TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°24/292 DU 08 Juillet 2024
Enrôlement : N° RG 22/08259 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2ITE
AFFAIRE : M. [A] [N] [Y] [U] ( la SELARL NEMESIS)
C/ Mme [G] [J] (Me Robert ANGIARI)
DÉBATS : A l'audience Publique du 13 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente
Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte, Greffier
Vu le rapport fait à l’audience
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 08 Juillet 2024
Jugement signé par BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
réputée contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEUR
Monsieur [A] [N] [Y] [U]
né le [Date naissance 11] 1975 à [Localité 26]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 18]
représenté par Maître Jean laurent ABBOU de la SELARL NEMESIS, avocats au barreau de MARSEILLE
CONTRE
DEFENDEURS
Madame [G] [J]
née le [Date naissance 17] 1956 à [Localité 21] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 15]
représentée par Me Robert ANGIARI, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [M] [J]
née le [Date naissance 12] 1953 à [Localité 21] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 19]
représentée par Me Brice COMBE, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [BB] [J]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 25]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]
représenté par Me Brice COMBE, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [S] [YV], née à [Localité 21] (Maroc) le [Date naissance 9] 1934 a épousé en premières noces Monsieur [DS] [C] dont elle a divorcé par jugement rendu le 9 février 1955.
De cette union est née Madame [K] [C] décédée à [Localité 26] le [Date décès 13] 1988.
Madame [S] [YV] a épousé en secondes noces Monsieur [D] [J] sous le régime de la communauté de biens meubles et acquêts le 1er octobre 1955.
De cette union, sont nés trois enfants :
– Madame [M] [J] divorcée [I] née le [Date naissance 12] 1953 à [Localité 21],
– Madame [G] [J] veuve [PM] née le [Date naissance 17] 1956 à [Localité 21],
– Monsieur [BB] [J] né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 25],
Monsieur [D] [J] est décédé à [Localité 26] le [Date décès 8] 2012.
Par acte notarié en date du 7 décembre 2016, Maître [E] Féraud a dressé un acte de notoriété.
Madame [S] [YV] veuve [J] est décédée à [Localité 26] le [Date décès 6] 2018 laissant pour lui succéder Madame [M] [J], Madame [G] [J] veuve [PM], Monsieur [BB] [J] et Monsieur [A] [U], venant aux droits de sa mère pré-décédée, Madame [K] [C].
Maître [F] [B], notaire à [Localité 26] au sein de la SELARL [24], a dressé un acte de notoriété le 4 juillet 2019.
Dépendent de la succession de feu Monsieur [D] [J] et de feue Madame [S] [YV] veuve [J] une maison à usage d’habitation sis [Adresse 5] ainsi qu’un terrain situé à la même adresse, les deux biens dépendant de la communauté de biens des époux [J]/[YV].
Par acte notarié en date du 4 juillet 2019, Maître [F] [B] a établi un procès-verbal de dépôt et de description de testament de feu Madame [S] [YV] veuve [J] se trouvant dans le coffre-fort de l’office notarial sous enveloppe, en date du 9 juin 2015, au terme duquel Madame [S] [YV] veuve [J] institue comme légataire de la quotité disponible de sa succession sa fille Madame [G] [J] veuve [PM], et à défaut ses héritiers.
Deux projets d’état liquidatif relatif à la succession de Monsieur [D] [J] et de Madame [S] [YV] veuve [J] ont été proposés par la SELARL [24], notaires associés. Ces projets d’état liquidatif n’ont pas permis d’aboutir à un partage amiable.
Dans le cadre des échanges entre les parties qui ont conduit à l’élaboration de ces deux projets d’état liquidatif, Madame [G] [J] a communiqué une note manuscrite attribuée à sa mère, datée du 1er septembre 2010, par laquelle Madame [S] [J] attestait que sa fille [G] avait remboursé toutes ses dettes.
Contestant la validité du testament olographe du 09 juin 2015 et celle du document manuscrit du 1er septembre 2010, d’une part, et considérant d’autre part que Madame [G] [J] s’était rendue coupable de recel, Monsieur [A] [U] a, suivant exploits en date des 21 juillet 2022 et 24 août 2022, assigné Madame [G] [J], Madame [M] [J] et Monsieur [BB] [J] devant le tribunal de céans aux fins de :
– déclarer nuls les écrits suivants : le testament olographe daté du 9 juin 2015 et la lettre manuscrite datée du 1er septembre 2010.
– Condamner Madame [G] [J] aux peines du recel successoral concernant les fonds qu’elle a détournés en abusant de la faiblesse de sa mère, soit la somme totale de 98 902,06 €.
– la condamner à la restitution de cette somme à la succession et juger qu’elle n’aura aucun droit sur cette somme.
– En tout état de cause, ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [J]/[YV] et des successions [J]/[YV] et désigner tel notaire qu’il plaira à cette fin.
– La condamner à lui verser la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 23 juin 2023, Monsieur [A] [U] maintient ses demandes.
Par conclusions signifiées le 7 décembre 2023, Madame [G] [J] veuve [PM] demande au tribunal de :
– débouter purement et simplement Monsieur [A] [U] de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;
– débouter purement et simplement Madame [M] [J] de l’intégralité de ses demandes ;
– ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [J]/[YV] et les deux successions de feu Monsieur [D] [J] et de son épouse Madame [S] [J] et désigner tel notaire qu’il plaira à cette fin ;
– condamner Monsieur [A] [U] à lui payer une somme de 4000 € à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et réparation de son préjudice moral ;
– Le condamner au paiement d’une somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
Par conclusions signifiées le 24 novembre 2023, Madame [M] [J] demande au tribunal :
– d’ordonner le partage des successions [J]/[YV] et préalablement celle de la communauté des époux [J] ;
– d’ordonner le rapport à l’actif successoral de la somme totale de 98 902,06 € ;
– condamner Madame [G] [J] pour délit de recel successoral sur ces sommes, de sorte qu’elle ne pourra pas participer au partage des sommes recélées ;
– ordonner en conséquence que soit complétée la liquidation des successions [J]/[YV] en tenant compte du recel successoral commis par Madame [G] [J] ;
– ordonner en tant que de besoin un expert aux fins de solliciter documents bancaires et analyser les nombreux mouvements d’argent ayant été opéré sur les comptes [J]/[YV] à compter du premier décès ;
– débouter Madame [G] [J] de ses demandes et la condamner à lui payer la somme de 3000 €au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dire que les dépens seront frais privilégiés de partage.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures susvisées.
Monsieur [BB] [J], régulièrement cité, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 8 avril 2024 puis renvoyée à l’audience du 13 mai 2024.
MOTIFS :
Sur les demandes principales :
Sur les opérations de partage :
En application de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.
En l’espèce, les parties sont héritières de feu Madame [S] [YV] veuve [J] et depuis son décès l’indivision successorale n’a pas pu être partagée. La succession de feu Monsieur [D] [J] et la liquidation de la communauté [J]/[YV] n’ont pas davantage abouti.
En application de l’article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.
L’article 1364 du code de procédure civile prévoit que si la complexité des opérations le justifie le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller les opérations. Le notaire est choisi par les copartageants, et à défaut d’accord par le tribunal.
En l’espèce, les deux projets état liquidatifs établis par le notaire en date du 18 novembre 2020 et du 18 juin 2021 versés aux débats n’ont pas permis d’aboutir à la liquidation partage de la succession de feu Monsieur [D] [J], et celle de feu Madame [S] [YV].
Il convient dès lors d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [D] [J] et Madame [S] [YV], préalablement faire les comptes de la communauté ayant existé entre eux, et les opérations étant complexes compte tenu des prétentions des parties, de désigner un notaire.
Il convient de désigner Maître [E] [P], notaire à [Localité 26] associé de la SELARL [24]-[B].
Il sera rappelé qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira la masse partageable, les comptes entre les copartageants, les droits des parties et les éventuels dépassements de la quotité disponible, ainsi que la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.
Le notaire se fera remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, examinera les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte, déterminera, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.
Si un désaccord subsiste entre les parties, il établira un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties, ainsi qu’un projet d’état liquidatif qu’il transmettra au juge commis, lequel fera rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.
Sur la nullité du testament olographe du 09 juin 2015 et du document manuscrit du 1er septembre 2010 :
Le testament olographe :
En application de l’article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.
En application de l’article 901 du Code civil, pour faire une libéralité il faut être sain d’esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l’erreur, le dol ou la violence.
Monsieur [A] [U] comme Madame [M] [J] considèrent que le testament olographe ne pouvait pas être écrit de la main de Madame [S] [YV] qui était illettrée ; qu’il se déduit du style d’écriture l’absence de maîtrise et d’aisance que l’on peut retrouver chez des personnes ne sachant peu ou pas lire ni écrire, invitées à recopier une lettre ; qu’il ressort des lettres communiquées par Madame [G] [J] émanant de la défunte que Madame [G] [J] avait l’habitude d’écrire ou de faire écrire en lieux et place de sa mère les courriers manuscrits rédigés en son nom ; que l’état de santé de la testatrice était dégradée au moment de la rédaction de ce testament, de sorte qu’elle n’avait pas toutes ses facultés de discernement pour coucher sur le papier ses véritables dernières volontés ; qu’étant illettrée, elle n’était pas à même de comprendre la technicité des mots employés et leur portée de sorte qu’elle n’a pas pu tester en toute connaissance de cause et ainsi traduire la réalité de sa volonté éclairée ; qu’elle n’a pas été à même de comprendre le modèle reproduit servilement qui lui a été remis, invalidant ainsi le testament ; que de surcroît la signature portée sur le testament est différente de celle portée sur l’enveloppe et ne correspond pas à la signature habituellement utilisée par la défunte.
Si le médecin traitant de Madame [YV]-[J], le docteur [W], a attesté que sa patiente avait été en pleine possession de ses facultés mentales jusqu’à son décès et n’avait présenté aucun trouble du comportement ni trouble mnésique, en revanche, la perte d’autonomie sur le plan physique et l’illettrisme de la testatrice qu’il n’évoque pas, sont non seulement relatés par sa fille Madame [M] [J] et son petit-fils Monsieur [A] [U] mais encore par plusieurs médecins.
La perte d’autonomie et l’affaiblissement de cette patiente âgée sont attestés par le docteur [T] qui indique dans un certificat médical du 27 février 2012 : « je soussigné certifie que l’état de santé de Madame [J] [S], 78 ans qui présente un diabète insulino traité, une cardiopathie ischémique, une rétinopathie diabétique, une HTA, ne lui permet pas de rester seule dans sa villa isolée (mari décédé le [Date décès 8] 2012) ».
Le docteur [R] certifie aussi le 28 février 2012 que « l’état de santé de Madame [J] [S] nécessite une installation à [Localité 26] pour le suivi médical de ces affections cardiovasculaires et diabétiques. »
Or il n’est pas contesté que Madame [YV]-[J] s’est installée au domicile de sa fille Madame [G] [J] puis au domicile de sa petite-fille habitant dans la même rue sis [Adresse 27] à [Localité 26] à compter du mois de février 2015, ainsi qu’en attestent les époux [O] (pièce communiquée par Madame [G] [J] N°10).
De plus, le docteur [H], pneumologue ayant suivi la défunte de 2014 jusqu’en mars 2015 alors qu’elle vivait à [Localité 28], a précisé dans son attestation du 26 mai 2023 que Madame [YV]-[J] ayant des polypathologies présentaient des problèmes respiratoires sévères, qu’elle n’était pas autonome, et ne pouvait pas se déplacer seule ; qu’elle était accompagnée à chacune de ses consultations par son petit-fils Monsieur [U].
Elle ajoute : « il était de plus en charge de son suivi médical car cette patiente ne savait ni lire ni écrire, était incapable d’interpréter et d’appliquer les prescriptions médicales.»
Le docteur [VT], pneumologue ayant suivi Madame [YV]-[J] d’avril 2015 à juillet 2018 a confirmé les déclarations de son prédécesseur quant à l’état de santé de la patiente : elle indique qu’elle n’était pas autonome pour se déplacer seule; qu’elle était accompagnée à chaque consultation par Monsieur [U] qui gérait son suivi médical et ses ordonnances car « Madame [J]-[YV] n’était pas en mesure d’appliquer les prescriptions ne sachant pas lire ni écrire. ».
Dès lors, à la date du 9 juin 2015, il est avéré que Madame [J]-[YV] était déjà dans un état de grande fragilité d’une part, et que d’autre part, compte tenu de son illettrisme, elle ne pouvait que recopier servilement les termes d’un courrier qui lui était dicté et qu’elle ne pouvait en tout état de cause pas avoir librement rédigé ; il sera observé en outre que l’adresse qui est mentionnée dans ce testament est celle de sa fille Madame [G] [J] sis [Adresse 14] à [Localité 26] et non celle de sa petite-fille sis [Adresse 7] et que la signature apposée sur le document est différente de celle portée sur l’enveloppe contenant le testament.
En l’état de ses graves problèmes de santé l’ayant conduit à une perte totale d’autonomie, de l’altération de ses fonctions affectivo-émotionnelles suite au décès de son mari en 2012 et de son déménagement contraint sur [Localité 26], compte-tenu aussi de son illettrisme et de ses conséquences du point de vue de la compréhension des termes employés et de leur portée, Madame [YV]-[J], totalement prise en charge par Madame [G] [J] à partir de février/mars 2015, était nécessairement dépendante des interventions extérieures mais aussi en situation de dépendance affective, voir d’emprise, vis-à-vis des membres de sa famille dont certains ne se trouvaient pas à ses côtés.
Ainsi, elle ne disposait pas de la totalité de ses facultés de discernement pour lui permettre l’expression d’un consentement éclairé et conscient nécessaire à la rédaction du testament rédigé le 09 juin 2015.
En conséquence, le testament rédigé le 9 juin 2015 par Madame [S] [YV]-[J] sera annulé.
Le document manuscrit en date du 1er septembre 2010 :
Madame [G] [J] a communiqué dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage confié à Me [P], notaire à [Localité 26], une correspondance qui émanerait de la main de sa mère datée du 1er septembre 2010 indiquant que sa fille aurait remboursé toutes ses dettes.
Ce document a été opportunément communiqué par Madame [G] [J] alors que le notaire avait réintégré des dons manuels de 102 000 francs consenti en 1979, et de 60 000 francs consenti en 1995 à Madame [G] [J] par ses parents, la preuve de ces dons ayant été apportée par Monsieur [A] [U] (pièces N°20 et 21).
Ce document n’a jamais été enregistré et ne porte mention d’aucune somme précise ; curieusement il aurait été rédigé par Madame [YV]-[J] qui était comme il a d’ores et déjà été expliqué, illetrée, alors que son époux Monsieur [D] [J], était encore en vie à cette date et qu’il était en capacité d’attester la réalité du remboursement de sommes prêtées à sa fille Madame [G] [J].
En tout état de cause, les faits juridiques et les énonciations que ce document manuscrit contient sont indéterminés.
En conséquence, cet acte ne peut produire aucun effet de droit à défaut d’une part de préciser le montant et la date des donations effectuées, et d’autre part, à défaut pour Madame [G] [J] d’avoir communiqué tous justificatifs permettant de rapporter la preuve du remboursement de sommes prêtées par ses parents.
Sur le recel :
L’article 778 du code civil dispose que “sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.”
Plus précisément, constitue un recel successoral tout acte par lequel un ou plusieurs cohéritiers tentent de s’approprier une part supérieure à celle à laquelle il a ou ils ont droit dans la succession du de cujus.
Il suppose l’existence d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.
L’élément matériel du recel peut consister en un acte positif comme la soustraction de tel ou tel bien, mais aussi en une simple dissimulation comme la non-révélation lors de l’inventaire de l’existence de certains biens successoraux dont on a la détention, ou en une simple abstention comme le fait de ne pas avoir rapporté spontanément des sommes prélevées sur le compte en banque du défunt.
L’élément intentionnel réside dans l’intention frauduleuse de fausser les opérations de partage par une détermination que l’on sait inexacte de la masse partageable.
Ainsi, commet un recel successoral l’héritier qui, en dissimulant à son cohéritier des retraits d’espèces et des virements effectués à son profit de sommes faisant partie de la succession, a manifesté son intention de rompre l’égalité du partage.
En l’espèce, les relevés de banque versés aux débats concernant les comptes des époux [J] N°[XXXXXXXXXX03], [XXXXXXXXXX02], et [XXXXXXXXXX04], ouverts dans les livres de la [20], révèlent sur la période du 3 octobre 2011 au [Date décès 6] 2018 d’importants retraits, virements et chèques qui paraissent être sans commune mesure avec les seuls besoins de Madame [S] [YV] veuve [J] suite au décès de son époux survenu le [Date décès 8] 2012.
Leur examen montre aussi deux virements effectués au seul profit de Madame [G] [J] veuve [PM] en 2014 puis en 2015.
Force est de constater que la copie des chèques n’est pas communiquée de sorte que le tribunal ignore qui en sont les bénéficiaires d’une part.
D’autre part, le tribunal ignore l’identité des personnes qui avaient procuration sur ces comptes.
Il est donc justifié d’ordonner une expertise comptable dont la mission sera précisée au dispositif, afin de permettre au notaire désigné de reconstituer la masse partageable.
Cette expertise sera ordonnée aux frais avancés de Monsieur [A] [U] et de Madame [M] [J] qui la réclame.
Il y a lieu de rappeler que la reconstitution de la masse active et la détermination de la masse successorale, de la réserve héréditaire, de la quotité disponible, et l’évaluation d’une éventuelle atteinte à la réserve relève de la mission du notaire, tout comme la recherche des possibilités de partage en nature, et la composition de lots.
Sur la demande reconventionnelle de Madame [G] [J] en dommages et intérêts :
En l’état de ce qui précède, la résistance abusive de Monsieur [U] n’est ni motivée ni justifiée ; le préjudice moral de Madame [G] [J] n’est pas caractérisé par l’ensemble des pièces versées aux débats.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages intérêts.
Sur les demandes accessoires :
La présente instance étant introduite dans l'intérêt de toutes les parties, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement mixte, réputé contradictoire et en premier ressort,
ORDONNE l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision résultant des successions de Monsieur [D] [J] et Madame [S] [YV], et préalablement faire les comptes de la communauté ayant existé entre eux ;
COMMET Maître [E] [P], notaire à [Localité 26] associé de la SELARL [24]-[B], notaire à [Localité 26], afin de procéder aux opérations ;
COMMET le juge de la mise en état du cabinet 3 de la 1ère chambre civile afin de surveiller les dites opérations ;
DIT que le notaire se fera remettre tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, examinera les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte, déterminera, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants ;
DIT que le notaire devra, dans le délai d’un an suivant sa désignation, dresser un état liquidatif qui établira les comptes entre co-partageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir ;
DIT que le notaire pourra, si nécessaire, s’adresser au centre des services informatiques de la direction des impôts, cellule FICOBA, qui sera tenue de communiquer l’ensemble des informations qu’il réclame et aux organismes financiers auprès desquels Monsieur [L] [Z] avait souscrit des contrats d’assurance vie afin de déterminer si les conditions de ces contrats révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable et si, dans ces conditions, le capital versé doit être réuni fictivement en vue du calcul de la quotité disponible ;
DIT que le notaire pourra s’adjoindre les services d’un expert, conformément à l’article 1365 alinéa 3 du code de procédure civile, choisi d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis ;
DIT que les frais nécessaires à l’instruction du dossier seront prélevés par le notaire sur l’actif disponible de la succession et fixe à la somme de 1.500 euros la provision qu’en cas d’insuffisance de liquidité la partie la plus diligente devra verser entre les mains du dit notaire ;
DIT qu’en application des articles 842 du code civil et 1372 du code de procédure civile, si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informera le juge commis qui constatera la clôture de la procédure ;
RAPPELLE qu’en cas de désaccord entre les parties, le notaire devra élaborer lui-même et seul, un projet de liquidation, au vu des textes applicables en la matière, sans être obligé de rédiger un état liquidatif avec la coopération des parties ;
DIT qu’en cas de désaccord sur des questions relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, le notaire adressera, en application de l’article 1373 du code de procédure civile, un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties, ainsi qu’un projet d’état liquidatif, et le transmettra au juge commis pour surveiller les opérations de partage ;
ANNULE le testament olographe rédigé par Madame [S] [YV]-[J] le 9 juin 2015 ;
DIT que le document manuscrit en date du 1er septembre 2010 ne produit aucun effet juridique ;
Avant le partage, Ordonne une expertise,
DÉSIGNE pour y procéder
Madame [X] [V]
Expert évaluateur immobilier-commercial-foncier
Cabinet [V] [23]
[Adresse 16]
[Courriel 22]
Avec pour mission, après avoir entendu les parties et leurs conseils en leurs explications:
- de se faire communiquer tous documents utiles par l’ensemble des héritiers et notamment la liste de leurs comptes bancaires, ainsi que les relevés de leurs comptes bancaires sur la période du [Date décès 8] 2012 au [Date décès 6] 2018, et la liste des comptes bancaires et les relevés de comptes bancaires de la défunte sur la période susvisée ;
- s’adresser au centre des services informatiques de la direction des impôts, cellule FICOBA, ou tout autre organisme ou office notarial susceptible de lui transmettre les documents nécessaires à sa mission ;
- lister les opérations bancaires réalisées sur la période du [Date décès 8] 2012 au [Date décès 6] 2018 d’un montant supérieur ou égal à 100 euros, par chèque ou virement, depuis les comptes de Monsieur [D] [J] et de Madame [S] [YV] veuve [J], notamment les comptes N°[XXXXXXXXXX03], [XXXXXXXXXX02], et [XXXXXXXXXX04] ouverts dans les livres de la [20], en identifier les bénéficiaires, en sollicitant au besoin la copie des chèques auprès de tout établissement bancaire ;
- obtenir de tout établissement bancaire et notamment de la [20] copie de tout document ou renseignement utile à l’exécution de sa mission,
- fournir l’identité des personnes ayant eu procuration sur ces différents comptes sur cette période,
- lister les mouvements de fonds entre les patrimoines des époux [J] et ceux de leurs enfants et petits enfants susceptibles de constituer des libéralités ou des avantages indirects,
- s'expliquer sur tous dires et observations des parties et recueillir le cas échéant leur accord.
AUTORISE l'expert à s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité autre que la sienne ;
DIT qu'en cas de conciliation des parties l'expert devra en avertir le Tribunal et constater que sa mission est devenue sans objet ;
DIT que l'expert fera connaître dans son avis toute information utile à la solution du litige ;
DIT que l'expert accomplira sa mission dans le cadre des articles 263 et suivants du Code de Procédure Civile ;
DIT que Monsieur [A] [U] et Madame [M] [J] devront déposer entre les mains du régisseur du tribunal judiciaire de Marseille la somme de 3000 € à valoir sur la rémunération de l'expert dans un délai de deux mois à compter de la date du présent jugement à peine de caducité de la mesure d’expertise ;
DIT que l’expert pourra démarrer sa mission lorsqu’il sera informé par le greffe (service de la régie ou service des expertises) de ladite consignation ;
DIT que l'expert commis convoquera les parties par lettre R.A.R. à toutes les réunions d'expertise avec copie par lettre simple aux défenseurs, leurs convenances ayant été préalablement prises ;
DIT que l'expert commis entendra les parties, s'expliquera sur leurs dires et observations et sur toutes difficultés auxquelles ses opérations et constatations pourraient donner lieu, s'entourera de tous renseignements utiles, et consultera tous documents produits pouvant l'éclairer s'il y a lieu ;
DIT que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires, et de ses débours ;
DIT qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge chargé du contrôle des expertises :
- la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;
- son avis sur l'opportunité d'appeler un tiers aux opérations d'expertise ;
DIT que, sauf accord contraire des parties, l'expert commis devra adresser aux parties un pré-rapport de ses observations et constatations afin de leur permettre de lui adresser un DIRE récapitulant leurs arguments sous un délai de un mois ;
DIT qu'à l'issue du délai ci-dessus mentionné, et au plus tard 6 mois après avoir reçu l'avis de consignation ou dès notification de la décision d'aide juridictionnelle, sauf prorogation dûment autorisée, l'expert devra déposer au Greffe et auprès du notaire chargé du partage le rapport de ses opérations qui comprendra toutes les annexes intégralement reproduites ; Qu'il pourra se contenter d'adresser aux parties ou à leurs défenseurs son rapport uniquement accompagné de la liste des annexes déposées au Greffe, et au plus tard dans le délai de quatre mois sauf prorogation dûment autorisée;
DÉSIGNE le juge chargé du contrôle des expertises et à défaut son remplaçant aux services expertises, pour surveiller les opérations d'expertise et statuer notamment en tant que de besoin sur les demandes de relevé de caducité ;
DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert il sera pourvu à son remplacement par ordonnance sur requête au juge commis ;
DIT que l’affaire sera rappelée à l’audience de mise en état suivant la notification par le service du contrôle des expertises du dépôt du rapport d’expertise ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
DEBOUTE les parties de leurs prétentions au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, dont distraction au profit des avocats qui y auront pourvu.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 08 Juillet 2024
LE GREFFIER LE PRESIDENT