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18/06/2024 | FRANCE | N°22/02959

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 18 juin 2024, 22/02959


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/02959 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZY2Q


AFFAIRE : Mme [K] [C] ; M. [P] [R] ( Maître Nathan HAZZAN de la SELARL NATHAN HAZZAN AVOCAT)
C/ Compagnie d’assurance MMA (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)



DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'

issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 18 Juin 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Par Madame Aur...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/02959 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZY2Q

AFFAIRE : Mme [K] [C] ; M. [P] [R] ( Maître Nathan HAZZAN de la SELARL NATHAN HAZZAN AVOCAT)
C/ Compagnie d’assurance MMA (la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)

DÉBATS : A l'audience Publique du 16 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 18 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Madame [K] [C], née le 02 Décembre 1972 à [Localité 4] (46), de nationalité, cadre, domiciliée et demeurant [Adresse 6]

Monsieur [P] [R], né le 14 Décembre 1971 à [Localité 5] (13),de nationalité française, cadre, domicilié et demeurant [Adresse 6]

tous deux représentés par Maître Nathan HAZZAN de la SELARL NATHAN HAZZAN AVOCAT, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSE

LA S.A MMA IARD, inscrite au RCS du Mans sous le numéro 440 048 882 et dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en son établissement situé[Adresse 1], en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Stéphane GALLO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE, avocat postulant de Maître Jean Marc PEREZ, avocat plaidant au barreau de Paris, Selarl Avox, [Adresse 3], substitué par Maître Morian MAHMOUDI, avocat au barreau de Paris, qui a plaidé

***
EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 1er décembre 2020, Monsieur [R] et Madame [C] ont acquis de Monsieur [D] et Madame [F] une maison d’habitation sise à [Adresse 6].

Les diagnostics techniques immobiliers obligatoires ont été annexés à l'acte, dont le diagnostic relatif à la recherche d’amiante établi le 28 juillet 2020 par la société ATRIUM DIAGNOSTICS, assurée auprès de la SA MMA IARD, mentionnant une suspicion de présence de matériaux amiantés notamment en pourtour d'un châssis tabatière.

Envisageant de refaire la toiture et des travaux d’isolation, les acquéreurs ont fait appel à une entreprise puis à la société SOCOTEC, qui a révélé en mars 2021 que la couverture en tuiles comportait une sous-toiture composée de plaques de fibrociment amiantées.

Une expertise amiable a alors été diligentée et un rapport a été rendu le 12 août 2021 par M. [W].

La SA MMA a dénié sa garantie.

***

Par exploit en date du 15 mars 2022, Monsieur [R] et Madame [C] ont assigné la SA MMA IARD devant le Tribunal judiciaire de Marseille aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.
***

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2023, Monsieur [R] et Madame [C] demandent au Tribunal de :

Vu les articles L.271-4 à L.271-6 du code de la construction et de l'habitation, vu les articles L.1334-13, R.1334-24 et suivants et l'annexe 13-9 du code de la santé publique, vu l'article 1240 du code civil,

CONDAMNER la société MMA au paiement de la somme de 17 541,25 euros au titre de l'indemnisation du préjudice subi par Madame [C] et Monsieur [R],
CONDAMNER la société MMA au paiement de la somme de 3000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir,
La condamner aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Nathan HAZZAN, sur son affirmation de droit, par application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que le diagnostiqueur ne peut pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, or il a relevé une suspicion d'amiante au niveau de l'entourage d'une fenêtre de toit mais n'a pas contrôlé l'état de la toiture parfaitement accessible, aussi il a commis une faute en ne mentionnant pas la présence d'amiante en toiture.
Ils indiquent qu'ils ont du procéder à des travaux de désamiantage importants et qu'ils n'auraient pas acquis le bien s'ils avaient été informés de la présence d'amiante sur l'ensemble de la toiture, tout du moins pas au prix fixé.
Ils expliquent que ces travaux n'étaient pas prévus ni prévisibles compte tenu du diagnostic, le lien de causalité entre la faute du diagnostiqueur et leur préjudice, qui ne correspond pas à une perte de chance, étant donc avéré.
Ils affirment que la couverture de l'immeuble constitue bien une partie privative exclusivement affectée à leur usage, la toiture objet du litige couvrant uniquement leur habitation, et que les plaques sous-tuiles ne sont pas confinées.
Ils ajoutent que la seule solution proposée par le couvreur a été d'isoler par l'extérieur, imposant ainsi la dépose complète du toit existant et les travaux de désamiantage.

***

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 octobre 2023, la SA MMA IARD demande au Tribunal de :

Vu les articles 2,3,15 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l’article 31 du Code de procédure civile,

DECLARER IRRECEVABLES Monsieur [R] et Madame [C] en leur action portant sur une partie commune de l’immeuble ;
Subsidiairement, DEBOUTER Monsieur [R] et Madame [C] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
Plus subsidiairement, LIMITER le préjudice de Monsieur [R] et Madame [C] à un pourcentage du montant des travaux ;
CONDAMNER Monsieur [R] et Madame [C] à payer à MMA IARD une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
JUGER qu’en cas de condamnation de la société MMA IARD, celle-ci ne sera tenue que franchise contractuelle de 2 000 euros déduite ;
CONDAMNER Monsieur [R] et Madame [C] aux entiers dépens.

Elle expose que les biens immobiliers acquis sont des lots de copropriété, que la couverture et les toitures sont des éléments de la construction faisant partie du gros-oeuvre donc des parties communes et que la définition des parties privatives ne mentionne pas les toitures et précise même que les parties privatives sont « en général tout ce qui est inclus à l’intérieur de l’appartement et des locaux qui en dépendent. » Or, toute action relative à une partie commune de l’immeuble ne peut être menée que par le Syndicat des copropriétaires représenté par son syndic.
Elle fait par ailleurs état des modalités et des limites du diagnostic avant-vente, réalisé par constat visuel et uniquement sur les matériaux visibles et accessibles sans sondages destructifs.
En outre, le diagnostiqueur a signalé la présence de matériaux amiantés en divers endroits, le propriétaire et les candidats acquéreurs savaient que la toiture n’avait pas été inspectée et que des investigations complémentaires restaient à réaliser, ce qui n'a pas été fait.
La société MMA estime que si la présence des plaques sous tuiles a échappé à la vigilance du technicien, mais il n’existe pas de lien de causalité direct entre la faute de repérage reprochée au diagnostiqueur et le préjudice aujourd’hui invoqué par les demandeurs.
Elle ajoute qu'aucune disposition n’impose ni même ne préconise le retrait de matériaux amiantés, sauf si le matériau est dégradé et que des mesures d’empoussièrement de l’atmosphère ont révélé un taux supérieur à 5 fibres par litre d’air. Or, les plaques sont totalement confinées sous les tuiles et ne sont pas susceptibles de libérer des fibres d’amiante et le seul fondement sur lequel la responsabilité du diagnostiqueur est susceptible d’être engagée est la perte de chance de négocier un prix moins élevé, lorsque les matériaux ne sont pas dégradés. Elle oppose enfin sa franchise contractuelle.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2024.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 16 avril 2024 et la décision a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I/ Sur la recevabilité des demandes

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2020, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
L'article 55 II du décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 prévoit que cette disposition est applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020.

Il résulte de cette dernière disposition, applicable à la présente instance introduite par exploit du 15 mars 2022, que la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des demandeurs n'a pas été valablement présentée par la SA MMA IARD au juge de la mise en état avant son dessaisissement et ne peut donc être examinée et tranchée par le tribunal statuant au fond.
Cette fin de non-recevoir doit donc être déclarée irrecevable.

A toutes fins utiles, il doit être observé que M. [R] et Mme [C] ne sollicitent pas directement la condamnation de la SA MMA IARD à payer le coût des travaux de réfection de la toiture litigieuse, mais font état d'un préjudice financier lié à l'impossibilité de négocier le prix de vente de leur bien, ou de ne pas l'acquérir, en l'état du défaut d'information de la présence d'amiante sur la toiture, ce qui constitue un préjudice personnel, bien que calculé sur le montant des travaux nécessaires pour procéder au retrait de l'amiante directement réglés par eux.

II/ Sur la responsabilité délictuelle de la société ATRIUM DIAGNOSTIC

Selon l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le diagnostiqueur est contractuellement tenu à l'égard du vendeur de l’immeuble en vertu du contrat
d’entreprise qui les lie. Toutefois, aucun lien contractuel n’unit directement le diagnostiqueur à l’acquéreur, de sorte que l'action de ce dernier ne peut s'exercer que sur le terrain délictuel.

Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.
 
Il résulte de ces dispositions que le demandeur à l’action doit prouver le fait fautif, la négligence ou l’imprudence du diagnostiqueur, le dommage et le lien de causalité entre le dommage et la faute.
 
S’agissant de la faute, l’article L.271-4 du code de la construction et de l’habitation dispose qu’en cas de vente de tout ou partie d'un immeuble bâti, un dossier de diagnostic technique, fourni par le vendeur, est annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente.
Le dossier de diagnostic technique comprend notamment, dans les conditions définies par les dispositions qui les régissent, l'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante prévu à l'article L.1334-13 du même code.

L’article L.1334-13 du code de la santé publique prévoit qu’un état mentionnant la présence ou, le cas échéant, l'absence de matériaux ou produits de la construction contenant de l'amiante est produit, lors de la vente d'un immeuble bâti, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 271-4 à L.271-6 du code de la construction et de l'habitation.
 
L’article R. 1334-20 du code de la santé publique ajoute qu’on entend par repérage des matériaux et produits de la liste A contenant de l'amiante la mission qui consiste à: 
1o Rechercher la présence des matériaux et produits de la liste A accessibles sans travaux destructifs; 
2o Identifier et localiser les matériaux et produits qui contiennent de l'amiante; 
3o Évaluer l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante. 
II. — Lorsque la recherche révèle la présence de matériaux ou produits de la liste A, et si un doute persiste sur la présence d'amiante dans ces matériaux ou produits, un ou plusieurs prélèvements de matériaux ou produits sont effectués par la personne réalisant la recherche. Ces prélèvements font l'objet d'analyses selon les modalités définies à l'article R. 1334-24. 
III. — A l'issue du repérage, la personne qui l'a réalisé établit un rapport de repérage qu'elle remet au propriétaire contre accusé de réception. 
IV. — En fonction du résultat de l'évaluation de l'état de conservation, le rapport de repérage préconise: 
1o Soit une évaluation périodique de l'état de conservation des matériaux et produits contenant de l'amiante mentionnés au I; 
2o Soit une mesure d'empoussièrement dans l'air; 
3o Soit des travaux de confinement ou de retrait de l'amiante. 

L’obligation du diagnostiqueur vis-à-vis de son cocontractant est une obligation de moyen : le caractère erroné du diagnostic ne suffit pas à engager la responsabilité du professionnel. Aussi, sa responsabilité se trouve engagée lorsque le diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l'art et qu'il se révèle erroné.

La faute du professionnel s’apprécie à la lumière de la loi, du règlement, de l’arrêté et de la norme Afnor propre au diagnostic considéré constituant un référentiel technique d’appréciation de sa faute éventuelle.

Le diagnostiqueur doit ainsi se montrer vigilant et approfondir ses investigations en cas de circonstances particulières. La notion « d’examen visuel » englobe une mission plus large que le simple contrôle oculaire des locaux, de sorte que le diagnostiqueur avant vente doit procéder à toutes vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs et visiter l’ensemble des locaux et les combles, réaliser des sondages sonores, soulever certains revêtements, déplacer des meubles, tout en conservant les preuves de ses diligences, interroger le vendeur sur l'existence de précédents rapports de repérage des locaux, étant précisé qu’il est tenu d’une obligation d'information et de conseil.

Il est ainsi constant que le diagnostiqueur ne doit pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais doit au contraire mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission. A défaut de pouvoir réaliser un repérage complet des matériaux, il est tenu, conformément à l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur lui, d’attirer l’attention du propriétaire sur la nature partielle de l’examen, au moyen de réserves formelles.

En l’espèce, il résulte des pièces communiquées que M. [R] et Mme [C] ont acquis le 1er décembre 2020 pour un montant de 590 000 euros, dans l'ensemble immobilier situé [Adresse 6] à [Localité 5], le lot de copropriété n°3, correspondant à la propriété divise et particulière du garage situé au rez-de-chaussée inférieur, et le lot n°1, correspondant à un appartement situé au rez-de-chaussée inférieur de l'immeuble et partie au premier étage de l'immeuble, cet étage étant notamment composé de 5 chambres.

Le rapport de diagnostic référencé 2007.0445 FB [D], établi le 28 juillet 2020 par la société DIAGNOSTICS & EXPERTISES – ATRIUM DIAGNOSTIC à la demande des époux [D] dans le cadre de la vente du bien immobilier situé [Adresse 6], avait notamment pour objet la mission de procéder à un constat relatif à la présence ou l'absence d'amiante avant-vente.

Ledit rapport vise l’application des listes A et B de l’annexe 13-9 du code de la santé publique, ces deux programmes de repérage de l’amiante n’étant pas destructifs contrairement à celui de la liste C.

La liste B reproduite dans le rapport prévoit notamment un repérage concernant la toiture de l'immeuble, ses plaques, ardoises, accessoires de couverture, bardeaux bitumeux, panneaux et conduits.

Le diagnostiqueur indique ainsi n’avoir pas repéré de matériaux ou produits de la liste A mais avoir constaté, sans prélèvements, la présence d'amiante sur les conduits en amiante-ciment de la cave, du mur de soutènement, de la remise et sur les contours du velux de la salle de jeux au premier étage, l'ensemble nécessitant une évaluation périodique, les matériaux n'étant pas dégradés.

Il ajoute que les toitures du garage extérieur et de la remise, posées après l'année 1997, ne contiennent pas d'amiante mais que la toiture de la maison principale, non visible, n'a pas été visitée, sans formuler aucune préconisation ou aucune réserve à ce titre.
Le rapport d'essai de la société ITGA en date du 31 mars 2021 relève pourtant, suite au prélèvement commandé par la société SOCOTEC DIAGNOSTIC, la présence de fibres d'amiante sur la peinture et le matériau des plaques sous-tuiles de la toiture de la villa.

Le rapport dressé par la société SOCOTEC le 16 avril 2021 confirme ainsi la présence d'amiante sur les plaques en fibres-ciment, concernant l'ensemble des toitures.

Le rapport d'expertise amiable établi le 12 août 2021 par la société CEMI, mandatée par la société COVEA en sa qualité d'assureur de protection juridique de M. [R], mentionne que les toitures sont bien accessibles par les fenêtres de toiture au moyen d'un simple escabeau pour deux d'entre elles et que la troisième est visible et accessible. Il fait ainsi état d'un diagnostic amiante incomplet, de la présence de fibre d'amiante de type Chrysolite aux termes du rapport d'analyse des prélèvements et de la nécessité pour les acquéreurs de faire procéder au désamiantage des toitures avant d'entreprendre les travaux d'isolation projetés.
M. [W] évalue les travaux de désamiantage à la somme totale de 17 541,25 euros TTC, selon devis de la société ISOLEA du 16 avril 2021.

Le procès-verbal de constat réalisé le 31 octobre 2023 par le commissaire de justice désigné par M. [R] confirme que la portion de toiture inférieure côté Sud est accessible depuis la restanque supérieure du jardin privatif mais aussi depuis les fenêtres des chambres de l'étage supérieur de la bâtisse et que la toiture de la chambre côté Nord n'est pas directement visible.
Il ajoute que les pentes de toiture côté nord et côté sud, surmontant la partie principale de l'habitation ont fait l'objet d'une rénovation complète et que les pièces situées en dessous de la toiture commune ne sont pas concernées.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si les vendeurs et les acquéreurs étaient informés, au moment de la vente, de l'absence d'inspection de la toiture, décrite par le diagnostiqueur comme non visitée, il n'en demeure pas moins que ce dernier n'a pas jugé utile procéder à l'inspection de cet ouvrage pourtant visé par la liste B précitée dont une partie était aisément accessible, et les deux autres par les fenêtres de toiture au moyen d'un simple escabeau, selon le rapport d'expertise amiable et le procès-verbal de constat de commissaire de justice.
Le diagnostiqueur n'a, à ce titre, émis aucune réserve ni aucune préconisation relative à des investigations complémentaires sur la toiture alors même qu'il avait relevé la présence d'amiante sur les contours du velux d'une pièce au premier étage et que cet élément aurait dû particulièrement attirer son attention sur la toiture en sa qualité de professionnel du diagnostic amiante, contrairement aux vendeurs et acquéreurs, profanes en la matière.

Cette absence totale de contrôle visuel et non destructif de la toiture pourtant en partie parfaitement accessible et de toute réserve ou préconisation à ce titre est ainsi constitutive d'un manquement à l'obligation de moyens incombant au diagnostiqueur, qui n'a pas mis en oeuvre les moyens nécessaires à l'accomplissement intégral de sa mission, et donc d'une faute de nature délictuelle.

Concernant le préjudice invoqué par les demandeurs et son lien de causalité avec la faute, il ressort des éléments communiqués que la nécessité de procéder aux coûteux travaux de désamiantage des toitures visés par le rapport d'expertise amiable n'est liée qu'aux travaux d'isolation par ailleurs projetés par les demandeurs et non à une obligation de procéder au confinement ou au retrait de l'amiante en toiture. Aussi, il n'est pas établi que les matériaux contenant de l'amiante en toiture étaient dégradés ou à l'origine d'un empoussièrement irrégulier à l'intérieur de l'habitation et ainsi d'un risque sanitaire imposant de procéder à leur remplacement.
Il n'existe donc pas de préjudice certain lié aux travaux de désamiantage, dans la mesure où la réfection totale de la toiture avec son désamiantage n'était pas imposée et où ils ne se sont pas trouvés contraints d'y procéder. Les travaux litigieux résultent en effet de leur volonté de procéder à la réfection intégrale de la toiture dans le cadre de leur projet d'isolation par l'extérieur et il n'appartient pas au diagnostiqueur de financer les travaux de désamiantage, qu'il n'est pas destiné à supporter puisqu'il n'est pas à l'origine de la présence d'amiante.

Néanmoins, M. [R] et Mme [C] indiquent qu'ils n'auraient pas acquis le bien immobilier s'ils avaient eu connaissance de la présence d'amiante en toiture, et qu'ils n'ont pu négocier le prix d'achat du bien à la baisse. Ce moyen s'analyse en réalité comme une perte de chance d'avoir pu négocier un prix d'achat inférieur et renvoie très exactement à cette définition.

En effet, la fourniture d'un rapport de diagnostic amiante avant-vente complet leur aurait permis d'être en possession de toutes les informations nécessaires sur l'état du bien litigieux avant la signature de l'acte authentique, étant précisé que la présence d'amiante même en partie non visible et non accessible est de nature à constituer une moins-value et une dépréciation du bien dont la toiture est affectée par l'amiante sur une surface importante.
La méconnaissance de la présence d'amiante sur la toiture constitue ainsi un préjudice certain pour les acquéreurs qui n'ont pu négocier une baisse du prix d'achat du bien. A ce titre, il doit être rappelé que la réparation de la perte d'une chance doit être mesurée à la chance perdue, qu'elle ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée et qu'il n'est pas certain de la baisse du prix de vente de l'immeuble contenant déjà d'autres matériaux amiantés aurait été nécessairement obtenue, les demandeurs ayant acquis le bien en parfaite connaissance de la présence d'amiante à d'autres endroits que la toiture.

Aussi, la réparation de cette perte de chance ne peut correspondre à l'intégralité des travaux importants déjà financés par M. [R] et Mme [C] selon facture du 31 août 2021 et doit être évaluée à 70% du coût des travaux nécessaires au désamiantage, ce pourcentage correspondant à la baisse du prix qu'ils pouvaient espérer.

La société ATRIUM DIAGNOSTIC avait souscrit auprès de la SA MMA IARD un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant ses activités de diagnostic immobilier à effet du 1er avril 2020.

Par conséquent, il convient de condamner la SA MMA IARD à payer à Monsieur [P] [R] et Madame [K] [C] la somme de 12 278,87 euros au titre de la perte de chance de négocier le prix d'achat de leur bien ou de renoncer à la vente.

S'agissant d'une assurance facultative, la SA MMA IARD est bien-fondée à opposer aux demandeurs le montant de sa franchise contractuelle d'un montant de 2000 euros.

III/ Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. 

La SA MMA IARD, succombant dans le cadre de la présente procédure, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître HAZZAN.
 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.  

La SA MMA IARD sera condamnée à verser à Monsieur [P] [R] et Madame [K] [C] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant en premier ressort, en audience publique, à Juge unique, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe du tribunal de la juridiction de céans,

DECLARE IRRECEVABLE la fin de non-recevoir opposée par la SA MMA IARD, non soumise au juge de la mise en état avant son dessaisissement,

CONDAMNE la SA MMA IARD à payer à Monsieur [P] [R] et Madame [K] [C] la somme de 12 278,87 euros au titre de la perte de chance de négocier le prix d'achat de leur bien à prix moindre ou de renoncer à la vente,

DIT que la SA MMA IARD est bien-fondée à opposer à Monsieur [P] [R] et Madame [K] [C] le montant de sa franchise contractuelle d'un montant de 2000 euros,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

CONDAMNE la SA MMA IARD aux dépens dont distraction au profit de Maître HAZZAN,
 
CONDAMNE la SA MMA IARD à verser à Monsieur [P] [R] et Madame [K] [C] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles,

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 18 juin 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 22/02959
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;22.02959 ?
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