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02/07/2024 | FRANCE | N°22/08349

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 02 juillet 2024, 22/08349


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 02 Juillet 2024


Enrôlement : N° RG 22/08349 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KDI

AFFAIRE : Mme [I] [N] épouse [X] (Me Gaël CHEVALIER) et autres
C/ Mme [D] [S] épouse [X] (Me Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL)


DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier


Vu le rapport fait à l’audi

ence

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le :...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 02 Juillet 2024

Enrôlement : N° RG 22/08349 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KDI

AFFAIRE : Mme [I] [N] épouse [X] (Me Gaël CHEVALIER) et autres
C/ Mme [D] [S] épouse [X] (Me Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL)

DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Juillet 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [I] [N] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 14]
de nationalité Française, sans emploi, demeurant [Adresse 4]

Monsieur [B] [N]
né le [Date naissance 8] 1963 à [Localité 10]
de nationalité Française, technicien, demeurant [Adresse 3]

Monsieur [T] [N]
né le [Date naissance 5] 1972 à [Localité 12]
de nationalité Française, chauffeur-livreur, demeurant [Adresse 2]

représentés par Maître Gaël CHEVALIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDERESSE

Madame [D] [S] épouse [X]
née le [Date naissance 6] 1941 à [Localité 13]
de nationalité Française, retraitée, demeurant [Adresse 11]

représentée par Maître Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

[Y] [N] est décédé le [Date décès 7] 2021 à l'âge de 81 ans, laissant pour lui succéder ses trois enfants , madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N].

Aux termes d'un testament authentique du 18 décembre 2013 [Y] [N] avait consenti à madame [D] [S] épouse [X] le legs de l'usufruit de l'universalité de biens meubles et immeubles dont il serait propriétaire au jour de son décès.

[Y] [N] avait en outre souscrit deux contrats d'assurance-vie, tous deux ayant comme bénéficiaire en cas de décès madame [D] [S] épouse [X] :
le 19 août 1998 le contrat LIONVIE ACTIONS n°XA0031451H sur lequel ont été effectués des versements mensuels de 64,03 € jusqu'en novembre 2001, puis de 68,25 € jusqu'en juin 2003 et de 50 € jusqu'au 7 janvier 2012, date du dernier versement, et un versement libre de 10.671,43 € le 22 octobre 1998,le 26 janvier 2007 le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550 sur lequel ont été faits quatre versements libres de 50.000 € à l'ouverture, de 85.000 € le 11 janvier 2017, 136.000 € le 11 janvier 2019 et 100.000 € le 21 juin 2019.

Par acte d'huissier en date du 18 août 2022 madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] ont fait assigner madame [D] [S] épouse [X].
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 18 janvier 2024 ils demandent au tribunal de :
Au principal :
JUGER qu’il résulte du contrat d’assurance-vie LCL VIE S1/S2 n°66872550 une donation indirecte de Feu [Y] [N] au profit de madame [D] [X] née [S], faite en fraude des droits successoraux de madame [I] [X] née [N], monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] ;JUGER que cette donation constitue une atteinte aux droits à réserve de madame [I] [X] née [N], de monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] ; JUGER que cette donation doit être réduite à proportion de ce qui est autorisé par la loi, en ce qu’elle ne pourrait excéder la quotité disponible du quart de l’actif successoral reconstitué ;En conséquence condamner madame [D] [X] née [S] à verser à madame [I] [X] née [N], à monsieur [T] [N] et à monsieur [B] [N], chacun, la somme de 98 293,63 € ;Subsidiairement :
JUGER du caractère manifestement exagéré des primes cotisées par Feu [Y] [N] sur le contrat d’assurance-vie LCL VIE S1/S2 n°66872550, au profit de madame [D] [X] née [S], en fraude des droits de madame [I] [X] née [N], de monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] ;JUGER que le contrat d’assurance vie LCL VIE S1/S2 n°66872550 souscrit par Feu [Y] [N] ne représentait aucune utilité fiscale ou économique eu égard à son âge, sa situation familiale et patrimoniale ;JUGER une atteinte aux droits à réserve de madame [I] [X] née [N], de monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] ;JUGER que cette libéralité doit être réduite à proportion de ce qui est autorisé par la loi, en ce qu’elle ne pourrait excéder la quotité disponible légale, soit le quart de l’actif successoral reconstitué ;En conséquence condamner madame [D] [X] née [S] à verser à madame [I] [X] née [N], à monsieur [T] [N] et à monsieur [B] [N], chacun, la somme de 95 450,25 €.En tout état de cause :
ORDONNER la réduction de toute libéralité consentie par Monsieur [Y] [N] au profit de Madame [D] [X] née [S] conformément à ce qui est autorisé par la loi, soit la quotité disponible ;CONDAMNER madame [D] [X] née [S] à indemniser madame [I] [X] née [N], monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] de toutes les sommes qui excéderaient la quotité disponible ;AUTORISER madame [I] [X] née [N], messieurs [T] [N] et [B] [N] à requérir près l’Etude de Maître [L] ou tout autre, la déconsignation enregistrée sous les références n°336 68 23, et la remise à leur profit de la somme de 236 200 € ;CONDAMNER madame [D] [X] née [S] à indemniser madame [I] [X] née [N], monsieur [T] [N] et monsieur [B] [N] du delta, soit la somme de 50 150,75 € ;CONDAMNER madame [D] [X] née [S] à une somme de 4 200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;ORDONNER la capitalisation annuelle des intérêts des sommes versées à compter de la date du décès ;CONDAMNER madame [D] [X] née [S] aux entiers dépens de l’instance ;ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir, sans caution ni sureté.Au soutien de leurs demandes ils font valoir que les contrats d'assurance-vie souscrits par le de cujus constituent en réalisé des donations déguisées en ce qu'ils caractérisent de sa part la volonté irrévocable de se dépouiller de son patrimoine au profit de la bénéficiaire désignée. Ils soulignent à ce titre qu'à compter de 2017 l'état de santé de leur père s'est dégradé de façon constante jusqu'à son décès, que les fonds versés sur le contrat LCL VIE provenait exclusivement de la réalisation de son patrimoine immobilier, et que ce contrat ne présentait aucun avantage ni aléa pour le souscripteur eu égard à son âge au moment du versement des primes.
Subsidiairement sur le caractère manifestement exagéré des primes, ils exposent que le montant mensuel moyen des primes versées sur le contrat LCL VIE après l'âge de 77 ans représente trois fois le revenu mensuel de [Y] [Z], et que ce dernier a été hospitalisé à cinq reprises entre 2017 et son décès et que ce contrat n'avait pour lui aucune utilité économique ou fiscale.

Madame [D] [S] épouse [X] a conclu le 17 décembre 2023 à titre principal au rejet des demandes formées à son encontre et à titre subsidiaire :
Dans l’hypothèse où la juridiction considérerait qu’il s’agirait d’une donation déguisée :
DIRE ET JUGER qu’en cas de requalification du contrat d’assurance-vie en donation déguisée, les consorts [N] ne peuvent solliciter le versement d’une somme supérieure à 52.229,33 € chacun.DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent réclamer près l’étude de maître [L], notaire, la déconsignation et la remise à leur profit d’une somme totale supérieure à 156.688 €.AUTORISERmadame [X] à réclamer près l’étude du notaire, la déconsignation et la remise à son profit d’une somme qui ne peut être inférieure à 79.512 €.Dans l’hypothèse où la juridiction de céans considérerait que les primes versées en 2019 sont manifestement excessives :
DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent solliciter une indemnité supérieure à 32.450 € chacun,DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent réclamer près l’étude de maître [L], notaire, la déconsignation et la remise à leur profit d’une somme totale supérieure à 97.620 €.AUTORISER madame [X] à réclamer près l’étude du notaire, la déconsignation et la remise à son profit d’une somme qui ne peut être inférieure à 138.580 €.Dans l’hypothèse où la juridiction considérerait que les primes versées en 2017 et 2019 sont manifestement excessives :
DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent solliciter une indemnité supérieure à 44.137,50 € chacun,DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent réclamer près l’étude de maître [L], notaire, la déconsignation et la remise à leur profit d’une somme totale supérieure à 132.412,50 €.AUTORISER madame [X] à réclamer près de l’étude du notaire, la déconsignation et la remise à son profit d’une somme qui ne peut être inférieure à 103.787,50 €. Dans l’hypothèse où la juridiction considérerait que l’ensemble des primes versées sur le contrat d’assurance-vie sont manifestement excessives :
DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent solliciter une indemnité supérieure à 51.012,25 € chacun,DIRE ET JUGER que les consorts [N] ne peuvent réclamer près l’étude de maître [L], notaire, la déconsignation et la remise à leur profit d’une somme totale supérieure à 153.036,75 €.AUTORISER madame [X] à réclamer près de l’étude du notaire, la déconsignation et la remise à son profit d’une somme qui ne peut être inférieure à 83.163,25 €.En tout état de cause, et dès lors que la juridiction considérerait que les primes versées sont manifestement excessives :
DIRE ET JUGER que les sommes dont madame [X] s’est acquittée au titre des impôts doivent être déduites des sommes rapportées à la succession,DIRE ET JUGER qu’il convient de déduire des droits des consorts [N] les sommes d’ores et déjà perçues au titre de l’actif net de la succession,En tout état de cause :
DEBOUTER les consorts [N] de leurs demandes de capitalisation annuelle des intérêts des sommes versées à compter de la date du décès,AUTORISER madame [X] à réclamer, près l’étude de maître [L], la déconsignation enregistrée n° 336 68 23 et la remise à son profit de toutes les sommes excédants celles devant être éventuellement réintégrées à la succession de feu monsieur PERRIEREDEBOUTER les consorts [N] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,CONDAMNER in solidum les consorts [N] au versement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,CONDAMNER les consorts [N] aux entiers dépens distraits au profit de maître Béatrice ZAVARRO sur son affirmation de droit.Madame [X] fait valoir que le contrat LCL VIE a été souscrit alors que [Y] [N] était âgé de 67 ans, qu'aucun élément n'est produit permettant de caractériser une dégradation de son état de santé avant 2021 dès lors que les bulletins d'hospitalisation antérieurs à cette année ne précisent pas la pathologie dont il a été atteint et qu'il n'a été admis en maison de retraite que le 26 juillet 2021 soit plus de deux ans après le dernier versement. Elle ajoute que le montant de la somme retirée par [Y] [N] de la vente de biens immobiliers n'est pas déterminée dans la mesure où deux d'entre eux étaient détenus par une SCI dont le de cujus n'était qu'associé pour une part non précisée, et où, concernant le bien situé en Espagne, il n'est pas précisé s'il faisait l'objet d'un prêt non intégralement remboursé. Madame [X] conteste également l'absence d'aléa de ce contrat, exposant que [Y] [N] avait toujours la possibilité d'exercer sa faculté de rachat.
Subsidiairement sur le caractère exagéré des primes elle expose qu'au moment de la souscription des contrats en cause [Y] [N] ne souffrait d'aucun problème de santé et qu'il était âgé respectivement de 58 et 67 ans, qu'il a été admis en maison de retraite trois mois avant son décès, et que ces contrats présentaient bien pour lui un intérêt économique.
Dans l'hypothèse où il serait retenu que les contrats en cause constituent des donations déguisées ou que les primes sont en tout ou partie manifestement exagérées, madame [X] soutient qu'il convient de déduire des sommes qu'elle a reçues en vertu des contrats d'assurance le montant des impôts sur la mutation dont elle s'est acquittée, soit 173.415,72 €.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte des dispositions de l'article 894 du code civil qu'un contrat d'assurance-vie peut être requalifié en donation si les circonstances dans lesquelles son bénéficiaire a été désigné relèvent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. Il en est ainsi si le souscripteur se dépouille au profit du bénéficiaire, de manière actuelle et non aléatoire eu égard à son espérance de vie et au montant des primes versées par rapport à son patrimoine.

[Y] [N] a souscrit deux contrats d'assurance-vie, tous deux ayant comme bénéficiaire en cas de décès madame [D] [S] épouse [X] :
le 19 août 1998 le contrat LIONVIE ACTIONS n°XA0031451H sur lequel ont été effectués des versements mensuels de 64,03 € jusqu'en novembre 2001, puis de 68,25 € jusqu'en juin 2003 et de 50 € jusqu'au 7 janvier 2012, date du dernier versement, et un versement libre de 10.671,43 € le 22 octobre 1998,le 26 janvier 2007 le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550 sur lequel ont été faits quatre versements libres de 50.000 € à l'ouverture, de 85.000 € le 11 janvier 2017, 136.000 € le 11 janvier 2019 et 100.000 € le 21 juin 2019.
Étant né le [Date naissance 9] 1940, il avait donc 58 et 67 ans au moment de la souscription de chacun de ces contrats, et bénéficiait donc d'une espérance de vie certaine. Il n'est pas établi qu'il souffrait en 1998 ou en 2007 de problèmes de santé, la première hospitalisation dont il est fait état au moyen des bulletins produits aux débats datant de la période du 27 mars au 21 avril 2017.

À cette époque, aucun versement n'avait été fait sur le contrat LIONVIE ACTIONS n°XA0031451H depuis plus de cinq ans.

En outre il n'est ni démontré ni affirmé que madame [D] [S] épouse [X] aurait accepté expressément sa désignation comme bénéficiaire avant le décès de [Y] [N], ce qui aurait eu pour effet de rendre cette clause irrévocable. Le souscripteur demeurait donc libre dans ces circonstances soit de désigner un autre bénéficiaire, soit d'exercer sa faculté de rachat.

La consistance du patrimoine personnel et des ressources de [Y] [N] entre 1998 et 2012, soit pendant la durée des versements sur le contrat LIONVIE ACTIONS n°XA0031451H n'est pas précisée. Il ne peut donc être affirmé que ce contrat, sur lequel, à l'exception d'un versement libre, n'ont été faits que des versements mensuels d'un montant modeste compris entre 50 et 70 €, ne présentait aucune utilité économique.

En l'absence de caractère réel et irrévocable du dépouillement opéré au moyen de ce contrat, il ne revêt pas le caractère d'une donation déguisée.

La caractère manifestement exagéré des primes versées sur ce contrat n'est pas non plus démontré, le tribunal ne disposant d'aucun élément permettant de déterminer les revenus et le patrimoine de [Y] [N] entre 1998 et 2012.

Il n'y a donc pas lieu à rapport des primes versées en application de celui-ci.

En ce qui concerne le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550, le patrimoine et les revenus de monsieur [N] à son ouverture en 2007 sont inconnus. Trois autres versements sont ensuite intervenus en 2017 et 2019, alors qu'il avait 77 et 79 ans. Au moment où ces versements ont été faits, l'état de santé de [Y] [N] s'est dégradé puisqu'il a fait l'objet de six hospitalisations entre le 27 mars 2017 et le 19 octobre 2021.
Un compte-rendu de consultation du 14 septembre 2021 mentionne de multiples antécédents médicaux-chirurgicaux, une artériopathie oblitérante sévère, une ischémie mésentérique, une rupture d'anévrisme de l'artère fémorale, une épilepsie sur séquelle d'AVC et des troubles cognitifs, notamment.

Par ailleurs il apparaît que [Y] [N] s'est progressivement défait de son patrimoine immobilier, au moyen de la vente le 19 novembre 2018 d'un bien situé en Espagne pour 140.000 € et de la vente de deux biens d'une SCI dont il était l'associé les 9 novembre 2016 pour un million d'euros et le 17 mai 2019 pour 950.000 €.

D'après un courriel de maître [M], notaire, le montant de l'actif net de succession au jour du décès était de 10.801,48 €.

Ces éléments démontrent qu'à partir de 2017 [Y] [N], à une époque où son état de santé se dégradait de façon continue, et tout en se défaisant de ses actifs immobiliers, a placé l'ensemble de ses liquidités sur le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550. La volonté libérale de sa part envers la bénéficiaire désignée est ainsi suffisamment caractérisée, de sorte que ce contrat constitue une donation déguisée qui doit être rapportée à la succession et être réduite conformément aux dispositions de l'article 922 du code civil.

Selon les relevés produits aux débats, les primes versées sur le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550 ont été de 371.000 €, dont 40 % versés directement au Trésor Public au titre des droits de mutation.

La réunion des biens dont il a été disposé par donation doit s'opérer, selon l'article 922 précité, de manière fictive, après qu'en ont été déduites les dettes ou charges les grevant. Il convient donc de retenir, pour le calcul de l'indemnité de réduction, que la somme effectivement reçue par madame [X] après paiement des droits de mutation qui constituent une charge grevant les biens qu'elle a reçus. La donation consentie à madame [D] [X] s'établit donc à 204.050 €.

Conformément à l'article 913 du code civil, en présence de trois enfants, la quotité disponible est de un quart, soit (10.801,48 + 204.050 €) / 4 = 53.712,87 €, et la réserve héréditaire de 161.138,61 €

Les consorts [N] ont déjà reçus du notaire chargé de la succession la somme de 2.700,25 € au titre de l'indemnité de réduction du legs. Il leur reste donc dû par madame [D] [X] un total de 158.438,36 € soit à chacun une somme de 52.812,79 €.

Afin de les remplir de leurs droits ils seront chacun autorisés à solliciter la remise par maître [L], notaire, d'un montant équivalent à prélever sur la somme consignée entre ses mains en vertu des ordonnances du juge de l'exécution de ce siège des 18 octobre et 15 novembre 2022, soit au total 158.438,36 €. Madame [D] [X] sera pour sa part autorisée à se faire remettre le solde.

Conformément aux dispositions de l'article 924-3 du code civil les sommes dues par madame [X] à titre d'indemnité de réduction produisent intérêt à compter de la date à laquelle elles ont été fixées, soit à la date du présent jugement. Aucun texte ne prévoit la capitalisation annuelle desdits intérêts et la demande en ce sens devra être rejetée.

Madame [D] [X], qui succombe à l'instance, en supportera les dépens.

Elle sera en outre condamnée à payer aux consorts [N] la somme totale de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas lieu d'ordonner par une disposition spéciale l'exécution provisoire du présent jugement, celle-ci étant de droit.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] de leurs demandes tendant à la qualification en donation déguisée et au rapport des primes versées sur le contrat LIONVIE ACTIONS n°XA0031451H ;

Dit que le contrat LCL VIE S1/S2 n°66872550 constitue une donation consentie par [Y] [N] au profit de madame [D] [S] épouse [X] ;

Fixe l'indemnité de réduction due par madame [D] [S] épouse [X] à la somme de 158.438,36 € soit revenant à madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] une somme de 52.812,79 € chacun ;

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Déboute madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] de leur demande de capitalisation des intérêts ;

Autorise madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] à solliciter la remise par maître [L], notaire, d'un montant total de158.438,36 €, soit 52.812,79 € chacun, à prélever sur la somme consignée entre ses mains en vertu des ordonnances du juge de l'exécution de ce siège des 18 octobre et 15 novembre 2022 ;

Autorise madame [D] [S] épouse [X] à se faire remettre le solde des sommes consignées entre les mains de maître [L], notaire, en vertu des ordonnances du juge de l'exécution de ce siège des 18 octobre et 15 novembre 2022 ;

Condamne madame [D] [S] épouse [X] à payer à madame [I] [N] épouse [X], monsieur [B] [N] et monsieur [T] [N] la somme totale de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame [D] [S] épouse [X] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/08349
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;22.08349 ?
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