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06/06/2024 | FRANCE | N°22/04711

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 3, 06 juin 2024, 22/04711


- N° RG 22/04711 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCZ73
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 18 mars 2024

Minute n°24/554
N° RG 22/04711 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCZ73






Le

CCC : dossier

FE :
-Me MEURIN
-Me ARENTS



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU SIX JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A. CIC OUEST
[Adresse 1]
représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT

AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant

DEFENDEURS

Monsieur [V] [Y]
[Adresse 3]
Monsieur [N] [L]
[Adresse 2]
représentés par Maître Blandine ARENTS de la SCP ...

- N° RG 22/04711 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCZ73
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 18 mars 2024

Minute n°24/554
N° RG 22/04711 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CCZ73

Le

CCC : dossier

FE :
-Me MEURIN
-Me ARENTS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU SIX JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE

S.A. CIC OUEST
[Adresse 1]
représentée par Maître François MEURIN de la SELARL TOURAUT AVOCATS, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant

DEFENDEURS

Monsieur [V] [Y]
[Adresse 3]
Monsieur [N] [L]
[Adresse 2]
représentés par Maître Blandine ARENTS de la SCP ARENTS-TRENNEC, avocats au barreau de MEAUX, avocats postulant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge

Jugement rédigé par : M. ETIENNE, Juge

DEBATS

A l'audience publique du 04 Avril 2024 en présence de Mme [M] auditrice de justice, qui a été autorisée à participer au délibéré avec voix consultative.

GREFFIERE

Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;

Les 27 et 28 juillet 2018, la société DFCVET a conclu avec la société BNP PARIBAS, par actes sous seing privé, deux prêts professionnels n°61178473 et n°61178570, le premier d'un montant de 135 000 euros, remboursable en 84 mensualités et au taux d'intérêt annuel de 1,02 %, le second d'un montant de 293 000 euros, remboursable en 120 mensualités et au taux d'intérêt annuel de 1,38 %.

Dans ces mêmes actes, M. [L], président de la société DFCVET, et M. [Y], directeur général, se sont portés cautions solidaires, d’une part, du prêt n°61178473, dans la limite de la somme de 26 325 euros chacun et pour une durée de 110 mois, d’autre part, du prêt n°61178570, dans la limite de la somme de 57 135 euros chacun et sur une durée de 144 mois.

M. [L] et M. [Y] indiquent que la société BNP PARIBAS s’est également portée caution du paiement des loyers dus par la société DFCVET à la SCI BRETAGNE AVENIR, dans la limite de 192 000 euros et qu’elle a sollicité que chacun d’eux se porte caution envers elle de la moitié cette somme, soit 96 000 euros.

Enfin, le 4 septembre 2018, la société DFCVET a conclu avec la SA CIC OUEST, par acte sous seing privé, deux prêts n°1410400022071002 et n°1410400022071003, le premier d'un montant de 135 000 euros, remboursable en 86 mensualités et au taux d'intérêt annuel de 1,02 %, le second d'un montant de 293 000 euros, remboursable en 125 mensualités et au taux d'intérêt annuel de 1,34 %.

Dans ces mêmes actes, M. [L] et M. [Y] se sont portés cautions solidaires de ces deux prêts, dans la limite de la somme de 77 040 euros chacun et sur une durée de 107 mois.

Par jugement du 6 février 2020, le tribunal Judiciaire de Rennes a prononcé la liquidation judiciaire de la société DFCVET avec poursuite de l’activité jusqu’au 31 mars 2020.

Le 10 mars 2020, la SA CIC OUEST a déclaré ses créances entre les mains du mandataire judiciaire.

Par courriers recommandés en date du 26 juin 2020, la SA CIC OUEST a mis en demeure les cautions d'honorer leurs engagements, sans succès.

Dans ces conditions, par acte de commissaire de justice en date du 10 octobre 2022, elle les a assignés devant le tribunal judiciaire de Meaux afin principalement de les voir condamnés chacun au paiement d’une somme de 65 000 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 février 2024, la SA CIC OUEST demande au tribunal de :

« 
CONDAMNER Monsieur [N] [L] en sa qualité de caution, à payer à la Banque CIC OUEST la somme de 65.000 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,CONDAMNER Monsieur [V] [Y] en sa qualité de caution, à payer à la Banque CIC OUEST la somme de 65.000 € avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,DEBOUTER Messieurs [L] et [Y] de leurs demandes, fins et conclusions contraires,DECERNER ACTE à la Banque CIC OUEST de son rapport à justice concernant les délais de paiement sollicités par Messieurs [L] et [Y],CONDAMNER Monsieur [N] [L] et Monsieur [V] [Y] à payer à la Banque CIC OUEST, chacun, la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.CONDAMNER Monsieur [N] [L] et Monsieur [V] [Y] aux entiers dépens. »
Au soutien de ses demandes, la SA CIC OUEST se fonde sur les articles L. 331-1 ancien du code de la consommation et L. 313-22 ancien du code monétaire et financier et explique que les engagements de caution souscrits ne sont pas manifestement disproportionnés compte tenu des déclarations faites par MM. [Y] et [L] dans leurs fiches de renseignement et que ces derniers ne peuvent se prévaloir du caractère erroné des mentions qui y sont portées.

Si elle admet que les financements accordés à la société DFCVET l’ont été en conjointement avec la société BNP PARIBAS, elle conteste l’existence d’un pool bancaire et soutient ne pas avoir eu connaissance des engagements souscrits par MM. [Y] et [L] auprès de cette banque.

Elle ajoute que MM. [Y] et [L] sont en capacité de faire face à leurs engagements puisqu’ils ont repris leur activité depuis 2022 et qu’ils perçoivent des revenus annuels d’au moins 36 000 euros.

Elle ajoute qu’elle a bien transmis l’information annuelle prévue par l’article L. 313-22 du code monétaire et financier pour l’année 2019.

Enfin, elle indique qu’elle n’est pas opposée à l’octroi de délais de paiement aux défendeurs.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, MM. [Y] et [L] demandent au tribunal de :

« I. A TITRE PRINCIPAL : SUR LA DISPROPORTION DE LA CAUTION

1. JUGER que les engagements de caution souscrits par Monsieur [V] [Y] étaient disproportionnés par rapport à ses biens et revenus ;
2. JUGER que les engagements de caution souscrits par Monsieur [N] [L] étaient disproportionnés par rapport à ses biens et revenus ;
3. JUGER que le la Société CIC OUEST ne peut se prévaloir des engagements cautions souscrits par Messieurs [V] [Y] et [N] [L]

En conséquence

4. DEBOUTER la Société CIC OUEST de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [V] [Y].
5. DEBOUTER la Société CIC OUEST de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre Monsieur [N] [L].

II. A TITRE SUBSIDAIRE : SUR L’INFORMATION ANNUELLE DE LA CAUTION ET L’INFORMATION DU PREMIER INCIDENT DE PAIEMENT

1. JUGER que la Société CIC OUEST a manqué à son obligation d’information annuelle des cautions, ainsi qu’à son obligation d’avertissement du premier incident de paiement ;

En conséquence

2. DIRE et JUGER que la Société CIC OUEST est déchue de son droit aux intérêts depuis la souscription des prêts,
3. DIRE et JUGER que les paiements effectués par la société DFCVET à la Société CIC OUEST s’imputeront sur le principal de la dette,
4. DIRE et JUGER que la société CIC OUEST doit produire un nouveau décompte actualisé ;
5. DIRE et JUGER qu’à défaut elle sera déboutée de ses demandes.

III. SUBSIDIAIREMENT, SUR LES DELAIS DE PAIEMENT.

1. ACCORDER à Messieurs [V] [Y] et [N] [L] un échéancier de deux ans pour régler les condamnations prononcées à leur encontre.

IV. EN TOUT ETAT DE CAUSE :

1. CONDAMNER la société CIC OUEST à payer à Messieurs [V] [Y] et [N] [L] la somme 3 000 €uros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile
2. CONDAMNER la Société CIC OUEST aux entiers dépens. »

Au soutien de leurs demandes, fondées sur les articles L. 331-1 ancien du code de la consommation, L. 313-22, L. 333-1 et L. 343-6 anciens du code monétaire et financier, ainsi que sur l’article 1345-4 du code civil, MM. [Y] et [L] expliquent que la SA CIC OUEST ne peut se prévaloir des engagements de caution souscrits puisqu’ils étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et biens en raison des autres engagements qu’ils avaient souscrits auprès de la société BNP PARIBAS et que la SA CIC OUEST ne pouvait ignorer puisque :

l’ensemble des prêts et cautionnements ont été conclus par l’intermédiaire d’un même courtier et avec l’intervention de la BPI FRANCE, ces prêts et cautions présentent des caractéristiques identiques ou proches, les contrats de prêt conclus auprès de la société BNP PARIBAS mentionnent expressément l’intervention de la SA CIC OUEST, l’accord de financement fourni par la SA CIC OUEST le 7 juin 2018 fait état de ce que le financement accordé à la société DFCVET a été réalisé dans le cadre d’un pool bancaire,la SA CIC OUEST a été destinataire d’un courriel, le 20 juillet 2018, auquel était joint les accords de financement de la BPI FRANCE, accords qui mentionnaient les quatre prêts souscrits par la société DFCVET et les engagements de cautions souscrits par ses président et directeur général.
Pour les mêmes raisons, ils considèrent que la SA CIC OUEST ne peut se prévaloir des fiches de renseignement fournies lors de la conclusion de leurs engagements de caution.

Ils soutiennent qu’aucun retour à meilleur fortune n’est établi à ce jour et que celui-ci doit s’apprécier en tenant compte de leurs revenus mais également de leurs dettes et patrimoine, lesquels ne permettent pas aujourd’hui de faire face à leurs engagements.

MM. [Y] et [L] soutiennent enfin que la preuve de l’envoi par la banque de la lettre annuelle d’information prévue par l’article L. 313-22 du code monétaire et financier n’est pas rapportée, ce qui justifie que la banque soit subsidiairement déchue de son droit aux intérêts et que les sommes déjà versées par la société DFCVET soient imputées en priorité sur le principal.

La clôture de l’instruction est intervenue le 18 mars 2024 par ordonnance du même jour et l’affaire a été fixée à l’audience du 4 avril 2024 pour être plaidée.

La décision a été mise en délibéré au 6 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS

Sur la demande de condamnation des cautions

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l’article L. 332-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, un créancier professionnel ne peut toutefois se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus.

Elle s'apprécie au regard du montant de l'engagement et des biens et revenus de la caution et en tenant compte de l'endettement global de celle-ci, y compris celui résultant d'engagements de caution.

Enfin, il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir que, au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l’espèce, il est constant que, par acte sous seing privé du 4 septembre 2018, MM. [Y] et [L] se sont chacun portés cautions de deux prêts n°1410400022071002 et n°1410400022071003 souscrits par la société DFCVET auprès de la SA CIC OUEST, sur une durée de 107 mois et pour un montant total de 77 040 euros chacun.

MM. [Y] et [L] font valoir que ces engagements étaient manifestement disproportionnés lors de leur conclusion eu égard à d’autres cautionnements qu’ils avaient précédemment souscrits.

S’il n’est pas établi, comme ils le prétendent, qu’ils se soient engagés auprès de la société BNP PARIBAS pour garantir le paiement du paiement des loyers dus par la société DFCVET à la SCI BRETAGNE AVENIR, la seule pièce produite pour en justifier étant un projet de financement sur lequel leurs noms ne figurent pas, MM. [Y] et [L] justifient en revanche qu’ils se sont chacun porté caution auprès de cette banque, les 27 et 28 juillet 2018, du paiement des échéances de deux prêts n°61178473 et n°61178570 accordés à la société DFCVET et ce sur une durée de 110 et 144 mois et pour un montant total de 83 460 euros (26325 + 57135).

La SA CIC OUEST soutient que MM. [Y] et [L] ne leur ont pas fait part de ces engagements, ce qui n’est pas contesté par les défendeurs qui, toutefois, affirment qu’elle ne pouvait l’ignorer compte tenu des raisons précédemment évoquées.

La SA CIC OUEST ne conteste pas que les quatre prêts accordés à la société DFCVET ont été conclus par l’intermédiaire d’un seul et même courtier, la société FINANCE CONSEIL.

MM. [Y] et [L] produisent un courriel de cette société envoyé à la BPI FRANCE, daté du 9 mai 2018, dont il ressort notamment les mentions suivantes : « Bonjour Mme [W], Je reviens vers vous concernant le dossier de la SELAS DFCVET - création d'un hôpital vétérinaire sur [Localité 4] suite aux échanges que j'ai pu avoir avec le Dr [L] et également avec le CIC et la BNP sur ce dossier. Je souhaitais éclaircir les points relatifs à l'apport et à la chronologie du dossier car cela a pu porter à confusion.
En effet en décembre 2017 nous avons présenté le dossier à plusieurs partenaires bancaires dont la Caisse d'Epargne, le CIC, la BNP avec le plan de financement suivant […]
A l'issue de ces tours de table il en ressorti les réponses suivantes:
BNP-accord pour un financement à 50% avec un apport de 60 000 € pour suivre ce financement sur les bases présentées avec couverture BPI
CIC-accord pour un financement à 50% avec un apport de 60 000 € pour suivre ce financement sur les bases présentées avec couverture BPI
Caisse d'Epargne: ils nous ont indiqué qu'ils souhaitaient réaliser le dossier seul […].
Début avril nous avons à nouveau rencontré les différentes banques interrogées en décembre 2017 afin de leur présenter le nouveau plan de financement.
La BNP et le CIC vont ont sollicité sur ce plan de financement pour une intervention à 50% chacun avec l'apport de 160 000 € […] »

Le fait que la société FINANCE CONSEIL évoque dans ce courriel des échanges entre la SA CIC OUEST et la société BNP PARIBAS mais également une présentation à ces sociétés d’un plan de financement au cours du mois de décembre 2017, ainsi que l’existence d’un tour de table entre les parties puis d’un accord de la SA CIC OUEST et de la société BNP PARIBAS sur un financement du projet à hauteur de 50% chacune tend à démontrer que la SA CIC OUEST n’ignorait pas que la BNP PARIBAS devait participer au financement du projet porté par la société DFCVET, et ce dans le cadre d’un pool bancaire.

L’existence de ce pool est corroborée par la mention au sein des prêts accordés par la SA BNP PARIBAS que leur objet était de financer l’acquisition de matériels et de travaux d’agencement, par moitié « au moyen du Prêt BNP PARIBAS » et par moitié « au moyen du Prêt CIC », ainsi que par les similitudes portant sur les caractéristiques des quatre prêts accordés à la société DFCVET, tant s’agissant du capital emprunté que du nombre de mensualités de remboursement et du taux d’intérêt applicable.

L’existence de ce pool bancaire est également établie par la mention expresse, dans l’accord de financement daté du 7 juin 2018 transmis par la SA CIC OUEST à la société DFCVET, que le financement du projet était « réalisé en pool bancaire ».

L’ensemble de ces pièces établit donc l’existence d’un pool bancaire et la connaissance par la SA CIC OUEST des deux prêts accordés par la société BNP PARIBAS.

Bien que l’existence de cautionnements souscrits par MM. [Y] et [L] en garantie de ces deux prêts ne figure ni dans le courriel de la société FINANCE CONSEIL, ni dans l’accord de financement daté du 7 juin 2018, ni dans les contrats de prêts accordés par la SA CIC OUEST, il convient de relever que ces engagements sont expressément mentionnés dans les actes conclus les 27 et 28 juillet 2018 avec la société BNP PARIBAS que la SA CIC OUEST ne pouvait ignorer compte tenu de l’existence du pool bancaire précédemment évoqué.

Par ailleurs, les défendeurs produisent un courriel de M. [L] transmis à la SA CIC OUEST le 20 juillet 2018 auquel était joint l’accord de financement de BPI FRANCE qui rappelle expressément que la société DFCVET a conclu deux prêts auprès la société BNP PARIBAS et que ceux-ci étaient garantis, notamment, par les « cautionnements solidaires de Mr [V] [Y] et [N] [L] à concurrence de 15% chacun de l’encours [des] crédits ».

La SA CIC OUEST ne pouvait donc ignorer que MM. [Y] et [L] s’étaient portés cautions des prêts accordés par la société BNP PARIBAS et cela à compter du 20 juillet 2018 au plus tard. Elle ne peut donc se prévaloir du fait que les défendeurs n’aient pas fait état de charges particulières lors de leur engagement de caution.

En définitive, il apparait que MM. [Y] et [L] se sont chacun portés caution, le 4 septembre 2018, de deux prêts souscrits auprès de la SA CIC OUEST pour un montant total de 77 040 euros chacun et sur une durée de 107 mois et cela après s’être précédemment engagés chacun en qualité de caution et pour garantir le paiement de deux autres prêts souscrits auprès de la société BNP PARIBAS, pour un montant total de 83 460 euros chacun et sur une durée de 110 et 144 mois.

Leur engagement total était donc d’un montant de 160 500 euros chacun.

Or MM. [Y] et [L] disposaient au mois de septembre 2017 d’une épargne respective de 55 389,37 et 61 213,71 euros selon un document de synthèse produit par la demanderesse et percevaient des revenus annuels respectifs de 23 314 et 20 830 euros selon les avis d’impôts sur leurs revenus 2016 produits par la SA CIC OUEST.

Il apparait ainsi qu’en cas de défaillance de la société DFCVET et après affectation de l’entier patrimoine de MM. [Y] ou de [L] au remboursement de la créance de la SA CIC OUEST, chacun d’eux devait encore au créancier un reliquat représentant respectivement 4,5 ou 4,7 années de l'ensemble de leurs ressources pérennes, et plus encore après imputation des différentes charges nécessaire à la vie courante.

Dès lors, l’appel des cautions était de nature à les priver du minimal nécessaire à leurs besoins et était donc manifestement disproportionné à leurs biens et revenus à la date de leur souscription.

En conséquence, la SA CIC OUEST ne peut s’en prévaloir, sauf à démontrer un retour à meilleur fortune des défendeurs.

Sur ce point, la SA CIC OUEST fait seulement état d’une reprise par MM. [Y] et [L] d’une activité professionnelle, sans justifier de leurs revenus ou patrimoine actuels.

Par conséquent, elle ne démontre pas que MM. [Y] et [L] sont aujourd’hui en capacité de faire face à leurs obligations.

Dans ces conditions, il convient de la débouter de ses demandes de condamnation de MM. [Y] et [L], en leur qualité de caution, au paiement chacun d’une somme de 65 000 euros.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La SA CIC OUEST, qui succombe, doit être condamnée au paiement des dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

En vertu de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’espèce, l’équité commande que la SA CIC OUEST soit condamnée à payer à MM. [Y] et [L] une somme de 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande de condamnation faite sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal judiciaire, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE la SA CIC OUEST de sa demande de condamnation de M. [N] [L] au paiement d’une somme de 65 000 euros en exécution de son engagement de caution ;

DEBOUTE la SA CIC OUEST de sa demande de condamnation de M. [V] [Y] au paiement d’une somme de 65 000 euros en exécution de son engagement de caution ;

CONDAMNE la SA CIC OUEST à payer à M. [N] [L] et M. [V] [Y] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA CIC OUEST de sa demande de condamnation de M. [N] [L] et M. [V] [Y] au paiement chacun d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA CIC OUEST aux dépens de l’instance.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 3
Numéro d'arrêt : 22/04711
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;22.04711 ?
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