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02/07/2024 | FRANCE | N°22/09877

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 02 juillet 2024, 22/09877


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 02 Juillet 2024


Enrôlement : N° RG 22/09877 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2QVI


AFFAIRE : Mme [X] [L] [H] ( Me Ange TOSCANO)
C/ M. [Z] [J] (Me François GISBERT) - M. [P] [S] (Me Michael ZERBIB) - SDC du [Adresse 1] (Me François GISBERT)




DÉBATS : A l'audience Publique du 21 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 02 Juillet 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024

Pa...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 02 Juillet 2024

Enrôlement : N° RG 22/09877 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2QVI

AFFAIRE : Mme [X] [L] [H] ( Me Ange TOSCANO)
C/ M. [Z] [J] (Me François GISBERT) - M. [P] [S] (Me Michael ZERBIB) - SDC du [Adresse 1] (Me François GISBERT)

DÉBATS : A l'audience Publique du 21 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 02 Juillet 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [X] [L] [H], née le 11 Septembre 1939 à [Localité 5], de nationalité française, psychotérapeute, domiciliée et demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Ange TOSCANO, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic en exercice le cabinet Gestion Immobilière du Midi sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître François GISBERT, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [Z] [J], né le 06 janvier 1959 à [Localité 4] (13), de nationalité française, domicilié et demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Alain CHETRIT, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [P] [S], domicilié et demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Michael ZERBIB de la SELARL CABINET MICHAEL ZERBIB & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [J] est propriétaire depuis le 28 décembre 1998 d’un appartement lot n° 153 dans un immeuble en copropriété situé au 2ème étage gauche du [Adresse 3]. Il est actuellement loué à Monsieur et Madame [S].
Monsieur [J] réside au 3ème étage du même immeuble.

Madame [H] occupe un appartement situé au premier étage dans le même immeuble et dans le même bâtiment.

Madame [H] se plaint de résurgences sur sa terrasse de matières fécales en provenance d’un conduit d’évacuation des WC desservant l’appartement du 2ème étage, évoquant que l’appartement de dispose de WC dont le conduit d’évacuation a été piqué sur le conduit d’évacuation des eaux pluviales, que la canalisation se bouche régulièrement et engendre un refoulement d’eaux usées et de matières fécales par un regard présent sur sa terrasse.

***

Madame [H] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, qui a désigné, par ordonnance du 13 septembre 2021, Monsieur [N] [V] en qualité d’expert judiciaire.

L’expert a déposé son rapport le 29 septembre 2022.

Madame [H] assigné Monsieur [J], Monsieur [S] et le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Marseille par exploit du 5 octobre 2022 aux fins de déplacement des WC et de réparation de ses préjudices.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 27 octobre 2023, Mme [H] demande au Tribunal de :

Condamner Monsieur [J] [Z] sous astreinte définitive de 100 euros par jour à déplacer le WC situé dans l'appartement dont il est propriétaire au 1er étage de l'immeuble [Adresse 1],
En tant que de besoin, condamner le syndicat des copropriétaires à déplacer ledit WC sous la même astreinte et juger que M. [J] comme les époux [S] devront permettre la réalisation des travaux préconisés par l'expert,
Condamner les défendeurs in solidum ou ceux d'entre eux contre qui l'action compétera le mieux à verser à la requérante la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Les condamner à lui verser la somme de 6000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamner aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise judiciaire distraits au profit de Maître Ange TOSCANO.

Elle fait état des conclusions de l'expert judiciaire, de son trouble de jouissance et mentionne que la seule solution pérenne afin de mettre un terme à ses préjudices est le déplacement du WC. Elle précise que les mises en demeure sont restées infructueuses depuis 2012 et que les débordements persistent encore malgré les multiples interventions de sociétés d'assainissement, les travaux réalisés sur le regard extérieur n'ayant eu pour effet que d'empêcher que les détritus transportés par les canalisations ne remontent et ne débordent dans l'évier de sa cuisine. Aussi, la pose de cet évent ne contribue pas à l'aggravation des désordres. Elle affirme que l'expert fait uniquement référence à l'évacuation des eaux usées de la cuisine dans la canalisation extérieure, qui a toujours existé.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 16 octobre 2023, M. [J] demande au Tribunal de :

Vu le règlement de copropriété,
Vu le rapport d’expertise judiciaire,

Dire et juger que Madame [X] [H] a activement contribué aux désordres dont elle se prétend victime,
Dire et juger que ledit désordre provient d’un défaut de conception imputable au syndicat des copropriétaires, comme venant aux droits et obligations du constructeur de l’immeuble,
Dire et juger que Mme [H] a également contribué au désordre, dés lors qu’elle a illégalement branché les évacuations EU de sa cuisine sur la conduite EP,
Débouter en conséquence Mme [H] ainsi que le syndicat des copropriétaires des demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de Monsieur [Z] [J] comme infondées et injustifiées,
Accueillir les demandes reconventionnelles formulées par Monsieur [Z] [J],
Condamner conjointement et solidairement Mme [H] [X] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1], agissant par son syndic en exercice la société GESTION IMMOBILIERE DU MIDI, au paiement de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Les condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Il soutient que les désordres proviennent d’une partie commune et que les causes sont multiples, à savoir un engorgement de la conduite d’évacuation en aval du raccordement entre la conduite EP de l’immeuble et la conduite d’évacuation du WC de l’appartement du R+2 ; le branchement de l’évacuation des eaux usées de la cuisine de Mme [H] sur cette conduite et un rétrécissement de la conduite situé à 1.25m sous la terrasse de Mme [H]. Aussi, Mme [H] a contribué activement à la survenance des désordres dont elle se plaint par le branchement anarchique et illégal de l’évacuation des eaux usées de la cuisine sur la conduite extérieure d'eaux pluviales.
Il ajoute que le WC litigieux est installé sur le balcon en façade arrière depuis la construction de l’immeuble et que le branchement a été réalisé à cette époque pour permettre de créer un conduit d’évacuation des WC. Dès lors, le syndicat des copropriétaires venant aux droits du promoteur doit assumer les conséquences et les désordres résultant de ce branchement lié à un défaut de conception de l'immeuble, de même s’agissant de l’engorgement de la conduite d’évacuation.
Il mentionne que le tuyau d'évacuation des eaux pluviales constitue une partie commune et que l'emplacement des toilettes a été prévu dès l'origine de la résidence. Selon lui, il ressort du croquis de l’expert que c’est le conduit des eaux pluviales qui a été raccordé sur celui des eaux vannes et non l’inverse, ce qui confirme de plus fort que le branchement litigieux n’a pas pu être opéré postérieurement à la construction de l’immeuble.
Enfin, il fait état de son préjudice moral du fait des accusations intempestives et infondées proférées y compris publiquement à son encontre pour des faits auxquels il est totalement étranger.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 3 août 2023, le syndicat des copropriétaires demande au Tribunal de :

Vu le rapport d'expertise de M. [V] en date du 29 septembre 2022,

En conséquence, rejeter purement et simplement les conclusions et argumentations de M. [J],
Condamner M. [J] à procéder à la suppression des WC actuels situés sur le balcon côté façade arrière de l'appartement dont il est propriétaire au 2ème étage de la résidence [Adresse 1] et à l'installation de nouveaux WC dans son habitation lesquels devront être raccordés à la canalisation d'eau vanne équipant l'ensemble de la résidence, le tout sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
Dire et juger que l'origine des désordres subis par Mme [H] ne résulte en rien de la défaillance d'un élément d'équipement commun ou d'une partie commune dont la résidence [Adresse 1] a la charge de l'entretien,
En conséquence, rejeter purement et simplement toutes les demandes d'indemnisation financière présentées par Mme [H] à l'encontre du syndicat des copropriétaires,
Condamner M. [J] au règlement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Il soutient que seul l'appartement de M. [J] au 2e étage dispose de WC placés sur le balcon extérieur et qu'une canalisation d'évacuation des matières fécales a été réalisée et repiquée sur la canalisation verticale des eaux pluviales. Il ajoute que le rétrécissement de la canalisation d'évacuation des eaux pluviales et l'adjonction de la canalisation desservant les WC peuvent générer des bouchons et des résurgences au niveau de la cuisine de Mme [H]. Il estime que la première solution proposée par l'expert judiciaire n'a pas pour vocation de supprimer définitivement l'origine du désordre contrairement à la seconde consistant à supprimer les WC actuels pour en créer de nouveaux dans l'appartement en utilisant la canalisation d'eaux vannes existante.
Il estime que les WC et balcons sont des parties privatives, aussi les canalisations d'évacuation des eaux vannes irrégulièrement branchées sur la canalisation d'eaux pluviales, n'ayant vocation à desservir qu'une seule habitation, ne sont pas des parties communes. Dès lors, le propriétaire actuel ou non de l'appartement du 2ème étage a décidé seul de déplacer les WC existants sur le balcon en partie arrière, de façon non autorisée et M. [J] doit en assumer seul la modification.
Selon le syndicat, la description de son lot ne mentionne pas que les WC se situent sur le balcon en partie arrière, tous les appartements ayant la même configuration. En tout état de cause, les WC demeurent des parties privatives aux termes du règlement de copropriété, l'expert judiciaire n'ayant jamais indiqué que les WC et les canalisations constituent des parties communes.
Il s'oppose aux réclamations financières formulées à son encontre puisque l'origine du sinistre ne provient pas de la défaillance d'un élément d'équipement commun mais d'aménagements privatifs réalisés sans autorisation.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

M. [S], régulièrement constitué, n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 21 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré au 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les demandes présentées sous la forme de « dire et juger » et « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code civil.

Aux termes de l’article 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.

A ce titre, il est nécessaire d’établir que la chose est matériellement intervenue dans la réalisation du dommage et de prouver qu’elle a joué un rôle actif. Lorsque la chose en mouvement est entrée en contact avec le siège du dommage, son rôle actif est présumé et le demandeur dispensé de l’établir.

La garde d’une chose au sens de l’article 1242 alinéa 1er du code civil est indépendante de la notion de propriété. Si le propriétaire de la chose en est présumé gardien, la garde reste un pouvoir de fait ayant pour objet l’usage, le contrôle et la direction de la chose. La garde d’une chose peut ainsi être momentanée et transférée.

Le gardien de la chose ne peut s’exonérer de cette responsabilité qu’en rapportant la preuve d’un cas de force majeure présentant le caractère d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

En l'espèce, il résulte des pièces communiquées que la ville de [Localité 4] a mis en demeure M. [J] en avril 2012 de cesser l'évacuation des eaux vannes dans l'ouvrage d'évacuation d'eaux pluviales de l'immeuble.

Le syndic de l'immeuble avait déjà indiqué le 17 janvier 2008, avoir mis en demeure le locataire et le propriétaire de l'appartement du deuxième étage de ne plus utiliser les WC.
La société BF ASSAINISSEMENT est intervenue à de nombreuses reprises entre les mois d'avril 2007 et septembre 2023 afin de procéder au débouchage de la colonne verticale des eaux usées et eaux vannes située dans la cour du premier étage de l'immeuble et desservant les WC du deuxième étage.

Le commissaire de justice mandaté par Mme [H] mentionne dans son procès-verbal de constat établi le 3 mars 2021 la présence de deux canalisations reliées en partie basse, d'un regard laissant échapper du papier toilette en décomposition sur la terrasse de l'appartement de la demanderesse, le sol étant couvert d'eau usée, de papier toilette en décomposition et de matières fécales se répandant sur une surface importante. Le commissaire de justice relève également que le mobilier et les pots entreposés sur la terrasse sont souillés par les écoulements.

Dans son rapport en date du 29 septembre 2022, l'expert judiciaire expose effectivement que deux conduites verticales se réunissent au niveau du sol de la terrasse de l'appartement de Mme [H], celle située dans l'angle étant une descente d'eau pluviale et l'autre s'arrêtant au droit du balcon du R+2.
M. [V] précise que l'évacuation des eaux usées de la cuisine est branchée sur la conduite extérieure avec un évent par lequel sortent les matières fécales, Mme [H] expliquant l'avoir fait poser afin d'éviter les débordements dans son évier. L'expert constate que le WC de l'appartement du deuxième étage a été branché sur la conduite extérieure et que les eaux usées de la cuisine sont également branchées sur la conduite des eaux pluviales de l'angle.
Il est mentionné que le WC se trouve à l'opposé dans les autres appartements de l'immeuble, que la partie haute de la conduite est ancienne, la loggia portant les traces d'un ancien local, et que le Y de raccordement des conduites eaux pluviales et vannes est plus récent que les conduites.

L'expert conclut que les débordements de matières fécales se produisent sur la terrasse de Mme [H] par l'évent réalisé sur la conduite d'évacuation des eaux usées de sa cuisine en raison de l'obstruction de la conduite d'évacuation : ils proviennent d'un engorgement de la conduite d'évacuation en aval du raccordement entre la conduite des eaux pluviales de l'immeuble et la conduite d'évacuation du WC de l'appartement du deuxième étage, étant précisé que le branchement des conduites des eaux usées des cuisines et des eaux vannes sur le réseau d'évacuation des eaux pluviales n'est pas autorisé et que le rétrécissement de la conduite à environ 1.25 m sous la terrasse combiné à l'état et l'usage des conduites provoquent des bouchons et engorgements.

Selon M. [V], les désordres proviennent d'une partie commune.

Le règlement de copropriété de l'immeuble dispose que les balcons particuliers en ce qui concerne les garde-corps et carrelages, les canalisations intérieures, les installations sanitaires des salles de bains, des cabinets de toilette et water-closet constituent des parties privatives, ainsi que les locaux et espaces qui, aux termes de l'état descriptif de division, sont compris dans la composition d'un lot et sont affectés à l'usage exclusif du propriétaire du lot considéré. A l'inverse, les parties communes correspondent à toutes les parties de l'immeuble qui ne sont pas affectées à l'usage exclusif et particulier d'un appartement, notamment les tuyaux de chute et d'écoulement des eaux pluviales, ménagères et usées, les tuyaux de tout à l'égout et les conduites, prises d'air, canalisations, colonnes montantes et descendantes d'eau sauf les parties des canalisations se trouvant à l'intérieur des appartements ou des locaux en dépendant et affectés à l'usage exclusif et particulier de ceux-ci.

L'état descriptif de division indique que le lot n°153, désormais propriété de M. [J], correspond à l'appartement situé au deuxième étage à gauche de l'immeuble, comprenant un hall d'entrée avec placard, une chambre, une salle de séjour et un salon, une cuisine avec porte-fenêtre donnant sur un balcon sur le derrière, une chambre donnant sur un balcon, « ledit balcon avec placard, une salle de bains avec placard et water-closet ».

La lecture de l'état descriptif de division révèle que le WC litigieux est situé sur le balcon de l'appartement du deuxième étage depuis a minima, l'établissement de cet acte.

Toutefois, l'interrogation sur la date de réalisation du WC du deuxième étage et sur sa présence dès la construction de l'immeuble apparaît parfaitement indifférente à la résolution du litige, dans la mesure où Mme [H] entend rechercher la responsabilité des défendeurs sur le fondement du fait des choses, ne nécessitant la démonstration d'aucune faute mais uniquement d'un dommage causé par une chose, imputable à un gardien, imposant de caractériser la nature privative ou commune de la cause des dommages.

Or, la lecture du règlement de copropriété précité laisse apparaître que les canalisations intérieures, les installations sanitaires des water-closet ainsi que les parties des canalisations se trouvant à l'intérieur des appartements ou des locaux en dépendant et affectés à l'usage exclusif et particulier de ceux-ci constituent des parties privatives.

A ce titre, l'expert judiciaire incrimine, entre autre, le branchement du WC de l'appartement du deuxième étage ainsi que des eaux usées des cuisines sur la conduite des eaux pluviales de l'angle. L'analyse des schémas et photographies démontre que si le branchement incriminé a été réalisé au niveau de la terrasse du premier étage soit en dehors des limites du lot de M. [J], la canalisation d'eaux vannes trouve son origine à l'intérieur du lot n°153, dessert exclusivement celui-ci et le WC se trouve dans une loggia intégralement fermée, s'appuyant sur les murs d'une ancienne construction.

Aussi, si les désordres sont générés par un engorgement de la conduite d'évacuation située en aval du raccordement entre la conduite des eaux pluviales de l'immeuble, partie commune, et la conduite d'évacuation du WC de l'appartement du R+2, il n'en demeure pas moins que la canalisation du WC litigieux, en partie responsable des engorgements, trouve son origine à l'intérieur du lot n°153 et est affectée à l'usage exclusif et particulier de celui-ci. Il s'ensuit que cette cause provient d'une partie privative, raison pour laquelle l'expert préconise finalement le déplacement du WC et son branchement sur la conduite existante à l'intérieur du logement.
En conclusion, l'origine des désordres se situe en partie commune, sur la conduite d'évacuation de l'immeuble générant les refoulements, mais est également causée par des parties privatives, la canalisation des WC du deuxième étage.

En effet, l'expert judiciaire ne fait aucunement état de la nécessité de travaux affectant les canalisations parties communes, outre le raccordement du nouveau WC à la canalisation d'eau vanne équipant l'ensemble de la résidence. L'origine du dommage se situe donc en parties privatives.

La responsabilité délictuelle de M. [J], gardien de l'installation sanitaire et de sa canalisation en sa qualité de propriétaire du lot, sera donc engagée sur le fondement de l'article 1242 précité. De même s'agissant de celle du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], gardien de la canalisation d'évacuation commune.

Si M. [J] affirme à juste titre que d'autres causes ont participé à la survenance des désordres, soit le branchement non autorisé des conduites des eaux usées des cuisines sur le réseau d'eaux pluviales et la présence d'un rétrécissement de la conduite à 1.25 m sous la terrasse de Mme [H], il n'en demeure pas moins que le mauvais état et l'usage anormal des conduites n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité, puisqu'au moins une cause, le raccordement irrégulier des eaux vannes au réseau d'eaux pluviales, est à l'origine des dommages et doit faire l'objet de travaux afin de mettre un terme aux désordres. Au surplus, il doit être observé que le branchement irrégulier de la conduite des eaux usées de la cuisine de l'appartement de M. [J] est également à l'origine de l'engorgement de la conduite.

M. [V] précise que la pose d'un clapet anti-retour sur la conduite des eaux usées de Mme [H] est de nature à empêcher les débordements sur sa terrasse mais pas l'obstruction plus ou moins partielle de la conduite d'évacuation qui ne remplira plus sa fonction, empêchera les évacuations des réseaux EP et EU et impose un entretien annuel. En revanche, le déplacement du WC et son branchement sur la conduite existante permet de mettre un terme définitif aux désordres.

Le WC étant une partie strictement privative, le syndicat des copropriétaires ne peut être condamné à procéder à son déplacement. En revanche, il lui appartiendra d'autoriser le raccordement de la nouvelle installation à la canalisation d'eau vanne équipant l'ensemble de la résidence.

Par conséquent, il convient de condamner Monsieur [Z] [J] à déplacer le WC situé dans l'appartement dont il est propriétaire au premier étage de l'immeuble sis [Adresse 1] sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai de deux mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à Madame [X] [H] de faire liquider l’astreinte.

S'agissant du préjudice de jouissance réclamé par Mme [H], l'expert judiciaire relève qu'il concerne l'usage de sa terrasse en raison des désagréments liés aux débordements et à leur nettoyage.
Ces débordements ont été constatés par le commissaire de justice et ne sont aucunement contestés par les défendeurs. Il résulte des éléments précités que ces dommages ont commencé au cours de l'année 2007 et que M. [J] a été mis en demeure d'y remédier par le syndic en 2012 puis par la ville de [Localité 4] en 2018. Ils ont nécessité l'intervention d'une société d'assainissement à de multiples reprises entre les années 2007 et 2023.
Toutefois, l'usage de la conduite régulièrement engorgée par Mme [H], en raison du branchement de la canalisation des eaux usées de sa cuisine sur celle-ci, a participé à la survenance des désordres et doit conduire à limiter son préjudice.

Compte tenu de la nature des désordres, de leur ampleur, de leur ancienneté, mais également de la cause imputable à la demanderesse, le préjudice de jouissance de cette dernière sera souverainement évalué à la somme totale de 8 000 euros.

En conséquence, il convient de condamner in solidum le syndicat des copropriétaires et Monsieur [Z] [J], tous deux gardiens des canalisations à l'origine des dommages, à verser à Madame [X] [H] la somme de 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance.

Par ailleurs, aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

M. [J] ne démontre aucunement l'attitude jugée humiliante à son égard adoptée par Mme [H] et le syndicat des copropriétaires ni l'existence d'un quelconque préjudice moral. Il sera donc débouté de sa demande indemnitaire.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le syndicat des copropriétaires et Monsieur [Z] [J], qui succombent in fine, supporteront les dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître [T] et seront condamnés à payer à Madame [X] [H] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant à juge unique publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE Monsieur [Z] [J] à déplacer le WC situé dans l'appartement dont il est propriétaire au premier étage de l'immeuble sis [Adresse 1] sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai de deux mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à Madame [X] [H] de faire liquider l’astreinte,

DEBOUTE Madame [X] [H] de sa demande de déplacement du WC dirigée à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1],

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] et Monsieur [Z] [J] à verser à Madame [X] [H] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

DEBOUTE Madame [X] [H] du surplus de ses demandes,

DEBOUTE Monsieur [Z] [J] de sa demande de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] et Monsieur [Z] [J] aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître TOSCANO,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] et Monsieur [Z] [J] à payer à Madame [X] [H] la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 02 juillet 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 22/09877
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;22.09877 ?
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