La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/06/2024 | FRANCE | N°22/01489

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 25 juin 2024, 22/01489


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024



Enrôlement : N° RG 22/01489 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZVHK

AFFAIRE : Mme [Z] [B] ép. [I], M. [F] [I] (la SELARL CONVERGENCES AVOCATS)
C/ S.A.S. DE WILLERMIN (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)






DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délib

éré a été fixée au 11 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024



PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Par Madame ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024

Enrôlement : N° RG 22/01489 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZVHK

AFFAIRE : Mme [Z] [B] ép. [I], M. [F] [I] (la SELARL CONVERGENCES AVOCATS)
C/ S.A.S. DE WILLERMIN (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)

DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 11 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [Z] [B] épouse [I]
née le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

Monsieur [F] [I]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 7]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

tous deux représentés par Maître Laurent LAZZARINI de la SELARL CONVERGENCES AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDERESSE

S.A.S. DE WILLERMIN
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

*****

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] sont propriétaires d’une maison individuelle sise [Adresse 4] [Localité 2].

Ils déclarent subir un phénomène de soulèvements et fissurations du revêtement de sol de leur terrasse en plusieurs points, situés à proximité du mur mitoyen avec la SAS DE WILLERMIN.

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont fait réaliser une expertise amiable le 24 janvier 2007.

Une nouvelle expertise amiable contradictoire a été réalisée le 2 novembre 2017.

Compte tenu de la persistance des désordres, Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont saisi le juge des référés, qui par ordonnance du 20 septembre 2019 a désigné Monsieur [E] en qualité d’expert.
Le rapport a été déposé le 13 janvier 2022.

*

Suivant exploit du 10 février 2022, Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont fait assigner la SAS DE WILLERMIN devant le présent tribunal.

Par conclusions notifiées par RPVA le 9 octobre 2023, Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] demandent au tribunal, sur le fondement des articles 2224 et 544 et subsidiairement 1242 du code civil, ainsi que la théorie des troubles anormaux du voisinage, de :
- condamner la SAS DE WILLERMIN sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de quinzaine à compter de la décision à intervenir, à mettre en oeuvre les travaux nécessaires pour remédier à la cause des désordres, tels que préconisés en page 29 du rapport d’expertise,
- condamner la SAS DE WILLERMIN à verser aux concluants la somme de 40.519,55 euros en réparation des conséquences matérielles des désordres constatés par l’expert, et avec indexation sur la base de l’indice BT 01 à compter du 10 décembre 2021, date du devis de la société ALDERBAT, avec intérêt de retard à compter du 10 février 2022, date de l’assignation,
- condamner la SAS DE WILLERMIN à verser aux concluants la somme de 4.260 euros en réparation du trouble de jouissance subi par ces derniers, comptes arrêtés à la date des présentes, sauf à parfaire, et ce avec intérêts de retard à compter du 10 février 2022,
- condamner la SAS DE WILLERMIN à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, distraits au profit de Maître Laurent LAZZARINI,
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 juin 2023, la SAS DE WILLERMIN demande au tribunal, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, de :
- déclarer prescrite la demande de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I],
- débouter Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] de leurs demandes, faute d’établir un lien de causalité entre l’arbre et les désordres, alors même que l’ampleur de ceux-ci n’est dûe qu’à leur inertie de procéder à des sondages qui leurs avaient été demandés en janvier 2007 et qu’ils n’ont effectués qu’en septembre 2017,
- en tout état de cause, réduire le montant des sommes réclamées au titre du préjudice matériel,
- les débouter de leur demande au titre du préjudice de jouissance,
- les débouter de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- dire n’y avoir lieu à exécution provisoire sur les indemnités, étant rappelé que les racines ont été neutralisées en cours d’expertise judiciaire.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription des demandes

L’article 2224 du Code civil énonce que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Courant 2006, Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont déclaré à leur assureur, la société MAIF, un sinistre relatif à un soulèvement de la terrasse Ouest.
La société MAIF a mandaté le cabinet d’expertise XERIS. Par rapport amiable contradictoire du 24 janvier 2007, l’expert indique que le mur séparant la propriété de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] et la SAS DE WILLERMIN est longé d’une haie de micocouliers situés à 1,40 m du mur, mais qu’en l’absence de signe de soulèvement du revêtement bitumeux des parkings de la SAS DE WILLERMIN, il estime que les désordres sont certainement dus aux racines de l’arbre Sephora planté sur le fonds [I].
L’expert préconise la réalisation par Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] d’un sondage au niveau de la zone de soulèvement du carrelage afin de déterminer la provenance des racines.

En septembre 2017, Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont réalisé des sondages destructifs aux fins de déterminer la provenance des racines endommageant la terrasse.

Une nouvelle expertise amiable a été réalisée le 2 novembre 2017, à la suite d’une déclaration de sinistre de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] le 5 octobre 2016 en raison de nouveaux désordres sur leur terrasse.

Cette expertise a été réalisée après dépose de l’intégralité de la terrasse Ouest et a mis en évidence que les racines à l’origine des désordres proviennent d’un arbre planté sur le terrain de la SAS DE WILLERMIN.

Le rapport d’expertise judiciaire évoque une aggravation des désordres depuis la première expertise de 2007. L’expert déclare que le temps passé entre la découverte du sinistre et la mise en oeuvre d’actions visant à sa réparation a joué un rôle prépondérant dans l’aggravation des désordres.

L’expert note que courant 2018, lors de l’intervention de la société André Rénovation il a été constaté que les racines obstruaient les canalisations d’évacuation des eaux.

Il convient de constater à la lecture de ces rapports d’expertise successifs que les désordres sont apparus courant 2006 et que l’expertise amiable du 24 janvier 2007 a préconisé la réalisation de sondages afin de déterminer la provenance des racines.

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] n’apportent aucune explication sur l’absence de réalisation de ces diligences à cette époque. Ils ont attendu 10 ans pour réaliser ces sondages.

S’il est exact de dire que ce sont les sondages qui ont permis de déterminer l’origine des racines, il n’en demeure pas moins que le délai écoulé entre l’apparition des désordres et la réalisation de ces sondages n’est expliqué par aucune contrainte. Dans ces conditions, la date de réalisation de ces sondages ne peut pas être retenue comme point de départ du délai de prescription pour les demandes en réparation des dommages subis du fait du déploiement des racines. L’aggravation des désordres ne peut pas davantage être le point de départ du délai de prescription compte tenu de la carence de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] à réaliser les investigations prescrites car cette aggravation est le résultat de leur propre carence à faire réaliser les sondages.

Les demandes indemnitaires de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] aux fins de remise en état de leur terrasse et d’indemnisation de leur préjudice de jouissance doivent être déclarées prescrites.

Seules les demandes tendant à faire cesser le développement des racines qui se poursuit sont recevables, le point de départ du délai de prescription de ces demandes étant la date de persistance des désordres.

Sur la demande de travaux

Il est constant que nul ne peut causer à autrui de trouble anormal du voisinage.

Le droit d’un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à la propriété d’autrui aucun dommage excédant les inconvénients anormaux du voisinage.

En l’espèce, l’expert a constaté que la SAS DE WILLERMIN avait abattu l’arbre dont les racines se développaient dans la propriété de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I].

Il a cependant noté que la SAS DE WILLERMIN n’avait pas traité ces racines alors que ce dernier était indispensable pour éviter tout reprise.

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] versent aux débats une photographie datant du mois de juillet 2023, qui montre une reprise de l’arbre au droit de la souche.

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] produisent un procès-verbal de constat du 25 septembre 2023 qui montre la souche de l’arbre abattu avec de la végétation verdoyante en son sein.

La SAS DE WILLERMIN fait valoir qu’elle a fait des travaux suffisants pour mettre un terme aux désordres. Elle a fait établir une attestation par la société FLORA CONCEPT le 27 juillet 2021, suivant laquelle elle a appliqué un produit de marque DECAMP détruisant les racines.

Toutefois, la reprise de l’arbre en juillet 2023 montre que le traitement opéré à la demande de la SAS DE WILLERMIN n’est pas efficace et qu’un autre mode opératoire doit être trouvé pour mettre fin définitivement au développement des racines de l’arbre.

La SAS DE WILLERMIN sera condamnée à faire réaliser des travaux de traitement de la souche et des racines de nature à mettre un terme définitif à tout développement des racines du micocoulier qui a été désigné par l’expertise judiciaire comme étant à l’origine des désordres subis par Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I].

Il convient d’assortir cette condamnation d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’une durée de 2 mois commençant à courir à compter de la signification de la présente décision.

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.

Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] ont introduit un référé alors que leurs demandes aux fins d’indemnisation de leurs préjudices était déjà prescrite et que l’origine des désordres était déterminée contradictoirement.

Ils conserveront la charge des dépens, qui comprennent les frais d’expertise judiciaire qui n’était pas utile à la résolution du litige.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, il sera alloué à Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu de l’absence de traitement définitif des racines par la SAS DE WILLERMIN.

En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait obstacle au bénéfice de l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déclare prescrites les demandes de Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] de dommages et intérêts pour la remise en état et leur préjudice de jouissance,

Condamne la SAS DE WILLERMIN à faire réaliser des travaux définitifs et efficaces de traitement de la souche et des racines du micocoulier qui a été désigné par l’expertise judiciaire comme étant à l’origine des désordres subis par Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I],

Assortit cette condamnation d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à l’expiration d’une durée de 2 mois commençant à courir à compter de la signification de la présente décision,

Condamne la SAS DE WILLERMIN à payer à Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [Z] [B] épouse [I] et Monsieur [F] [I] aux dépens, qui comprennent les frais d’expertise judiciaire,

Dit n’y avoir lieu d’écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-CINQ JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 22/01489
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;22.01489 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award