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23/05/2024 | FRANCE | N°22/04839

France | France, Tribunal judiciaire de Meaux, 1ère ch. - sect. 3, 23 mai 2024, 22/04839


- N° RG 22/04839 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC2NY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 22 janvier 2024

Minute n°24/424
N° RG 22/04839 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC2NY






Le

CCC : dossier

FE :
-Me MICHON DU MARAIS
-Me REIS TOURANGIN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


JUGEMENT DU VINGT TROIS MAI DEUX MIL VINGT QUATRE



PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Monsieur [S] [P]
Madame [M] [X]
[Adresse 2]
représentés par

Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE

S.A.S. BUILDER
[Adresse 1]
représentée par Me Isabelle...

- N° RG 22/04839 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC2NY
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
1ERE CHAMBRE

Date de l'ordonnance de
clôture : 22 janvier 2024

Minute n°24/424
N° RG 22/04839 - N° Portalis DB2Y-W-B7G-CC2NY

Le

CCC : dossier

FE :
-Me MICHON DU MARAIS
-Me REIS TOURANGIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU VINGT TROIS MAI DEUX MIL VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE

DEMANDEURS

Monsieur [S] [P]
Madame [M] [X]
[Adresse 2]
représentés par Maître Laëtitia MICHON DU MARAIS de la SCP MALPEL & ASSOCIES, avocats au barreau de MEAUX, avocats plaidant

DEFENDERESSE

S.A.S. BUILDER
[Adresse 1]
représentée par Me Isabelle REIS TOURANGIN, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :
Présidente : Mme RETOURNE, Juge
Assesseurs: Mme GRAFF, Juge
M. ETIENNE, Juge

Jugement rédigé par : Mme GRAFF, Juge

DEBATS

A l'audience publique du 14 Mars 2024
GREFFIERE

Lors des débats et du délibéré : Mme CAMARO, Greffière

JUGEMENT

contradictoire, mis à disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Mme RETOURNE, Présidente, ayant signé la minute avec Mme CAMARO, Greffière ;

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] (ci-après les consorts [P] – [X]) sont propriétaires d'une maison d'habitation située [Adresse 2] (77).

Suivant devis du 6 février 2018 d'un montant de 52.724,70 euros accepté le 10 février 2018, ils ont confié à la société BUILDER la réalisation de travaux de rénovation, consistant notamment dans la fourniture et la pose d’un nouveau carrelage au sol.

Un procès-verbal de réception des travaux a été signé le 3 septembre 2018 assorti de réserves.

Par la suite, les consorts [P] – [X] se sont plaints de désordres affectant ce carrelage.

Une expertise amiable a eu lieu et un rapport d’expertise a été rendu le 17 septembre 2020.

La société SMA, assureur de la société BUILDER, leur a opposé un refus de garantie au motif qu'elle n'était pas l'assureur à l'ouverture du chantier.

Par ordonnance du 27 janvier 2021, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Meaux a ordonné une expertise judiciaire.

L'expert judiciaire a établi son rapport le 5 mars 2022.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 19 octobre 2022, les consorts [P] – [X] ont assigné la société BUILDER aux fins de :

« condamner la société BUILDER à payer à Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] les sommes suivantes :* 18.528,12 euros TTC au titre des travaux réparatoires, outre indexation sur l'évolution de l'indice BT01 entre la date de dépôt du rapport de l'Expert Judiciaire (5 mars 2022) et la date du jugement à intervenir,
* 2.214 euros TTC au titre de la dépose et repose de la cuisine,
* 1.104,60 euros TTC au titre du déménagement,
* 941,80 euros TTC au titre du réaménagement,
* 409,27 euros au titre de la location du garde meubles,
* 1.400 euros au titre du relogement,
* 2.000 euros au titre du préjudice moral,
* 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société BUILDER aux entiers dépens de référé et de fond comprenant le coût de l'expertise judiciaire (taxée à la somme de 5.638,09 euros TTC) et accorder à la SCPA MALPEL ET ASSOCIES, Maître Lætitia MICHON DU MARAIS, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile,
juger n’y avoir lieu à écarter le bénéfice de l'exécution provisoire ».
Au visa des articles 1103, 1231-1 et 1792 du code civil, les consorts [P] – [X] soutiennent que la responsabilité de la société BUILDER est engagée tant sur le plan contractuel qu'au titre de la garantie décennale. Sur le plan contractuel, ils font valoir que la société BUILDER est tenue à une obligation de résultat et que l'expert a conclu que sa responsabilité était engagée pour des travaux de pose de carrelage non conformes aux règles de l'art en raison d'une absence d'adhérence généralisée de la colle au carrelage. Au titre de la garantie décennale, ils relèvent que l'expert a indiqué que les désordres rendront l'ouvrage impropre à sa destination.

La société BUILDER a constitué avocat mais n'a pas conclu.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

Par ordonnance du 22 janvier 2024, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a renvoyé l'affaire à l’audience collégiale du 14 mars 2024 pour y être plaidée et mise en délibéré au 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I – Sur les demandes en paiement

Sur la responsabilité de la société BUILDER

La responsabilité décennale

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Il est de principe que le fondement décennal, dès lors qu'il est applicable, est exclusif de celui de la responsabilité contractuelle de droit commun.

De plus, les travaux litigieux de pose du carrelage sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sein de l’article 1792 du code civil, mais portent sur un élément d’équipement.

En l'espèce, l'expert a constaté une absence d'adhérence de la colle au carrelage généralisée qui est à l'origine des anomalies relevées.

Il retient que la responsabilité technique de la société BUILDER est engagée pour des travaux de pose de carrelage non conformes aux règles de l'art et, en réponse à un dire des consorts [P] – [X], il précise qu'à terme, la propagation des désordres affectant le sol rendra l'ouvrage impropre à sa destination.

Cependant, les conditions de la responsabilité décennale ne sont pas réunies dès lors que le risque invoqué n’est pas démontré dans le cadre de la présente procédure, il s'analyse en un risque hypothétique et futur.

En conséquence, il n'y a pas lieu de retenir la responsabilité de la société BUILDER au titre de la garantie décennale.

La responsabilité de droit commun

L'article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En application de l'article 1217 du même code, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment demander réparation des conséquences de l'inexécution et l'article 1231-1 du même code précise que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Il est de principe que, dans le cadre de sa responsabilité contractuelle l’entrepreneur est soumis à une obligation de résultat, celle de réaliser des travaux exempts de vices, conformes aux règles de l'art, aux stipulations contractuelles et à la réglementation en vigueur.

En l’espèce, il est constant que les parties se sont entendues sur la réalisation de travaux dont notamment la fourniture et la pose d’un nouveau carrelage au sol dont les consorts [P] – [X] indiquent que ces travaux ont mal été réalisés.

L'expert a relevé des anomalies dans la pose du carrelage occupant le salon, la salle à manger, la zone cuisine entrée et le couloir, représentant environ 65m2, en ces termes :
le carrelage sonne creux,une absence de joints sur certaines zones,les joints se délitent et les désordres sont évolutif,un tassement des carreaux lors de la circulation.
Il a précisé que l'origine du désordre tenait au fait que le mortier de colle n'avait pas adhéré à la sous-face des carreaux et qu'il appartenait à la société BUILDER de s'assurer que les sous-faces des carreaux présentaient suffisamment de porosité, de relief ou de rainures pour garantir l'efficacité de l'adhérence.

L'expert a considéré que les travaux incombant à la société BUILDER n’avaient pas été réalisés conformément aux règles de l'art.

Il en résulte que les constatations et conclusions de l’expert judiciaire mettent en évidence à la charge de la société BUILDER des malfaçons et non-conformités aux règles de l’art qui justifient de retenir sa responsabilité sur le fondement de l’article 1231-1 code civil.

Sur les demandes indemnitaires

Sur le préjudice matériel

Les consorts [P] – [X] sollicitent diverses sommes au titre des travaux réparatoires et frais afférents.

L'expert a précisé que la réparation nécessitait une dépose complète et évacuation des sols carrelages existants et la fourniture et la pose d'un nouveau sol carrelage conforme aux règles de l'art.

Il a retenu, suivant devis de la société ILLICO TRAVAUX en date du 12 juillet 2021, la somme de 16.843,75 euros HT, soit 18.528,12 euros TTC.

La société BUILDER, n'ayant pas conclu, n’apporte par définition aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de ce devis qu'il conviendra de retenir.

En conséquence, la société BUILDER sera condamnée à payer aux consorts [P] – [X] la somme de 18.528,12 euros TTC au titre des travaux réparatoires.

En outre, cette somme sera actualisée en fonction de l'indice BT01 entre le 5 mars 2022, date du rapport d'expertise, et le présent jugement.

L'expert a préconisé également une phase préalable aux travaux consistant en un déménagement des mobiliers, y compris dépose et repose de la cuisine équipée, qu'il évalue comme suit :
s'agissant de la dépose et de la repose de la cuisine, selon devis de la société IMPACT KUIZINE en date du 28 mai 2021 produit, la somme de 1.800 euros HT, soit 2.214 euros TTC,s'agissant du déménagement et du réaménagement, selon devis de la société DES BRAS EN + en date du 25 juin 2021, les sommes de 920,50 euros HT soit 1.104,60 euros TTC et 784,83 euros HT soit 941,80 euros TTC,s'agissant de la location d'un garde-meubles, selon devis de la société UNE PIECE EN PLUS, la somme de 409,27 euros,s'agissant de la location d'un logement, selon courrier de la société ORPI en date du 4 juin 2021, la somme de 1.400 euros hors charges.
La société BUILDER, n'ayant pas conclu, n’apporte par définition aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de ces devis qu'il conviendra de retenir.

En conséquence, la société BUILDER sera condamnée à payer aux consorts [P] – [X] les sommes de :
2.214 euros TTC au titre de la dépose et repose de la cuisine,1.104,60 euros TTC au titre du déménagement,941,80 euros TTC au titre du réaménagement,409,27 euros au titre de la location du garde meubles,1.400 euros au titre du relogement.
Sur le préjudice moral

Les consorts [P] – [X] sollicitent la somme de 2.000 euros au titre du préjudice moral.

Au regard de l'étendue du préjudice, comme établie ci-dessus, de sa durée et des contraintes en lien avec les travaux réparatoires estimés par la société ILLICO TRAVAUX à « 2 mois en milieu inoccupé », il sera alloué aux consorts [P] – [X] la somme de 2.000 euros.

En conséquence, la société BUILDER sera condamnée à payer aux consorts [P] – [X] la somme de 2.000 euros au titre de leur préjudice moral.

II – Sur les dispositions de fin de jugement

Sur les dépens

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L'article 699 du même code indique que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.

En l’espèce, la société BUILDER, succombant, sera condamnée aux dépens de la présente instance, comprenant les frais de l'expertise judiciaire. Il sera fait droit à la demande de distraction au bénéfice Maître Lætitia MICHON DU MARAIS.

En revanche, la demande des consorts [P] – [X] de condamnation de la société BUILDER aux dépens de la procédure de référé sera rejetée, le juge des référés ayant vidé sa saisine par ordonnance du 27 janvier 2021 et dit que les dépens resteront à leur charge.

Sur les frais irrépétibles

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

En l'espèce, la société BUILDER sera condamnée à verser aux consorts [P] – [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

L’article 514 du code de procédure civile dispose que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En conséquence, l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

CONDAMNE la société BUILDER à payer à Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] la somme de 18.528,12 euros TTC euros au titre des travaux réparatoires ;

DIT que cette somme sera actualisée en fonction de l'indice BT01 entre le 5 mars 2022, date du rapport d'expertise, et le présent jugement ;

CONDAMNE la société BUILDER à payer à Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] les sommes de :
2.214 euros TTC au titre de la dépose et repose de la cuisine ;1.104,60 euros TTC au titre du déménagement ;941,80 euros TTC au titre du réaménagement ;409,27 euros au titre de la location du garde meubles ;1.400 euros au titre du relogement ;2.000 euros au titre de leur préjudice moral ;
CONDAMNE la société BUILDER aux dépens de la présente instance, comprenant les frais de l'expertise judiciaire, avec distraction au bénéfice de Maître Lætitia MICHON DU MARAIS ;

REJETTE la demande de Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] de condamnation de la société BUILDER aux dépens de référé ;

CONDAMNE la société BUILDER à payer à Monsieur [S] [P] et Madame [M] [X] la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Meaux
Formation : 1ère ch. - sect. 3
Numéro d'arrêt : 22/04839
Date de la décision : 23/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-23;22.04839 ?
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