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25/06/2024 | FRANCE | N°17/10816

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 25 juin 2024, 17/10816


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024



Enrôlement : N° RG 17/10816 - N° Portalis DBW3-W-B7B-UBKU

AFFAIRE : M. [P] [R] (la SELARL LX AIX EN PROVENCE)
C/ S.A.R.L.U. GJP TERRASSEMENT (la SELARL MPG AVOCATS) ; S.A. GENERALI IARD (la SARL ATORI AVOCATS)



DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date

du délibéré a été fixée au 11 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024



PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 ju...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 25 JUIN 2024

Enrôlement : N° RG 17/10816 - N° Portalis DBW3-W-B7B-UBKU

AFFAIRE : M. [P] [R] (la SELARL LX AIX EN PROVENCE)
C/ S.A.R.L.U. GJP TERRASSEMENT (la SELARL MPG AVOCATS) ; S.A. GENERALI IARD (la SARL ATORI AVOCATS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 12 mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 11 juin 2024 puis prorogée au 25 juin 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 25 juin 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [P] [R]
né le 8 avril 1962 à [Localité 7] (12)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1] - [Localité 6]

représenté par Maître Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DÉFENDERESSES

S.A.R.L.U. GJP TERRASSEMENT
dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 6]
prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [K] [E] suite à la décision de dissolution prise en AGE datée du 31 décembre 2018

représentée par Maître Marina PAPASAVVAS de la SELARL MPG AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

S.A. GENERALI IARD
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro B 552 062 663
dont le siège social est sis [Adresse 2] - [Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Emmanuelle DURAND de la SARL ATORI AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

*****

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [R] est propriétaire d’un terrain sis [Adresse 4] à [Localité 6].

En vue de l’édification d’une maison, il a confié à la SARL GJP TERRASSEMENT, assurée auprès de la SA GENERALI IARD, des travaux de terrassement en amont d’un mur de soutènement.

Les travaux ont été réalisés en août 2014.

Le 12 août 2014, Monsieur [P] [R] a constaté l’apparition de deux importantes fissures sur les parties hautes et basses du mur de soutènement qu’il avait construit par ses propres moyens. Le 13 août 2014, le mur s’est effondré à la suite de fortes pluies.

La SARL GJP TERRASSEMENT a fait une déclaration de sinistre auprès de la SA GENERALI IARD.

Une expertise amiable a été réalisée par la société SARETEC le 4 décembre 2014.

Monsieur [P] [R] a mandaté Monsieur [J], qui a réalisé une autre expertise amiable non contradictoire le 22 septembre 2016.

*

Suivant exploit du 29 septembre 2017, Monsieur [P] [R] a fait assigner devant le présent tribunal la SARL GJP TERRASSEMENT.

Suivant exploit du 20 février 2018, la SARL GJP TERRASSEMENT a fait assigner en garantie son assureur la SA GENERALI IARD.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 15 mars 2018.

Par assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 2018, la SARL GJP TERRASSEMENT a fait l’objet d’une décision de dissolution. Monsieur [K] [E] a été désigné comme liquidateur amiable.

Par jugement avant dire droit du 17 juin 2021, le présent tribunal a notamment :
- débouté la SARL GJP TERRASSEMENT et la SA GENERALI IARD de leur demande tendant à voir déclarer inopposable le rapport d’expertise privée de Monsieur [J],
- ordonné une expertise et l’a confiée à Monsieur [W],
- sursis à statuer dans l’attente du rapport d’expertise.

Madame [F], désignée en remplacement de Monsieur [W], a déposé son rapport le 29 septembre 2022.

Par conclusions notifiées par RPVA le 23 mai 2023, Monsieur [P] [R] demande au tribunal de :
- à titre principal,
- condamner solidairement les sociétés GJP TERRASSEMENT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [K] [E], et GENERALI à verser à Monsieur [P] [R] la somme de 54.639,80 euros avec intérêts au taux légal courant à compter du courrier de mise en demeure en date du 22 janvier 2016,
- enjoindre à Monsieur [K] [E], en sa qualité de liquidateur amiable de la société GJP TERRASSEMENT suite à la décision de dissolution du 31/12/2018, de provisionner le montant de ladite condamnation dans l'état liquidatif de la société GJP TERRASSEMENT et d'en justifier à Monsieur [R],
- à défaut, dire que Monsieur [K] [E] engagera sa responsabilité en qualité de liquidateur amiable,
- en tout état de cause,
- débouter la société GJP TERRASSEMENT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [K] [E], de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement la société GJP TERRASSEMENT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [K] [E], et la SA GENERALI à verser à Monsieur [P] [R] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dire que la société GJP TERRASSEMENT, prise en la personne de son liquidateur amiable Monsieur [K] [E], et la SA GENERALI supporteront solidairement la charge des entiers dépens de l'instance,
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2022, la SARL GJP TERRASSEMENT, représentée par son liquidateur amiable Monsieur [K] [E], demande au tribunal de :
- à titre liminaire,
- dire que le rapport d’expertise de Monsieur [J] du 22 septembre 2016 lui est inopposable,
- dire qu’il convient de rejeter la pièce n°5 de Monsieur [P] [R],
- à titre principal,
- dire que l’article 1792 du code civil est inapplicable,
- débouter Monsieur [P] [R] de ses demandes,
- à titre subsidiaire,
- estimer que la SARL GJP TERRASSEMENT bénéficie d’une exonération de responsabilité notamment en application du dernier alinéa de l’article 1792 du code civil,
- dire que la responsabilité contractuelle de la SARL GJP TERRASSEMENT n’est pas engagée et débouter Monsieur [P] [R] de ses demandes sur ce fondement,
- à titre subsidiaire,
- dire que le montant des préjudices n’est pas justifié,
- débouter Monsieur [P] [R] de ses demandes,
- en tout état de cause,
- condamner la SA GENERALI IARD à relever et garantir la SARL GJP TERRASSEMENT de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre,
- condamner Monsieur [P] [R] au paiement de la somme de 5.292 euros au titre de la facture 1504002,
- condamner tout succombant au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- ordonner l’exécution provisoire.

Par conclusions notifiées par RPVA le 8 novembre 2023, la SA GENERALI IARD demande au tribunal de :
- dire que la responsabilité civile décennale de la société GJP TERRASSEMENT ne peut être recherchée en l’espèce,
- dire que Monsieur [R] échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'une faute contractuelle commise par la société GJP TERRASSEMENT qui serait à l'origine du sinistre dont il poursuit la réparation,
- dire qu’en toute hypothèse, en acceptant de payer les travaux de reprise à la société GJP TERRASSEMENT, Monsieur [R] a renoncé à rechercher sa responsabilité,
- en conséquence, débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société GJP TERRASSEMENT et de son assureur, la compagnie GENERALI IARD,
- à titre subsidiaire, limiter les indemnités susceptibles d'être allouées à Monsieur [R] à la somme de 13 053,60 € correspondant aux travaux strictement nécessaires à la réparation du mur écroulé,
- déduire de cette somme celle de 5 292,00 € non réglée par Monsieur [R],
- débouter Monsieur [R] du surplus de ses demandes comme étant infondées et injustifiées,
- dans l'hypothèse où la responsabilité civile décennale de la société GJP TERRASSEMENT serait retenue,
- dire qu'aucune garantie n'est due par la compagnie GENERALI IARD à son assurée faute pour cette dernière d'avoir souscrit une telle garantie,
- dire que la société GJP TERRASSEMENT échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe et que la compagnie GENERALI aurait manqué à son devoir de conseil à son égard,
- débouter tant Monsieur [R] que la société GJP TERRASSEMENT des demandes qu'ils forment à l'encontre de la compagnie GENERALI IARD,
- dans l'hypothèse où une quelconque condamnation serait prononcée à son encontre,
- dire que cette dernière serait bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle s'élevant à 10 % du montant des dommages, avec un minimum de 800,00 € par sinistre et un maximum de 4000,00 € au titre des dommages matériels et 10 % des dommages, avec un minimum de 3 200,00 € par sinistre et un maximum de 8 000,00 € au titre des dommages immatériels,
- condamner toute partie succombante à payer à la compagnie GENERALI la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’inopposabilité du rapport d’expertise amiable de Monsieur [J]

La SARL GJP TERRASSEMENT demande le retrait de la pièce n°5 constituant le rapport d’expertise amiable de Monsieur [J].

Toutefois, le présent tribunal a déjà statué sur cette demande et l’a rejetée.

Il n’y a pas lieu de statuer à nouveau sur ce point.

Sur les désordres

Suivant facture du 21 août 2014, la SARL GJP TERRASSEMENT a procédé du 5 au 9 août 2014 à des travaux de terrassement, apports de gravats et terre de remblais issus de chantiers tiers et du chantier de Monsieur [P] [R].

Le mur de soutènement de 30 ml avec une hauteur variable comprise entre 3,5 et 5 mètres, a été édifié par Monsieur [P] [R] par ses propres moyens.

Le 12 août 2014, Monsieur [P] [R] a constaté l’apparition de fissures sur le mur. Le lendemain, à la suite de fortes pluies, le mur s’est effondré sur la moitié de sa longueur, au niveau de la zone de plus grande hauteur.

L’expertise amiable contradictoire de la société SARETEC du 1er décembre 2014 montre que le mur de soutènement est constitué de poutrelles métalliques de type IPN encastrées dans le sol par l’intermédiaire de massifs béton d’un mètre cube de volume, et entre ces poteaux métalliques dans l’entraxe est d’environ 5 mètres, il a été coulé des panneaux de béton d’épaisseur de 20 cm par passe de coffrage d’environ 80 cm de hauteur.
Le talus sur lequel a été implanté le mur de soutènement est constitué de remblais qui ont été accumulés sur le site au fil des années.
Des barbacanes ont été créées en partie inférieure de la partie du mur non sinistrée. À l’arrière du mur, il n’est pas relevé de système de drainage.
La partie effondrée correspond à deux panneaux de 5 m de longueur et un demi panneau, soit 13 ml de mur dans sa plus importante hauteur.
Le positionnement des parties affleurantes du mur montrent que le sinistre s’est produit par déversement de l’ouvrage.

Le cabinet SARETEC indique que le mur a été construit sans étude préalable (relevé altimétrique, études de sols, calculs de dimensionnement, plan béton armé...). Il déclare également que ce mur ne présente ni la structure ni les fondations pour assurer la fonction de soutènement.
L’expert estime que le déversement de l’ouvrage est consécutif à une inadéquation entre son mode constructif et la poussée qu’il a subie (remblais et eaux de pluie).

Monsieur [P] [R] a fait réaliser une expertise non contradictoire par Monsieur [J] le 22 septembre 2016. Monsieur [J] estime que :
- il n’est pas démontré l’absence de drainage compte tenu des dégâts en lien avec l’effondrement,
- aucune étude des caractéristiques mécaniques du mur ne permet d’affirmer qu’il n’avait pas les caractéristiques d’un mur de soutènement,
- la nature très hétérogène des gravats mis en oeuvre dans le remblaiement a rendu totalement inefficace tout système de drainage,
- depuis deux ans, le reste du mur est en place, démontrant qu’il a les caractéristiques d’un mur de soutènement et que la partie effondrée a été mise en charge par de gros gravats,
- c’est la nature des remblais qui a engendré les fortes poussées sur le mur.

L’expert judiciaire a été saisi alors que la partie de mur effondrée avait été détruite et remplacée par un autre système de retenue des terres, édifié par la SARL GJP TERRASSEMENT. Le reste du mur a été conservé et l’expert constate que ce dernier présente un ventre, laissant supposer que ce dernier a été insuffisamment dimensionné pour reprendre les efforts de poussée de terre à l’arrière du mur.

L’expert judiciaire affirme que le mur a été construit en l’absence totale de respect des règles de l’art et des règlements de construction (DTU 20.1, fascicule 62, norme NF P94...). Ce mur présente une absence de résistance structurelle par manque d’acier dans le mur et épaisseur de mur insuffisante

Sur la responsabilité de la SARL GJP TERRASSEMENT

- Sur la garantie décennale

L’article 1792 du Code civil énonce que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n’a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d’une cause étrangère.

Il est constant que les travaux de terrassement et d’aménagement n’incorporant pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction ne relèvent pas de l’article 1792 du code civil.

En l’espèce, la SARL GJP TERRASSEMENT a réalisé des travaux de terrassement et remblaiement par ajout de gravats au pied du mur de soutènement construit par Monsieur [P] [R].

Le mur s’est effondré en partie après avoir présenté des fissures immédiatement après achèvement des travaux d’ajouts de remblais et à la suite d’un épisode pluvieux.

Or, les travaux de création de remblais par ajout de gravats au bord du mur ne sont pas constitutifs d’un ouvrage.

Par ailleurs, Monsieur [P] [R] a déclaré au cours de l’expertise judiciaire que la SARL GJP TERRASSEMENT a réalisé des travaux de fouille et a positionné les profilés métalliques dans les plots de béton. Toutefois, Monsieur [P] [R] n’invoque pas ce fait au titre de sa démonstration fondée sur l’article 1792 du code civil. En tout état de cause, cette seule pose n’est pas davantage constitutive d’un ouvrage, s’agissant d’une opération ponctuelle en vue de la réalisation du mur, que Monsieur [P] [R] a édifié intégralement par ses propres moyens.

Monsieur [P] [R] défaille dans sa démonstration de la réalisation d’un ouvrage par la SARL GJP TERRASSEMENT. Il ne peut engager sa responsabilité sur ce fondement.

- Sur la responsabilité contractuelle

L’article 1103 du Code civil dispose que les contrat légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1104 du code civil énonce que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.

L’article 1231-1 du Code civil énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, Monsieur [P] [R] fait valoir que la SARL GJP TERRASSEMENT a failli en ses obligations contractuelles en installant contre le mur des gravats de construction de matière très hétérogène sans respect des règles de l’art. Il estime par ailleurs qu’il n’a pas respecté son devoir de conseil.

Or, si l’existence de gravats hétérogènes a été constatée par l’ensemble des experts, ni la société SARETEC ni l’expert judiciaire n’ont tiré de conséquences de ces mélanges de matières sur l’effondrement partiel du mur.

Seul l’expert amiable qui a réalisé des opérations non contradictoires affirme que cette hétérogénéité a rendu l’ensemble plus sensible à l’écoulement des eaux de pluie. Toutefois, il n’apporte aucun élément technique de nature à étayer cette affirmation lapidaire.

Les deux autres experts ont surtout constaté l’absence totale de drainage au pied du mur et le fait que le mur n’avait pas les caractéristiques d’un mur de soutènement.
Monsieur [P] [R] fait valoir que l’expert amiable Monsieur [J] a noté que l’effondrement empêchait de constater l’existence de ce drainage, détruit lors de l’éboulement. Or, cette pure déclaration n’est fondée sur aucune investigation et n’est pas confirmée par les deux autres experts qui se sont déplacés sur les lieux et qui ont décrit précisément le mode constructif du mur.

S’agissant des caractéristiques structurelles du mur, il convient de constater que Monsieur [J] ne dénie pas que le mur présentait des défauts. Il balaye cet état de fait en invoquant le manquement au devoir de conseil de la SARL GJP TERRASSEMENT, qui aurait dû alerter Monsieur [P] [R] sur cette situation.

La société SARETEC et l’expert judiciaire ont montré que le mur construit par Monsieur [P] [R] n’était pas adapté et ne pouvait contenir les terres et gravats installés en amont.
L’expert judiciaire indique que le mur n’a pas les caractéristiques d’un mur de soutènement pour les raisons suivantes :
- le mur de béton armé a été réalisé par passe de 80 cm de hauteur, avec une épaisseur de 20 cm, entre des profilés métalliques de type IPN ; la liaison entre les panneaux béton n’a pas été décrite par Monsieur [P] [R], qui n’a pas pu dire s’il y avait des aciers de liaison entre les panneaux,
- les profilés métalliques sont fondés dans le sol par des plots béton d’un mètre cube environ suivant le rapport SARETEC,
- entre les profilés, Monsieur [P] [R] indique avoir fait une semelle de fondation à la base de son mur, mais aucun élément ne prouve ce dire ; or il ne peut être considéré que la petite fondation réalisée reprenne les efforts de poussée des terres en s’opposant au déversement du mur ; pour une hauteur de soutènement de 5 m, la semelle de fondation est conséquente, supérieure à 2 mètres en largeur,
- les profilés métalliques servent d’appui aux éléments béton coulés en place,
- les éléments de béton armé ont un fonctionnement structurel en plaque, appuyé sur deux lignes d’appui verticales, sollicitant le mur dans le sens horizontal en priorité,
- l’absence de ferraillage calculé pour ce type d’ouvrage n’a pas permis de reprendre les zones en traction dans le béton ; le béton mis en traction sous l’effet des poussées des terres à l’arrière du mur n’a pas pu résister aux efforts et les premières fissures sont apparues,
- le mur fissuré, la résistance de celui-ci s’est encore amoindri, et il ne pouvait plus contenir les efforts de poussée des terres ; l’effondrement était inévitable.

L’expert judiciaire constate que le reste du mur non effondré et laissé en place présente un ventre anormal et qu’il est également insuffisamment dimensionné pour reprendre les efforts de poussée de terre. Il n’est donc pas indemne de tout désordre contrairement à ce que le déclare Monsieur [P] [R] dans ses écritures.

Dans ces conditions, la faute de la SARL GJP TERRASSEMENT dans l’exécution du contrat n’est pas démontrée.

S’agissant du devoir d’information et de conseil, Monsieur [P] [R] estime que la SARL GJP TERRASSEMENT aurait dû l’alerter sur la structure du mur contre lequel elle allait déposer les remblais. Or, il ne démontre pas en quoi la SARL GJP TERRASSEMENT avait les compétences pour apprécier les qualités structurelles du mur de soutènement.

Dans la mesure où il n’est pas établi que la nature des gravats déposés contre le mur a eu des conséquences sur la stabilité du mur, il ne peut être reproché à la SARL GJP TERRASSEMENT de ne pas avoir alerté Monsieur [P] [R] sur le choix technique réalisé pour des questions économiques, l’utilisation de ses propres gravats ainsi que ceux des autres chantiers de la SARL GJP TERRASSEMENT étant intéressante financièrement.

Monsieur [P] [R] échoue à démontrer que la SARL GJP TERRASSEMENT a engagé sa responsabilité sur le fondement de son obligation de conseil, étant rappelé que Monsieur [P] [R] a fait le choix de construire de ses propres mains un mur de soutènement de 30 mètres de long et de 5 mètres de haut sur une partie de ce dernier. En se privant de l’expertise de professionnels pour construire ce mur, Monsieur [P] [R] s’est exposé à un risque important de ruine qui s’est révélé.

Monsieur [P] [R] ne rapportant pas la preuve d’une faute contractuelle de la SARL GJP TERRASSEMENT, il sera débouté de l’intégralité des demandes formulées à son encontre, ainsi qu’à l’encontre de la SA GENERALI IARD.

Sur la demande reconventionnelle de la SARL GJP TERRASSEMENT

L’article L218-2 du code de la consommation énonce que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

En l’espèce, la SARL GJP TERRASSEMENT réclame le paiement de la facture n°1504002 du 9 avril 2015 d’un montant de 5.292 euros TTC.

Monsieur [P] [R] soulève la prescription de cette demande, présentée pour la première fois le 28 juin 2018.

La SARL GJP TERRASSEMENT n’apporte aucune argumentation sur la question de la prescription.

Or cette dernière est effectivement acquise au 28 juin 2018 en l’absence d’acte interruptif de la part de la SARL GJP TERRASSEMENT avant cette date.

La demande en paiement de la SARL GJP TERRASSEMENT doit être déclarée irrecevable.

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.

Monsieur [P] [R] succombant principalement dans cette procédure, sera condamné aux entiers dépens.

Il doit être rappelé qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le sort de l’expertise judiciaire, qui est comprise par définition dans les dépens suivant dispositions de l’article 695 du Code de procédure civile.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de la SARL GJP TERRASSEMENT et de la SA GENERALI IARD la totalité des frais irrépétibles qu'elles ont pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Il conviendra en conséquence de condamner Monsieur [P] [R] à payer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- 1.500 euros à la SARL GJP TERRASSEMENT,
- 1.500 euros à la SA GENERALI IARD.

En vertu de l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au présent litige, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

Compte tenu de la très grande ancienneté de l’affaire, il convient d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Dit n’y avoir lieu de statuer à nouveau sur la demande de retrait de la pièce n°5,

Déboute Monsieur [P] [R] de l’intégralité de ses demandes,

Déclare irrecevable la demande en paiement de la SARL GJP TERRASSEMENT,

Condamne Monsieur [P] [R] aux dépens,

Condamne Monsieur [P] [R] à payer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :
- 1.500 euros à la SARL GJP TERRASSEMENT,
- 1.500 euros à la SA GENERALI IARD,

Ordonne l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT-CINQ JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 17/10816
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;17.10816 ?
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