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04/07/2024 | FRANCE | N°23/01747

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 04 juillet 2024, 23/01747


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/283 DU 04 Juillet 2024


Enrôlement : N° RG 23/01747 - N° Portalis DBW3-W-B7H-27AW

AFFAIRE : Mme [G] [O] [R]( Me Clotilde LESTELLE)
C/ S.A.S. BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE (Me Nicolas RUA)


DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débat

s : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/283 DU 04 Juillet 2024

Enrôlement : N° RG 23/01747 - N° Portalis DBW3-W-B7H-27AW

AFFAIRE : Mme [G] [O] [R]( Me Clotilde LESTELLE)
C/ S.A.S. BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE (Me Nicolas RUA)

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juillet 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [G] [O] [R], agissant tant en son personnel qu’en qualité de répresentant légal de leur fils [T] [O] [R] né le [Date naissance 2] 2016 à [Localité 7]
née le [Date naissance 3] 1991 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Monsieur [E] [O] [R],
né le [Date naissance 1] 1990 à [Localité 7]
de nationalité française, demeurant [Adresse 6]

représentés par Me Clotilde LESTELLE, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDERESSES

S.A.S. BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE, vestiaire : 076

Organisme CPAM, dont le siège social est sis [Adresse 4]

défaillant

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre de sa grossesse, Madame [G] [O] [R] a été suivie par le Docteur [V], gynécologue-obstétricien. Lors de la consultation du 14 décembre 2018, l’échographie a fait apparaitre une mort in utero du fœtus.
Une aspiration par curetage endo utérine et extraction à la pince a été réalisée le 19 décembre 2018 par le docteur [V].
Le 22 décembre 2018, Madame [O] [R] a été admise aux Urgences de l’Hôpital de [Localité 8] à la suite de saignements métrorragiques et de contractions utérines violentes accompagnées de douleurs pelviennes brutales.
Le compte rendu opératoire du service des urgences mentionne que le curetage a permis d’extraire un matériel ovulaire rétentionnel totalisant 40 grammes.

Par ordonnance en date du 15 juillet 2019, le Président du Tribunal Judiciaire de Marseille a désigné le Professeur [S] [U] en qualité d’expert, qui a déposé son rapport définitif le 27 décembre 2021, concluant à l’existence de fautes médicales.

Par acte en date du 26 janvier 2023, Madame [G] [O] [R] a assigné devant le tribunal de céans la SOCIETE BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD en qualité d’assureur du Docteur [V], la S.A SHAM (devenue la compagnie d’assurances RELYENS) en qualité d'assureur du Centre Hospitalier de Valence, et la CPAM DES BOUCHES DU RHONE aux fins de:
- Juger qu’elle a été victime de fautes médicales en relation directe avec l'aspiration curetage endo-utérine et l’extraction à la pince réalisée le 19 décembre 2018, ouvrant droit à l’indemnisation de son préjudice ;
- Condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, Assureur du Docteur [V] à lui verser la somme de 45 010,67€ en indemnisation de son entier préjudice ;
- Condamner la SHAM assureur du CH de [Localité 8] à lui verser la somme de 1 452€ en indemnisation de son entier préjudice ;
- Condamner les requis à la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamner les requis aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2023, Madame [G] [O] [R], Monsieur [E] [O] [R] et Madame [G] [O] [R] agissant en qualité de représentant légal de l’enfant [T] [O] [R] demandent au tribunal de :
- dire et juger qu’un protocole d’accord a été signé entre Madame [O] [R] et RELYENS, assureur du CH [Localité 8] ;
- dire et juger qu’elle ne formule aucune demande à l’encontre de la compagnie d’assurances RELYENS ;
- Juger que le Docteur [V] a commis une faute en relation directe avec l’aspiration curetage endo-utérine et extraction à la pince réalisée le 19 décembre 2018, ouvrant droit à son indemnisation à hauteur de 85% partagée avec le CH de [Localité 8] sur les postes suivants :
o Souffrances endurées
o DFP
o Frais divers (assistance à expertise)
- Juger que le Docteur [V] a commis une faute en relation directe avec l’aspiration curetage endo-utérine et extraction à la pince réalisée le 19 décembre 2018, ouvrant droit à son indemnisation à hauteur de 100% pour les autres postes de préjudices en lien avec la faute commise.
- Par conséquent, condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, Assureur du Docteur [V] à verser à Madame [O] [R] la somme de 29 362,67 euros en indemnisation de son entier préjudice se décomposant comme suit :
o Frais divers : 3 672 euros
o Dépenses de santé actuelle : 110,25 euros
o Tierce personne temporaire : 340 euros
o Pertes de gains professionnels actuels (PGPA) : 1 560,42 euros
o Souffrances endurées : 4 250 euros
o DFTP : 452 euros
o DFP : 3 978 euros
o Préjudice sexuel : 15 000 euros
- Condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, assureur du Docteur [V] à verser à Monsieur [O] [R] [E] la somme de 10.000 euros en indemnisation de son entier préjudice,
- Condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, assureur du Docteur [V] à verser à Madame [O] [R] [G] agissant en qualité de représentant légal de l’enfant [T] [O] [R], la somme de 5.000 euros en indemnisation de son entier préjudice,
- Condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, assureur du Docteur [V] à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Ils font valoir que l’évacuation lors de l’intervention du Docteur [V] a été incomplète et que ce dernier ne s’est pas assuré de l’absence de rétention de tout débris ovulaire ; que la patiente aurait dû bénéficier d’une extraction soumise à un contrôle échographique en raison de ses antécédents de santé, d’un utérus malformé, cicatriciel et d’un fœtus en présentation transversale ; qu’en outre, l’expert a conclu à l’existence d’une faute commise par le Centre Hospitalier de [Localité 8], caractérisée par l’absence de traçabilité écrite et l’absence d’autopsie réalisée sur le fœtus ; qu’en effet, la prise en charge du fœtus n’a pas été optimale en raison de l’absence de description du fœtus ; qu’un accord transactionnel a été conclu avec le centre hospitalier de [Localité 8], par l'intermédiaire de la société RELYENS, assureur ; qu’un protocole d'accord transactionnel indemnisant la victime des préjudices subis en lien avec la faute retenue à hauteur de 15% a été signé pour un montant de 2 100€ pour les postes suivants : souffrances endurées-déficit fonctionnel permanent-assistance à expertise ; que les demandes ne sont dès lors dirigées qu’à l’encontre de l’assureur du Docteur [V].
Ils soutiennent que le Docteur [V] n’a pas pris toutes les précautions pour s'assurer de la réussite totale de son intervention ; qu’il n'a réalisé aucun contrôle échographique, ni pendant son intervention, ni après ; qu’il n’a donc pas diligenté les soins attentifs et consciencieux auxquels il était tenu.

Par conclusions du même jour, les demandeurs se sont désistés de leurs demandes à l’égard du CHU de [Localité 8], et une ordonnance de désistement partiel a été rendue le 22 janvier 2024.

Par conclusions signifiées le 07 décembre 2023, la société BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD demande au tribunal de :
- Débouter Mme [O] [R] de ses demandes en l’absence de faute prouvée;
- A titre subsidiaire, Juger que sur les frais divers, souffrances endurées, D.F.P et préjudices des victimes indirectes le Dr [V] ne doit prendre en charge que 85 % des préjudices ;
- Juger que les PGPA imputables prennent effet à l’issue de la fin du 1° arrêt de travail donné par le Dr [V] soit à compter du 31 décembre 2018 jusqu’au 8 janvier 2019;
- Débouter Mme [O] [R] de sa demande au titre du préjudice sexuel ;
- Ramener les autres préjudices à de plus justes proportions ainsi que l’article 700 du CPC.
- Statuer ce que de droit sur les dépens qui devront être partagés avec le CH de [Localité 8] dans les proportions retenues par l’Expert.

Elle fait valoir que le docteur [V] n’accepte pas les conclusions expertales ; qu’il a effectivement procédé à une aspiration curetage le 19 décembre 2018 dans la mesure où le fœtus était mort in utero ; qu’il a fait procéder à une analyse anatomo-pathologique correspondant à 80 grs ; qu’il avait indiqué à sa patiente qu’elle devait le revoir le 27 décembre 2018 pour un contrôle échographique qui pouvait nécessiter de compléter le curetage pour évacuer des débris, et lui avait recommandé un repos strict.
Il indique qu’il est navré de constater que Mme [O] [R] a été contrainte de faire compléter le curetage alors qu’elle se trouvait à [Localité 8].
Il considère que le trajet en voiture pour [Localité 8], sur des centaines de kilomètres, a été très certainement à l’origine de la majoration des douleurs ressenties et de la brutalité de l’expulsion résiduelle ; que Mme [O] [R] n’a pas respecté la règlementation de repos dans son département ; qu’elle a été sanctionnée par la Sécurité Sociale à qui elle a dû rembourser des indemnités perçues.
Il indique que le curetage pratiqué au CH de [Localité 8] n’a ramené que des débris placentaires de 40 grs ; que ce ne sont que ces débris qui ont été incinérés et non un fœtus ; que l’expert ne pouvait in fine considérer qu’un fœtus avait pu être retiré aux urgences de [Localité 8], dans la mesure où les justificatifs produits par le CH de [Localité 8] n’étaient pas probants.
Le Dr [V] soutient qu’il avait une solide expérience en matière de curetage et qu’il n’était nullement recommandé de pratiquer une échographie en cours d’intervention ; qu’il est toujours envisageable qu’un curetage ne soit pas complet ; que c’est la raison pour laquelle il avait recommandé à sa patiente de revenir une semaine plus tard après être restée au repos le plus strict afin de procéder à une vérification par échographie «en raison de la possibilité d’extraction incomplète liée au volume fœtal important » ainsi que cela ressort de son C.R.O du 19 décembre 2018 ; que le contrôle se fait en général au bout d’un mois.
Il considère qu’il avait été prudent en préconisant ce rendez-vous à 7 jours, sauf qu’il ne pouvait anticiper le fait que sa patiente ne reste pas en repos strict à son domicile et décide de partir à [Localité 8] en voiture 3 jours plus tard, alors qu’elle était en arrêt de travail ; qu’il n’existe aucune recommandation pour un curetage pour grossesse arrêtée qui n’est pas préconisé au niveau de la réalisation de l’acte ; qu’il convient en outre d’ajouter qu’en dépit du curetage pratiqué à [Localité 8] sous échographie, une échographie de contrôle pratiquée le 2 janvier 2019 a encore retrouvé des débris évacués par une perte sanguine importante sans que l’expert n’en tire conséquence ; qu’en tout état de cause, il n’a commis aucune négligence fautive.

Régulièrement assignée, la CPAM n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience du 16 mai 2024.

MOTIFS :

En liminaire, il convient de déclarer recevable l’intervention volontaire de Monsieur [E] [O] [R] et celle de Madame [G] [O] [R] agissant en qualité de représentant légal de leur fils [T] [O] [R].
De plus, il convient de donner acte aux demandeurs de ce qu’ils ne formulent plus de demandes à l’encontre de la société RELYENS MUTUAL ASSURANCE (anciennment dénommée S.A SHAM) en qualité d'assureur du Centre Hospitalier de [Localité 8], eu égard à la signature d’un protocole d’accord entre Madame [G] [O] [R] et la société RELYENS assureur du CH de [Localité 8].

Sur la responsabilité pour faute :

L’article L.1142-1 I du Code de la santé publique dispose :
« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ».

En l’espèce, le professeur [U], expert judiciaire, indique que :
« L’indication d’une aspiration – curetage était justifiée. L’indication de l’aspiration- curetage ne soulève pas de critique particulière et est conforme aux recommandations.(...)
La conduite du geste chirurgical aurait dû être conduite sous contrôle échographique du fait du cas particulier de la patiente qui présentait un utérus malformé, cicatriciel et avec un fœtus en présentation transverse. Il est important de s’assurer de la vacuité de l’utérus lors d’un tel geste opératoire (…) Dans le cas présent le contrôle échographique était nécessaire : contrôle de la vacuité utérine en fin de geste opératoire, voir même aspiration- curetage sous contrôle échographique.
S’agissant de la prise en charge de la patiente lors de son hospitalisation au centre hospitalier de [Localité 8], il précise qu’il n’a pas été retrouvé dans les pièces fournies par le centre hospitalier une description anatomique du fœtus retiré aux urgences que ce soit par le médecin urgentiste ou par le médecin d’anatopathologie (…) le fait qu’il ait été nommé “foetus” au CH de [Localité 8], et adressé au service d’anatopathologie laisse penser qu’il s’agissait d’un corps fœtal suffisamment important et ayant conservé une structure anatomique assez grandement conservée.(...)
Si la prise en charge purement médicale a été conforme au CH de [Localité 8], la prise en charge du corps du fœtus n’a pas été optimale dans le sens où il n’existe pas de description anatomique du fœtus et pas de traçabilité écrite sur la demande ou non d’autopsie. L’information globale sur les différentes démarches administratives n’a pas été très probablement optimale (...) »

L’expert précise en réponse à un dire que « le défaut de description de l’anatomie du fœtus retiré aux urgences et l’absence de description macroscopique anatomo pathologique participe également au préjudice psychologique de Madame [G] [O] [R] mais à un moindre niveau que le fait générateur. Ces manquements sont estimés participer au préjudice psychologique à une hauteur de 15 %. »

En conclusion, s’agissant de la responsabilité pour faute du Docteur [V], il retient que:
Les soins prodigués à Madame [O] [R] par le Docteur [V] suite à l’arrêt de sa grossesse le 14 décembre 2018 présente des négligences per opératoires :
absence de contrôle échographique de la vacuité utérine dans le cas complexe de Madame [O] [R] (utérus cicatriciel, malformé et fœtus en position transverse)délai de 30 minutes entre l’injection de l’antibioprophylaxie et le début de la chirurgie non respecté. Ce non-respect du délai de 30 minutes n’a pas eu de conséquences infectieuses par la suite.
Si le Dr [V] réfute les conclusions de l’expert en ce qu’il n’était nullement tenu de pratiquer une échographie en cours de curetage, force est de constater que le seul document produit (sa pièce N°3) relatif à la place de l’échographie dans le parcours de soins de l’IVG est insuffisant à remettre en cause ses conclusions.
Par ailleurs, il ne rapporte pas la preuve qu’il aurait déconseillé à sa patiente de quitter [Localité 7] pour aller prendre du repos chez ses beaux-parents dans la Drôme, étant observé que l’intervention réalisée aux urgences du CHU de [Localité 8] aurait sans nul doute été réalisée dans des conditions similaires dans un centre hospitalier à [Localité 7] aux fins d’éliminer les fragments embryonnaires restants.
En conséquence de ce qui précède, eu égard aux conclusions de l’expert, il y a lieu de retenir la faute du Docteur [V] en lien avec les préjudices donnant lieu à indemnisation au profit de Madame [O] [R], et à l’indemnisation des préjudices des victimes indirectes, son mari et son fils [T].

Sur l’indemnisation des préjudices :

L’expert ayant retenu que 15 % du préjudice indemnisable était à la charge de l’assureur du CH de [Localité 8] uniquement pour les souffrances endurées, Madame [O] [R] a obtenu une indemnisation amiable par l’assureur de l’établissement hospitalier à hauteur de 15 % du DFP et des souffrances endurées et a perçu à ce titre la somme de 2 100€ détaillée comme suit :
- Souffrances endurées : 5 000€ X 15% = 750€
- Déficit fonctionnel permanent: 4 680€ X 15% = 702€
- Assistance à expertise: 4 320€ X 15% = 648€

Elle sollicite, pour la prise en charge de ces deux postes, que le Docteur [V] l’indemnise à hauteur de 85%, l’indemnisation devant en revanche être intégrale pour les autres postes de préjudices retenus.

La victime directe :

La date de consolidation a été fixée au 31 janvier 2019.

Les préjudices patrimoniaux temporaires :
Dépenses de santé actuels :

Il est réclamé à ce titre la somme de 110,25 € pour des frais de taxi non contestés par le Docteur [V], qui devra ainsi être condamné à la prendre en charge.

Frais divers :

Tierce personne : 1 heure par jour du 24/12/2018 au 07/01/2019 :
Sur la base d’un taux horaire de 20 €, conformément à la jurisprudence actuelle il y a lieu de retenir l’indemnisation suivante :
1h x 15 jours x 20€ = 300€

Frais de représentation : médecin de recours :
Il est réclamé à ce titre une somme de 4320 € au titre des frais d’assistance.
Une part de responsabilité ayant été retenue au titre des souffrances endurées à l’encontre du CHU de [Localité 8], le docteur [V] prendra à sa charge 85 % de ces frais soit la somme de 3 672 €.

Perte de gains professionnels actuels :

Madame [O] [R] exerçait la profession d’interne en médecine au sein de L’APHM au moment des faits.
Elle a perçu en 2018, ainsi que cela ressort du bulletin de paie du mois de décembre 2018, une rémunération mensuelle net moyenne d’un montant arrondi à la somme de 2 130 €.
Sa perte de revenus s’établit comme suit du 17 décembre 2018 au 31 janvier 2019 :
Madame [O] [R] a été placée en arrêt maladie durant 3 semaines ; aucune indemnité ne lui a été versée sur les trois premiers jours en raison d’une carence et du début de prise en charge a J+4.

Madame [O] [R] a été en maladie et a donc perçu des indemnités journalières à hauteur de 291,90€, selon le tableau suivant :

Maladie du 17.12.2018 au 19.12.2018 : 3 jours à 0,00 € (carence)Maladie du 20.12.2018 au 21.12.2019 : 2 jours à 41,70 €, soit 83,40€ Maladie du 22.12.2018 au 02.01.2019 : 12 jours à 0,00 €, soit 0,00 € Maladie du 03.01.2019 au 07.01.2019 : 5 jours à 41,70 €, soit 208,50€ → soit un total de 7 jours à 291,90 €

Salaire mensuel moyen : 2 130 €
Evaluation du salaire sur trois semaines = 1 597,50 €
Soit un total de 1 430,70 euros : 1 597,50 € – 291,90 € + 3 jours de carence (41,70€ x 3)

En l’espèce, il conviendra d’allouer à Madame [O] [R] la somme de 1 430,70€ sur pour indemniser ce poste de préjudice.

Les préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
Déficit fonctionnel temporaire :

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément et éventuellement le préjudice sexuel temporaire. L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité, totale ou partielle, et des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.
L’expert judiciaire l’a évalué comme suit :
DFTT du 22 au 23/12/2018 : hospitalisation à [Localité 8]
DFTP à 50% du 24/12/2018 au 07/01/2019 : prolongation de l’arrêt de travail
DFTP à 10% du 08 au 31/01/2019
Sur une base forfaitaire de 30 euros par jour, il lui sera alloué la somme de :
60€ + 225€ (15 jours X 30€:2) + 69€ (23 jours X 30€ X 10%) = 354€

Souffrances endurées : 2,5/6

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subies depuis l’accident jusqu’à sa consolidation; ainsi le traumatisme psychique subi par la victime est pris en considération au titre de l’indemnisation.

En l’espèce, l’expert a retenu un traumatisme et une sidération psychique de Madame [G] [O] [R], suite au début d’expulsion du fœtus au domicile de ses beaux-parents.
Il est incontestable que la stupeur de découvrir des morceaux de fœtus alors que celui-ci était supposé avoir été extrait de son utérus a généré un bouleversement et un état de stress considérables pour Madame [G] [O] [R], déjà anéantie par la mort de l’enfant à venir et le premier curetage.

En conséquence, il y a lieu d’évaluer ce poste de préjudice à la somme forfaitaire de 5000 €.

L’assureur du CH de [Localité 8] l’ayant indemnisée à hauteur de la somme de 750 € (15 % du préjudice indemnisable), il conviendra de condamner la compagnie BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, assureur du Docteur [V] à payer à la victime en réparation de ce poste la somme de 4250 €correspondant à la prise en charge de 85 % du préjudice indemnisable.

Les préjudices extra-patrimoniaux permanents :
Déficit fonctionnel permanent : 2%

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo – physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence personnelles, familiales et sociales.
En l’espèce, l’expert mentionne un écho émotionnel persistant : il note que le traumatisme psychique est lié aussi en partie à l’arrêt spontané de la grossesse au deuxième trimestre.
Compte tenu de l’âge de Madame [G] [O] [R] à la date de consolidation, soit 27 ans, il lui sera alloué, conformément à la jurisprudence et à son barème indicatif, la somme de:1 960€ X 2 = 3 920€

Préjudice sexuel :

La perte de plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel, la perte de l’envie ou de la libido ou encore la perte de la capacité à accéder au plaisir et un préjudice indemnisable au titre du préjudice sexuel.
En l’espèce, l’expert évoque des difficultés sexuelles dans le couple avec trouble de la libido.
Le fait que le couple [O] [R] ait pu avoir la joie par la suite de donner naissance à un enfant n’est pas exclusif de troubles de la libido consécutifs à l’expérience traumatisante subie en 2018.
En conséquence, et par une appréciation souveraine des éléments de la cause, il convient d’allouer à Madame [O] [R] la somme de 8000 € en réparation de ce préjudice.

Les victimes indirectes :

L’enfant du couple, [T], âgé de deux ans et sept mois au moment de la perte du deuxième enfant à venir, a été suivi par Madame [C] [P], psychologue clinicienne à l’hôpital Nord de [Localité 7] qui a évoqué la mise en place d’un suivi psychologique pour l’enfant ayant manifesté des angoisses importantes et a développé des TOC ; il est produit aux débats plusieurs attestations qui décrivent le fait que le jeune [T] a été très choqué, qu’il a ressenti la tristesse et la souffrance de ses parents, qui n’a pas compris le tabou du deuil périnatal, et a été marqué par cette épreuve.
L’expert [U] a reconnu que le jeune [T] était une victime indirecte.
Par une appréciation souveraine des éléments de la cause il sera alloué la somme de 5000 € en réparation du préjudice moral du jeune [T].

S’agissant de Monsieur [E] [O] [R], son préjudice moral est indiscutable l’expert ayant rappelé qu’il avait été suivi au départ par la psychologue, ce qui est confirmé par Madame [C] [P] psychologue clinicienne à l’hôpital Nord de [Localité 7].
Par une appréciation souveraine des éléments de la cause il sera alloué à Monsieur [E] [O] [R] la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice moral.

Sur les demandes accessoires :

La compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

Il n’est pas inéquitable de la condamner à payer aux époux [O] [R] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publis par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

DECLARE recevable l’intervention volontaire de Monsieur [E] [O] [R] et celle de Madame [G] [O] [R] agissant en qualité de représentant légal de leur fils [T] [O] [R] ;

CONSTATE que les époux ne formulent aucune demande à l’encontre de la Société RELYENS MUTUAL ASSURANCE (anciennement dénommée SHAM) en qualité d'assureur du Centre Hospitalier de [Localité 8] ;

CONDAMNE la compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD, assureur du Docteur [V], à payer à Madame [G] [O] [R] la somme de 22 036,95€ en réparation de son entier préjudice ;

CONDAMNE la compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD à payer à Madame [G] [O] [R] agissant en qualité de représentant légal de leur fils [T] [O] [R] la somme de 5 000€ en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE la compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD à payer à Monsieur [E] [O] [R] la somme de 10 000€ en réparation de son préjudice moral ;

CONDAMNE la compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD à payer aux époux [O] [R] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la compagnie d’assurance BERKSHIRE HATHAWAY INTERNATIONAL INSURANCE LTD aux entiers dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 04 Juillet 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 23/01747
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.01747 ?
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