu en raison du retard pris par le chantier de construction. Ils précisent qu’ils ne peuvent pas vendre leur maison actuelle tant que leur future maison n’est pas achevée et que les travaux doivent durer 18 mois.

Le retard de réalisation du chantier étant dû à l’inexécution de ses obligations par la BNP PARIBAS, il convient d’accorder aux époux [G] un délai de dix-huit mois à compter de la signification du présent jugement pour rembourser la somme de 236 000 euros.

Sur les mesures de fin de jugement :

En application des dispositions de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire par provision.

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il y a lieu de condamner la BNP PARIBAS, partie qui succombe, aux dépens ainsi qu’au paiement aux époux [G] d’une somme de 3000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Elle sera en outre déboutée de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition, contradictoire et en premier ressort,

Condamne la BNP PARIBAS à procéder au déblocage des fonds suivants :
— 7749,97 euros au titre de l’assurance dommages-ouvrage,
— 2142 euros au titre du raccordement au réseau d’adduction d’eau,
— 99 206 euros au titre des fondations ;

Dit que cette condamnation sera assortie d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision et pour un montant ne pouvant excéder la somme de 30 000 euros ;

Condamne la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [R] [G] la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la BNP PARIBAS à payer à Madame [J] [N] épouse [G] la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Déboute Monsieur [R] [G] et Madame [J] [N] épouse [G] du surplus de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Accorde à Monsieur [R] [G] et Madame [J] [N] épouse [G] un délai de dix-huit mois à compter de la signification du présent jugement pour rembourser la somme de 236 000 euros ;

Condamne la BNP PARIBAS aux dépens ;

Condamne la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [R] [G] et Madame [J] [N] épouse [G] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la BNP PARIBAS de ses demandes au titre des dépens et des frais irrépétibles.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 2
Numéro d'arrêt : 24/01466
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;24.01466 ?
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