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13/06/2024 | FRANCE | N°22/08765

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 13 juin 2024, 22/08765


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 13 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/08765 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IXI

AFFAIRE : Mme [J] [K] épouse [P] (Maître Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL)
C/ M. [S] [I] (Maître Gilles MARTHA de la SCP BBLM) et autres


DÉBATS : A l'audience Publique du 04 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL

Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laqu...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 13 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/08765 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IXI

AFFAIRE : Mme [J] [K] épouse [P] (Maître Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL)
C/ M. [S] [I] (Maître Gilles MARTHA de la SCP BBLM) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 04 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 13 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [J] [K] épouse [P]
née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 6]
de nationalité Française, retraitée, demeurant et domiciliée [Adresse 7]

représentée par Maître Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO - SELURL, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur le Docteur [S] [I]
de nationalité Française, chirurgien orthopédiste, domicilié au Centre Médical [5], [Adresse 1]

Société RELYENS MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la SHAM (Société Hospitalière d’Assurances Mutuelles)
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentés par Maître Charlotte SIGNOURET de la SELARL ENSEN AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [J] [P] a été opérée par le docteur [I] en 2008 pour la pose d'une prothèse de hanche. Au cours de l'hospitalisation elle a subi une fracture du fémur, nécessitant une reprise chirurgicale.

Le 23 janvier 2018 madame [P] a de nouveau été opérée par le docteur [I] pour un changement de la tige. Par la suite elle subira deux luxations, les 26 mars 2018 et 3 mai 2018 à la suite de deux chutes. Le docteur [I] ayant préconisé une nouvelle intervention refusée par madame [P], cette dernière a consulté le docteur [W], lequel l'a orientée vers le docteur [N] qui a réalisé une nouvelle intervention le 12 novembre 2018.

Le 4 septembre 2019 madame [P] a saisi le juge des référés de ce siège aux fins de désigner un expert pour déterminer les conséquences des interventions pratiquées par le docteur [I]. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 11 octobre 2019.

Le docteur [U], expert, a déposé son rapport le 21 avril 2021.

Il conclu à la survenance d'un accident médical non fautif le 1er février 2008, dont les séquelles ont été consolidées le 12 août 2008, et à une intervention fautive le 23 janvier 2018, avec une date de consolidation au 14 juin 2019.

Par acte de commissaire de justice du 1er septembre 2022 madame [P] a fait assigner le docteur [I] et son assureur la société RELYENS MUTUAL INSURANCE aux fins d'indemnisation de son dommage corporel résultant de l'intervention du 23 janvier 2018 et du dommage résultant du défaut d'information lors de l'intervention du 1er février 2008.

Selon exploit du 19 février 2023 madame [P] a fait assigner la CPAM des Bouches du Rhône.

Par ordonnance du 17 octobre 2023 le juge de la mise en état a ordonné la jonction de la procédure suivie sous le RG 23/03905 avec celle inscrite sous le RG 22/08765 et constaté la prescription des demandes de madame [J] [P] relatives à l'intervention du 1er février 2008, et à l'éventuel manquement au devoir d'information commis à cette occasion.

Aux termes de ses conclusions du 23 octobre 2023 madame [P] demande au tribunal de condamner le docteur [I] et de son assureur à lui payer la somme totale de 11.977,25 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice corporel, ainsi que 95 € de frais d'huissier et 2.160 € d'honoraires de l'expert, outre 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que l'expert a relevé que lors de l'intervention du 23 janvier 2018 le docteur [I] a commis une faute consistant en un mauvais positionnement de la tige fémorale de façon beaucoup trop antéversée par rapport à l’antéversion présente au niveau de l’implant cotyloïdien.

La CPAM des Bouches du Rhône, aux termes de ses conclusions du 6 novembre 2023, demande la condamnation du docteur [I] et de son assureur à lui payer la somme de 21.766,95 € au titre de ses débours, outre 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale et 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le docteur [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE, par conclusions du 20 novembre 2023 déclarent s'en remettre à l'appréciation du tribunal sur l'existence d'une faute, et sollicitent la réduction des sommes qui pourraient être allouées à madame [P].

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'indemnisation du préjudice corporel de madame [P] :

En application de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
La faute médicale se rattache à un manquement du médecin à son obligation de délivrer à son patient des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science au moment où il dispense les soins.

La faute du médecin ne peut être déduite de la seule survenance d’un dommage.

En l’espèce il résulte du rapport de l'expert, non discuté sur ce point, que le docteur [I] a positionné le 23 janvier 2018 la tige fémorale de façon trop antéversée par rapport à l'antéversion majeure présente au niveau de l'implant cotyloïdien, et que cette combinaison d'antéversions est à l'origine des épisodes de luxation. Il s'agit selon l'expert d'un manquement du docteur [I] qui a positionné la tige fémorale sans tenir compte suffisamment de l'antéversion de l'implant cotyloïdien préexistante.

Le docteur [I] sera donc condamné in solidum avec son assureur à indemniser le préjudice subi par madame [P] ainsi que suit, en ne tenant compte que des chefs de préjudice imputables au manquement relevé lors de l'opération du 23 janvier 2018, et à l'exclusion de ceux consécutifs à l'accident médical non fautif du 1er février 2008 pour lesquels l'action a été déclarée prescrite :

I – Préjudices patrimoniaux temporaires :

A – Dépenses de santé actuelles :

La CPAM des Bouches du Rhône justifie par la production de ses décomptes et d'une attestation d'imputabilité, avoir exposé une somme de 21.766,95 € à ce titre, dont elle est fondée à demander le remboursement.

B – Tierce personne temporaire :

L'expert a indiqué que madame [P] a eu recours à l'aide d'une tierce personne non spécialisée pendant 2 heures par jour du 13 décembre 2018 au 13 janvier 2019, puis 5 heures par semaine du 14 janvier 2019 au 13 février 2019, soit un total de 86 heures.

Sur la base d'un taux horaire de 20 € il sera alloué à madame [P] une somme de 1.720 €.

II – Préjudices non patrimoniaux temporaires :

A – Déficit fonctionnel temporaire :
Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Selon l'expert madame [P] a subi un déficit fonctionnel temporaire :
total les 26 mars et 3 mai 2018 et du 12 novembre au 12 décembre 2018 (32 jours),partiel à 10 % du 27 mars au 24 avril 2018 (18 jours),partiel à 50 % du 13 décembre 2018 au 13 janvier 2019 (31 jours),partiel à 25 % du 14 janvier au 13 février 2019 (30 jours)partiel à 10 % du 14 février au 14 juin 2019 (30 jours).
Sur la base d'une indemnisation à hauteur de 30 € par jour pour un déficit fonctionnel temporaire total, il revient à madame [P] la somme de 1.154 €.

B – Souffrances endurées :

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation.
Après la consolidation, les souffrances chroniques sont une composante du déficit fonctionnel permanent.

Elles ont été évaluées à 3,5/7 par l'expert en considération de la ponction de la hanche, des interventions chirurgicales, de la kinésithérapie prolongée et des répercussions psychologiques et morales.

Il conviendra d'allouer à madame [P] la somme réclamée de 5.000 € à ce titre.

C – Préjudice esthétique temporaire :

Il a été fixé à 1/7 par l'expert, justifiant une indemnisation à hauteur de 1.000 €.

III – Préjudices non patrimoniaux permanents :

A – Déficit fonctionnel permanent :

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

Le taux de ce déficit a été fixé à 2% par l'expert. Compte tenu de l'âge de madame [P] au jour de la consolidation (64 ans) il lui revient une somme de 2.000 €, conformément à la demande.

B – Préjudice esthétique permanent :

Il a été évalué à 0,5/7 en raison de la prolongation d'une cicatrice préexistante dans une zone habituellement couverte par les vêtements, et sera justement réparé à hauteur de 500 €.

Sur les autres demandes :

Le docteur [I] et la compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE, qui succombent à l'instance, en supporteront in solidum les dépens, en ceux compris les frais de commissaire de justice et d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELURL B.ZAVARRO, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils seront encore condamnés in solidum à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, et celle de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

De même ils seront condamnés in solidum à payer à madame [P] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Condamne in solidum le docteur [S] [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer à madame [J] [K] épouse [P] la somme de 11.374 € de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum le docteur [S] [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 21.766,95 € au titre de ses débours ;

Condamne in solidum le docteur [S] [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale ;

Condamne in solidum le docteur [S] [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE aux dépens, en ceux compris les frais de commissaire de justice et d'expertise, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELURL B.ZAVARRO, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum le docteur [S] [I] et la société RELYENS MUTUAL INSURANCE à payer à madame [J] [K] épouse [P] la somme de 2.000 € et à la CPAM des Bouches du Rhône celle de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/08765
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;22.08765 ?
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