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18/06/2024 | FRANCE | N°21/08618

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 18 juin 2024, 21/08618


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 21/08618 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZDPB


AFFAIRE : Mme [U] [Y] ( Me Pierre LE BELLER)
C/ S.D.C. de l’immeuble [Adresse 3] (la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES) - Mme [E] [M] (Me Pascal LUONGO)



DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIA

N,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 18 Juin 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 18 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 21/08618 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZDPB

AFFAIRE : Mme [U] [Y] ( Me Pierre LE BELLER)
C/ S.D.C. de l’immeuble [Adresse 3] (la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES) - Mme [E] [M] (Me Pascal LUONGO)

DÉBATS : A l'audience Publique du 07 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 18 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 18 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [U] [Y]
née le 21 Septembre 1950 à [Localité 4] (13), de nationalité française, domiciliée et demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Pierre LE BELLER, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3]
représenté par son syndic en exercice, la SARL IMMOBILIERE TARIOT, inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 344 408 848 et dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Olivier BURTEZ-DOUCEDE de la SCP CABINET BERENGER, BLANC, BURTEZ-DOUCEDE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

Madame [E] [M], née le 12 mars 1954 à [Localité 5] (Algérie), de nationalité française, domiciliée et demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Pascal LUONGO, avocat au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [U] [Y] est propriétaire de deux biens immobiliers constituant les lots n°3 et 5 dans la copropriété sise [Adresse 3].

Le lot n°3, à destination d’habitation, constitue son domicile et lieu de résidence, alors que le n°5 est laissé vacant.

En 2015, le local du rez-de-chaussée, constituant le lot n°1, propriété de Madame [E] [M], a été donné à bail à un preneur pour une activité de restauration de type pizza au feu de bois.

Mme [Y] s'est plainte de ce que le raccordement du conduit de cheminée de l'immeuble à un four à pizzas par le preneur à bail a provoqué une augmentation des températures dans ses deux lots et des dégradations importantes du conduit de cheminée ; mais aussi d'un changement de couverture de la cour anglaise attenante au local du rez-de-chaussée dont la toiture a été dotée d’une fenêtre ouvrant directement sur son jardin à usage privatif ; et de l’inachèvement des travaux sur les WC à usage commun des lots du 1er étage.

L'activité de pizzeria a pris fin le 18 mars 2017 et le local a été ensuite pris à bail par un fonds de commerce de restauration asiatique, la SAS MANY NEM’S 13, jusqu'au mois de novembre 2018.

***

Madame [Y] a sollicité la désignation d'un expert judiciaire devant le juge des référés près le tribunal judiciaire de Marseille, chargé de se prononcer sur la conformité des travaux réalisés et les nuisances subies.

Par ordonnance en date du 10 juin 2016, le juge des référés a rejeté la demande d’expertise en tant qu’elle visait des travaux sur des parties communes et circonscrit la demande expertale aux WC.

Par arrêt en date du 14 septembre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a réformé l’ordonnance, ordonné une expertise portant sur l’ensemble des désordres et confié les opérations à M. [R].

L'expert a rendu son rapport le 2 août 2019.

Par exploit délivré le 15 septembre 2021, Madame [Y] a assigné le syndicat des copropriétaires et Madame [M] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de remise en état des ouvrages réalisés et d'indemnisation de ses préjudices.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 25 octobre 2022, Madame [Y] demande au Tribunal de :

Vu la loi du 10 juillet 1965,
Vu les pièces du dossier,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu l’article R.421-17 du Code de l’urbanisme,

JUGER que les désordres décrits dans le rapport d’expertise de M. Gilles TOURNIER sont imputables aux défendeurs,
En conséquence CONDAMNER les défendeurs à remettre en état la toiture du rez-de-chaussée sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard,
CONDAMNER les défendeurs à verser à Madame [Y] la somme de 600,00 euros au titre de la remise en état des manteaux de cheminée dégradés par la surexploitation du conduit,
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires à remettre en état le WC du premier étage sous astreinte de 300,00 euros par jour de retard,
CONDAMNER les défendeurs à verser à Madame [Y] la somme de 814,48 euros au titre de l’équipement de sol lot d’équipement sanitaire pour palier la défaillance du WC,
CONDAMNER solidairement les défendeurs à verser à la demanderesse la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour troubles de jouissance,
CONDAMNER solidairement les défendeurs à verser à la demanderesse la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
DISPENSER la demanderesse du paiement de sa quote-part dans l’hypothèse d’une condamnation du syndicat des copropriétaires en application de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
CONDAMNER solidairement les défendeurs à verser à la demanderesse la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 CPC,
METTRE A LA CHARGE des défendeurs les entiers dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire et de constats d’huissiers de justice, distraits au profit de Me [F] [I] sur son affirmation de droit.

Elle soutient que l'expert a reconnu la réalité des désordres affectant la toiture de la cour anglaise non-conforme à la règlementation en raison du manque de pente de cette toiture et de la présence d’une contrepente dans un angle générant le décollement du relevé d’étanchéité. Elle ajoute que s’il existait initialement une couverture légère en tôle ondulée, celle-ci ne générait pas les mêmes désordres que celle qui a été construite de manière illicite et dotée d’une ouverture et que le syndicat a été saisi en septembre 2022 de problèmes d’infiltrations dont l’origine se situait sur la toiture en cause. Elle affirme que la dépose et le remplacement de la toiture existante sans déclaration préalable et sans autorisation de l’assemblée générale ont eu pour conséquence de procéder au percement des murs extérieurs de l’immeuble et à la modification de son aspect extérieur, de nature à porter atteinte à la solidité de l’ouvrage et à la sécurité des occupants, mais aussi de créer une ouverture générant des risques d’intrusion et de perte d’intimité pour la demanderesse.
Elle estime que le raccordement du four à pizza au conduit de cheminée de la copropriété et son usage non prévu par le règlement de copropriété et manifestement inadapté à ses capacités lui ont causé des préjudices, notamment la dégradation des manteaux des cheminée de ses lots et des préjudices de jouissance liés à l’augmentation de la chaleur intérieure durant l’utilisation du four en cause. Selon elle, le local exploité à des fins de restauration n’était pas pourvu d’un extracteur de fumée et le four à bois du local du rez-de-chaussée n’avait pas pour destination la cuisson d’aliments, la destination du local mentionnée au règlement de copropriété visant une activité de magasin.
Enfin, s'agissant de l’inachèvement du WC du 1er étage, elle affirme que cette situation empêche l’utilisation du WC, qui est une dépendance de son lot.
Elle fait état de ses troubles de jouissance liés aux odeurs, à la lumière et au bruit causés par le changement de la toiture durant plus d’un an, à l'échauffement des murs du fait du raccordement du four à pizza durant deux ans et à l’impossibilité d’utiliser les WC du palier durant 6 ans ; les désordres en cause étant imputables tant à Madame [M] en sa qualité de propriétaire du local en rez-de-chaussée s’agissant de la transformation de la toiture et du raccordement du four à pizza ; qu’au syndicat des copropriétaires et au syndic pour l’ensemble des désordres.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 23 février 2023, Madame [M] demande au Tribunal de :

Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu les pièces produites aux débats,

DEBOUTER Madame [U] [Y] de toutes ses demandes,
CONDAMNER Madame [U] [Y] à payer à Madame [E] [M] la somme de 1.800,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, à charge pour le conseil du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle de renoncer à percevoir la part contributive de l’Etat et de poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge, conformément à l’article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991,
CONDAMNER Madame [U] [Y] aux entiers dépens.

Elle soutient que la cour située à l’arrière du local dont Madame [M] est propriétaire a toujours été couverte et que la toiture a toujours comporté une ouverture, aussi elle a seulement procédé à son remplacement, ce qui correspond à des réparations ordinaires ne nécessitant pas de déclaration préalable. En outre, l'expert n’a pas été en mesure de constater l’existence d’un quelconque préjudice causé à Madame [Y] du fait de cette toiture, restant totalement hypothétique, et la pose d’un velux à fermeture dans cette toiture n'ayant pu que renforcer la sécurité de cette ouverture. Elle indique que les infiltrations dénoncées en 2022 proviennent de la mauvaise étanchéité de la terrasse de l’appartement du 1er étage de Mme [Y].
Concernant le raccordement du four à pizzas, les températures n’ont pas été mesurées par un appareil de mesure thermique, aucune donnée fiable et concrète ne permet d’affirmer que la température dans le conduit de cheminée était anormalement élevée, que celle-ci a causé un préjudice et que cette anomalie était en lien direct avec l’utilisation d’un four par la pizzeria exploitant le local commercial situé au rez-de-chaussée de l’immeuble. En outre, le règlement de copropriété n’interdit aucunement que le local commercial soit utilisé pour une activité de restauration.
Elle souligne que les préjudices invoqués ne sont pas certains ni actuels.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 1er mars 2024, le syndicat des copropriétaires demande au Tribunal de :

Vu l’article 1240 du code civil,
Vu les diligences du syndicat des copropriétaires,

DEBOUTER Madame [Y] de sa demande de condamnation à la remise en état de la toiture en ce qu’elle est dirigée à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
DEBOUTER Madame [Y] de sa demande de paiement de la somme de 600 euros en réparation des désordres consécutifs au branchement du conduit de cheminée en ce qu’elle est dirigée à l’encontre du syndicat des copropriétaires,
CONSTATER que le syndicat des copropriétaires a fait procéder aux travaux de réparation du WC,
Et en conséquence DEBOUTER Madame [Y] de sa demande de condamnation sous astreinte du syndicat des copropriétaires à réaliser les travaux,
DEBOUTER Madame [Y] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices,
CONDAMNER tout succombant à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER tout succombant aux dépens,
ORDONNER l’exécution provisoire.

Il expose qu'il ne peut être condamné à réaliser les travaux relatifs à la toiture, effectués par une copropriétaire sans autorisation ni information préalables, s'agissant de parties privatives. De même, il ne peut être tenu responsable s'agissant du raccordement du four à pizzas. Il soutient qu'il a immédiatement fait le nécessaire concernant l'inachèvement du WC, que les travaux réceptionnés le 1er avril 2015 n'ont pas été contestés, aussi il a accompli toutes les diligences nécessaires. Enfin, les préjudices invoqués sont injustifiés.

***

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture du 26 octobre 2023 a été révoquée le 7 mai 2024 afin d'admettre les dernières conclusions du syndicat des copropriétaires. Une nouvelle clôture est intervenue le 7 mai 2024 avant l'ouverture des débats.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 7 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

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MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'engagement de la responsabilité délictuelle nécessite la caractérisation d'une faute personnelle, d'un préjudice et d'un lien de causalité les unissant.

Par ailleurs, en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, visée par Madame [Y] dans ses écritures, le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Il est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

I/ Sur les désordres issus de la couverture de la cour anglaise

En l'espèce, le règlement de copropriété de l'immeuble sis [Adresse 3] en date du 25 septembre 1962 mentionne que le grand local à usage de magasin situé au rez-de-chaussée comporte une cour couverte à usage d'arrière magasin, dans laquelle se trouve également un toilette et un water-closet. L'article 2 ajoute que le sol de la cour, les gros murs et les toitures forment la propriété indivise de l'immeuble.

Il résulte ainsi du règlement de copropriété que la toiture de la cour anglaise constitue une partie commune de l'immeuble.

Dans son rapport en date du 2 août 2019, l'expert judiciaire confirme que la cour anglaise située à l'arrière de l'immeuble est couverte depuis l'origine. M. [R] indique que suite au changement d'occupation de ce lot, devenu une pizzeria, des travaux de réaménagement ont été engagés en juin 2015 par le gérant de la pizzeria consistant au changement de la toiture initialement composée de tôles avec une tabatière (petit châssis vitré) avec incorporation d'un châssis de toit et d'un VELUX et réalisation d'un plancher intermédiaire. Aussi depuis juin 2015, la toiture ondulée est constituée de panneaux fibre de ciment et d'un châssis plus grand de type VELUX.

M. [R] relève différentes non-conformités affectant la toiture : une différence insuffisante de côte altimétrique entre l'appui de la fenêtre de la cuisine et le relevé maçonné sur lequel est scellé le garde-corps, une pente insuffisante qui sera à l'origine d'infiltrations dans les locaux sous la toiture et d'une humidité sur l'allège de la cuisine de Mme [Y], une pente dans l'angle côté passage vers le jardin de Mme [Y], le décollement du relevé contre la façade et l'absence de bande soline.
A ce titre, il doit être observé que le préjudice lié à la survenance d'infiltrations n'apparaît pas hypothétique mais futur et certain, compte tenu des non-conformités constatées et des conclusions de l'expert judiciaire.

L'expert judiciaire indique ne pas avoir constaté les odeurs déplorées par Mme [Y] en l'état de l'arrêt de l'activité de restauration asiatique mais précise que la chambre de la demanderesse se trouve directement en surplomb de la zone cuisine, alors que l'étanchéité n'est pas garantie lorsque le VELUX est entre-ouvert.
En effet, le procès-verbal de constat d'huissier de justice relève le 30 octobre 2017 la présence d'une forte odeur de cuisine asiatique dans le couloir de l'immeuble mais également dans l'appartement de Madame [Y] au premier étage, le VELUX de la toiture située sur la cour à l'arrière laissant échapper de fortes odeurs envahissant ses lots, se propageant le long des façades de l'immeuble et pénétrant dans l'appartement du deuxième étage.

L'expert judiciaire fait également état d'un risque d'intrusion compte tenu de la vue directe et de l'accès sur le toit.
Le remplacement du petit châssis vitré type tabatière par un châssis plus grand de type VELUX a en effet nécessairement renforcé les risques d'intrusion sur la toiture par cette ouverture.
De même, l'installation du VELUX a permis une meilleure ventilation du local situé en rez-de-chaussée destiné à l'activité de restauration et donc la propagation des odeurs.

S'agissant des imputabilités, force est de constater qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que ces travaux de changement de toiture et d'agrandissement du châssis vitré ont été engagés en 2015 par le gérant de la pizzeria et non par la propriétaire du local commercial. Toutefois, Madame [M], propriétaire du lot, ne conteste nullement n'avoir pas sollicité l'accord préalable de l'assemblée générale avant d'autoriser son locataire à effectuer les travaux sur les parties communes, ni avoir sollicité l'exécution de ces travaux sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble en application de l'article 4 du règlement de copropriété.
Sa carence est ainsi constitutive d'une faute civile, à l'origine des préjudices subis par Madame [Y].

En outre, les travaux engagés sur la toiture de l'arrière cuisine, partie commune, relèvent de la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.
En effet, les changements opérés sur cette partie commune et les non-conformité issues des travaux ont généré, au préjudice de Madame [Y], des odeurs émanant du châssis de toit, constatées par huissier de justice, lors de l'exploitation du restaurant asiatique entre septembre 2017 et novembre 2018 mais également un risque d'intrusion caractérisé par l'expert judiciaire. Au surplus, la survenance de traces d'infiltrations contre le mur de façade et la dégradation de la face interne de l'allège de la cuisine sont décrites comme inévitables, et donc certaines, en l'état de l'inexistance du relevé et de la bande soline.

Par conséquent, la responsabilité de Madame [M] tout comme celle du syndicat des copropriétaires doit être engagée sur les fondements précités.

S'agissant d'une partie commune, seul le syndicat des copropriétaires sera condamné à remettre en état la toiture du rez-de-chaussée, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai de deux mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à Madame [Y] de faire liquider l’astreinte.

Les odeurs émanant du restaurant asiatique entre octobre 2017 et novembre 2018 et l'augmentation du risque d'intrusion depuis 2015, constitutifs de trouble de jouissance subis par Madame [Y], sont directement issus des travaux effectués sur la toiture, partie commune, sans autorisation du syndicat sollicitée par la propriétaire du local commercial.

Compte tenu de son ampleur et de sa durée, le préjudice de jouissance sera souverainement évalué à la somme de 2000 euros.

Il convient donc de condamner in solidum Madame [E] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à verser à Madame [U] [Y] la somme de 2000 euros au titre de son préjudice de jouissance lié aux travaux effectués sans autorisation sur la toiture du rez-de-chaussée.

En revanche, dans la mesure où Madame [Y] ne détaille ni ne justifie l'existence de son préjudice moral, sa demande de dommage et intérêts formulées à ce titre sera rejetée.

II/ Sur le raccordement du four à pizzas au conduit de cheminée de l'immeuble

L'article 2 du règlement de copropriété mentionne que les conduits de fumée constituent des parties communes aux copropriétaires.

L'expert judiciaire n'a pu constater l'existence d'un raccordement du four à pizzas et d'un désordre à ce titre, indiquant que l'activité de pizzeria s'est arrêtée en septembre 2017 et que les installations correspondantes ont été déposées. Il ressort ainsi du rapport que le four, devenu sans usage pour le nouvel exploitant (restaurant traiteur asiatique), n'existe plus.

Aussi, l'expert judiciaire n'a pu se prononcer sur la conformité de ce raccordement non identifié personnellement et indique seulement que le four peut dégager des gaz de combustion très chauds nécessitant l'installation d'une gaine extérieure.

Dès lors, la chaleur anormale émise par le conduit de cheminée et passant dans l'épaisseur du mur des séjours de ses appartements, dénoncée par Madame [Y], n'a pu être confirmée par l'expert judiciaire et ne ressort que de ses dires et du constat d'huissier du 21 mars 2016, non contradictoire, qui expose seulement que la partie murale gauche de la cheminée des appartements du premier et du deuxième étage est sensiblement plus chaude que celle de droite mais ne peut établir aucun lien de causalité avec le raccordement susvisé et non relevé.
De même, l'attestation rédigée en avril 2016 par un locataire de l'immeuble apparaît largement insuffisante pour retenir un lien de causalité.
Enfin, le médecin de Madame [Y], en sa qualité de professionnel de la médecine mais non de la construction, ne peut valablement affirmer dans son certificat du 15 septembre 2016, l'existence d'une température élevée dans l'appartement de sa patiente en raison du raccordement du four sur le conduit de cheminée, mais uniquement relater ses dires.
Aucun lien de causalité direct et certain n'est ainsi établi par l'expert judiciaire entre un raccordement irrégulier du four à pizzas au conduit de cheminée, non constaté, et les traces visibles sur les manteaux des cheminées des lots de Mme [Y]. Le phénomène de surchauffe allégué n'a pas non plus été établi au contradictoire des parties et par un technicien de la construction en mesure d'établir un lien de causalité certain.

Par conséquent, l'éventuel raccordement irrégulier du four à pizzas et la surchauffe n'ayant pas été constatés par l'expert judiciaire, qui ne peut donc valablement imputer la présence des fissures de l'enduit du mur de l'appartement de Madame [Y] et le décollement de la peinture au dessus des deux cheminées à ce raccordement, la demanderesse échoue à rapporter la preuve de l'existence des conditions inhérentes à l'engagement de la responsabilité des défendeurs et doit être déboutée de l'ensemble des demandes formulées au titre de la remise en état des manteaux des cheminées dégradés, du trouble de jouissance et du préjudice moral.

III/ S'agissant de l'inachèvement du WC du premier étage

Le règlement de copropriété indique la présence, au premier étage de l'immeuble, d'un water-closet commun sur le palier de l'étage, dont la jouissance est partagée entre les lots n°2 et 3.

M. [R] évoque la présence, sur le palier du premier étage, d'un siège en porcelaine posé à même le sol avec un réservoir attenant et une alimentation en eau par tuyau en cuivre partiellement fixée. Il précise que le siège est raccordé à la descente dans une gaine par une sortie directe et droite mais est très éloigné du fond du local et non fixé au sol.
Il ressort des opérations d'expertise et des pièces communiquées par le syndicat des copropriétaires que suite à un désordre affectant la colonne, la société PALMA a, selon devis accepté le 20 mars 2015, déposé le siège du WC, est intervenue sur la gaine et a rebranché le WC sur la chute des eaux vannes mais ne l'a pas refixé au sol et a laissé son alimentation dans le vide.

Le rapport d'expertise judiciaire établit ainsi l'existence de travaux inachevés, précisant qu'il est difficile de s'installer correctement sur le siège, qui doit être replacé et fixé au sol compte tenu du risque de fuite ou de déboîtage de la vidange.

Si le syndicat des copropriétaires engage sa responsabilité de plein droit, s'agissant d'une partie commune atteinte de désordres dont la jouissance bénéficie à Madame [Y], force est de constater que les travaux de modification de la colonne commune pour le raccordement du WC et de fixation de celui-ci ont été réalisés par le syndicat via la société JF DAGOREAU selon facture du 4 février 2022, ce qui n'est pas contesté par Madame [Y]. Il n'y a donc pas lieu de condamner le syndicat des copropriétaires à remettre en état le WC du premier étage sous astreinte.

L'expert judiciaire mentionne que le siège était utilisable mais très incommode, confinant presque à l'impropriété à destination.

Madame [Y] justifie des travaux de remplacement d'un moteur sanibroyeur effectués en juillet 2021 et facturés 814,48 euros TTC.

Toutefois, force est de constater que la facture mentionne un « remplacement » d'un moteur de sanibroyeur, laissant apparaître que celui-ci était déjà existant et n'a pas été installé pour pallier l'impropriété à destination du WC commun. Contrairement à ses affirmations, Mme [Y] ne démontre donc pas avoir fait installer le sanibroyeur dans son lot privatif en raison de la défaillance précitée, ni qu'elle se trouve privée de sanitaire lors de dysfonctionnements, qui ne sont aucunement établis.

En conséquence, Madame [Y] doit être déboutée de ses demandes d'indemnisation au titre de l'équipement sanitaire installé pour pallier la défaillance du WC, du trouble de jouissance et du préjudice moral.

IV/ Sur les demandes accessoires

Conformément au deuxième alinéa de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, Madame [U] [Y] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. 
 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. 
 
Madame [E] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], qui succombent in fine, supporteront les dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître [I] et seront condamnés in solidum à verser à Madame [U] [Y] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que les frais de constat d'huissier de justice ne font pas partie des dépens mais sont appréciés au titre des frais irrépétibles de la procédure.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort :

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à remettre en état la toiture du rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 3], sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai de deux mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à Madame [U] [Y] de faire liquider l’astreinte,

CONDAMNE in solidum Madame [E] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à verser à Madame [U] [Y] la somme de 2000 euros au titre de son préjudice de jouissance lié aux travaux effectués sans autorisation sur la toiture du rez-de-chaussée,

DEBOUTE Madame [U] [Y] de ses demandes au titre de la remise en état des manteaux de cheminée dégradés par la surexploitation du conduit, de la remise en état du WC du premier étage sous astreinte, de l'indemnisation de l'équipement de sol lot d'équipement sanitaire pour palier la défaillance du WC, de son préjudice moral et du surplus de sa demande au titre de ses troubles de jouissance,

DISPENSE Madame [U] [Y] de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires,

CONDAMNE Madame [E] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3], aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle, comprenant les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître [I], en ce non compris les frais de constat d'huissier de justice,

CONDAMNE in solidum Madame [E] [M] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] à verser à Madame [U] [Y] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 18 juin 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 21/08618
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;21.08618 ?
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