TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N° 24/ DU 02 Juillet 2024
Enrôlement : N° RG 22/04037 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z5AU
AFFAIRE : Mme [U] [N] (SELAS BRUZZO DUBUCQ)
C/ M. [J] [V] (SELARL MAMELLI AVOCATS)
DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier
Vu le rapport fait à l’audience
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Juillet 2024
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Madame [U] [N]
née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 8] (95)
de nationalité Française, directrice de restaurant, demeurant [Adresse 6]
représentée par Maître Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO DUBUCQ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
C O N T R E
DEFENDEURS
Monsieur [J] [V]
né le [Date naissance 3] 1975 à [Localité 7]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]
Société CESARINE
SCI au capital de 600 € immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 493 723 852, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentés par Maître Marc MAMELLI de la SELARL MAMELLI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSÉ DU LITIGE :
[U] [N] et [J] [V] se sont mariés le [Date mariage 5] 2009, et ont créé le 12 janvier 2007, la société civile immobilière CESARINE immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Marseille, et dont le siège social est sis [Adresse 1], son capital social, constitué de 60 parts, étant réparti comme suit : [U] [N] détient 10 parts, [J] [V] détient 50 parts. Il exerce en outre la fonction de gérant.
Par jugement définitif du 29 août 2017, le Tribunal de grande instance de Marseille a prononcé le divorce de [U] [N] et [J] [V].
Le 18 juin 2018, [U] [N] a proposé de se retirer de la SCI CESARINE contre le paiement de la valeur de ses parts.
Par acte d'huissier de justice en date du 20 avril 2022 madame [U] [N] a fait assigner monsieur [J] [V] et la SCI CESARINE.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 16 novembre 2023 elle demande au tribunal de juger qu'il existe des justes motifs justifiant son retrait de la SCI CESARINE, d'autoriser ce retrait, et de condamner monsieur [V] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que compte tenu de l’attitude méprisante de monsieur [V], elle est contrainte de demeurer prisonnière des titres d’une société dont la gestion désastreuse lui cause d’importants préjudices ; que l’affectio societatis entre les deux associés a totalement disparu, compte tenu de la méthode de gestion du bien qui est faite par monsieur [V] et de la dégradation de leurs relations personnelles, marquée par des épisodes de violences en juillet 2021 et mars 2014, et que le tribunal a déjà autorisé son retrait de deux autres sociétés constituées entre eux par jugement du 8 juin 2023.
Monsieur [V] et la SCI CESARINE ont conclu en dernier lieu le 2 octobre 2023 au rejet des demandes de madame [N], et à titre reconventionnel à sa condamnation à leur payer à chacun les sommes de 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Ils soutiennent qu'il n'existe pas de justes motifs au retrait de madame [N], qui revendiquait une valeur de rachat de ses parts à hauteur de 20.000 € qu'ils estiment erronée, que l'état de mésentente invoqué a été artificiellement provoqué par madame [N], que la SCI CESARINE ne connaît pas de difficulté de fonctionnement et que le seul courrier de 2018 est insuffisant à caractériser une mésentente entre associés.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article 1869 du Code Civil dispose en son alinéa 1er que sans préjudice des droits des tiers, un associé peut se retirer totalement ou partiellement de la société, dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, après autorisation donnée par une décision unanime des autres associés. Ce retrait peut également être autorisé pour justes motifs par une décision de justice.
L’article 9.5 des statuts de la SCI CESARINE stipule que tout associé qui entend se retirer de la société, totalement ou partiellement doit justifier d'un juste motif. Le retrait exige l'accord unanime de tous les autres associés.
Un simple désaccord ne suffit pas à obtenir l’autorisation de retrait de la part du tribunal mais une mésentente grave entre les associés, qui a des conséquences dommageables pour la société, peut justifier le retrait, de même que la disparition de l’affectio societatis.
Il a déjà été jugé par ce tribunal que s’il est constant que la disparition des relations affectives entre deux associés ne constitue pas un juste motif de retrait, il n’est toutefois pas contesté que le divorce d’entre [J] [V] et [U] [N] est intervenu dans un contexte de mésentente entre les parties, avec dépôt de plaintes pénales (produites aux débats), et que celles-ci ne sont plus en mesure de communiquer dans l’intérêt de la société comme l’illustre les échanges de courriers produits ainsi que les griefs formulés par [U] [N] dans ses écritures à l’encontre du gérant.
Force est de constater dans ces conditions qu'il n'existe plus entre les associés de volonté de collaborer et de concourir ensemble à la réalisation d’un projet commun, en l'espèce la gestion du bien immobilier appartenant à la SCI CESARINE.
Madame [N] caractérise ainsi l'existence d'un juste motif permettant son retrait, qu'il convient en conséquence d'autoriser.
La demande de madame [N], dès lors qu'elle est fondée, ne présente aucun caractère abusif, et la demande reconventionnelle de dommage et intérêts de monsieur [V] et de la SCI CESARINE devra être rejetée.
Monsieur [V] et la SCI CESARINE, qui succombent à l'instance, en supporteront in solidum les dépens. Monsieur [V] sera en outre condamné à payer à madame [N] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
Autorise le retrait de madame [U] [N] de la SCI CESARINE, immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 493 723 852 ;
Déboute monsieur [J] [V] de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne monsieur [J] [V] à payer à madame [U] [N] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne ni solidum monsieur [J] [V] et la SCI CESARINE aux dépens.
AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,