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15/07/2024 | FRANCE | N°24/00900

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Juge des libertés, 15 juillet 2024, 24/00900


COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
[Adresse 2]


ORDONNANCE N° RC 24/00900


SUR REQUÊTE EN CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION
et
SUR DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE


(art L. 742-1 à L. 742-3, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13 à L. 743-15, L. 743-17, L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024)


Nous, Clara GRANDE, Vice-Président,

Juge des Libertés et de la détention au Tribunal Judiciaire de Marseille, assistée de Célia SANDJIVY, Greffier,
si...

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
[Adresse 2]

ORDONNANCE N° RC 24/00900

SUR REQUÊTE EN CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION
et
SUR DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

(art L. 742-1 à L. 742-3, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13 à L. 743-15, L. 743-17, L. 743-19, L. 743-20, L. 743-24, L. 743-25 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024)

Nous, Clara GRANDE, Vice-Président, Juge des Libertés et de la détention au Tribunal Judiciaire de Marseille, assistée de Célia SANDJIVY, Greffier,
siégeant publiquement, dans la salle d'audience aménagée au [Adresse 4] à proximité du Centre de Rétention administrative du [Localité 8] en application des articles L. 742-1, L. 743-4, L 743-6, L. 743-7, L. 743-20 et L. 743-24 du CESEDA

Vu les articles L. 742-1 à L. 742-3, L. 743-4, L. 743-6, L. 743-7, L. 743-9, L. 743-13 à L. 743-15, L. 743-17, L. 743-19, L. 743-20 à L. 743-25 et R. 742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Les avis prévus par l’article R 743-3 du CESEDA ayant été donnés par le Greffier ;

Vu la requête reçue au greffe le 13 Juillet 2024 à 17h25, présentée par Monsieur [U] [J] [C], né le 29 janvier 1991 à [Localité 6] (Grèce)

Vu la requête reçue au greffe le 14 Juillet 2024 à 13h09, présentée par Monsieur le Préfet du département des Bouches du Rhone,

Attendu que Monsieur le Préfet régulièrement avisé, n’est pas représenté

Attendu que la personne concernée par la requête, avisée de la possibilité de faire choix d'un avocat ou de solliciter la désignation d'un avocat commis d'office , déclare vouloir l'assistance d'un Conseil ;

Attendu que la personne concernée par la requête est assistée de Me Ludivine GARCIA
avocat commis d’office qui a pris connaissance de la procédure et s’est entretenu librement avec son client ;

Attendu qu'en application de l'article L. 141-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la personne étrangère présentée ayant refusé d'indiquer au début de la procédure la langue qu'elle comprend, le français est utilisé dans la présente procédure ;

Attendu qu’il est constant que Monsieur [U] [J] [C]

A fait l’objet d'une des sept mesures prévues aux articles L. 722-2, L. 731-1, L. 731-2, L. 732-3,
L. 733-8 à L. 733-12, 741-1, L. 741-4; L. 741-5, L. 741-7, L. 743-16, L. 744-1, L. 751-2 à L. 751-4, L. 751-9 et L. 751-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , et en l'espèce:

a fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français n°241313212M en date du 11 juin 2024 et notifié le 20 juin 2024 à 10h53

édicté moins de trois ans avant la décision de placement en rétention en date du 12 juillet 2024 notifiée le 13 juillet 2024 à 9h46,

Attendu qu'il est rappelé à la personne intéressée , ainsi que dit au dispositif , les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention ;

SUR LA CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION

La personne étrangère requérante déclare : j’ai remis à mon arrivée au centre de rétention administrative l’original de mon passeport au greffe, je suis étonné que vous ne l’ayez pas en procédure.

L’avocat de la personne étrangère requérante entendu en ses observations :le placement est fondé sur une décision datée du 11 juin 2024, un recours a été exercé devant le tribunal administratif de Marseille contre cette OQTF, il est en France depuis de très nombreuses années, il a sa famille en France, il s’est établi en France, il a la possibilité d’être hébergé, il n’a pu joindre des membres de sa famille qui est sur Paris, qui pourront l’héberger. Il convient de privilégier une assignation à résidence, il un passeport qui n’est pas en cours de validité mais c’est un passeport européen.
Il y a un défaut d’examen de la situation de Monsieur, la vulnérabilité de son état n’a pas été prise en compte, il a été opéré il y a 2 semaines du genou, il ne peut pas suivre son traitement contre la douleur, on lui donne seulement du doliprane, il ne peut pas suivre ses séances de kinésithérapie, sans l’accès à ces soins, il y a un risque qu’il ne puisse ne retrouve un usage normal et que ça retarde sa guérison.

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE

Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces de la procédure soumise à appréciation qu'un moyen de transport disponible à destination du pays d’origine de la personne intéressée doit être trouvé avant l'expiration du délai de prolongation sollicité ;

SUR LE FOND :

La personne étrangère présentée déclare : j’ai une interdiction de séjour sur le département du Var pendant 2 ans et non sur le territoire national, c’est une erreur. Je n’ai pas compris l’OQTF. J’ai fait un recours sur l’OQTF lorsque j’étais à la maison d’arrêt de [Localité 10]. En détention, j’ai été référent aide étranger en traduction pour la CIMADE, car je parle grec, arabe et anglais. Je peux aller à [Localité 12], [Localité 7] dans ma famille maternelle. J’ai toujours travaillé dans ma vie et je pourrai travailler facilement, même en détention j’ai travaillé, payé des impôts, j’ai niveau bac+2, je travaillais dans un hôtel 5 étoiles avant mon incarcération.
J’ai été opéré de mon genou, je dois subir des séances de kiné tous les jours normalement, sans quoi il peut y avoir des séquelles définitives. Depuis que j’ai quitté l’UHSI je n’ai eu ni médicament, ni de séance de kiné que ce soit en détention ou au centre de rétention administrative. J’ai du mal à dormir à cause de la douleur. Ma famille m’attendait à la sortie de détention, il ont attendu pendant 8heures avant que je les prévienne que j’étais au centre de rétention administrative. Je n’ai pas compris d’où vient l’OQTF car ça ne correspond pas à mon jugement pénal. Je ne connais pas la Grèce, je n’y ai grandi que jusqu’à mes 9 ans.

Observations de l’avocat : Monsieur a purgé sa peine, il ne représente pas un danger pour l’ordre public.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention

Sur la recevabilité de la requête

La requête en contestation de l'arrêté de placement au centre de rétention administrative est recevable pour avoir été formée le 13 juillet 2024 à 17 heures 24, soit dans les 48 heures de la notification du placement en rétention intervenue le 13 juillet 2024 à 09 heures 46.

Sur le moyen tiré de l’insuffisance de motivation

Aux termes de l’article 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente.
[U] [J] [C] reproche à l’arrêté une insuffisance de motivation en ce qu'il n'indique pas d’une part qu’il dispose d’un passeport grec, que sa famille se trouve en France, qu’il a une adresse stable en France où il a grandi et effectué toute sa scolarité, ni d’autre part qu’il présente un état de vulnérabilité nécessitant des soins exercés par des professionnels spécialisés, dont il serait assuré qu’il pourrait en bénéficier au sein du CRA.

Toutefois, lorsqu’il décide un placement en rétention en application de l’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet n’est pas tenu de faire état dans sa décision de tous les éléments de la situation personnelle de l'intéressé dès lors que les motifs positifs qu'il retient suffisent à justifier le placement en rétention.

En l’espèce, l’arrêté en date du 12 juillet, notifié le 13 juillet à 09h46 retient que [U] [J] [C] déclare « être entré en France en 2001 sans en justifier » et « ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes, ne présentant notamment pas un passeport en cours de validité et ne justifiant pas d’un lieu de résidence permanent à [Localité 13] (83) ». L’arrêté fait également mention des 3 condamnations figurant au casier judiciaire de l’intéressé indiquant que sa présence en France « constitue une menace pour l’ordre public ». Il est enfin retenu que l’intéressé « a déclaré devoir subir une opération », sans établir « présenter un état de vulnérabilité qui s’opposerait à son placement en rétention, étant précisé qu’il pourra bénéficier d’un suivi médical à son arrivée au centre de rétention et poursuivre son traitement médical le cas échéant ».

L'arrêté de placement sera donc considéré comme suffisamment motivé en fait et en droit, au regard des garanties de représentation, du risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et de la prise en compte de l’état de vulnérabilité ou du handicap.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de prise en compte de l’état de vulnérabilité

Aux termes de l’article L741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet doit prendre en compte l’état de vulnérabilité et le handicap avant tout placement en rétention.

En l’espèce, l’arrêté en date du 12 juillet 2024, notifié le 13 juillet 2024 à 09h46 retient que [U] [J] [C] « a déclaré devoir subir une opération », mais « n’établit pas toutefois présenter un état de vulnérabilité qui s’opposerait à son placement en rétention, étant précisé qu’il pourra bénéficier d’un suivi médical à son arrivée au centre de rétention et poursuivre son traitement médical le cas échéant ».

Il ressort toutefois des éléments médicaux transmis par [U] [J] [C] au soutien de sa requête qu’il a été opéré du genou le 26 juin 2024, qu’il a des prescriptions pour des soins infirmiers aux fins de changement de pansement tous les deux jours durant un mois, avec des injections médicamenteuses tous les jours durant 14 jours, y compris WE et jours fériés, ainsi que pour des soins de kinésithérapie 3 à 5 fois par semaine durant 6 semaines minimum. Une prescription pour des cannes anglaises ou déambulateur est également produite ; leur utilisation est préconisée durant 1 mois. Il est précisé, dans le bilan post-opératoire en date du 8 juillet 2024, qu’il doit consulter un chirurgien orthopédiste, le Dr [K], 3 mois après l’opération.
Si ces derniers éléments ont été transmis par l’intéressé lui-même dans le cadre de sa requête, postérieurement à la rédaction et à la notification de l’arrêté contesté, il ressort toutefois de l’examen des pièces de la procédure que l’arrêté en date du 12 juillet 2024, en retenant que l’intéressé « a déclaré devoir subir une opération », se réfère selon toute vraisemblance au document d’observations renseigné le 7 juin 2024 par [U] [J] [C] en détention, et transmis par l’administration pénitentiaire à la Préfecture. En effet, dans ce document, l’intéressé précise concernant sa vulnérabilité : « j’ai une opération de prévue avec de longs soins par la suite ». Il apparaît en outre que le 5 juillet 2024, lorsque le greffe de la Maison d’arrêt d’[Localité 5]-[Localité 10] a adressé à la Préfecture le dossier de [U] [C], en ce compris les observations précédemment évoquées, il était précisé sur le bordereau de transmission que ce dernier se trouvait alors, à cette date-là, « à l’UHSI à [Localité 11] », soulignant la particularité de la prise en charge médicale dont l’intéressé faisait l’objet en détention. Des éléments de vulnérabilité ont donc été portés à la connaissance du préfet, sans qu’ils aient été pris en compte dans la rédaction de l’arrêté. Au surplus, l’intéressé étant détenu, les informations le concernant étaient facilement accessibles aux fins d’éventuelles vérifications.

A l’audience, où [U] [J] [C] se présente avec 2 béquilles, il indique qu’il n’a pas bénéficié de soins de kinésithérapie, ni de traitement contre la douleur depuis sa sortie de l’UHSI et son arrivée au CRA. Il évoque les séquelles définitives qui pourraient résulter de cette absence de soins.

Il se déduit de ces éléments un examen insuffisant de sa situation personnelle, et notamment une absence de prise en compte de sa situation de vulnérabilité par le préfet, et il convient en conséquence de constater que l’arrêté de placement en rétention est irrégulier.

PAR CES MOTIFS

Vu les articles L. 614-1, L. 614- 3 à L. 614-15, L. 732-8, L. 741-10, L. 743-5 et L. 743-20 du Code de l’entrée de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile modifié par la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, statuant par ordonnance unique ;

SUR LA CONTESTATION DE L’ARRÊTÉ DE PLACEMENT EN RÉTENTION

DÉCLARONS la requête de M. [U] [J] [C] recevable ;

FAISONS droit à la requête de M. [U] [J] [C]

ET

CONSTATONS que la décision par laquelle le Préfet a placé M. [U] [J] [C] en rétention administrative est irrégulière

INFORMONS l’intéressé verbalement de la possibilité d’interjeter appel à l’encontre de la présente ordonnance dans les 24 heures suivant la notification de cette décision, par déclaration motivée transmise par tout moyen (article R.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) au greffe du service des rétentions administratives de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, [Adresse 3], et notamment par télécopie au [XXXXXXXX01] ou par voie électronique à l’adresse structurelle suivante : [Courriel 9], ainsi que la possibilité offerte au Préfet et au Ministère public d’interjeter appel sauf pour le Procureur de la République, dans les 10 heures de la notification, à saisir Madame la Première Présidente de la Cour d’appel ou son délégué d’une demande tendant à faire déclarer son recours suspensif ;

FAIT A MARSEILLE

En audience publique, le 15 Juillet 2024 à 10h41

Le Greffier Le Juge des Libertés et de la détention

Reçu notification le 15 juillet 2024
L’intéressé


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Juge des libertés
Numéro d'arrêt : 24/00900
Date de la décision : 15/07/2024
Sens de l'arrêt : Mainlevée de la mesure de rétention administrative

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-15;24.00900 ?
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