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13/06/2024 | FRANCE | N°22/01649

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 13 juin 2024, 22/01649


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 13 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/01649 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZUCH

AFFAIRE : L’AGENCE NATIONALE DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DE FRANCE (Me Antoine D’AMALRIC)
C/ S.A.S. FORMATIO (SELARL CARLINI & ASSOCIES)


DÉBATS : A l'audience Publique du 04 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
A

ssesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette


Vu le rapport fait à l’audie...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 13 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/01649 - N° Portalis DBW3-W-B7G-ZUCH

AFFAIRE : L’AGENCE NATIONALE DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DE FRANCE (Me Antoine D’AMALRIC)
C/ S.A.S. FORMATIO (SELARL CARLINI & ASSOCIES)

DÉBATS : A l'audience Publique du 04 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 13 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

L’AGENCE NATIONALE DU DÉVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DE FRANCE
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Antoine D’AMALRIC, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Hélène LOR de la SELAS CAYOL CAHEN TREMBLAY, avocat plaidant au barreau de PARIS

C O N T R E

DEFENDERESSE

Société FORMATIO
SAS au capital de 1.000 € immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 830 298 287, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Philippe CARLINI de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Morgan LE GOUES, avocat au barreau d’AVIGNON

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

L’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) est un groupement d’intérêt public chargé, entre autres, d’assurer le contrôle du dispositif de développement professionnel continu pour l’ensemble des professionnels de santé.

La société FORMATIO exerce une activité de formation professionnelle et de formation continue via des modules de développement professionnel continu, notamment dans le domaine médical et paramédical. La société FORMATIO est enregistrée en qualité d’organisme de formation agréé à l’ANDPC depuis le 17 octobre 2017.

Le 3 septembre 2021, conformément à la mission de contrôle qui lui a été confiée au titre des dispositions de l’article L. 4021-6 du Code de la santé publique, l’ANDPC a mis en garde monsieur [C], en sa qualité de président de la société FORMATIO, concernant des communications de son organisme auprès des professionnels de santé :
une confusion entre l’obligation triennale de développement professionnel continu du professionnel de santé mentionnée à l’article L. 4021-1 du Code de la santé publique et la future mise en œuvre de la certification périodique telle que prévue par l’ordonnance n° 2021-961 du 19 juillet 2021 ;l’affirmation mensongère selon laquelle la société FORMATIO serait l’une des seules à proposer des actions de DPC « certifiantes » et permettre ainsi la validation de l’obligation en un seul programme intégré ; la notion de certification n’étant par ailleurs nullement présente dans l’ordonnance précitée ;la mention erronée d’un doublement des indemnités perçues pour les professionnels de santé ;la mise en place, en dehors de tout cadre juridique, d’un dispositif de parrainage intitulé « programme d’ambassadeurs santé ».
Se plaignant de ce que le dirigeant de la société FORMATIO a tenu à son encontre, ou à l'encontre de ses agents divers propos, notamment dans des courriels des 9 septembre 2021, 4 novembre 2021, et 7 novembre 2021, qu'elle qualifie de malveillants, offensants et menaçants, et avoir été destinataire de plusieurs signalements émanant de professionnels de santé rapportant des communications incorrectes ou mensongères de la part de la société FORMATIO, des pratiques malhonnêtes consistant à inscrire d’office, sans avoir recueilli leur consentement préalable, ainsi que des pratiques de harcèlement, voire de menaces, à leur encontre, l'ANDPC a adressé à la société FORMATIO le 24 décembre 2021 une lettre de mise en demeure de mettre un terme à ses agissements et de lui payer une somme de 28.000 € de dommages et intérêts.

Par acte d'huissier du 9 février 2022 l'ANDPC a fait assigner la société FORMATIO devant ce tribunal.

Le 16 janvier 2023 l'ANDPC a retiré à la société FORMATIO les typologies « EPP » et « GDR ». Cette décision fait l'objet d'une procédure devant les juridictions administratives.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 mai 2023 l'ANDPC demande au tribunal de faire interdiction à la société FORMATIO de tenir des propos malveillants, menaçants ou dénigrants à l’encontre de l’ANDPC, de sa directrice générale et de ses agents, ainsi que des professionnels de santé, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée ; de condamner la société FORMATIO à lui payer à titre de dommages et intérêts les sommes de 7.000 € au titre des propos malveillants et menaçants tenus à son encontre, 9.000 € au titre des mêmes propos tenus à l'encontre de professionnels de santé, et 12.000 € au titre des propos dénigrants tenus à son encontre, outre 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir, sur le fondement de l'article 1240 du code civil que la société FORMATIO tient régulièrement par courriel des propos malveillants et menaçants tant à l’encontre de l’ANDPC que de sa directrice générale et de ses agents dans l’exercice de leurs fonctions, notamment aux termes des courriels précités et de courriels postérieurs à l'assignation, en date des 20 janvier 2023, 9 février 2023, 28 février 2023, 7 mars 2023, 22 mars 2023, 16 mai 2023, et un dépôt de plainte du 20 mars 2023. L'ANDPC ajoute être destinataire, quasiment quotidiennement, de mails et appels intempestifs émanant de monsieur [C], pour le compte de la société FORMATIO, qui s’apparentent à un véritable harcèlement de sa part, nuisant directement au personnel de l’ANDPC, contraint de gérer ce flot constant de propos âpres et malveillants, de sorte que sa directrice a été amenée à signaler ces agissements le 19 janvier 2022 au commissariat de police [Localité 3].
L'ANDPC ajoute que la société FORMATIO tient des propos malveillants et menaçants à l’encontre des professionnels de santé, soit en privé, par mail ou par téléphone, soit publiquement sur les réseaux sociaux, et utilise afin d'obtenir leur inscription à ses formations, de méthodes de harcèlement, de menaces et inscription de force, représentant depuis septembre 2022, 20% des signalements effectués auprès de l’ANDPC par les professionnels de santé concernant les organismes de formation. Elle indique que ces agissements lui causent un préjudice direct dans la mesure où la société FORMATIO se prévaut dans ce cadre du label « DPC » qui lui a été délivré et nuit ainsi à son image, et où cette société n’hésite pas à entretenir une confusion, dans l’esprit du public, avec les institutions officielles que sont les ordres professionnels de santé. Elle indique ainsi avoir reçu le 19 juillet 2022 un signalement du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Var et le 30 août 2022 un signalement du conseil départemental de l’ordre des médecins du Loiret.
Sur le dénigrement l'ANDPC rapporte les propos tenus dans les courriels des 9 septembre 2021, 17 novembre 2021, et des commentaires sur des réseaux sociaux des 29 octobre 2021 notamment.
L'ANDPC conclut également au rejet des demandes reconventionnelles formées à son encontre aux motifs que les pièces dont la communication est sollicitée sont sans rapport avec le litige et ne sont pas communicables en vertu de la loi du 17 juillet 1978, qu'elle est seule chargée en vertu de sa mission de service public de contrôler les organismes de DPC, la régularité de ce contrôle ne pouvant être vérifiée dans le cadre de l'instance, et qu'une telle irrégularité si elle était constatée n'autoriserait pas les pratiques de dénigrement et de harcèlement.

La société FORMATIO, a conclu le 19 juin 2023 à la nullité de l'assignation, à l'irrecevabilité de l'action de l'ANDPC faute de pouvoir de sa directrice, à la production par l'ANDPC de plusieurs pièces, et au fond au rejet des demandes formées à son encontre ainsi qu'à la condamnation de l'ANDPC à lui payer les sommes de 4.780.742 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique, outre 50.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et 25.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société FORMATIO souligne que les abus de la liberté d'expression ne peuvent qu'être poursuivis que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, à l'exception du régime prévu par l'article 1240 du code civil, que les éléments produits par l'ANDPC ne sont que partiels, celle-ci ayant commencé dès l'année 2018 à avoir un comportement menaçant à son encontre par le moyen de retraits de programmes, d'une plainte auprès de la DIRRECTE, menaces de retrait d'agrément, multiplication abusive de contrôles donnant lieu à des avis défavorables, l'obligeant à multiplier les recours contentieux. Elle indique que les courriels dont se prévaut l'ANDPC ne sont que des réponses adressées à l'ANDPC dans ce cadre de ces litiges. Elle expose dans ce cadre qu'elle était dans l'obligation de mentionner dans ses offres de formation une traçabilité de la formation périodique conformément à l'article L 4022-10 du code de la santé publique de sorte qu'on ne peut lui reprocher d'avoir entretenu une confusion, qu'elle n'a fait que relayer un message d'intérêt public concernant l’indemnité versée au professionnel suivant un programme intégré et de façon plus générale qu'aucun des griefs contenus dans le courrier de l'ANDPC du 3 décembre 2021 n'est exact, que les réponses apportées à ce courrier n'ont aucun caractère fautif dans la mesure où elles s'appuient sur des éléments objectifs, dont un rapport de la Cour des comptes, des dysfonctionnements et des carences de sécurité informatiques et n'excèdent pas la mesure de la liberté d'exception.
À titre reconventionnel la société FORMATIO expose que la présente action présente un caractère abusif en ce qu'elle procède d'un « acharnement administratif » à son encontre et d'une attitude de dénigrement systématique, et que cette attitude de l'ANDPC a eu pour effet, notamment par la perte d'agréments, de paralyser son activité et de provoquer le départ de l'ensemble de ses salariés, sauf un.

Le 5 septembre 2023 le juge de la mise en état a fait injonction aux parties d'assister à une réunion d'information sur la médiation.

Par message RPVA du 12 septembre 2023 le conseil de l'ANDPC a refusé le processus de médiation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

À l'audience, le tribunal a interrogé les parties sur la recevabilité des fins de non recevoir et demande de communication de pièces soulevées devant la formation de jugement et non devant le juge de la mise en état.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les fins de non recevoir et la demande de communication de pièces :

L'article 789 du code de procédure civile dispose que «Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522 ;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir. [...]
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. »

Il s'ensuit que les exceptions de procédure tendant à l'annulation de l'assignation, fins de non recevoir et demande de communication de pièces formées par voie de conclusions au fond devant le tribunal, avant le prononcé de l'ordonnance de clôture et le dessaisissement du juge de la mise en état, ne sont pas recevables.

Sur la demande principale :

La diffamation au sens de l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 consiste en toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

Elle suppose que soit allégué ou imputé un fait précis, de nature infamante.

Selon l'article 29, alinéa 2, de la loi de 1881, l'injure correspond à « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait ».

L'opinion en question n'est prise en compte que si elle dévalorise une personne identifiée, ou du moins identifiable. De surcroît, il faut qu'elle ait été exprimée sciemment.

L'invective se caractérise par la violence ou la grossièreté des termes utilisés ; l'expression outrageante est le propos de nature à porter atteinte à l'honorabilité, mais sans revêtir la forme violente de l'invective. Le terme de mépris rabaisse celui à qui il s'adresse et porte atteinte à sa dignité.

Or les faits pour lesquels la responsabilité de la société FORMATIO est recherchée ne répondent à aucune de ces définitions, dans la mesure où l'ANDPC lui reproche de faits de dénigrement en lui adressant à de nombreuses reprises des propos malveillants, offensants et menaçants non rendus publics et de lui avoir causé un préjudice d'image auprès de tiers en entretenant la confusion, auprès du public avec des ordres professionnels de santé et en se prévalant du label « DPC ».

Il s'ensuit que l'ANDPC n'est pas tenu d'agir selon les règles de fond et de forme de la loi du 29 juillet 1881.

Selon l'article L4021-6 du code de la santé publique, « l'Agence nationale du développement professionnel continu assure le pilotage et contribue à la gestion financière du dispositif de développement professionnel continu pour l'ensemble des professionnels de santé, quels que soient leurs statuts ou leurs conditions d'exercice. Elle exerce le contrôle de ce dispositif. À cette fin, elle peut se faire communiquer toute pièce nécessaire à ce contrôle. Ce contrôle est mis en œuvre sans préjudice du contrôle prévu à la seconde phrase de l'article L. 4021-5 ».
Les missions de l'agence sont spécifiées à l'article R4021-7 du même code. Il lui revient en particulier d'évaluer les organismes et structures qui souhaitent présenter des actions conformément aux dispositions des articles L4021-1 à L4021-2, et d'évaluer en lien avec la Haute Autorité de santé, la mise en œuvre des méthodes de développement professionnel continu, en veillant à leur qualité scientifique et pédagogique.

La société FORMATIO est donc en vertu de ces dispositions tenue de se soumettre aux mesures de contrôle et d'évaluation de l'ANDPC.

S'il peut exister entre un organisme de contrôle administratif et des tiers un différend d'appréciation, le droit naturel de critique du comportement des uns et des autres ne peut dégénérer en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil.

Or, il résulte des échanges de courriels que la société FORMATIO, ou son dirigeant agissant es qualité, a régulièrement adressé des messages ouvertement malveillants à l'ANDPC, lui attribuant une intention maligne à son encontre (courriels du 9 septembre 2021 et 17 novembre 2021), des faits délictueux de détournement de fonds public (courriel du 4 novembre 2021), ou menaçants (courriels du 20 janvier 2023, 9 février 2023 et surtout des 7 mars et 16 mai 2023 évoquant une intervention physique dans les locaux de l'ANDPC).

Il convient de souligner que la régularité de la décision de l'ANDPC portant retrait de la société FORMATIO du périmètre de son enregistrement en qualité d'organisme de développement professionnel continu de typologies évaluation des pratiques professionnelles et gestion des risques, mettant fin à la possibilité pour elle de déposer de nouvelles actions d'EPP et de GDR et retirant du site de l'ANDPC ses action EPP est établie par l'ordonnance du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2023 rejetant, pour défaut de motif sérieux, la contestation de la société FORMATIO.

L'ANDPC produit également un dépôt de plainte de sa directrice en date du 20 mars 2023 dans lequel est transcrit un message téléphonique qui lui a été adressé par le dirigeant de la société FORMATIO le 18 mars 2023 à 23h46 la traitant de « grosse pute » en raison des contrôles administratifs dont il a fait l'objet.

Par ailleurs sont produits au moins trois courriels de la société FORMATIO dans lesquels celle-ci utilise un ton particulièrement comminatoire, voire agressif à l'encontre de l'ANDPC (deux messages le 20 janvier 2023 et un message le 16 mai 2023).

L'ANDPC justifie ainsi qu'elle a, dans le cadre de ses missions, été destinataire de la part de la société FORMATIO d'une part de propos malveillants et menaçants, à l'origine d'un préjudice moral justifiant la condamnation de la société FORMATIO à lui payer une somme de 3.000 €, et d'autre part de propos dénigrants par la fausse attribution d'une intention de nuire, créant un préjudice moral distinct qui sera également réparé à hauteur de 3.000 €.

En outre des propos dénigrants ont également été tenus à l'adresse du public, notamment sur le réseau LinkedIn le 29 octobre 2021, et encore le 29 septembre 2023, laissant entendre que l'ANDPC aurait agi de façon illégale ou dans le but spécial de nuire à la société FORMATIO.

L'ANDPC a encore été destinataire de plusieurs signalements émanant de professionnels de santé et d'instances ordinales inscrit dans des programmes de formation organisés par la société FORMATIO, ainsi que le montre la lettre qu'elle lui a adressée le 29 novembre 2022 mettant en exergue des faits de démarchage commercial abusif avec inscription d'office à des sessions de formation, assorti de menaces et intimidations, insultes, avec prise en main des comptes des professionnels de santé.

Ces pratiques déloyales sont confirmées par la production de courriels émanant de professionnels de santé (deux le 3 novembre 2022, un le 4 novembre 2022) ou de signalements sur la plateforme informatique de l'ANDPC.

Il apparaît en outre, au vu des signalements de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Var en date du 19 juillet 2022 et de l'Ordre des médecins du Loiret du 30 août 2022 que la société FORMATIO a cherché dans sa communication à s'identifier à ces organismes, ou à l'ANDPC elle-même, tout en usant de procédés d'intimidation, notamment des menaces de dépôt de plainte et d'action en justice en cas de refus de contracter.

De tels procédés ne peuvent que générer, au détriment de l'ANDPC, un préjudice d'image, dans la mesure où la société FORMATIO se prévaut de l'agrément DPC dans des conditions de nature à créer une confusion avec l'ANDPC et à laisser croire que cette agence approuve, voire est à l'initiative du démarchage opéré par la société FORMATIO. Ces circonstances sont notamment caractérisées par les mentions « réaliser une action EPP avec FORMATIO c'est être en règle avec votre Ordre » et « les budgets ANDPC sont limités, profitez-en avant de payer de votre poche » figurant sur les courriels envoyés aux professionnels de santé.

Compte tenu du caractère public de tels agissements au détriment d'un organisme investi d'une mission de service public, il conviendra de réparer ce chef de préjudice à hauteur de 9.000 €.

En revanche la demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction à la société FORMATIO, de façon générale, de diffuser « des propos malveillants, dénigrants ou menaçants » ne pourra pas être accueillie. En effet de tels actes son déjà prohibés de façon générale dans la mesure où ils constituent une faute civile au sens de l'article 1240 du code civil, et où l'interdiction sollicitée est trop imprécise quant à son objet. Une interdiction, de surcroît prononcée sous astreinte comme sollicité, ne peut en effet viser que des faits précis et déterminés pour pouvoir être exécutée, et non une catégorie générale de faits.

Sur les demandes reconventionnelles :

Il a été vu ci-dessus, eu égard au comportement fautif de la société FORMATIO et aux nombreux signalements dont celle-ci a fait l'objet auprès de l'ANDPC, organisme chargé par la loi du contrôle des actions de développement professionnel continu, que l'action de celle-ci ne présentait aucun caractère abusif, mais était au contraire fondée.

Les demandes reconventionnelles de la société FORMATIO seront donc rejetées.

Sur les autres demandes :

La société FORMATIO, qui succombe à l'instance, en supportera les dépens. Elle sera condamnée à payer à l'ANDPC la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'existe aucune circonstance de nature à justifier que soit écartée l'exécution provisoire attachée de plein droit au présent jugement.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déclare irrecevables les exceptions de procédure tendant à l'annulation de l'assignation, fins de non recevoir et demande de communication de pièces formées par voie de conclusions au fond devant le tribunal ;

Condamne la SAS FORMATIO à payer à l'ANDPC la somme de 15.000 € de dommages et intérêts ;

Déboute l'ANDPC de sa demande tendant à ce qu'il soit fait interdiction sous astreinte à la SAS FORMATIO de diffuser « des propos malveillants, dénigrants ou menaçants » ;

Déboute la SAS FORMATIO de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne la SAS FORMATIO à payer à l'ANDPC la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS FORMATIO aux dépens ;

Dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/01649
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;22.01649 ?
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