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18/06/2024 | FRANCE | N°23/06225

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 9ème chambre jex, 18 juin 2024, 23/06225


COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
JUGE DE L’EXECUTION

DOSSIER : N° RG 23/06225 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3RGB
MINUTE N° : 24/

Copie exécutoire délivrée le
à Me REYNE
Copie certifiée conforme délivrée le
à Me JOUREAU
Copie aux parties délivrée le




JUGEMENT DU 18 JUIN 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 21 Mai 2024 du tribunal judiciair

e DE MARSEILLE, tenue par Madame DESMOULIN, Vice-Présidente, juge de l’exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de Marseille, a...

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE
JUGE DE L’EXECUTION

DOSSIER : N° RG 23/06225 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3RGB
MINUTE N° : 24/

Copie exécutoire délivrée le
à Me REYNE
Copie certifiée conforme délivrée le
à Me JOUREAU
Copie aux parties délivrée le

JUGEMENT DU 18 JUIN 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

L’affaire a été examinée à l’audience publique du 21 Mai 2024 du tribunal judiciaire DE MARSEILLE, tenue par Madame DESMOULIN, Vice-Présidente, juge de l’exécution par délégation du Président du Tribunal Judiciaire de Marseille, assistée de Madame KELLER, Greffier.

L’affaire oppose :

DEMANDEUR

Monsieur [Y] [F]
né le [Date naissance 3] 1978 à [Localité 7] (13),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Alexis REYNE de la SELARL AVOCATIA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Manon RIVIERE, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEUR

Monsieur [X] [Z]
né le [Date naissance 1] 1932 à [Localité 5] (13),
demeurant [Adresse 6]

représenté par Maître Hélène JOUREAU de la SELARL TATARIAN JOUREAU, avocat au barreau de MARSEILLE

Al’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré. Le président a avisé les parties que le jugement serait prononcé le 18 Juin 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 13 juillet 2021, M. [X] [Z] a donné à bail à Mme [W] [G] et M. [Y] [F] un appartement à usage d’habitation situé [Adresse 8] moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 653,97 euros outre 91 euros de provision sur charges.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 1er décembre 2022, le juge du contentieux de la protection de Marseille a notamment
- constaté la résiliation du bail et ordonné l’expulsion de Mme [W] [G] et M. [Y] [F]
- condamné solidairement Mme [W] [G] et M. [Y] [F] à payer à M. [X] [Z]
* une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 1.489,9 euros jusqu’à la libération effective des lieux
* la somme de 7.257,42 euros au titre de la dette locative arrêtée au 10 mai 2022
* la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
* les dépens.

Cette décision a été signifiée le 22 décembre 2022 par procès-verbal remis à l’étude. Appel a été interjeté.

Un commandement de quitter a été signifié à Mme [W] [G] et M. [Y] [F] le 5 janvier 2023 par procès-verbal remis à l’étude.

Un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié à Mme [W] [G] et M. [Y] [F] le 22 décembre 2022 par procès-verbal remis à l’étude pour paiement de la somme de 13.555,13 euros.

Un procès-verbal de reprise des lieux a été dressé le 18 janvier 2023.

Un itératif commandement de payer aux fins de saisie-vente a été signifié à Mme [W] [G] et M. [Y] [F] le 28 avril 2023 par procès-verbal remis à l’étude pour paiement de la somme de 16.563,87 euros.

Le 5 mai 2023 M. [X] [Z] a fait pratiquer sur les comptes de M. [Y] [F] ouverts dans les livres du Crédit Agricole Alpes Provence une saisie-attribution pour paiement de la somme de 17.156,17 euros. La saisie a été fructueuse pour la somme de 254,45 euros (SBI déduit). Ce procès-verbal a été dénoncé à M. [Y] [F] par acte signifié le 10 mai 2023 remis à l’étude.

Selon acte d’huissier en date du 12 juin 2023 M. [Y] [F] a fait assigner M. [X] [Z] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille.

A l’audience du 21 mai 2024, M. [Y] [F] a, par conclusions réitérées oralement, demandé de
- à titre principal, prononcer la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023
- prononcer la nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 28 avril 2023
- prononcer la caducité de la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023
- en conséquence ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023
- ordonner la restitution de la somme saisie
- condamner M. [X] [Z] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour saisie abusive
- à titre subsidiaire, surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence
- condamner M. [X] [Z] à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il a fait valoir qu’il avait été stupéfait par la réception du commandement de payer aux fins de saisie-vente visant l’ordonnance de référé du 1er décembre 2022 puisqu’il n’avait, ni même sa compagne, été destinataire ni de l’assignation devant le tribunal judiciaire ni de la signification de l’ordonnance de référé ni même un quelconque commandement de payer. Il a soutenu que ces actes avaient été délivrés à l’adresse [Adresse 4] adresse à laquelle il n’avait jamais été domicilié ni même habité puisqu’il ne s’était jamais installé dans les lieux loués à M. [X] [Z] eu égard à l’ampleur des travaux de remise en état à réaliser dans l’appartement pour un montant de 15.000 euros ; qu’il avait ainsi remis immédiatement les clés au mandataire de M. [X] [Z] ; qu’il avait même eu de nombreux échanges avec celui-ci puisqu’il entendait se voir restituer le dépôt de garantie versé. Il a donc soutenu que les actes signifiés étaient irréguliers puisque les mentions portées par l’huissier de justice étaient insuffisantes et contradictoires alors qu’il produisait de nombreux témoignages permettant de confirmer qu’il n’avait jamais habité dans les lieux. Il a ajouté que l’huissier de justice n’avait pas davantage précisé les diligences effectuées pour procéder à une signification à sa personne. Il a conclu que les actes irréguliers étaient nuls et qu’en conséquence M. [X] [Z] ne disposait pas d’une créance certaine, liquide et exigible à son encontre et que la saisie-attribution avait été pratiquée abusivement.

Par conclusions réitérées oralement, M. [X] [Z] a demandé de
- débouter M. [Y] [F] de ses demandes
- valider la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023 et ordonner le paiement de la somme saisie
- dire que M. [Y] [F] supportera les frais de la saisie-attribution
- condamner M. [Y] [F] à lui payer la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Il a rappelé qu’il était bien muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l’encontre de M. [Y] [F], lequel ne justifiait pas avoir restitué les clés, l’autorisant à faire pratiquer à son encontre une mesure d’exécution forcée. Il a souligné que les attestations versées aux débats n’avaient en aucun cas la valeur des mentions figurant sur un acte d’un commissaire de justice et ne saurait remettre en question les énonciations des procès-verbaux de signification. Il a conclu que le commissaire de justice avait en toute hypothèse effectué les diligences nécessaires puisque contrairement à ce que soutenait M. [Y] [F] son domicile était connu et que cela dispensait le commissaire de justice instrumentaire de multiplier ses passages au domicile pour tenter de remettre les actes à sa personne.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation afférente à la saisie attribution :

En vertu de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, ou le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. 
Les dispositions du texte précité ont donc été respectées de sorte que la contestation est jugée recevable.
Sur la contestation :
Selon l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

En application de l’article L221-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

Il est constant que les titres ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été régulièrement notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

L’article 654 du même code exige que les actes soient signifiés à personne afin de préserver leur droit de la défense et d’assurer le respect du principe du contradictoire.

L'article 655 du même code prévoit que « si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ».

Enfin, aux termes de l'article 658 du code de procédure civile, « Dans tous les cas prévus aux articles 655 et 656, l'huissier de justice doit aviser l'intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l'avis de passage et rappelant, si la copie de l'acte a été «déposée en son étude», les dispositions du dernier alinéa de l'article 656; la lettre contient en outre une copie de l'acte de signification. Il en est de même en cas de signification à domicile élu ou lorsque la signification est faite à une personne morale. Le cachet de l'huissier est apposé sur l'enveloppe ».

Selon l’article 114 du code de procédure civile « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public et, dans tous les cas, à charge pour celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité alléguée ».

En l’espèce, il est constant que la signification de l’ordonnance de référé a été effectuée à l’adresse du lieu loué, objet de la procédure devant le juge du contentieux de la protection.

Le commissaire de justice a procédé à une signification par dépôt à l’étude après avoir mentionné dans son procès-verbal ce qui suit : “la signification à personne, à domicile ou au siège s’étant avérée impossible en raison des circonstances suivantes :
- le destinataire est absent lors de notre passage
- le lieu de travail nous est inconnu
- aucune personne n’est présente au domicile au moment de notre passage.
Le nom figure sur la boîte aux lettres”.

Or, c’est de façon pertinente que M. [Y] [F] affirme que le commissaire de justice instrumentaire n’a pas effectué les diligences nécessaires pour procéder à une signification à sa personne puisque s’il avait interrogé son mandant, lequel disposait de ses coordonnées téléphoniques et de son mail, il aurait pu également connaître son lieu de travail puisque M. [Y] [F] avait transmis son bulletin de travail et son contrat de travail pour l’établissement du bail liant les parties.

Il s’ensuit que les diligences effectuées par le commissaire de justice instrumentaire, qui doit privilégier la signification à personne et peut effectuer une remise à personne en tout lieu, sont insuffisantes et que cette irrégularité cause incontestablement à M. [Y] [F] un grief.

La signification de l’ordonnance de référé étant nulle, M. [X] [Z] ne disposait pas d’un titre exécutoire l’autorisant à pratiquer à l’encontre de M. [Y] [F] les saisie-attribution et commandement de payer aux fins de saisie-vente querellés.

Le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié le 28 avril 2023 et la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023 seront annulés et leur mainlevée ordonnée. La somme saisie sera restituée et M. [X] [Z] sera condamné à payer à M. [Y] [F] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts puisque le maintien de l’indisponibilité des fonds saisis pendant plusieurs mois a nécessairement causé un préjudice à M. [Y] [F].

Sur les demandes accessoires :

M. [X] [Z], succombant, supportera les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

M. [X] [Z], tenu aux dépens, sera condamné à payer à M. [Y] [F] une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,
Déclare la contestation de M. [Y] [F] recevable ;
Annule la saisie-attribution pratiquée le 5 mai 2023 à la requête de M. [X] [Z] sur les comptes bancaires de M. [Y] [F] ouverts dans les livres du Crédit Agricole Alpes Provence et ordonne sa mainlevée ;
Dit que la somme saisie sera restituée à M. [Y] [F] ;
Annule le commandement de payer aux fins de saisie-vente signifié à la requête de M. [X] [Z] à M. [Y] [F] le 28 avril 2023 ;
Condamne M. [X] [Z] à payer à M. [Y] [F] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne M. [X] [Z] aux dépens ;
Condamne M. [X] [Z] à payer à M. [Y] [F] la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  
Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 9ème chambre jex
Numéro d'arrêt : 23/06225
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;23.06225 ?
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