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30/05/2024 | FRANCE | N°24/01925

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, Jex - contentieux, 30 mai 2024, 24/01925


- N° RG 24/01925 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQQ6
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MEAUX
___________

Juge de l'Exécution


N° RG 24/01925 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQQ6

Minute n° 24/100


JUGEMENT du 30 MAI 2024


Par mise à disposition, le 30 mai 2024, au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux, a été rendu le présent jugement, par M. Maxime ETIENNE, Juge au tribunal judiciaire de Meaux, désigné par ordonnance du président de cette juridiction pour exercer les fonctions de juge de l’exécution, assisté de M

adame Fatima GHALEM, greffier, lors des débats et au prononcé de la décision ;

Dans l'instance N° RG 24/01925 - N° ...

- N° RG 24/01925 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQQ6
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MEAUX
___________

Juge de l'Exécution

N° RG 24/01925 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQQ6

Minute n° 24/100

JUGEMENT du 30 MAI 2024

Par mise à disposition, le 30 mai 2024, au greffe du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux, a été rendu le présent jugement, par M. Maxime ETIENNE, Juge au tribunal judiciaire de Meaux, désigné par ordonnance du président de cette juridiction pour exercer les fonctions de juge de l’exécution, assisté de Madame Fatima GHALEM, greffier, lors des débats et au prononcé de la décision ;

Dans l'instance N° RG 24/01925 - N° Portalis DB2Y-W-B7I-CDQQ6

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.C.I. CONFERENCIEL immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 809 5900698
[Adresse 2]
[Localité 4]

non comparante représentée par Me Arnaud MAGERAND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

DÉFENDERESSE :

S.A.R.L. MC CONSTRUCTION 95 immatriculée au RCS de Versailles sous le numéro 490 718 400
[Adresse 1]
[Localité 3]

non comparante représentée par Maître Benoît EYMARD de l’AARPI EYMARD SABLIER ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

Après avoir entendu à l’audience publique du 02 mai 2024, puis en avoir délibéré conformément à la loi en faisant préalablement connaître que la décision serait prononcée par mise à disposition au greffe à la date d’aujourd’hui, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile ;

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 24 juin 2019, la SCI CONFERENCIEL a confié à la SARL MC CONSTRUCTION 95 le lot gros œuvre d’une opération immobilière de réhabilitation d’un site industriel situé à [Localité 4].

Reprochant à la SARL MC CONSTRUCTION 95 plusieurs retards et dysfonctionnements dans l’exécution du marché, la SCI CONFERENCIEL a résilié celui-ci par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 30 octobre 2020.

Saisi par la SARL MC CONSTRUCTION 95, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a notamment, par ordonnance en date du 2 décembre 2020, ordonné une mesure d’expertise confiée à M. [L] [J], remplacé par M. [W] [Y] par ordonnance du 25 mars 2021, avec pour missions principales de relever et décrire les désordres allégués par la SCI CONFERENCIEL, donner son avis sur leurs origines, causes, étendues et conséquences et évaluer leurs incidences afin de permettre à toute juridiction de se prononcer sur le bienfondé de la résiliation du marché.

Ultérieurement saisi par la SARL MC CONSTRUCTION 95, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux l’a autorisé par ordonnance en date du 29 février 2024 à faire pratiquer une saisie conservatoire des sommes détenues par tout établissement bancaire pour le compte de la SCI CONFERENCIEL, afin de garantir le paiement d’une somme de 482 129 euros et, en cas d’insuffisance des sommes saisies, à faire pratiquer une saisie conservatoire de tous biens meubles corporels saisissables se trouvant au siège de cette société.

Par actes de commissaire de justice du 21 mars 2024, la SARL MC CONSTRUCTION 95 a fait pratiquer deux saisies conservatoires des sommes détenues par la SCI CONFERENCIEL dans les livres du CREDIT LYONNAIS et de la SOCIETE GENERALE.

Par actes de commissaire de justice du 26 mars 2024, ces saisies ainsi que l’ordonnance précitée ont été dénoncées à la SCI CONFERENCIEL.

Par acte de commissaire de justice du 5 avril 2024, la SCI CONFERENCIEL a assigné la SARL MC CONSTRUCTION 95 devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Meaux afin principalement d’obtenir la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées et sa condamnation au paiement d’une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 2 mai 2024.

Lors de l'audience, la SCI CONFERENCIEL, représentée par son conseil, s’est référée aux termes de son assignation à laquelle il convient de se rapporter pour un plus ample exposé des motifs, pour demander au juge de l’exécution de :

Ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées sur ses comptes bancaires,Condamner la SARL MC CONSTRUCTION 95 à lui payer une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,La condamner au paiement des dépens,La condamner au paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de sa demande de mainlevée, fondée principalement sur l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, la SCI CONFERENCIEL explique que la créance dont se prévaut la SARL MC CONSTRUCTION 95 n’est pas fondée en son principe puisque le document de synthèse sur laquelle elle s’appuie repose sur une méthodologie critiquable et sur des pièces qui présentent de nombreuses incohérences et contradictions.

La SCI CONFERENCIEL ajoute qu’aucune circonstance ne menace le recouvrement de cette créance. A ce titre, elle relève que les saisies conservatoires ont permis de geler la somme totale de 482 129 euros, que le centre de conférence dont elle est propriétaire a été estimé à 60 millions d’euros, que ses revenus mensuels sont d’environ 321 317 euros hors taxes, que son capital social est évalué à 2,5 millions d’euros, que ses associés sont tenus indéfiniment aux dettes sociales et qu’elle ne fait l’objet d’aucune procédure collective.

S’agissant de sa demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts, la SCI CONFERENCIEL se fonde sur l’article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution et sur l’article 1240 du code civil. Elle explique que la SARL MC CONSTRUCTION 95 avait parfaitement connaissance de ses capacités financières lorsqu’elle a sollicité puis pratiqué les mesures conservatoires litigieuses, agissant ainsi de façon malveillante, et que ces mesures lui ont causé un préjudice d’image auprès des tiers saisis.

La SARL MC CONSTRUCTION 95, représentée par son conseil, s’est référée aux termes de ses dernières conclusions auxquelles il convient de se rapporter pour un plus ample exposé des motifs, pour demander au juge de l’exécution de :

Débouter la SCI CONFERENCIEL de sa demande de mainlevée,La condamner au paiement des dépens,La condamner au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En réponse à la demande de mainlevée, se fondant principalement sur l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ainsi que sur les articles 1104, 1224 à 1230 et 1794 du code civil, la SARL MC CONSTRUCTION 95 soutient qu’elle détient une créance fondée en son principe et menacée dans son recouvrement.

Sur le premier point, elle explique que M. [Y] a considéré dans un document de synthèse daté du 27 septembre 2023 que les griefs qui lui ont été reprochés par la SCI CONFERENCIEL pour justifier de la résiliation du marché étaient infondés et que cette résiliation était motivée par un changement de projet du maitre d’ouvrage et par la désignation de la société NEC pour lui succéder, ce plusieurs mois avant la résiliation.

Sur le second point, elle relève que les saisies conservatoires se sont révélées en grande partie infructueuses, que plusieurs comptes de la SCI CONFERENCIEL ont fait l’objet d’un nantissement, que l’attestation que cette société fournit de son expert-comptable n’est fondée sur aucun élément objectif et qu’elle est contredite par le caractère infructueux des saisies, que la SCI CONFERENCIEL est partie à d’autres procédures judiciaires, que la situation financière de ses associés, bien que tenus indéfiniment aux dettes sociales, est inconnue, de même que les charges de cette société et, enfin, que le capital social de la demanderesse ne permet pas de garantir le paiement de la totalité des sommes dont il est demandé la condamnation au fond.

En réponse à la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts formulée par la SCI CONFERENCIEL, la SARL MC CONSTRUCTION 95 soutient qu’aucune faute, préjudice ou lien de causalité n’est démontré pour justifier de son bienfondé.

L’affaire a été mise en délibéré au 30 mai 2024.

MOTIFS

Sur les demandes de mainlevée et de paiement de dommages et intérêts

Selon l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Selon l’article L. 512-1 du même code, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

Enfin l’article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il résulte du courrier de résiliation du marché confié à la SARL MC CONSTRUCTION 95 que la SCI CONFERENCIEL a motivé sa décision par les éléments suivants : le non-respect des délais de réalisation des études d'exécution que la défenderesse s’était engagée à remettre au plus tard le 26 juillet 2019, de graves retards pris dans l'exécution des travaux sur l'ensemble des bâtiments, l'insuffisance des effectifs déployés pour l'exécution des missions qui lui ont été confiées, l’absence d'encadrement de son personnel sur le chantier et, enfin, sa décision de suspendre les travaux sur le bâtiment 1 en raison de l'absence de personnel.

Afin de justifier de l’existence d’une créance fondée en son principe, la SARL MC CONSTRUCTION 95 soutient que cette résiliation n’était pas justifiée et que, de ce fait, elle peut prétendre au paiement de dommages et intérêts.

Pour en justifier, elle s’appuie sur un document établi par M. [Y] le 27 septembre 2023, dont l’objet est de synthétiser le déroulement de l’expertise, les dires des parties et les réponses qui y ont été apportées et de répondre aux missions confiées par l’ordonnance de référé.

A la lecture de ce document, il apparait que M. [Y] a indiqué en réponse à la mission relative aux délais de réalisation convenues entre les parties et leur respect qu’ « en l'état actuel, des pièces en possession et des arguments avancés par les parties, [...] si l'entreprise MC CONSTRUCTION 95 avait pu poursuivre les travaux aucun retard n'aurait été constaté », l’expert précisant toutefois qu’il lui est « difficile d'établir le retard de [la société MC CONSTRUCTION 95] dès lors que son marché a été mis en régie pour partie et que son marché a été résilié après 33% du montant de son marché. »

Par ailleurs, en réponse à la mission relative aux conditions dans lesquelles le chantier a été interrompu et le rôle respectif des parties dans cette situation, l’expert a relevé, s’agissant de l’insuffisance des effectifs déployés par la SARL MC CONSTRUCTION 95 pour l'exécution des missions confiées, que, d’après les factures qui lui ont été fournies, des ouvriers agissant pour le compte de cette société ont été présents de façon continue sur le chantier et que, selon une lettre de la société ADPO, maitre d’œuvre, cet effectif oscillait entre 9 et 12 ouvriers alors qu’un minimum de 40 ouvriers était nécessaire pour suivre la cadence. Sur ce point, l’expert indique cependant que les effectifs de la société NEC sélectionnée pour succéder à la SARL MC CONSTRUCTION 95 ont été en moyenne de 16 ouvriers, que cette société était comparable à la défenderesse au regard de son effectif et chiffre d’affaires et qu’il était par conséquent « peu compréhensible de pointer du doigt le manque de moyen humain et [de] recourir à une société ayant le même profil que MC CONSTRUCTION 95 ».

S’agissant du non-respect par la défenderesse des délais de réalisation des études d'exécution, M. [Y] a indiqué que « la société MC CONSTRUCTION 95 a dû faire face au changement de maitre d'œuvre et à juste titre refaire valider les études émises.
De plus, le projet de la SCI CONFERENCIEL se décompose en 3 bâtiments. A la lecture du planning 2.1, le démarrage de chaque bâtiment est distinct. De ce fait, la production devait s'étaler au fur et à mesure des démarrages successifs.
Suite à la précédente expertise (LESCOUARC'H), des malfaçons d'ordres structurels ont été constatés nécessitant la reprise de certaines études […].
10 mois après l'ordre de service n°1 de MC CONSTRUCTION 95, la solution réparatoire n'était pas validée et ne l'était peut-être pas en date de sa résiliation de contrat.
De ce qui précède, il est évident que la production des études techniques de chacun des bâtiments ne pouvait pas être produite en une seule et même fois.
Il est également compréhensible que l'on ne produit pas d'étude technique sur des problèmes de structure dès lors que la solution n'est pas clairement définie. En date du 19 novembre 2021, date du dépôt de rapport, il n'est pas clairement défini que les solutions réparatoires soient actées.
Par conséquent, le retard sur la non remise de document s'avère plus qu'exagéré voire trompeuse. »

L’expert conclut en indiquant qu’en l’état actuel des pièces en sa possession, « la résiliation du contrat est dénuée de tout fondement […] » et que le préjudice causé à la SARL MC CONSTRUCTION 95 doit être évalué à la somme de 796 066,74 euros HT, soit 955 280,09 euros TTC.

La SCI CONFERENCIEL s’oppose à ces conclusions, considérant qu’elles reposent sur des pièces présentant de nombreuses incohérences et contradictions et ajoutant que la méthodologie utilisée par M. [Y] est critiquable.

Sur le premier point, il convient de relever que cette société ne produit pas les pièces auxquelles elle fait référence pour conclure à l’existence d’incohérences et de contradictions, principalement les feuilles de paie, factures fournisseurs, éventuels comptes-rendus de réunion d’expertise, constats d’huissier et pièces comptables de la SARL MC CONSTRUCTION 95.

Par ailleurs, il convient de relever que ces griefs ont déjà été formulés par la SCI CONFERENCIEL à l’occasion des dires 3 et 4 et que l’expert y a répondu en relevant notamment que la disparité relevée par la SCI CONFERENCIEL entre le nombre d’heure travaillées selon la SARL MC CONSTRUCTION 95 et les feuilles de paie que cette dernière avait produites résultait d’une erreur de la SCI CONFERENCIEL relative à l’identité des ouvriers intervenus sur le chantier, et que l’application d’un simple calcul dont il fournissait le détail permettait de considérer que les intérimaires facturés à la SARL MC CONSTRUCTION 95 étaient bien présents sur le chantier.

En outre, ces griefs ont conduit la SCI CONFERENCIEL a saisir le juge du contrôle des expertises pour solliciter que M. [Y] se fasse adjoindre un sapiteur, ce qui lui a été refusé par ordonnance en date du 16 février 2024 au motif que M. [Y] « a fait état de l'ensemble des pièces produites par les parties et a analysé chacune d'elles, le cas échéant, en les confrontant entre elles », qu’il a « répondu à la note financière de Monsieur [B] [G] sur les points querellés », que les factures qui comporteraient plusieurs incohérences n’ont pas été émises par la SARL MC CONSTRUCTION 95 mais par les prestataires de cette société, que l'expert a maintenu certaines factures de matériaux et en a retiré d'autres du calcul en ce qu'elles ne pouvaient effectivement pas être rattachées avec certitude au chantier de la SCI CONFERENCIEL, qu’il a confronté les heures des intérimaires facturés avec d'autres documents produits par les parties et notamment le pointage des personnes présentes sur le chantier.

Bien qu’un appel de l’ordonnance rendue le 16 février 2024 a été interjeté par la SCI CONFERENCIEL, ces éléments contredisent l’affirmation selon laquelle les conclusions de M. [Y] seraient fondées sur des pièces présentant de nombreuses incohérences et contradictions.

Sur le second point, force est de constater qu’aucun développement n’est fait dans les écritures de la SCI CONFERENCIEL à propos de la méthodologie utilisée par l’expert.

A ce titre il convient de relever que M. [Y] a mentionné que la méthode qu’il avait adoptée pour établir les délais de réalisation attendus par les parties n’était que théorique, en développant ses explications sur près de douze pages et sur la base, notamment, d’un rapport d’expertise et d’une note de M. [G], qualifié de conseiller technique de la SCI CONFERENCIEL.

Ces éléments illustrent que M. [Y] a au contraire agi avec prudence, non seulement pour choisir la méthodologie applicable mais également pour tirer les conclusions reprises dans son document de synthèse.

Ainsi ce document apparait suffisamment probant.

Or celui-ci permet d’établir qu’au moins trois des cinq raisons ayant motivé la résiliation du chantier confié à la SARL MC CONSTRUCTION ne paraissent pas fondées, à savoir le non-respect des délais de réalisation des études d'exécution, les graves retards pris dans l'exécution des travaux et l'insuffisance des effectifs déployés pour l'exécution des missions, et que cette situation pourrait ouvrir droit à la SARL MC CONSTRUCTION au paiement par la SCI CONFERENCIEL d’une somme de 955 280,09 euros TTC.

Il en résulte que la créance dont se prévaut la SARL MC CONSTRUCTION 95 parait fondée en son principe.

Les parties s’accordent sur le fait que deux garanties ont été accordées à la SARL MC CONSTRUCTION 95 pour un montant total de 482 129,98 euros, de sorte que la SCI CONFERENCIEL pourrait devoir la somme de 473 150,11 euros (955 280,09 - 482 129,98) en cas de condamnation.

Sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance

Pour établir l’existence de circonstances susceptible de menacer le recouvrement de cett créance, la SARL MC CONSTRUCTION 95 évoque principalement l’existence d’un nantissement de plusieurs comptes détenus par la SCI CONFERENCIEL, le fait que cette société soit partie à plusieurs procédures judiciaires et le comportement adopté par cette société, notamment la réticence à délivrer la garantie prévue par l’article 1799-1 du code civil.

La SCI CONFERENCIEL ne conteste pas ces éléments factuels.

Par ailleurs, les pièces versées aux débats permettent de constater que la SCI CONFERENCIEL a effectivement été condamnée par la cour d’appel de Paris, par arrêt du 20 septembre 2021, à fournir sous astreinte la garantie précitée dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’arrêt, que cette astreinte a commencé à courir le 15 novembre 2021 et que la SCI CONFERENCIEL ne s’est exécutée que le 24 janvier 2022, après qu’un projet d’assignation aux fins de liquidation lui ait été transmis.

La SCI CONFERENCIEL n’apporte aucune explication susceptible de justifier de ce retard.

Elle produit une attestation établie par son expert-comptable, M. [D] [X], qui déclare qu’elle « est propriétaire d'un centre de congrès à [Localité 4], d'une valeur de plus de 60 000 000 euros […] perçoit en moyenne des revenus mensuels hors taxes d'un montant de 321 317 euros, soit un chiffre d'affaires annuel minimum de 3 855 804 euros [et] est à jour de ses obligations fiscales et sociales. » Il conclut en indiquant que, « au regard de ses charges et du mode d'exploitation des biens lui appartenant, […] ladite société dispose d'une solvabilité sans faille et d'une bonne santé financière. »

Si une telle attestation permet d’établir que la SCI CONFERENCIEL dispose d’un patrimoine immobilier important et de revenus mensuels confortables, il convient de relever, d’une part, que ce patrimoine serait difficilement mobilisable pour payer rapidement la créance à laquelle pourrait prétendre la SARL MC CONSTRUCTION 95 et, d’autre part, qu’aucun élément n’est produit par SCI CONFERENCIEL pour justifier de ses charges mensuelles alors qu’elles sont pourtant susceptibles de réduire de manière conséquente le chiffre d’affaire tiré de ses activités.

Sur ce point, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la demanderesse, les deux saisies conservatoires effectuées sur ses comptes n’ont pas permis de saisir la totalité de la créance litigieuse mais une somme plus limitée de 177 823,52 euros, ce qui tend à démontrer que les charges de la SCI CONFERENCIEL grèvent une part importante de ses revenus.

La SCI CONFERENCIEL évoque également la responsabilité indéfinie de ses associés pour répondre aux dettes sociales. Toutefois, elle ne produit aucun élément susceptible d’établir leur situation financière et ne démontre donc pas qu’ils seraient en capacité de payer la créance litigieuse.

Quant à l’existence d’un capital social d’un montant de 2 005 000 euros, il n’est pas établi que celui-ci suffira à payer cette créance si la SCI CONFERENCIEL devait être condamnée à l’issue d’autres procédures judiciaires.

Enfin, le fait que la SCI CONFERENCIEL ne fasse actuellement l’objet d’aucune procédure collective ne suffit pas à écarter l’existence des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, dont certaines dépendent d’évènements non encore réalisés et d’autres sont étrangères à la capacité financière de la demanderesse.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il existe un risque suffisamment sérieux que la SARL MC CONSTRUCTION 95 rencontre une nouvelle résistance de la SCI CONFERENCIEL si celle-ci venait à être condamnée pour résiliation fautive du marché de gros œuvre, voire qu’elle ne puisse obtenir le paiement total des sommes auxquelles elle pourrait prétendre compte tenu de l’existence de suretés ou d’autres condamnations judiciaires de la SCI CONFERENCIEL.

La SARL MC CONSTRUCTION 95 justifie donc d’une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Dans ces conditions, la SCI CONFERENCIEL doit être déboutée de sa demande de mainlevée ainsi que de sa demande de condamnation de la SARL MC CONSTRUCTION 95 au paiement de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SCI CONFERENCIEL, qui succombe, doit être condamnée au paiement des dépens.

L’équité commande par ailleurs de la condamner à payer à la SARL MC CONSTRUCTION 95 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter de sa demande fondée sur ce même article.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution,

DEBOUTE la SCI CONFERENCIEL de sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par la SARL MC CONSTRUCTION 95 sur le fondement de l’ordonnance rendue le 29 février 2024 ;

DEBOUTE la SCI CONFERENCIEL de sa demande de condamnation de la SARL MC CONSTRUCTION 95 au paiement d’une somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE la SCI CONFERENCIEL à payer à la SARL MC CONSTRUCTION 95 la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SCI CONFERENCIEL au paiement des dépens.

Et le présent jugement a été signé par Maxime ETIENNE, juge de l’exécution, et par Fatima GHALEM, greffier.

Le greffier Le juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : Jex - contentieux
Numéro d'arrêt : 24/01925
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;24.01925 ?
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