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27/06/2024 | FRANCE | N°22/08736

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 27 juin 2024, 22/08736


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 27 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/08736 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KZK

AFFAIRE : M. [B] [C] [E] (Maître [M] [O] de la SELARL AVOCATIA)
C/ S.A.S. IDEOL (SCP BBLM)

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en qualité de Juge Rapporteur, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, a présenté son rapport à l’audie

nce avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur
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TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 27 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/08736 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KZK

AFFAIRE : M. [B] [C] [E] (Maître [M] [O] de la SELARL AVOCATIA)
C/ S.A.S. IDEOL (SCP BBLM)

DÉBATS : A l'audience Publique du 18 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, en qualité de Juge Rapporteur, en application des articles 804 et 805 du CPC, avec l’accord des parties, les avocats avisés ne s’y étant pas opposés, a présenté son rapport à l’audience avant les plaidoiries et en a rendu compte au Tribunal dans son délibéré, et JOUBERT Stéfanie, Juge assesseur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 27 Juin 2024

Après délibéré entre :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [B] [C] [E]
né le 18 Mars 1973 à [Localité 4]
de nationalité Française, domicilié [Adresse 2]

Société ABOVE ALL
SARL au capital de 5.000 € immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 808 369 631, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentés par Maître Alexis REYNE de la SELARL AVOCATIA, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Carole COUSON-WARLOP de la SELARL ARTLEX II, avocat plaidant au barreau de NANTES

C O N T R E

DEFENDERESSE

Société IDEOL
SAS au capital social de 1.743.138 € immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro 524 724 820, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Myriam ANGELIER de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

La société ABOVE ALL, créée en 2014 par monsieur [B] [E], est spécialisée dans la réalisation de photographies et vidéos aériennes et maritimes, notamment dans le domaine de l’éolien offshore et onshore.
Elle réalise à la demande de ses clients des reportages photographiques ou vidéos en vue de leur promotion, communications internes et externes.

Monsieur [B] [E] est photographe et vidéaste professionnel. Il est spécialisé dans la photographie et la vidéo maritime et aérienne.

Créée en 2010, IDEOL est une société de droit français spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de fondations flottantes, notamment d’éoliennes en mer. Pour la France, elle intervient depuis 2012, dans le cadre du projet européen « FLOATGEN », éolienne flottante, construite dans le port de [Localité 5], installée au large du Croisic.
Le projet est porté par plusieurs entités travaillant en collaboration. IDEOL a ainsi rejoint le consortium « FLOATGEN » composé de 7 partenaires européens, dont l'Ecole Centrale de [Localité 3].
La construction du projet FLOTAGEN, première éolienne en mer, a été lancée en 2016 et inaugurée en 2017.

Selon devis du 29 juin 2017, l’École Centrale de [Localité 3] a confié à ABOVE ALL la réalisation d’un reportage de photographies et vidéos aériennes, consacré à l’éolienne « Floatgen », aux différentes étapes de sa construction, la pose préalable de son système d’ancrage en mer, son assemblage au port, son remorquage et son installation au large.

Dans le cadre de cette mission, monsieur [E] a ainsi réalisé au cours des années 2017 et 2018 des photographies et vidéos.
Il a cédé à ABOVE ALL, selon contrat du 15 juillet 2022, les droits d’exploitation sur l’ensemble des photographies et vidéos réalisées dans le cadre du contrat avec l’École Centrale de [Localité 3]. Cette dernière s’est vue concéder pour son usage propre les droits de reproduction et de représentation portant sur les photographies et vidéos objet de la commande.

En 2018, ABOVE ALL aurait découvert qu’IDEOL exploite depuis 2017, plusieurs de ses photographies et vidéos, sans autorisation et, pour plusieurs utilisations, sans le crédit d’ABOVE ALL et sans la mention du nom de monsieur [E]. En outre, des photographies auraient été modifiées.

Par acte d'huissier du 19 août 2022 monsieur [E] et la société ABOVE ALL ont fait assigner la société IDEOL.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 2 octobre 2023 monsieur [E] et la société ABOVE ALL demandent au tribunal de déclarer leur action recevable, de rejeter les demandes tendant à ce que certaines pièces soient écartées des débats, et à titre principal sur le fondement de la contrefaçon de droits d'auteur de condamner la société IDEOL à payer à la société ABOVE ALL la somme de 370.000 € de dommages et intérêts, à monsieur [E] celle de 100.000 € pour atteinte à son droit moral, à titre subsidiaire sur le fondement de la concurrence déloyale de condamner la société IDEOL à payer à la société ABOVE ALL la somme de 380.000 € de dommages et intérêts, et en tout état de cause d'interdire à la société IDEOL toute reproduction et exploitation des photographies et vidéos litigieuses et toutes autres dont ils sont auteurs, et de condamner la société IDEOL à leur payer la somme de 100.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes ils font valoir qu'il résulte des pièces produites, et notamment des courriels échangés avec l'École Centrale de [Localité 3] que monsieur [E] s'est déplacé personnellement et a réalisé seul les clichés et films en cause, lesquels ont ensuite été adressés à ladite École au fur et à mesure de leur réalisation, puis qu'il a cédé ses droits à la société ABOVE ALL, société unipersonnelle où il travaille seul. Ils ajoutent que les œuvres cédées sont clairement identifiées par l'annexe du contrat conclu entre monsieur [E] et la société ABOVE ALL visant 1272 photographies.
Ils rappellent que la contrefaçon peut se prouver par tout moyen, que les constats d'huissier produits aux débats, même s'ils ne respectent pas la norme AFNOR NF Z67-147 relative aux constats sur internet ne sont pas pour autant dénués de toute force probante, et qu'en tout état de cause les huissiers ayant dressé ces procès-verbaux ont réalisé les opérations techniques propres à garantir la force probante de leur acte et les ont décrites.
Sur la précision du périmètre du litige, ils précisent que celui-ci porte sur 42 exploitations litigieuses, dont 23 publications par IDEOL des créations sans autorisation et 19 transmissions par IDEOL sans autorisation des créations à des tiers.
Sur l'originalité de ces œuvres ils soutiennent que photographies et vidéos litigieuses sont originales au regard des partis pris personnels et des choix créatifs réalisés par monsieur [E], qu'en amont de leur réalisation, un travail de recherche important a été réalisé par l’auteur s’agissant du projet de l’éolienne FLOATGEN, sujet du reportage commandé, afin de capturer au fil du temps la construction de la première éolienne flottante de France, que le cadre fixé par l'École Centrale de [Localité 3] n'imposait aucune contrainte artistique, que monsieur [E] a au contraire été parfaitement libre quant à la réalisation des prises de vue, qu'il a choisi d’utiliser un drone pour la réalisation des photographies et vidéos litigieuses, afin de pouvoir appréhender l’éolienne sous des angles qu’il n’aurait pas été possible de saisir autrement, par exemple lui permettant de s’approcher extrêmement près de l’éolienne en altitude ou de l’appréhender dans sa globalité d’un point de vue haut, qu'il a ainsi multiplié ses choix de cadrage, lui permettant de réaliser des cadrages, des angles de vue originaux et inédits, lui permettant d’apporter une touche particulière et propre, qu'il a eu la liberté de réaliser des prises en vue en totale adéquation avec sa personnalité, sa volonté, sa perception du projet et sa sensibilité. Ils ajoutent que l'usage du drone n’a donc aucunement limité sa capacité créatrice, mais qu'elle l’a bien au contraire démultipliée, lui permettant une recherche esthétique personnelle poussée. Ils font encore valoir que monsieur [E] a choisi librement nombre de ses dates d’interventions, soit en tout onze journées dont plusieurs sorties en mer (l’embarquement à bord du navire d’installation Far Sapphire) et a procédé en toute liberté une fois sur place, et qu'en dépit de certaines contraintes horaires ou de calendrier, l'angle de vue, le cadrage ou encore le moment précis de la prise de vue choisis par monsieur [E], lors des différentes séances que ce soit sur quai ou en mer, n’étaient soumis à aucune contrainte, ni aucune directive. Ils détaillent également, pour chacune des œuvres dont la protection est revendiquée, quels ont été les choix esthétiques de monsieur [E].
Sur la contrefaçon, ils exposent que la société IDEOL exploite sans autorisation les photographies et vidéos originales d’ABOVE ALL et de monsieur [E] sur de nombreux supports depuis 2017, en exposant sur son site internet « bw-ideol.com » une vidéo composée de plusieurs de ses vidéos pour illustrer le projet FLOATGEN, une de ses photographies dans un support de présentation diffusée en ligne, plusieurs vidéos sur sa chaîne Youtube composées de vidéos réalisées par monsieur [E], la reprise de photographies dans une brochure papier, dans un tweet du 12 juin 2018, dans un kakémono utilisé dans un salon en 2018, la reprise de vidéos dans des films de présentations utilisés notamment lors de salons professionnels ou sur internet et les réseaux sociaux.
La société ABOVE ALL et monsieur [E] reprochent encore à la société IDEOL d'avoir communiqué, sans aucune autorisation, les photographies et vidéos litigieuses à de nombreuses entités tierces, qui les ont elles-mêmes réutilisées pour illustrer des articles sur leurs sites Internet, sur les réseaux sociaux, ou encore dans le cadre de reportages télévisés et en ligne et notamment à la Mairie de [Localité 5], la société DEKRA, la société WINDPOWER MONTHLY, à monsieur [L] (journaliste), à madame [N] (journal du Parlement), au Pôle Mer Méditerranée (journal du Parlement), à monsieur [K] (journal Le Point), à la société PEIGNOIRPROD, à la société Windpower Engineering, à TF1, à REUTERS EVENTS, à RECHARGENEWS, à RENEWS, à GREEN UNIVERS, à ACTU ENVIRONNEMENT, à BOUYGUES CONSTRUCTION, à FRANCE TV, à QAIR MARINE et à MARSATWORK, donnant lieu à plusieurs nouvelles exploitations non autorisées.
Ils indiquent que la défenderesse ne peut se prévaloir d'être sous-cessionnaire de l'École Centrale de [Localité 3], dans la mesure où le contrat conclu avec celle-ci ne permettait pas une telle sous-cession, mais ne portait que sur les droits de reproduction et de représentation, et que seule l'Ecole était partie à ce contrat qui spécifiait qu'il avait été conclu intuitu personae. Ils rappellent également que la cession conclue entre ABOVE ALL et l'École Centrale de [Localité 3] n'était pas exclusive, et que monsieur [E] demeure libre d'exploiter les images, et soutiennent qu'aucune autorisation n'a été donnée au consortium Floatgen pour les exploiter, les courriels produits par la société IDEOL n'étant pas de nature à prouver le contraire.
Ils contestent l'exception de courte citation alléguée par la société IDEOL concernant certains usages, dès lors qu'il ne s'agit pas d'œuvres littéraires, que les œuvres citées ne comprennent ni le nom de l'auteur ni la source de la citation, et que l'usage qui en a été fait a été large et ne correspond pas à une brève citation.
Sur les atteintes aux droits de monsieur [E], ils exposent que les images diffusées par la société IDEOL ne mentionnent pas son nom et que pour certaines elles portent atteinte à l'intégrité de ses œuvres par une modification de cadrage ou l'ajout de textes.
La société ABOVE ALL évalue son préjudice selon les barèmes indicatifs de cession de droits d’auteur de l’Union des Photographes Professionnels, soit 83.000 € pour l'ensemble des exploitations, 190.000 € pour les transmissions au profit de tiers et 100.000 € au titre de son préjudice moral.
Subsidiairement sur le fondement de la concurrence déloyale ils soulignent que les 15 photographies et 17 vidéos en cause sont le fruit d’un investissement majeur tant financier, qu’humain de la part de monsieur [E] et ABOVE ALL, que les exploitations réalisées sans droit par IDEOL ont déprécié et négligé le travail réalisé par ABOVE ALL et a empêché cette dernière de tirer naturellement profit de celui-ci, que la société IDEOL a indûment tiré profit, et a illégitimement exploité son travail et ses investissements tant financiers, qu’humains, que les exploitations et transmissions effectuées par IDEOL causent ainsi nécessairement un préjudice à ABOVE ALL qui n’a tiré aucun profit de ces diffusions particulièrement larges, et dont les photographies et vidéos ont été dépréciées et banalisées.

La société IDEOL a conclu en dernier lieu le 5 février 2024 à l'irrecevabilité pour défaut de qualité pour agir des demandeurs, à ce que soient écartés des débats les pièces n°24, 41, 42, 43 à 64, 65, 66, 67, 68 à 83, 94,116, 117 et 145 des demandeurs, au rejet des demandes formées à son encontre et à leur condamnation à lui payer les sommes de 10.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique qu'en l’état de la délivrance de l’assignation, puis de la communication du contrat de cession, il n’était pas possible de vérifier que les clichés revendiqués en la cause avaient été exploités par monsieur [E] sous son nom ou cédés à la société ABOVE ALL par le contrat du 15 juillet 2022.
Elle conteste la force probante de divers procès-verbaux de constats d'huissiers produits aux débats par les demandeurs faute de réalisation des opérations techniques permettant de garantir leur fiabilité, et au regard d'incohérences de dates affectant l'un d'eux en date du 7 août 2020.
Elle conteste également l'originalité des œuvres revendiquées, les demandeurs invoquant les mêmes caractéristiques, à savoir des éléments purement techniques présidant à la réalisation de tout cliché et les mêmes effets visuels prétendus (contraste entre la mer et le ciel, distinction entre les univers maritime et univers terrestre, calme des eaux en opposition avec le mouvement sur le chantier, effet miroir, impression d’immensité, jeux de lumière prétendus, etc.), qui sont selon elle banals. Elle ajoute que les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés demeurent imprécis, et ne correspondent pas aux usages figurant dans les procès-verbaux de constat, et soutient que les pièces qui correspondent à des usages non visés dans les conclusions doivent être écartées des débats.
Sur la contrefaçon, elle indique que l'objet des prises de vue a été imposé au photographe, afin de capter de la manière la plus fidèle possible les différentes phases de la construction de l’éolienne FLOATGEN, de même que le mode de prise de vue à l'aide d'un drone, lequel impose en outre diverses contraintes techniques de nature à exclure toute originalité, le choix du demandeur n’ayant ainsi porté que sur une sélection des photos au sein du volume généré de façon automatique par le drone, que le contexte des prises de vue a été limité par le périmètre géographique, les dates et horaires imposés par le consortium, que monsieur [E] a reçu des instructions de IDEOL et/ou du consortium pour privilégier des moments précis de prise de vue et notamment le remorquage et le début du pompage, le lundi 21 août 2017 entre 6 heures et 10 heures du matin et la remise en eau le mardi 22 août 2017, qu'il était ainsi dépendant de l'avancement du chantier et du projet, et que ses différentes interventions se sont limitées à quelques journées, selon les autorisations d’accès, les choix du consortium et les étapes de construction de l’éolienne.
Elle affirme encore que les clichés dont la protection est sollicitée sont banals et ne diffèrent pas des clichés réalisés par d’autres prestataires ou sur d’autres sites destinés à présenter l’éolien en mer, que ces œuvres n'ont donc pas de physionomie propre et ne consistent qu'en une captation du réel sans ajout ou choix de nature à modifier la perception des différents objets concernés ni effort particulier dépassant la mise en œuvre de compétences techniques liées à la captation par drone.
La société IDEOL ajoute qu'elle a exploité les clichés en cause en qualité de cessionnaire des droits de la société ABOVE ALL en vertu du contrat du 29 juin 2017 dont elle soutient qu'il portait sur la captation de la construction et de l’installation de l’éolienne composant le projet FLOATGEN porté par un consortium, et soutient que le « client » visé dans le contrat vise nécessairement le consortium et chacun de ses membres. Elle fait encore valoir que la société ABOVE ALL a été avertie du contexte de réalisation des prises de vue, de leur objectif et du fait que celles-ci permettraient au consortium et à ses membres de promouvoir l’entier projet FLOATGEN, que l'École Centrale de [Localité 3] n'a joué qu'un rôle d'intermédiaire au nom du consortium, qu'en acceptant de céder les droits de reproduction et de représentation sur les clichés à son client, ABOVE ALL a reconnu et accepté que les clichés soient exploités par le consortium et tous ses membres, dans le cadre de la promotion de l’entier projet FLOATGEN.
La société IDEOL affirme encore que les demandeurs savaient que les clichés seraient exploités par tout le consortium et notamment IDEOL, que tous les usages en cause dénoncés ont un lien avec la promotion du projet FLOATGEN, en accord avec les demandeurs, que les clichés ont donc été exploités conformément à la destination convenue entre les parties.
Elle conteste l'existence d'une atteinte aux droits des auteurs, les usages dénoncés dans les conclusions ne correspondant pas à ceux figurant dans les procès-verbaux de constat d'huissier, et les pièces produites ne permettant pas de s’assurer que les transmissions auraient porté sur des images revendiquées par les demandeurs, l'implication d'IDEOL n'étant pas démontrée dans plusieurs d'entre elles. Elle indique encore que monsieur [E], averti des transmissions dès le mois de mars 2018, ne s'y est pas opposé.
La société IDEOL se prévaut encore de l'exception de courte citation de l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle concernant 4 vidéos.
Sur l'atteinte au droit moral de monsieur [E], la société IDEOL se réfère au contrat selon lequel le crédit associé aux clichés serait « ABOVE ALL », et soutient qu'il n'est pas démontré que le recadrage d'une photographie porterait atteinte à son intégrité, l'ajout de logos et de textes ayant été pour leur part acceptés par les demandeurs par courriel.
Sur le préjudice, la soutient IDEOL souligne qu'il ne saurait résulter de l'application d'un barème mais suppose la démonstration d'un dommage, absente en l'espèce, ajoutant que la plupart des usages litigieux ne sont pas démontrés ou ont cessé, ou que la période d'utilisation n'est pas démontrée.
Sur la concurrence déloyale, la société IDEOL expose que l’expérience capitalisée via le parcours professionnel de monsieur [E] et dans le cadre de sa société spécialisée en prises de vue aériennes a été rémunérée au titre des prestations convenues dans les devis acceptés et signés, qu'il n'est nullement justifié d’investissement en lien avec le projet de prise de vue FLOATGEN, que les demandeurs ne peuvent sérieusement revendiquer aucune exclusivité sur la réalisation de clichés d’éolienne, qu'ils ne démontrent pas en quoi ces clichés auraient contribué au succès de son évolution et de celle du projet, faisant remarquer qu'elle a également utilisé des images réalisées par des tiers pour sa promotion, et que les exploitations réalisées dans le cadre contractuel convenu n’ont donc pu priver les demandeurs de la possibilité de tirer profit de leur travail. Elle ajoute enfin que la diffusion qui a suivi a nécessairement assuré la promotion de l’activité d’ABOVE ALL en raison des crédits systématiquement associés aux diffusions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

A l'audience le tribunal a soulevé d'office l'irrecevabilité de la fin de non recevoir soulevée par la société IDEOL dans ses conclusions au fond.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la fin de non recevoir :

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile, « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : [...]

6° Statuer sur les fins de non-recevoir. [...]

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ».

La société IDEOL n'est donc pas recevable à soulever, devant le tribunal statuant au fond, la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de la société ABOVE ALL et de monsieur [E].

Sur les demandes de la société ABOVE ALL et de monsieur [E] :

L'article 1 des conditions générales du contrat du 29 juin 2017 fait mention d'une « entité cliente ci-après désignée le client », sans toutefois que cette désignation apparaisse dans la suite de ce contrat.

Les conditions particulières de ce contrat ont pour leur part été signées par la seule École Centrale de [Localité 3]. Elles stipulent que l'objet de la mission consiste en des prises de vues aériennes et maritimes du projet FLOATGEN, et prévoient expressément l'usage d'un drone.

L'article 26 des conditions générales dudit contrat stipule pour sa part que « la société ABOVE ALL concède au client pour une durée illimitée le droit de reproduction et/ou de représentation sur tous supports et par tous moyens, des images (photographies et vidéos) faisant l'objet de la commande ».

L'article 27 relatif au droit moral d'auteur, stipule que « la société ABOVE ALL possède un droit moral sur les images réalisées. En conséquence, toutes les images (photographies et vidéos) publiées par le client par quelque moyen que ce soit devront comporter le nom de l'auteur de la manière suivante : © ABOVE ALL. Toute autre mention devra faire au préalable l'objet d'un accord écrit de la société ABOVE ALL ».

Même en considérant que seule l'École Centrale de [Localité 3] a été cessionnaire des droits patrimoniaux détenus par la société ABOVE ALL sur les images en cause, cette dernière n'est plus fondée depuis la conclusion de ce contrat à revendiquer ces droits pour elle-même. En effet, seule l'École Centrale de [Localité 3], désormais titulaire de ces droits de reproduction et d'utilisation, pourrait éventuellement agir en cas de violation de ceux-ci.

Le fait que l'article 26 des conditions générales du contrat stipule que « le client reconnaît à l'auteur le droit d'utiliser lesdites images » n'est pas de nature à permettre à la société ABOVE ALL de revendiquer à nouveau la possibilité de solliciter pour elle-même la protection des droits patrimoniaux, cette formulation ne pouvant être comprise comme s'étendant aux droits de reproduction et d'utilisation sauf à vider de son sens et de son objet la cession ainsi conclue.

En conséquence la société ABOVE ALL devra être déboutée de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon.

Il en sera de même des demandes de monsieur [E] relatives au droit moral d'auteur, dès lors qu'il est expressément stipulé au contrat que la société ABOVE ALL est titulaire du droit moral, son nom devant apparaître sur les images lors de leur utilisation.

Par ailleurs il apparaît au vu des correspondances produites aux débats, et notamment d'un échange de courriels du 5 octobre 2017 que monsieur [E] a été contacté par madame [D] de la société FLYDESIGNERS, qui lui a indiqué qu'elle produisait, avec la société IDEOL et l'École Centrale de [Localité 3], des films comprenant les images qu'il avait réalisées et qu'elle cherchait à obtenir le logo de la société ABOVE ALL. Monsieur [E] lui a répondu par retour en lui fournissant l'image dudit logo.

D'autres échanges entre monsieur [E] et la société IDEOL sont intervenus directement, notamment le 4 octobre 2017, le 22 mars 2018, le 27 avril 2018. En outre le 10 octobre 2017 monsieur [E] a écrit à un correspondant à l'École Centrale de [Localité 3] relativement aux mentions devant apparaître sur les images transmises à la société IDEOL.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que dès la conclusion du contrat les demandeurs avaient connaissance de l'usage des images réalisées à l'occasion de la conception du projet FLOATGEN, et notamment de leur transmission à la société IDEOL, sans protestation de leur part mais au contraire avec leur accord sous réserve des mentions prévues l'article 27 du contrat du 29 juin 2017.

Ils ne peuvent dans ces circonstances reprocher à la société IDEOL des faits de concurrence déloyale et devront être déboutés de leurs demandes subsidiaires.

Sur la demande reconventionnelle :

La société IDEOL ne démontre pas que la présente instance aurait été introduite dans le but spécial de lui nuire, ou avoir subi de ce fait un préjudice spécial, distinct des frais de représentation en justice qui seront réparés par l'indemnité prévue à l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

La société ABOVE ALL et monsieur [E], qui succombent à l'instance, en supporteront in solidum les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître ANGELIER conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils seront en outre condamnés in solidum à payer à la société IDEOL la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déclare irrecevable la fin de non recevoir soulevée par la société IDEOL ;

Déboute monsieur [B] [E] et la société ABOVE ALL de leurs demandes ;

Déboute la société IDEOL de sa demande reconventionnelle ;

Condamne in solidum monsieur [B] [E] et la société ABOVE ALL à payer à la société IDEOL la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum monsieur [B] [E] et la société ABOVE ALL aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître ANGELIER conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/08736
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;22.08736 ?
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