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18/06/2024 | FRANCE | N°22/04553

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 18 juin 2024, 22/04553


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/04553 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z6YD


AFFAIRE : S.C.I. LOU ROUCAOU ( Me Ange TOSCANO)
C/ Mme [U] [O] épouse [W] (Me Stéphane AUTARD)



DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 1

8 Juin 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIA...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/04553 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z6YD

AFFAIRE : S.C.I. LOU ROUCAOU ( Me Ange TOSCANO)
C/ Mme [U] [O] épouse [W] (Me Stéphane AUTARD)

DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 18 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

LA S.C.I. LOU ROUCAOU, inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 439 778 580 et dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Ange TOSCANO, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSE

Madame [U] [O] épouse [W], né le 10 juin 1976 à la Ciotat (13), de nationalité française, domiciliée etdemeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Stéphane AUTARD, avocat au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 3 juillet 2018, Mme [W] a été condamnée à faire réaliser sous astreinte, dans un délai de 6 mois, les travaux de remise en état des lieux dans le cadre de l'effondrement de la toiture d'un immeuble sis [Adresse 1] ; ainsi qu'à payer à la SCI LOU ROUCAOU la somme de 64 534,22 euros au titre des frais de remise en état de son lot, des frais de relogement de ses locataires et de la perte de chance de louer ses trois appartements.

Par jugement du 16 novembre 2021, le juge de l'exécution a prononcé la liquidation de l'astreinte.

Un arrêté de péril imminent a frappé l'immeuble le 6 novembre 2018 et la SCI LOU ROUCAOU s'est plainte de l'absence d'exécution des travaux par Mme [W].

***

Par exploit du 10 mai 2022, la SCI LOU ROUCAOU a assigné Mme [W] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins d'indemnisation de sa perte de chance de louer ses biens à compter du 3 juillet 2018.

***

Par conclusions récapitulatives en date du 15 décembre 2023, la SCI LOU ROUCAOU demande au tribunal de :

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Adjuger de plus fort à la concluante le bénéfice de son exploit introductif d'instance,
Condamner Madame [W] à verser à la concluante la somme de 144 000 euros au titre de la perte d'une chance de louer à compter du 3 juillet 2018,
La condamner à verser, à titre de dommages et intérêts, la somme de 59 730,48 euros,
La condamner à verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens distraits au profit de Maître Ange TOSCANO.

Elle fait état de la valeur locative mensuelle de ses quatre biens et de la perte de chance de louer ceux-ci depuis le 3 juillet 2018. Elle ajoute que la main-levée du péril est intervenue le 16 mai 2022 mais que le jugement n'est toujours pas exécuté, en tout état de cause l'arrêté ne la dispensait pas de remettre les lieux en état.
Elle indique que le syndicat des copropriétaires n'a pu faire procéder aux travaux en raison d'un manque de trésorerie et que la ville les a fait réaliser en les facturant aux copropriétaires.
Elle conclut que les précédentes décisions ont autorité de chose jugée et que Mme [W] a été considérée comme seule responsable des désordres.

***

Par conclusions récapitulatives en date du 31 octobre 2023, Mme [W] demande au tribunal de :

Vu l'article 1231-1 du code civil, vu les pièces versées au débat,

A titre principal, DIRE ET JUGER que l'exécution tardive de l'injonction du juge provient d'une cause totalement étrangère à la volonté de Madame [W],
DEBOUTER la SCI LOU ROUCAOU de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire, RAMENER à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par la demanderesse,
En tout état de cause, DEBOUTER la SCI LOU ROUCAOU de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Elle soutient que la SCI LOU ROUCAOU s'est vue attribuer la propriété des combles de l'immeuble dans des conditions contestables et que la clause de l'acte de vente a mis à sa charge une obligation sans que les moyens juridiques pour l'accomplir ne lui aient été transmis. Aussi, c'est une obligation relative à une partie commune qui a été mise à sa charge, alors qu'elle n'avait pas la responsabilité de la conserver.
Elle ajoute que l'acte sous seing privé attribuant les combles à la SCI n'était pas de nature à lui en transférer la propriété et qu'ils demeuraient parties communes, l'acte étant ainsi atteint de nullité.
Elle indique justifier des démarches afférentes à l'obtention du permis de construire engagées depuis août 2018 auprès de la direction de l'urbanisme et du foncier, aussi il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir débuté les travaux alors qu'elle n'était pas encore en possession d'un permis de construire validé. Elle fait état d'une cause étrangère à sa volonté, les délais d'instruction de sa demande ne lui étant pas imputables.
Elle explique ainsi qu'un arrêté de péril a été pris le 6 novembre 2018, que son permis de construire a été refusé le 6 décembre 2018 et qu'aucun nouveau permis de construire n'a pu lui être délivré en raison de l'état de péril et de l'absence de réalisation des travaux de sécurisation de l'immeuble. Mme [W] mentionne qu'un administrateur judiciaire a été désigné en 2019 et que son projet est toujours en attente de la validation des architectes des bâtiments de France depuis le mois de juin 2023.
Elle indique avoir réglé l'intégralité des condamnations prononcées au profit de la SCI ROU LOUCAOU, ses charges de copropriété et l'appel de fonds extraordinaire de 181 177,30 euros, démontrant sa bonne foi.
Elle estime la demande disproportionnée compte tenu de ses ressources actuelles et de la responsabilité partielle de la SCI, de la mairie, des copropriétaires ayant refusé de régler l'appel de fonds travaux et du service de l'urbanisme.
Elle affirme que seule la perte de chance pourra être indemnisée, qu'il est probable que le prix moyen de la location ait été moins important entre 2018 et 2021 et que la SCI n'a pas réalisé les travaux dans la cage d'escalier, pouvant également impacter la possibilité de relocation.

***

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 7 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En l'espèce, il doit être observé que dans son jugement du 3 juillet 2018, le tribunal judiciaire de Marseille indique que la SCI LOU ROUCAOU a obtenu le 6 décembre 2004 un permis de construire l'autorisant à surélever la toiture de l'immeuble en copropriété sis [Adresse 1] et à réaliser deux appartements au dernier étage dans les combles. Celle-ci a vendu le 7 février 2006 à Mme [W] les lots n°14 et 15, entraînant le transfert du permis de construire à l'acquéreur le 31 octobre 2005.
Suite à l'effondrement de la toiture le 11 août 2012, M. [Y], expert judiciaire désigné par ordonnance du 28 septembre 2012, a rendu son rapport le 7 mai 2014.
La décision relève que si la toiture est restée partie commune, l'acquéreur s'était engagé devant notaire, compte tenu du danger imminent d'effondrement, à effectuer à ses frais exclusifs les travaux de changement de la charpente au plus tard le 31 décembre 2006 dans le cadre de la transformation de ses lots, conformément au permis de construire transféré. Dans ce cadre, l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé le 11 juillet 2011 la réhabilitation des lots acquis par Mme [W] impliquant un rehaussement de la toiture.
Il résulte du jugement que si la charpente est restée partie commune, le syndicat des copropriétaires ne pouvait la faire réparer eu égard au permis de construire transféré à Mme [W] et à l'engagement pris par celle-ci devant notaire. Aussi, il est retenu que Mme [W] a failli à son obligation et commis une faute contractuelle et délictuelle en ne faisant pas réaliser dans les 10 mois de son acquisition les travaux de transformation des combles en appartements avec surélévation de l'immeuble en dépit de l'urgence des travaux de sécurisation de la charpente dont elle avait parfaitement connaissance.
Le tribunal indique ainsi que Mme [W] engage seule sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI LOU ROUCAOU pour avoir laissé la charpente se dégrader et en étant à l'origine de l'effondrement de la toiture le 11 août 2012.

Mme [W] a dès lors été condamnée, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard, à faire réaliser dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la décision, les travaux nécessaires à la remise en état des lieux, avec notamment la réalisation d'une nouvelle charpente couverture, les frais de maîtrise d'œuvre, l'assurance dommages-ouvrage, l'intervention d'un contrôleur technique, l'ensemble des travaux et frais étant chiffrés à la somme de 235 000 euros.

Elle a également été condamnée à payer à la SCI LOU ROUCAOU :
- les frais de remise en état de son lot suite à l'effondrement soit la somme de 5979,90 euros HT ;
- les frais de relogement rendus nécessaires par l'effondrement de la toiture et l'arrêté de péril, soit 968,42 euros,
- le coût d'un mois de loyer et de caution pour le relogement des locataires, soit 1700 euros ;
- le différentiel de 250 euros entre le prix du loyer qui aurait du être perçu et celui versé au titre du relogement, soit 5000 euros,
- les frais de relogement des autres locataires, soit la somme de 886 euros,
- la perte de chance de louer trois appartements, soit la somme de 50 000 euros, étant précisé que la SCI n'a pas perçu les loyers mensuels de 390 euros et 600 euros pour les deux biens immobiliers loués depuis l'effondrement du 11 août 2012, qu'elle avait prévu de réaliser les travaux de rénovation d'un studio selon devis du 5 avril 2012 (avec un loyer projeté de 350 euros par mois) mais qu'elle n'a produit aucune pièce justificative concernant l'éventuelle location d'un local commercial. Dans le cadre de son chiffrage, le tribunal fait état de l'aléa inhérent à la location et de l'absence d'élément sur la date à laquelle le nouveau studio rénové aurait pu être loué pour justifier la perte de chance.

La SCI LOU ROUCAOU a quant à elle été condamnée à réaliser à ses frais et sous sa responsabilité les travaux de reconstruction de la cage d'escalier de l'immeuble à l'issue des travaux de remise en état effectués par Mme [W].

La décision susvisée n'ayant fait l'objet d'aucun recours, elle est revêtue de l'autorité de chose jugée et Mme [W] ne peut donc valablement remettre en cause sa responsabilité contractuelle à l'égard de la SCI LOU ROUCAOU. En effet, le jugement du 3 juillet 2018 a précisément retenu que les combles étaient devenus des parties privatives, rejeté les moyens de nullité présentés par Mme [W] et caractérisé la responsabilité contractuelle de cette dernière compte tenu de l'engagement pris dans l'acte notarié et ce en dépit du caractère commun de la toiture de l'immeuble.

Par jugement en date du 16 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Marseille a liquidé l'astreinte précitée à hauteur de 40 000 euros pour la période du 12 juin 2019 au 11 mars 2020 et du 24 juin 2020 au 1er juin 2021, relevant que l'obligation mise à la charge de Mme [W] n'a pas été exécutée avant le 11 juin 2019 et que le refus de lui octroyer un permis de construire aux fins de surélévation du bâtiment ne pouvait avoir pour conséquence de supprimer l'astreinte, la défenderesse ayant délibérément choisi d'exécuter les travaux mis à sa charge une fois obtenu le permis de construire lui permettant de réaliser son propre projet immobilier et ne démontrant pas en quoi l'arrêté de péril imminent portant sur la remise en ordre du plancher haut du couloir était de nature à l'empêcher de réaliser les travaux sur la charpente.

Comme l'a déjà précisé le juge de l'exécution, Mme [W] ne démontre aucunement que les travaux objets de la demande de permis de construire déposée auprès de la direction de l'urbanisme le 9 août 2018, modifiée le 30 octobre 2018 puis refusée le 6 décembre 2018, correspondent aux travaux de charpente et de couverture préconisés par l'expert judiciaire et mis à sa charge par la décision du 3 juillet 2018. Elle ne justifie donc pas que les délais d'instruction et le rejet de la demande de permis de construire, concernant la surélévation du bâtiment, aient pu exercer une quelconque influence sur la réalisation de son obligation, étant précisé que l'arrêté de refus du permis de construire mentionne que le projet envisagé n'est pas conforme à l'article UA11.1 relatif au respect de l'aspect, de l'architecture, des dimensions et du caractère des paysages naturels et urbains avoisinants par les constructions.
De même, les nouveaux travaux projetés en 2023 sont relatifs à la création d'un étage supplémentaire dans l'immeuble, soit une surélévation, et ne concernent pas strictement la remise en état de la charpente et de la toiture, déjà effectuée par la mairie.

S'agissant des travaux imposés par la ville en novembre 2018, l'arrêté municipal précise que le péril imminent résulte des désordres affectant le plancher haut du couloir.

Il n'est pas contesté que le syndic AGENCE LA COMTESSE, chargé de prendre toutes les mesures pour garantir la sécurité publique en procédant à la nomination d'un bureau d'étude structure afin d'indiquer les mesures nécessaires pour la remise en ordre du plancher haut du couloir, a démissionné au cours de l'année 2019, rendant nécessaire la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire de la copropriété.
La délai imparti étant largement dépassé, la direction générale des services techniques de la ville de [Localité 4] a mis en demeure en janvier 2020 les copropriétaires de procéder aux travaux prescrits dans le délai d'un mois.

Il n'est pas non plus contesté que Mme [W] s'est acquittée des appels de fonds adressés dans le cadre de l'exécution des travaux, en effectuant plusieurs virements en décembre 2020 destinés à apurer le solde dû, selon le relevé de compte copropriétaire du 31 août 2021. Néanmoins, le syndicat des copropriétaires n'a pu les effectuer en raison d'un manque de trésorerie, une autre SCI n'ayant pas réglé les sommes réclamées.

C'est la raison pour laquelle la mairie de [Localité 4] a procédé, selon rapport de M. [R] du 9 mai 2022, aux travaux de démolition des planchers menaçant de s'effondrer et de purge des éléments de maçonnerie menaçants, mais également de démolition de la toiture, de réalisation d'une toiture en plaque PST, de charpente NAIWEB afin de rendre les lieux étanches et sécurisés et de renforcement du linteau sur rue, conduisant à la mainlevée de l'arrêté de péril le 16 mai 2022.

Il résulte de ces éléments que les travaux de réfection de la toiture et de la charpente mis à la charge de Mme [W] par décision judiciaire ont finalement été exécutés par la ville de [Localité 4] en mai 2022.

Mme [W] ne démontre aucunement qu'elle était empêchée d'exécuter les travaux de réfection de la toiture et de la charpente, alors même qu'ils ont été réalisés entre temps par l'autorité administrative pour mettre fin au péril, en dépit de sa condamnation judiciaire.

Aussi, la défenderesse ne peut valablement soutenir qu'elle n'a pu exécuter son obligation en raison de l'arrêté de péril relatif au plancher haut du couloir et de l'absence de fonds du syndicat des copropriétaires, dans la mesure où elle devait seule s'acquitter du paiement des travaux relatifs à la toiture et la charpente.

Les conditions d'extériorité, d'imprévisibilité et d'irrésistibilité nécessaires à la caractérisation d'une force majeure ne sont donc pas réunies et ce moyen doit être rejeté.

S'agissant des préjudices revendiqués, la main-levée du péril est intervenue le 16 mai 2022 suite aux travaux exécutés d'office par la ville. La perte de chance doit donc s'apprécier entre le 12 juin 2019, correspondant au délai de 6 mois accordé à Mme [W] à compter de la signification du jugement du 3 juillet 2018, et le 16 mai 2022.

En application du principe de réparation intégrale du préjudice, le demandeur doit être replacé dans une situation aussi proche que possible de celle qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit. Il convient de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit.

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il résulte pour elle ni perte, ni profit.

Dès lors, il doit être rappelé que ce principe n'impose nullement au tribunal d'adapter le montant des dommages subis par la victime en fonction des ressources actuelles de la défenderesse.

Par ailleurs, si la SCI LOU ROUCAOU a bien été condamnée à réaliser des travaux dans la cage d'escalier de l'immeuble, la décision du 3 juillet 2018 a bien précisé qu'ils devront être effectués à l'issue des travaux de remise en état réalisés par Mme [W]. Il ne peut donc être soutenu que la demanderesse est en partie responsable de sa perte de chance de louer ses biens.

La SCI demanderesse fournit une attestation réalisée par la société NESTENN le 7 avril 2022, évaluant la valeur locative de ses biens de la façon suivante :
*1050 euros par mois concernant le local commercial de 45 m² au rez-de-chaussée,
*905 euros par mois concernant le T4 de 70 m² au premier étage,
*620 euros par mois concernant le T2 de 45 m² au deuxième étage,
*450 euros par mois concernant le studio de 17 m² au deuxième étage.
L'agent immobilier précise que le marché du centre-ville est particulièrement tendu et que les biens partiraient rapidement à la location.

S'agissant des appartements T2 et T4, le jugement du 3 juillet 2018 mentionne qu'ils étaient loués 390 et 600 euros par mois avant l'effondrement de la toiture du 11 août 2012. L'augmentation des loyers de ces appartements à hauteur de 230 euros et de 305 euros par mois n'apparaît pas disproportionnée compte tenu des dix années écoulées entre l'effondrement de la toiture et l'évaluation réalisée par l'agence immobilière et sera entérinée.
L'évaluation raisonnable des loyers induits par le local commercial et le studio sera également retenue.

Comme l'avait déjà relevé la décision du 3 juillet 2018, eu égard à l'aléa inhérent à la location et à l'absence d'éléments sur la date à laquelle le studio et le local commercial auraient pu être loués, seule la perte de chance de louer sera indemnisée. Elle sera souverainement évaluée à la somme de 53 000 euros.

Dès lors, il convient de condamner Madame [W] à verser à la SCI LOU ROUCAOU la somme de 53 000 euros au titre de la perte de chance de louer ses trois appartements et son local commercial à compter du 12 juin 2019.

Par ailleurs, la SCI LOU ROUCAOU sollicite le versement de la somme de 59 730.48 euros au titre des travaux nécessaires exécutés par la ville de La Ciotat.

Dans le dispositif de ses écritures, Mme [W] sollicite le rejet de l'ensemble des demandes de la SCI LOU ROUCAOU.

La SCI demanderesse produit les avis de sommes à payer adressés par la ville de La Ciotat, d'un montant de 28 868,71 euros et de 30 861,77 euros.

Toutefois, la SCI LOU ROUCAOU ne démontre aucunement s'être effectivement acquittée du paiement de ces sommes. Au surplus, elle ne différencie pas le montant des travaux de démolition de la toiture, de réalisation d'une toiture en plaque PST et de charpente initialement imputables à Mme [W], su montant des travaux de démolition des planchers et de purge des éléments de maçonnerie liés au péril imminent. Elle n'établit donc pas que cette somme est uniquement imputable à Mme [W].

En conséquence, la SCI LOU ROUCAOU sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 59 730.48 euros.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Madame [U] [W] succombant, elle supportera les dépens dont distraction au profit de Maître TOSCANO.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat ».

Madame [U] [W], condamnée aux dépens, sera condamnée à verser à la SCI LOU ROUCAOU la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE Madame [U] [W] à verser à la SCI LOU ROUCAOU la somme de 53 000 euros au titre de la perte de chance de louer ses trois appartements et son local commercial à compter du 12 juin 2019,

DEBOUTE la SCI LOU ROUCAOU de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de
59 730.48 euros,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Madame [U] [W] aux dépens dont distraction au profit de Maître TOSCANO,

CONDAMNE Madame [U] [W] à verser à la SCI LOU ROUCAOU la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 18 juin 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 22/04553
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;22.04553 ?
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