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27/06/2024 | FRANCE | N°23/02101

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 27 juin 2024, 23/02101


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 27 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 23/02101 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3BA5

AFFAIRE : Mme [D] [G] (Me Géraldine ADRAI-LACHKAR)
C/ Clinique Juge (SELARL ABEILLE & ASSOCIES) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en qualité de Juge Rapporteur, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, a présenté s

on rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, et JOUBERT Stéfanie,...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 27 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 23/02101 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3BA5

AFFAIRE : Mme [D] [G] (Me Géraldine ADRAI-LACHKAR)
C/ Clinique Juge (SELARL ABEILLE & ASSOCIES) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en qualité de Juge Rapporteur, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 27 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [D] [G]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Géraldine ADRAI-LACHKAR, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

CLINIQUE [6]
SAS immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 055 807 838, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

ONIAM
dont le siège social est sis [Adresse 8], pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 5] et en son service contentieux sis [Adresse 3]

représentée par Maître Gilles MARTHA, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [D] [G] a subi le 21 octobre 2016 la pose d'une prothèse de genou. L'intervention a été réalisée par le docteur [U], au sein de la Clinique [6].

Dans les suites de l'intervention elle a présenté le 2 décembre 2016 une infection par un germe à streptocoque pyogène.

Le Spacer a été enlevé et une prothèse plus volumineuse a été mise en place en mars 2017.

Aux termes d'une ordonnance du 17 avril 2019, le juge des référés a désigné le docteur [Z] en qualité d'expert, lequel s'est adjoint le docteur [I] en qualité de sapiteur.
L'expert a déposé son rapport le 10 novembre 2021, excluant le caractère nosocomial de l'infection. L'expert a encore indiqué que la prise en charge de madame [G] a été conforme aux données acquises de la science.

Par acte d'huissier du 14 février 2023 madame [G] a fait assigner la Clinique [6] et l'ONIAM, en présence de la CPAM des Bouches du Rhône.
Aux termes de son exploit introductif d'instance elle demande au tribunal, à titre principal, d'homologuer un rapport du docteur [S] retenant le caractère nosocomial de l'infection, de condamner les défendeurs à lui payer la somme de 100.000 € à titre de provision, et à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise.
Madame [G], contestant les conclusions du rapport du docteur [Z], se prévaut d'un rapport du docteur [S], non contradictoire, lequel indique que l'expert ne s'est appuyé que sur une hypothèse non vérifiée.

La Clinique [6] a conclu le 12 octobre 2023 au rejet des demandes de madame [G] et à la condamnation de tout contestant à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs que l'expertise judiciaire a permis d'écarter le caractère nosocomial de l'infection, le docteur [I] ayant motivé son avis notamment par le caractère tardif de son apparition (six semaines) eu égard au délai d'incubation rapide du germe contracté (moins d'un mois). Elle ajoute que la note du docteur [S] ne permet en aucun cas d’expliquer l’intervalle libre de six semaines entre l’intervention et la survenue de l’infection dans le contexte de délai d’incubation inférieur à sept jours et ne repose que sur les déclarations de madame [G], et que dans ces conditions la désignation d'un nouvel expert n'est pas utile.

L'ONIAM a conclu le 20 juin 2023 au rejet des demandes de madame [G] et à la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les mêmes motifs, ajoutant qu'il n'est pas démontré que le seuil de gravité des dommages prévu à l'article L1142-1-1 du code de la santé publique pour justifier son intervention est atteint.

La CPAM des Bouches du Rhône, par conclusions du 4 juillet 2023, demande la condamnation de la Clinique Juge à lui rembourser ses débours à hauteur de 77.612,08, ainsi qu'à lui payer les sommes de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l’article L 1142-1 I al 2 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Sur la nature de l’infection déclarée le 2 décembre 2016, le docteur [I] a indiqué que celle-ci peut être définie comme un cas certain d’invasion à streptococcus pyogenes, qui s’est manifestée par une arthrite septique sur prothèse compliquée d’un choc septique avec syndrome de détresse respiratoire.

Il ajoute que le réservoir de cette bactérie est strictement humain, qu’elle se retrouve principalement chez les personnes infectées au niveau de la gorge et de la peau, mais que 5% des adultes et 20% des enfants peuvent être simples porteurs ; que pour le sujet réceptif le délai d’apparition des symptômes est de quelques jours, rarement au-delà d’une semaine et jamais au-delà d’un mois.

Pour exclure le caractère nosocomial de l’infection le docteur [I] explique qu’il aurait fallu que l’isolement de la bactérie dans l’articulation soit effectué pendant la durée du séjour hospitalier ou dans les sept jours suivant la sortie.

La note du docteur [S] du 7 juin 2021 reprend les mêmes informations concernant la nature de la bactérie, son mode de transmission, le délai de survenue habituellement inférieur à sept jours. Pour retenir l’origine nosocomiale de l’infection elle retient l’absence d’infection déclarée avant le 21 octobre 2016, des données bibliographiques indiquant des délais d’incubation dans certains cas supérieurs à soixante jours, et le fait que l’arthrite septique est survenue au niveau du genou opéré.

Cependant ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l’expertise. En effet le docteur [S] n’explique pas comment d’une simple possibilité d’apparition au-delà de sept jours elle conclut à la certitude d’une apparition à six semaines. En outre l’expert a indiqué dans son rapport que la bactérie en cause colonise la gorge ou la peau, peut entraîner une infection locale à type de pharyngite et passer dans le sang à cette occasion, colonisant secondairement des sites privilégiés comme les articulations et particulièrement le genou, surtout en présence de matériel. Il ajoute que l’arthrite septique aigüe est une des localisations cliniques les plus fréquentes dans ce cadre. La localisation de l’arthrite septique au niveau du genou opéré n’est donc pas un élément susceptible de déterminer la nature nosocomiale de l’infection.

Enfin s’agissant du mode de contamination il n’a jamais été soutenu que madame [G] aurait été à l’isolement entre sa sortie de la clinique [6] et le 2 décembre 2016 ni été démontré qu’elle n’a dans ce délai jamais été en contact avec un porteur du streptocoque pyogène.

La seconde note du docteur [S] du 11 octobre 2021, qui ne fait que relever un nombre important d’infections du site opératoire au sein de la clinique [6] en 2021 et une mauvaise maîtrise du risque infectieux, sans expliquer autrement le mécanisme de l’infection et de propagation du germe, n’est pas non plus de nature à remettre en cause ces conclusions.

Dans ces conditions il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise.

Le caractère nosocomial de l’infection n’étant pas démontré, la demande de provision sera également rejetée.

La CPAM des Bouches du Rhône sera également déboutée de ses demandes.

Madame [G], qui succombe à l’instance, en supportera les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître de la GRANGE et de maître ZANDOTTI, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Elle sera encore condamnée à payer à la SASU CLINIQUE JUGE et à l’ONIAM la somme de 1.000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute madame [D] [G] de ses demandes ;

Déboute la CPAM des Bouches du Rhône de ses demandes ;

Condamne madame [D] [G] à payer à la SASU CLINIQUE JUGE et à l’ONIAM la somme de 1.000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame [D] [G] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître DE LA GRANGE et de maître ZANDOTTI, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/02101
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;23.02101 ?
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