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25/06/2024 | FRANCE | N°18/01001

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 25 juin 2024, 18/01001


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024



Enrôlement : N° RG 18/01001 - N° Portalis DBW3-W-B7C-UK76

AFFAIRE : M. [H] [V]et Mme [Z] [C] ép. [V] (Me OHANESSIAN)
C/ Mme [P] [R] et M. [L] [E] (Me VAN ROBAYS)






DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 1

1 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024



PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vi...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024

Enrôlement : N° RG 18/01001 - N° Portalis DBW3-W-B7C-UK76

AFFAIRE : M. [H] [V]et Mme [Z] [C] ép. [V] (Me OHANESSIAN)
C/ Mme [P] [R] et M. [L] [E] (Me VAN ROBAYS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 11 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [H] [U] [V]
demeurant [Adresse 1]

Madame [Z] [C] épouse [V]
demeurant [Adresse 1]

tous deux représentés par Maître Catherine OHANESSIAN, avocate au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDEURS

Madame [P] [R]
née le 11 juillet 1968 à [Localité 6] (ITALIE)
de nationalité Italienne
demeurant [Adresse 2]

Monsieur [L] [E]
né le 9 avril 1971 à [Localité 7] (13)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]

tous deux représentés par Maître Capucine VAN ROBAYS, avocate au barreau de MARSEILLE

*****

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] sont propriétaires d’une parcelle sise [Adresse 3] à [Localité 5], cadastrée section DH n°[Cadastre 4], sur laquelle ils ont édifié une construction suivant permis de construire obtenu le 20 septembre 2016.

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] sont propriétaires de la parcelle mitoyenne.

Un litige est survenu au sujet des limites de propriétés et d’empiètements.

Suivant exploit du 14 janvier 2018, Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] ont fait assigner Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] devant le tribunal.

Par jugement avant dire droit du 8 décembre 2020, le présent tribunal a ordonné une expertise et désigné pour y procéder Monsieur [Y].

Le rapport a été déposé le 9 décembre 2022.

Par conclusions notifiées par RPVA le 26 septembre 2023, Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] demandent au tribunal, sur le fondement des articles 544 et suivants, de :
- homologuer le rapport d’expertise,
- juger que le mur existant entre les propriétés de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] d’une part et Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] d’autre part constitue la limite de propriété depuis plus de trente ans,
- juger que ce mur tient lieu de limite pérenne,
- juger que la pose de borne est inutile,
- juger que la limite de propriété est matérialisée par le plan figurant en annexe 3 du rapport d’expertise judiciaire du 7 décembre 2022,
- juger que Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] ne subissent aucun préjudice,
- débouter Monsieur [E] et Madame [R], de toutes leurs demandes fins et conclusions,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] in solidum à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 10.000 € de dommages et intérêts,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] in solidum à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître Catherine OHANESSIAN, Avocat sur son offre de droit,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] à démolir l'auvent, les piliers, le collecteur et la colonne de descente d'eaux pluviales ainsi que du mur érigés par Monsieur [E] et Madame [R] ainsi que tout élément de construction leur appartenant empiétant sur la parcelle cadastrée à [Localité 5] DH [Cadastre 4] sise [Adresse 3], appartenant à Monsieur et Madame [V] sous astreinte de 500,00 par jour de retard dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision judiciaire à intervenir,
- en tout état de cause,
- débouter Monsieur [E] et Madame [R], de toutes leurs demandes fins et conclusions,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice liée à la perte foncière,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour communication tardive des documents sollicités,
- condamner Monsieur [E] et Madame [R] à payer à Monsieur et Madame [V] la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 15 novembre 2023, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] demandent au tribunal, sur le fondement de l’article 17 de la constitution de 1789, l’article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 20 mars 1952, les articles 544, 678 et 679 du code civil, et 1240 du code civil, de :
- recevoir Madame [R] et Monsieur [E] en leurs demandes, fins et conclusions et ce faisant,
- juger que Madame et Monsieur [V] ne démontrent aucunement l'empiètement dont ils font état,
- juger qu'au contraire, l'ensemble des éléments visés dans l'assignation de Madame et Monsieur [V] se trouvent bien sur la propriété privative de Madame [R] et Monsieur [E],
- juger qu'eu égard les opérations de bornage qui ont eu lieu, tel est le cas,
- juger que s'agissant de la demande de communication des éléments relatifs aux opérations de bornage, cette demande a été satisfaite et en conséquence,
- débouter Madame et Monsieur [V] de l'ensemble de leurs demandes,
- à titre reconventionnel,
- condamner Madame et Monsieur [V] in solidum à devoir régler à Madame [R] et Monsieur [E] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour préjudice moral,
- condamner Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] in solidum à devoir régler à Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire,
- ordonner sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] de :
- Démolir la chape de béton qui a été construite au-delà de la limite séparative,
- Démolir la partie des escaliers et de la terrasse qui ont été construites au-delà de la limite séparative,
- Retirer tous les graviers qui dépassent ladite limite séparative ou tout autre élément de construction qui aurait été édifié depuis lors en ses lieu et place,
- Remettre en état le muret surmonté d'un grillage ayant fixé les limites séparatives et ce, sur toute la longueur qui a été retiré, arrière des maisons d'habitation compris,
- Démolir la partie du mur pignon de la maison d'habitation de Madame et Monsieur [V] se trouvant sur la limite séparative,
- Retirer les tuiles qui dépassent la limite séparative,
- Déplacer le tuyau d'évacuation des eaux pluviales installé à proximité immédiate de la maison d'habitation de Madame [R] et Monsieur [E], afin que les eaux pluviales ne s'écoulent plus sur la propriété de ces derniers,
- Implanter la porte d'entrée à une distance d'au moins 60 centimètres de la limite de propriété,
- à titre subsidiaire,
- ordonner à Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] d’avoir à régulariser avec Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] une convention de bornage conformément à ce qui est proposé par l’expert, aux seuls frais de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V],
- ordonner à Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] d’avoir à se porter acquéreur de la bande de terre sur laquelle ils empiètent, à leurs seuls frais, frais de notaire compris, pour un prix de 10.083 euros (2,15 m2 d’empiètement x 4.690 euros le mètre carré),
- assortir en tant que de besoin ces deux injonctions, d’une astreinte de 500 euros par jour de retard, passé un délai d’un mois suivant signification du jugement à intervenir,
- en tout état de cause,
- condamner Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] in solidum à payer à Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, comprenant les frais d’expertise, distraits au profit de Maître VAN ROBAYS,
- ordonner la suppression dans les conclusions de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] du paragraphe suivant : “attendu qu’il n’est enfin pas inutile d’informer la juridiction de céans sur le fait que Madame [P] [R] n’hésite pas à proférer des propos xénophobes à l’encontre de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] et que son comportement traduit malheureusement le peu de confiance qu’elle pourrait avoir dans le bien-fondé d’une partie de ses constructions érigées illégalement et désormais au préjudice de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V]” compte tenu de leur caractère calomnieux et infondé,
- la publication de cette décision de retrait et du motif de ce retrait dans trois journaux régionaux, aux seuls frais de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] et l’affichage de ladite décision à l’entrée de leur propriété, cet affichage devant être maintenu pour une durée qui ne saurait être inférieure à un mois,
- ordonner l’exécution provisoire.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les dispositions de l’article 4 du code de procédure civile obligent les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions. Le tribunal ne statue que sur celles-ci.
Par prétention, il faut entendre une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les « dire et juger », « relever » et les « constater » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif.
Ainsi, le tribunal ne répondra de ce fait à de tels « dire et juger » et « constater » qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son jugement, mais dans ses motifs.

Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’homologuer un rapport d’expertise, le tribunal ne pouvant homologuer que l’accord des parties.

Sur la demande de retrait d’un paragraphe des écritures de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V]

L’article 24 du code de procédure civile énonce que les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice.
Le juge peut, suivant la gravité des manquements, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l'impression et l'affichage de ses jugements.

En l’espèce, Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] déclarent dans leurs écritures que “attendu qu’il n’est enfin pas inutile d’informer la juridiction de céans sur le fait que Madame [P] [R] n’hésite pas à proférer des propos xénophobes à l’encontre de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] et que son comportement traduit malheureusement le peu de confiance qu’elle pourrait avoir dans le bien-fondé d’une partie de ses constructions érigées illégalement et désormais au préjudice de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V]”.

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] réclament le retrait de ce paragraphe des écritures et publication du présent jugement suivant diverses modalités.

Toutefois, ce paragraphe ne porte aucune atteinte au respect à la justice et il n’y a pas lieu de le faire supprimer des écritures de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V].

Les demandes de publication du jugement seront nécessairement rejetées, étant fait observer qu’elles paraissaient totalement disproportionnées et hors de propos avec la nature du litige qui oppose les parties et allaient dans un sens contraire à toute idée d’apaisement des relations de bon voisinage.

Sur les limites de propriété

L’expert judiciaire a effectué une première expertise en 2013 dans le cadre d’un litige opposant Monsieur [L] [E], Madame [P] [R] et Monsieur [J], auteur de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V].
Le rapport avait été rendu en l’état faute de consignation complémentaire par Monsieur [J].

Lors de ses nouvelles opérations expertales, Monsieur [Y] a constaté que les propriétés sont séparées depuis au moins 50 ans par un muret surmonté d’une clôture.

Derrière ce mur, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] ont édifié un mur en agglo d’environ 1,80 mètre de hauteur. En bas des parcelles, ce nouveau mur est en retrait de l’ancien et en montant, il se retrouve parfois bâti à cheval sur l’ancien mur ou à son niveau.
Au niveau du palier de la maison de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R], un décroché de 38 cm en direction de la propriété de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] est visible. Toutefois, l’expert montre par analyse des traces d’un ancien pilier rond et de l’implantation du carrelage très ancien que ce décroché date au moins des années 1960. Plus loin, au niveau d’un portillon permettant d’accéder à un passage commun, le mur revient dans l’alignement du mur du bas. Les escaliers menant au portillon sont également très anciens, de sorte qu’il est possible de dire que cette configuration est ancienne est date d’au moins 30 ans.

Il est alors constaté que pendant plus de trente ans, la limite entre les deux propriétés a été matérialisée par cet ancien mur surmonté d’un grillage.

Sur les demandes de démolition de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V]

Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] réclament dans le dispositif de leurs écritures la démolition par Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] de l’auvent, les piliers, le collecteur et la colonne de descente d’eaux pluviales ainsi que du mur érigé par Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R], ainsi que tout autre élément de construction leur appartenant empiétant sur leur propriété.

Toutefois, le corps de leurs écritures ne comporte aucune argumentation relative à ces supposés empiètements, qui n’ont d’ailleurs pas été relevés par l’expert.

Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] seront déboutés de ces demandes maintenues dans leur dispositif.

Sur les demandes reconventionnelles de travaux de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R]

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] demandent la condamnation sous astreinte de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] à :
- Démolir la chape de béton qui a été construite au-delà de la limite séparative,
- Démolir la partie des escaliers et de la terrasse qui ont été construites au-delà de la limite séparative,
- Retirer tous les graviers qui dépassent ladite limite séparative ou tout autre élément de construction qui aurait été édifié depuis lors en ses lieu et place,
- Remettre en état le muret surmonté d'un grillage ayant fixé les limites séparatives et ce, sur toute la longueur qui a été retiré, arrière des maisons d'habitation compris,
- Démolir la partie du mur pignon de la maison d'habitation de Madame et Monsieur [V] se trouvant sur la limite séparative,
- Retirer les tuiles qui dépassent la limite séparative,
- Déplacer le tuyau d'évacuation des eaux pluviales installé à proximité immédiate de la maison d'habitation de Madame [R] et Monsieur [E], afin que les eaux pluviales ne s'écoulent plus sur la propriété de ces derniers,
- Implanter la porte d'entrée à une distance d'au moins 60 centimètres de la limite de propriété.

Ils font valoir que Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] ont procédé à des aménagements au-delà de la limite séparative matérialisée avant travaux par les piquets de clôture qui se trouvait sur l’ancien mur.

Ils ont fait établir plusieurs procès-verbaux de constat de commissaire de justice, pour montrer que Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] ont laissé en place ces piquets de clôture séparative et que des graviers, des escaliers, une dalle ont été édifiés au-delà, prenant appui sur le mur qu’ils ont construit.

Toutefois, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] ont fait le choix de construire leur mur séparatif à quelques centimètres de la ligne matérialisée par la clôture grillagée, marquant ainsi leur volonté de clôturer leur propriété sur cette limite. En laissant subsister quelques centimètres, entre 0 et 8 cm selon les hauteurs de leur parcelles, entre la clôture ancienne et leur mur, ils ont créé une nouvelle délimitation entre les deux fonds et Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] ont pris acte de cette dernière pour établir leur construction et faire leurs aménagements.

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] se plaignent d’une situation qu’ils ont induite en ne construisant pas leur mur sur l’exacte limite séparative de propriété. Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] ont prolongé naturellement leurs escaliers, dalle, graviers, mur jusqu’au mur de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R], étant précisé que lors de leur construction, ils ne pouvaient avoir conscience que ce mur ne constituait pas la limite séparative entre les fonds, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] refusant de leur produire le rapport d’expertise de Monsieur [Y] établi en 2013.

Les demandes de démolition de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] et remise en état se heurtent au fait qu’ils ont unilatéralement déplacé la limite séparative entre les fonds et sont totalement disproportionnées et ne répondent à aucune protection de leur droit de propriété dans la mesure où ils ont eux-même choisi l’implantation de la limite entre les propriétés par le mur qu’ils ont construit. Par ailleurs enfin, l’expert n’ayant mis en évidence aucun empiétement en indiquant que la limite entre les propriétés était le mur en place, les zones d’éventuel empiètement ne sont pas précisément délimitées et à supposer ces empiètements établis sur des très faibles portions de parcelle, une décision de démolition partielle serait totalement inexécutable en l’absence de précision des zones à démolir.

Ces demandes seront rejetées.

S’agissant des tuiles de la maison de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V], les photographies du rapport d’expertise et des procès-verbaux de constat montrent que le faitage de leur toiture prend appui sur le auvent de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R]. Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] seront nécessairement condamnés à supprimer toute tuile et tout élément d’étanchéité qui prennent appui sur ce auvent et qui se prolongent au delà de la limite séparative des fonds matérialisée à cet endroit par l’extrémité du auvent.

Aucune circonstance ne justifie d’assortir cette condamnation d’une astreinte en l’absence totale de dommage pour Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] en lien avec cet état de fait.

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] seront déboutés de leur demande relative au déplacement du tuyau d’évacuation des eaux pluviales en l’absence de toute démonstration d’un désordre en lien avec ce dernier.

S’agissant de la demande d’implanter la porte d'entrée à une distance d'au moins 60 centimètres de la limite de propriété, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] se prévalent d’une vue oblique du fait de cette porte. Or, d’une part, cette porte est pleine, sauf des menues ouvertures de décoration en verre teinté par lequel aucune vue n’est susceptible d’être obtenue. D’autre part, cette porte d’entrée qui ne peut être qualifiée de vue, se situe dans un renfoncement et est bordée par le mur séparatif entre les propriétés qui est d’une hauteur d’au moins 1,80 m.

Cette porte et cette configuration ne créent aucune vue. Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] seront nécessairement déboutés de leur demande à ce titre.

Sur la demande de bornage

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] réclament un bornage. Or ce dernier n’a pas d’utilité dans la mesure où la limite séparative des fonds est matérialisée soit par les vestiges de l’ancien mur soit par leur nouveau mur. Cette limite séparative contient sur l’ensemble de sa longueur divers aménagements incompatibles avec la pose de bornes.

Cette demande sera rejetée.

Sur la demande de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] tendant à obtenir la condamnation de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] à acquérir une bande de terre

Cette demande ne pourra qu’être rejetée dans la mesure où nul ne peut être condamné à acquérir un bien. Par ailleurs, il a été dit que la configuration des lieux est le résultat du choix d’implantation du mur séparatif par Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] là où ils l’ont construit et que l’expert a estimé que la limite entre les propriétés doit être fixée au niveau des murs actuellement en place.

Sur les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V]

Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] réclament :
- 10.000 euros au titre de l’indemnisation de leur préjudice,
- 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte foncière,
- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour communication tardive des documents sollicités.

Toutefois, l’ensemble de ces demandes ne pourra qu’être rejeté en l’absence de justification par Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] des préjudices invoqués. Aucune perte foncière n’est établie. Par ailleurs, le défaut de communication du rapport d’expertise réclamé n’a induit pour eux aucun préjudice.

S’agissant de la demande au titre de leur préjudice moral, il convient de constater que les relations de mauvais voisinage semblent subies de part et d’autre des parties et il est impossible pour le tribunal d’imputer une responsabilité exclusive sur Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R].

Cette demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R]

Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] réclament la condamnation de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] à leur payer :
- 5.000 euros pour leur préjudice moral,
- 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire.

Toutefois, Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] ne justifient pas de la réalité de leur préjudice moral. Par ailleurs, il a été dit que les relations de mauvais voisinage semblent subies de part et d’autre des parties et il est impossible pour le tribunal d’imputer une responsabilité exclusive sur Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V].

Cette demande ne pourra qu’être rejetée.

La demande au titre de la procédure abusive ou téméraire sera également rejetée en l’absence de démonstration de l’intention de nuire de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V].

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.

Les parties succombent chacune en la majorité de leurs demandes. Elles supporteront chacune la moitié des dépens, qui comprennent les frais d’expertise, dont les frais seront ainsi partagés par elles par moitié.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie qu’il soit fait obstacle au bénéfice de l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Déboute Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] de leur demande de retrait d’un paragraphe des écritures de Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V],

Déboute Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] de l’intégralité de leurs demandes de réalisation de travaux de démolition par Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R],

Déboute Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] de l’intégralité de leurs demandes de dommages et intérêts,

Déboute Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] de leurs demandes suivantes : démolition de la chape de béton qui a été construite au-delà de la limite séparative, démolition de la partie des escaliers et de la terrasse qui ont été construites au-delà de la limite séparative, retrait de tous les graviers qui dépassent ladite limite séparative ou tout autre élément de construction qui aurait été édifié depuis lors en ses lieu et place, remise en état du muret surmonté d'un grillage ayant fixé les limites séparatives et ce, sur toute la longueur qui a été retiré, arrière des maisons d'habitation compris, démolition de la partie du mur pignon de la maison d'habitation de Madame et Monsieur [V] se trouvant sur la limite séparative, déplacement du tuyau d'évacuation des eaux pluviales installé à proximité immédiate de la maison d'habitation de Madame [R] et Monsieur [E], afin que les eaux pluviales ne s'écoulent plus sur la propriété de ces derniers, implantation de la porte d'entrée à une distance d'au moins 60 centimètres de la limite de propriété.

Condamne Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] à supprimer les tuiles et éléments d’étanchéité qui prennent appui sur le auvent de la propriété de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] et de celles qui dépassent la limite séparative matérialisée à cet endroit par l’extrémité du auvent de Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R],

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Déboute Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] de leurs demandes subsidiaires de bornage et d’acquisition forcée par Monsieur [H] [V] et Madame [Z] [C] épouse [V] d’une bande de terrain,

Déboute Monsieur [L] [E] et Madame [P] [R] de l’intégralité de leurs demandes de dommages et intérêts,

Rejette l’ensemble des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie supportera la moitié des dépens, qui comprennent les frais d’expertise judiciaire de Monsieur [Y] du 9 décembre 2022,

Dit n’y avoir lieu d’écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-CINQ JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 18/01001
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;18.01001 ?
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