TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
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3ème Chbre Cab A4
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ORDONNANCE D’INCIDENT
AUDIENCE DE PLAIDOIRIE DU 28 MAI 2024
DÉLIBÉRÉ DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/12420 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2X2C
AFFAIRE : S.D.C. [Adresse 9]
C/ S.A. SMA SA
Nous, Madame YON-BORRIONE, Vice-présidente chargée de la Mise en Etat de la procédure suivie devant le Tribunal judiciaire de Marseille, assistée de Madame ESPAZE, greffière dans l’affaire entre :
DEMANDEUR
Syndicat des Copropriétaires de la [Adresse 9] [Adresse 5] [Localité 2]
représenté par son Syndic en exercice la S.A.R.L. CITYA [Adresse 8]
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 352 590 616
dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représenté par Maître Philippe CORNET de la SELARL C.L.G., avocats au barreau de MARSEILLE
DÉFENDERESSE
S.A. SMA SA
anciennement SMABTP
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 775 684 764
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Maître Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 juillet 2024, puis prorogé au 03 septembre 2024.
Ordonnance signée par YON-BORRIONE Nathalie, Vice-présidente et par ESPAZE Pauline, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Localité 7] [Adresse 9] a entrepris en qualité de maître d’ouvrage la construction d’un ensemble immobilier composé de deux bâtiments, comprenant un total de 109 logements à usage d’habitation avec parking sur une parcelle sise [Adresse 5] [Localité 2].
Un contrat d’assurance globale maitrise d’ouvrage a été souscrit auprès de la SA SAGENA, devenue la SA SMA, ainsi qu’une garantie dommages-ouvrage.
Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 25 mai 2007.
Le syndicat des copropriétaires a procédé à plusieurs déclarations de sinistre auprès de la SA SMA en qualité d’assureur dommages-ouvrage.
Le 28 juin 2017, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] a saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 15 décembre 2017 a désigné Monsieur [X] en qualité d’expert.
Le rapport a été déposé le 13 septembre 2021.
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Suivant exploit du 5 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] a fait assigner la SMABTP devant le présent tribunal aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de 26.145 euros, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 23 février 2024, la SA SMA en lieux et place de la société SMABTP, demande au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 1792 et 1792-2-4 du code civil, de :
- dire forclose l’action et les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9],
- dire toute demande contre la SA SMA irrecevable,
- à titre subsidiaire, dire prescrite l’action et les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9],
- condamner le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de Maître Françoise BOULAN.
Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 8 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] demande au juge de la mise en état, sur le fondement des articles 1892, 2239 et 2241 du code civil et R112-1 et L114-1 du code des assurances, de :
- rejeter les demandes de la SA SMA tendant à la forclusion et la prescription de l’action,
- condamner la SA SMA à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’incident.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription
- Sur le délai décennal
L’article L242-1 al 1er du code des assurances énonce que toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
La SA SMA fait valoir que le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] est irrecevable en ses demandes formées au delà du délai décennal.
Or, cette analyse résulte d’une confusion entre la forclusion décennale de l’action du maître d’ouvrage contre les constructeurs et le fait que l’assureur dommages-ouvrage ne garantit que des dommages de nature décennale.
Il est constant que le maître d’ouvrage peut agir à l’égard de l’assureur dommages-ouvrage après l’expiration du délai décennal à la double condition que le désordre soit apparu dans le délai décennal et que l’action soit exercée dans le délai biennal à l’encontre de l’assureur à compter de la découverte du désordre.
En l’espèce, les déclarations de sinistre ont été réalisées dans le délai d’épreuve :
- le 1er septembre 2015,
- le 18 août 2016,
- le 20 juillet 2016.
La question de savoir si les désordres déclarés par le syndicat des copropriétaires sont de nature décennale et donc couverts par la garantie dommages-ouvrage n’est pas une fin de non recevoir mais une question de fond, qui relève de la compétence exclusive du juge du fond.
L’action du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] à l’encontre de la SA SMA est soumise uniquement à la prescription biennale de l’article L114-1 du code des assurances.
- Sur la prescription biennale
L’article L114-1 du code des assurances dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. Par exception, les actions dérivant d'un contrat d'assurance relatives à des dommages résultant de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols, reconnus comme une catastrophe naturelle dans les conditions prévues à l'article L. 125-1, sont prescrites par cinq ans à compter de l'événement qui y donne naissance.
Toutefois, ce délai ne court :
1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;
2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.
Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.
La prescription est portée à dix ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur et, dans les contrats d'assurance contre les accidents atteignant les personnes, lorsque les bénéficiaires sont les ayants droit de l'assuré décédé.
Pour les contrats d'assurance sur la vie, nonobstant les dispositions du 2°, les actions du bénéficiaire sont prescrites au plus tard trente ans à compter du décès de l'assuré.
L’article R112-1 du code des assurances énonce que les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1, à l'exception des polices d'assurance relevant du titre VII du présent code, doivent indiquer :
-la durée des engagements réciproques des parties ;
-les conditions de la tacite reconduction, si elle est stipulée ;
-les cas et conditions de prorogation ou de résiliation du contrat ou de cessation de ses effets ;
-les obligations de l'assuré, à la souscription du contrat et éventuellement en cours de contrat, en ce qui concerne la déclaration du risque et la déclaration des autres assurances couvrant les mêmes risques ;
-les conditions et modalités de la déclaration à faire en cas de sinistre ;
-le délai dans lequel les indemnités sont payées ;
-pour les assurances autres que les assurances contre les risques de responsabilité, la procédure et les principes relatifs à l'estimation des dommages en vue de la détermination du montant de l'indemnité.
Elles doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II du livre Ier de la partie législative du présent code concernant la règle proportionnelle, lorsque celle-ci n'est pas inapplicable de plein droit ou écartée par une stipulation expresse, et la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.
Les polices des sociétés d'assurance mutuelles doivent constater la remise à l'adhérent du texte entier des statuts de la société.
Les polices d'assurance contre les accidents du travail doivent rappeler les dispositions légales relatives aux déclarations d'accidents et aux pénalités pouvant être encourues à ce sujet par les employeurs.
En l’espèce, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] estime que les conditions générales du contrat d’assurance ne sont pas conformes aux dispositions de l’article R112-1 du code des assurances.
L’article 34.2 des conditions générales stipule que :
“Toute action dérivant de votre contrat est prescrite par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance (article L114-1 du code).
La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption ou par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre ; elle peut l’être également par une action en paiement de cotisation ou par une action en règlement d’indemnité de sinistre, dès lors que ces actions se manifestent par l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception (article L114-2 du code).”
Il a été jugé par la 3ème chambre civile dans son arrêt du 26 novembre 2015 n°14-23.863 que
les exigences de l’article R112-1 du code des assurances ne sont pas remplies lorsque le contrat ne précise pas les causes ordinaires d’interruption de la prescription.
En l’espèce, s’il est exact de constater que le contrat énumère quelques causes d’interruption de la prescription, il ne rappelle et n’énumère pas toutes les causes ordinaires des articles 2240 à 2246 du code civil.
Les clauses du contrat de la SA SMA ne respectent pas le formalisme prescrit par l’article R112-1 du code des assurances.
En conséquence, elle ne peut se prévaloir de la survenue de la prescription biennale à l’égard du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9].
A titre surabondant, il est par ailleurs constaté que le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] avait procédé à plusieurs actes interruptifs de prescription.
Sur les demandes accessoires
Il n’y a pas lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure.
Les dépens de l’incident suivront le sort de l’affaire au fond.
PAR CES MOTIFS
Statuant après débats en audience publique par ordonnance mise à la disposition des parties au greffe, contradictoire et susceptible d’appel dans les conditions de l’article 795 du Code de procédure civile,
Déclarons recevable l’action du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 9] à l’encontre de la SA SMA venant aux droits de la société SMABTP,
Disons n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Disons que les dépens de l’incident suivront le sort de l’affaire au fond,
Renvoyons les parties à l’audience de mise en état électronique du 12 novembre 2024 pour conclusions au fond de Maître BOULAN.
AINSI ORDONNÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE.
LA GREFFIÈRE LA JUGE DE LA MISE EN ÉTAT
Me Philippe CORNET de la SELARL C.L.G.
Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE