La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2024 | FRANCE | N°21/10444

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 06 juin 2024, 21/10444


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/243 DU 06 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 21/10444 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZKSX

AFFAIRE : M. [OW] [GR]( Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS)
C/ Mme [G] [J] (Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS)


DÉBATS : A l'audience Publique du 28 Mars 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Préside

nte, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/243 DU 06 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 21/10444 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZKSX

AFFAIRE : M. [OW] [GR]( Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS)
C/ Mme [G] [J] (Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 28 Mars 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 06 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [OW] [GR]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 19]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 11] - [Localité 9] FRANCE

Madame [H] [I] [TR]
née le [Date naissance 7] 1991 à [Localité 19]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 11] - [Localité 9] FRANCE

représentés par Maître Clarisse BAINVEL de la SELARL UGGC AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE, substituée par Maître Céline MARIETTE, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDEURS

Maître [G] [J]
de nationalité Française, domiciliée : chez SCP Nicolas DJOLAKIAN, Xavier RUSSO et [G] [J], [Adresse 16] - [Localité 8]

Maître [P] [F], notaire associé de la SELARL “[P] [F]”
de nationalité Française, demeurant [Adresse 10] - [Localité 9] FRANCE

représentées par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocats au barreau de MARSEILLE

Monsieur [R] [X]
né le [Date naissance 12] 1958 à [Localité 21]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 13] - [Localité 9]

Madame [ZM] [O] épouse [X]
née le [Date naissance 6] 1953 à [Localité 9]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 13] - [Localité 9]

représentés par Maître David PELLETIER de la SARL EKITE AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte notarié en date du 21 novembre 1994, Mesdames [A] [M] et [Y] [Z] ont vendu à Monsieur [N] [E] et à Madame [L] [CH] une maison d’habitation élevée d’un étage sur rez de chaussée et terrain attenant d’une superficie de 440 m2 à [Localité 9], sise [Adresse 11], sur une parcelle cadastrée Section EN N°[Cadastre 3] (anciennement CT N°[Cadastre 14]).

La maison a par la suite été vendue à Madame [B] [NR] par acte notarié du 22 décembre 1997 qui l’a ensuite revendue à Monsieur [R] [X] et à Madame [ZM] [X] née [O] par acte notarié du 11 octobre 2002.

Suivant acte authentique en date du 8 décembre 2020, Monsieur et Madame [X] ont vendu à Monsieur [GR] et à Madame [TR] la maison d’habitation sise [Adresse 11] au prix de 465.000€.

L’acte de vente a été rédigé par Maître [P] [F], notaire à [Localité 9] avec la participation de Maître [G] [J], notaire à [Localité 19] assistant les vendeurs, ainsi que de Maître [D] [C].

Les consorts [W] et [U], propriétaires de la parcelle contigue cadastrée Section EN N°[Cadastre 2] (anciennement CT N°[Cadastre 15]), ont demandé à Monsieur [GR] et Madame [TR] les clés de leur portail d’entrée au motif qu’ils bénéficient d’une servitude de passage sur leur parcelle pour accéder à leur propriété.

Suivant exploits en date des 29 octobre et 22 novembre 2021, Monsieur [OW] [GR] et Madame [H] [I] [TR] ont assigné devant le tribunal de céans Maître [P] [F], notaire à [Localité 9], Monsieur [R] [X] et Madame [ZM] [O] épouse [X] aux fins de :
- Constater que la responsabilité civile professionnelle de Maître [P] [F], notaire, est engagée pour violation de son devoir de conseil et de vérification ;
- Constater que les époux [X] sont responsables au titre de l'article 1638 du Code civil ;
- Condamner in solidum Maître [P] [F] et les époux [X] à leur payer la somme de 70.244,35 € au titre de la dépréciation de la valeur du bien acheté sis [Adresse 11] à [Localité 9] ;
- Condamner in solidum Maître [P] [F] et les époux [X] à leur payer la somme de 20.000€ au titre du préjudice de jouissance lié à la présence d'une servitude grevant le bien acheté ;
- Condamner in solidum Maître [P] [F] et les époux [X] à leur payer la somme de 5.000€ en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamner in solidum Maître [P] [F] et les époux [X] à leur payer la somme de 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par assignation du 14 novembre 2022, les époux [X] ont attrait à la procédure Maître [G] [J], notaire ayant rédigé le compromis de vente.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 20 octobre 2023, les consorts [GR]-[TR] maintiennent leurs demandes.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir qu’il ressort des actes de vente antérieurs et des documents fonciers qu’il existe une servitude de passage sur la parcelle acquise, servitude non déclarée par les époux [X] ; que leur titre de propriété ne la mentionne pas ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 août 2021, ils ont, par l’intermédiaire de leur conseil, tenté de se rapprocher des époux [X] aux fins de donner une issue amiable à ce litige ; que par lettre simple du 10 août 2021, les époux [X] ont refusé toute discussion et les ont invités à se diriger vers les notaires ayant rédigé l’acte de vente ; qu’ils se sont aussi rapprochés de Me [F] par LRAR en date du 11 octobre 2021 pour tenter un règlement amiable, en vain.
Ils indiquent que lors des visites de la propriété, ils ne pouvaient en aucun cas se douter de l’existence d’une servitude de passage grevant le bien qu’ils envisageaient d’acquérir; qu’il s’agit d’une servitude non apparente ; que c’est à l’occasion des travaux de motorisation de leur portail que les propriétaires de la parcelle contigue Section EN N°[Cadastre 2] les ont sollicités pour obtenir une télécommande et un accès ; que les époux [X] ont manqué à leur obligation de déclaration de la servitude ; qu’en effet, les vendeurs ont déclaré dans l’acte de vente que :
« Le VENDEUR déclare :
o Ne pas avoir créé ou laissé créer de servitude ou de droit de jouissance spéciale qui ne seraient pas relatés aux présentes ;
o Qu’à sa connaissance, il n’existe pas d’autres servitudes ou droits de jouissance spéciale que celles ou ceux résultant, le cas échéant, de l’acte, de la situation naturelle et environnementale des lieux et de l’urbanisme » ; que les époux [X] ont dès lors effectué une déclaration mensongère en affirmant qu’aucune servitude ne grevait le bien ; qu’ils ont alerté Me [F] de cette situation qui leur a précisé par courriel en date du 22 mars 2021 : « Nous allons faire des recherches supplémentaires. Maître [J] avait indiqué qu’il n’y avait pas de servitude et vos vendeurs ont également déclaré qu’il n’y en avait pas.».
Ils soutiennent que les époux [X] ont ainsi violé leur obligation de déclaration de servitude non apparente et doivent donc être condamnés à réparer leur préjudice in solidum avec Maître [P] [F] ayant également par sa faute, concouru à la réalisation du préjudice.
Ils indiquent qu’ils n’auraient pas contracté à ce prix s’ils avaient eu connaissance de l’existence d’une servitude grevant le bien acquis ; qu’ils s’étaient d’ailleurs assurés de la nature de ce chemin auprès des vendeurs, de l’agent immobilier et du notaire ; que la mauvaise foi des époux [X] s’est poursuivie par la suite, en refusant toute discussion avec eux, et en les invitant à se retourner vers les notaires ; qu’ils ont donc subi un préjudice, en n’ayant pu négocier le bien à un prix correspondant au prix du marché pour un bien grevé d’une telle servitude ; que la faute du notaire est caractérisée puisqu’il n’a pas procèdé à des recherches d'antériorité au-delà de l'acquisition de l'immeuble en remontant à l'acte constitutif de la servitude le grevant ; que Maître [P] [F] est débitrice d’un devoir d’information qui s’inscrit dans sa mission de rédacteur d’acte ; que ce défaut d’information est dû au défaut de vérification des actes de vente antérieurs ainsi que des documents de la publicité foncière, desquels ressortait pourtant la présence de ladite servitude ; que les déclarations des époux [X] faisant état de l’absence de servitude sur le bien n’ont pas été vérifiées par Maître [P] [F] ; qu’elle reconnaît d’ailleurs avoir failli à ses obligations professionnelles, notamment celles relatives à la vérification des actes de vente antérieurs ; que toutefois, pour tenter d’échapper à l’engagement de sa responsabilité, Maître [P] [F] soutient que Madame [TR] et Monsieur [GR] ne pouvaient ignorer l’existence de la servitude compte tenu de la configuration des lieux ; que cependant, il a été démontré que compte tenu de l’existence du portillon dont dispose le fonds Section EN N°[Cadastre 2], les acquéreurs ne pouvaient deviner que les propriétaires de ce fonds disposaient d’une servitude sur le fonds acquis ; qu’en tout état de cause, le notaire ne peut s’exonérer de son devoir de conseil, et de vérification des actes antérieurs et des documents fonciers, en arguant que les acquéreurs profanes auraient dû s’apercevoir eux-mêmes de l’existence de la servitude, compte tenu de la disposition du fonds qui porte à confusion ; que Maître [G] [J] a concouru à la réalisation du préjudice qu’ils ont subi ; qu’elle a en effet rédigé la promesse de vente et avait la charge de transmettre les informations auprès de Maître [P] [F].
Ils soutiennent s’agissant du préjudice correspondant à la dépréciation de la valeur de l’immeuble se traduisant par la perte de chance d’avoir conclu la vente à un prix plus favorable qu’ils ont acheté la maison sis [Adresse 11] à [Localité 9] pour un montant de 465.000€ ; que Monsieur [VJ] [K], Expert Foncier, s’est rendu sis [Adresse 11] afin de procéder à l’évaluation de la perte de la valeur vénale du bien ; qu’il ressort de son rapport du 17 septembre 2021 que la présence d’une telle servitude de passage sur le bien acheté par les requérants engendre une perte de la valeur vénale du bien à hauteur de 15 % du prix d’acquisition initiale ; qu’ils subissent en outre un grave préjudice de jouissance ; que le passage constitue une atteinte à la vie privée des acquéreurs ainsi qu’à leur droit de propriété ; que la servitude permet à leur voisine d’entrer à toute heure sur leur parcelle, par leur portail d’entrée à l’endroit où leurs voitures sont stationnées ; que cette servitude leur impose de libérer le passage, afin que leurs voisins puissent y passer avec tout type de véhicule, à toute heure du jour et de la nuit ; que ce passage est situé au seul endroit où ils seraient en mesure de stationner leurs véhicules ; qu’ils doivent pourtant être en mesure de stationner leurs véhicules sur leur propriété, et entrer et sortir à toute heure, sans être inquiétés du passage possible de véhicules voisins.

Par conclusions signifiées le 19 janvier 2024, Me [P] [F] et Me [G] [J] demandent au tribunal de :
- Débouter Monsieur [OW] [GR] et Madame [H] [TR] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre.
- Débouter Monsieur [R] [X] et son épouse Madame [ZM] [O] épouse [X] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,
- Condamner solidairement Monsieur [OW] [GR], Madame [H] [TR] ou celui contre lequel l’action compètera le mieux au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC,
- Ecarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- Condamner solidairement Monsieur [OW] [GR] et Madame [H] [TR] ou celui contre lequel l’action compètera le mieux aux entiers dépens.

Elles soutiennent que la vente a été négociée par l’agence MAJORDHOM sise à [Localité 20], titulaire d’un mandat donné par les vendeurs, qui a perçu à ce titre une rémunération de 15.000 €, taxe sur la valeur ajoutée incluse à la charge du vendeur; que les requérants ne démontrent pas subir un préjudice né, certain et actuel en relation directe avec les manquements qu’ils imputent à Maître [P] [F] et Maître [G] [J] ; que si effectivement l’acte de vente en date du 8 décembre 2020 ne mentionne pas l’existence de la servitude de passage grevant le fonds cadastré Section EN N°[Cadastre 3] (anciennement CT [Cadastre 14]) au profit du fonds cadastré Section EN N°[Cadastre 2] (anciennement CT [Cadastre 15]) créée aux termes de l’acte authentique de vente établi par Maître [S] [TI] notaire à [Localité 9] le 21 novembre 1994, en revanche, les consorts [GR]-[TR] ne pouvaient pas se méprendre sur l’existence d’une servitude compte-tenu de la configuration des lieux ; qu’en effet, on accède à la propriété des demandeurs par un premier portail qui se situe directement en limite de la voie publique, [Adresse 17], puis par un deuxième portail qui se situe à l’extrémité d’un passage prenant naissance depuis la voie publique et qui longe les fonds cadastrés Section EN N°[Cadastre 2] et [Cadastre 4] pour aboutir à la parcelle N°[Cadastre 3] ; que l’agent immobilier, lui-même tenu d’un devoir d’information et de conseil, a dû les informer de l’existence de cette servitude eu égard notamment à la configuration des lieux qui ne peut qu’interpeller.
Ils indiquent que les demandeurs ne démontrent pas que les propriétaires du fonds cadastré Section EN N°[Cadastre 2] aient revendiqué de pouvoir exercer leur droit de passage sur l’assiette de la servitude qui ne leur sert à rien ; que s’agissant du préjudice dont ils demandent réparation, ils se prévalent d’une moins-value que subirait leur propriété compte-tenu de l’existence de ladite servitude qu’ils estiment, sur la base du rapport d’évaluation immobilière à un montant de 70.244,35 € alors que non seulement le rapport dont ils font état est soumis à caution dans la mesure où il n’est pas contraditoire, mais encore, il se révèle particulièrement succinct puisque l’on ignore à sa lecture quelle est précisément l’assiette de la servitude et sa superficie que Monsieur [K] a fixée à 39,50 m2 sans plus d’explication ; que l’expert évaluateur a fixé la dépréciation du fait de la servitude à 15% de la valeur totale de la propriété, ce qui apparait totalement disproportionné ; que l’on ignore si le prix de vente de 465.000 € ne tenait pas déjà compte de l’existence de la servitude, de sorte que le bien aurait été vendu à la valeur du marché.
Elles indiquent qu’elles ont mandaté Monsieur [ZE] [LB] Expert immobilier et expert judiciaire près la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE afin qu’il établisse un rapport concernant l’estimation du préjudice subi par les acquéreurs ; que les maisons sur lesquelles il est possible de stationner, mais ne disposent pas, pour la plupart de piscine, se sont négociées sur une valeur de base moyenne de 3.804 €/m2 ; que la propriété litigieuse s’est vendue le 8 décembre 2020 à un prix de 465.000 €, soit pour une surface de l’habitation de 132 m2, une valeur de base de 3.523 €/m2 ; qu’elle s’est donc vendue sur une base moyenne inférieure de 281 € par m2 par rapport à la moyenne des références citées, ce qui représente une valeur vénale de 37.092 € en moins, alors qu’elle disposait d’une piscine ; que cela démontre que le problème lié à l’existence d’une servitude et la question du stationnement ont bien été pris en compte à l’époque; que Monsieur [ZE] [LB] estime qu’à l’heure actuelle la valeur vénale de la propriété objet du litige serait, à minima égale au prix de cession de l’époque, voire même supérieure ; que les consorts [GR]/[TR] ne supportent donc pas de moins-value ; qu’en tout état de cause, les consorts [GR]/[TR] qui agissent sur le fondement des dispositions de l’article 1638 ne démontrent pas que la servitude non déclarée soit de telle importance qu’il y a lieu de présumer qu’ils n’auraient pas acheté la maison s’ils en avaient été instruits ; que par ailleurs, le notaire ne peut être tenu d’indemniser la dépréciation de la valeur du bien puisqu’il ne s’agit pas d’un préjudice indemnisable par le notaire ; qu’il en est de même, lorsque l’acquéreur sollicite la restitution d’une fraction du prix de vente ; que si le tribunal devait considérer que les requérants sont fondés à obtenir l’indemnisation de la moins-value supportée par le bien du fait de l’existence d’une servitude, seuls les vendeurs pourraient être tenus à la restitution de la fraction du prix.
Elles soutiennent s’agissant du préjudice de jouissance des demandeurs, qu’il semble parfaitement possible de stationner au moins un véhicule sur la partie du terrain qui n’est pas soumise à l’emprise de la servitude située après le deuxième portail ; qu’il n’est fait nullement mention dans l’acte constitutif de servitude d’une quelconque interdiction de stationner pour les propriétaires du fonds servant ; qu’il s’agit d’une servitude qui a été mise en place uniquement pour permettre aux propriétaires du fonds dominant, la parcelle n°[Cadastre 2], d’accéder à sa propriété en voiture ou à pied lorsqu’ils le souhaitent ; qu’il est certain que s’agissant d’une servitude de passage à pied ou en voiture au profit du fonds n°[Cadastre 2], les voisins de Monsieur [GR] et Madame [TR] ne peuvent en aucun cas stationner sur l’emprise de la servitude ; que contrairement à ce qu’indique Monsieur [K], il existe bien des places de stationnement sur le [Adresse 17], et ce à moins de 70 mètres de la propriété,
comme en attestent les photographies jointes au rapport établi par Monsieur [LB]; qu’à titre subsidiaire, Monsieur [ZE] [LB] a procédé à l’estimation de la perte de jouissance après avoir recherché des références portant sur des cessions de terrain à bâtir lui permettant de déterminer un prix au m2 de terrain à retenir ; que ses recherches lui ont permis de retenir une valeur de base au m2 de terrain « nu et libre » de 400 € ; qu’en appliquant un taux d’abattement de 40 %, Monsieur [ZE] [LB] obtient une indemnité au titre du préjudice de jouissance (qui est un trouble de jouissance et non une perte de jouissance) égale à 9.480 €.
Elles soutiennent en outre que les époux [X] connaissaient parfaitement l’existence d’une servitude profitant au fonds voisin eu égard à la configuration particulière des lieux, et compte tenu du fait que les propriétaires du fonds voisin cadastré EN [Cadastre 2] disposaient d’une clé leur permettant d’ouvrir le portail donnant sur la voie publique et permettant l’accès à la parcelle vendue ; que les époux [X] ont donc mentionné à l’acte des informations erronées et mensongères alors qu’ils étaient débiteurs à l’égard du vendeur d’une obligation précontractuelle d’information et également tenus à l’égard du notaire de fournir toutes les informations dont ils avaient connaissance relatives au bien vendu.

Par conclusions en date du 07 septembre 2023, Madame [ZM] [O] épouse [X] et Monsieur [R] [X] demandent au tribunal de :
- Débouter Madame [H] [TR] et Monsieur [OW] [GR] de leurs demandes,
- A défaut retenir la responsabilité de Maître [J],
- Condamner Maître [J] à garantir les époux [X] de toutes les condamnations mises à leur charge,
- Condamner Madame [H] [TR] et Monsieur [OW] [GR] et Maître [J] à leur verser la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de Procédure Civile et aux entiers dépens.

Ils font valoir que Madame [H] [TR] et Monsieur [OW] [GR] ne peuvent fonder leurs demandes sur les dispositions de l’article 1638 du code civil ; qu’en effet, il s’agit d’une servitude de droit de passage apparente qu’ils n’ont jamais dissimulé à l’agence immobilière MAJORDHOM, ni à Maître [J] et ce d’autant plus qu’ils ont remis leur acte de propriété à l’agence immobilière sur lequel figure cette servitude le 11 octobre 2002 ; que Maitre [J] rédacteur du compromis était également en possession de leur acte de propriété ; qu’il existe à l’entrée au niveau du [Adresse 17] un portail métallique visible en page 5 du rapport rédigé par le cabinet [VJ] [K], expert foncier [vue du portail Sud ouvrant vers le [Adresse 17]]; qu’il existe au niveau de l’entrée mais en retrait du [Adresse 17] un deuxième portail métallique situé à la limite de la propriété achetée par Madame [H] [TR] et Monsieur [OW] [GR] qui est visible en page 5 du rapport de M. [VJ] [K], expert foncier [Vue vers le Portail Nord] ; que dès lors, cette situation ne pouvait être ignorée des acheteurs ; que lors de la vente ils ont été assistés de Maître [J], notaire rédacteur du compromis de vente signé le 8 septembre 2020 ; qu’il a été précisé dans ce compromis que :
“Le VENDEUR déclare ne pas avoir créé ou laisser créer de servitude ou de droit de jouissance spéciale qui ne serait pas relaté aux présentes
Qu’à sa connaissance, il n’existe pas d’autres servitudes que celles ou ceux résultant le cas échéant de l’acte, de la situation naturelle et environnementale des lieux et de l’urbanisme” ; que dès lors aucune faute ne pourra être retenue à leur encontre puisqu’il est constant qu’ils n’ont créé ou laissé créer de servitude ou de droit de jouissance spéciale, la servitude étant déjà existante lorsqu’ils ont acheté ce bien en octobre 2002; que l’acte définitif sur lequel ne figure plus la servitude de droit de passage ne permet pas de démontrer leur mauvaise foi dans la mesure où il est très fréquent en matière de signature d’un acte de ne pas lire l’intégralité de cet acte ; que la remise par leurs soins à l’agence immobilière comme à Me [J] de la copie du titre de propriété précédent et la reprise des mentions relatives aux servitudes apparaissaient comme une évidence.
Ils indiquent que si leur responsabilité devait être retenue il conviendra alors de retenir la responsabilité de Maître [J], notaire ; qu’en effet, pour la rédaction du compromis de vente il a été fait appel par l’agence immobilière à Maître [G] [J] aux fins de rédiger le compromis pour le compte des parties ; qu’elle a manifestement failli à son devoir de conseil et a commis une faute dans la rédaction de son acte ; que les éléments contenus dans l’acte du 11 octobre 2002, notamment, concernant la servitude de droit de passage ne se retrouvent pas de manière explicite dans la rédaction du compromis de vente du 8 septembre 2020 ni dans la rédaction définitive de l’acte de vente régularisé 8 décembre 2020 ; qu’il est surprenant de la part de maître [J] de soutenir que les époux [X] ont commis une faute dolosive en ne l’informant pas de l’existence de cette servitude de droit de passage alors que pour la rédaction du compromis de vente, Maître [J] était en possession de l’acte précédent sur lequel figurait cette servitude ; que Maître [J] aurait dû être plus rigoureuse dans la formulation de l’acte pour éviter par la suite des problèmes d’interprétations ; qu’en conséquence, elle devra les garantir de toutes les condamnations mises à leur charge ; que subsidiairement, ils contestent la moins-value d’un montant fixé par les demandeurs de 70.244,35 € ; que ce montant résulte du rapport de Monsieur [K] qui ne revêt aucun caractère contradictoire ; qu’un second rapport versé aux débats par Maître [F] relève soit une absence de moins-value soit un montant très largement inférieur ; que les demandeurs sollicitent l’indemnisation d’un droit de jouissance se prévalant de l’impossibilité de garer leurs véhicules sur la propriété alors qu’il existe la possibilité de garer un véhicule au delà du deuxième portail sans aucune emprise sur le droit de passage, ce qu’ils ont d’ailleurs fait lorsqu’ils résidaient à cette adresse ; qu’il n’existe aucune interdiction dans l’acte notarié de l’impossibilité de stationner un véhicule entre les deux portails ; qu’il existe en outre des places de stationnement dans la rue contrairement à ce qu’affirme Monsieur [K] dans son rapport.

L’ordonnance de clôture a été rendue 11 mars 2024 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 28 mars 2024.

MOTIFS :

Sur la mise en oeuvre de la responsabilité :

S’agissant de la responsabilité des vendeurs :

L’article 1104 du Code civil dispose que :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public ».

L’article 1638 du Code civil dispose que :
« Si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité. »

La dissimulation par le vendeur d’un fait inconnu de l’acheteur de nature à diminuer la valeur du bien vendu manifeste son absence de loyauté, de bonne foi et de sincérité ; elle est de nature à ouvrir un droit à dommage intérêts pour l’acheteur.
En tout état de cause, le vendeur, même de bonne foi, doit garantir l'acquéreur de toute éviction en cas de servitude non apparente.

Ainsi, s’il a faussement affirmé dans l’acte de vente qu’il n’a constitué sur le fond aucune servitude et qu’il n’en existe pas à sa connaissance, il a commis une faute contractuelle dont il doit réparation.

En l’espèce, l’acte de vente notarié dressé le 11 octobre 2002 par Maître [S] [TI], notaire à [Localité 9], entre Madame [NR] et les époux [X] mentionne expressément que le nouveau propriétaire s’oblige à « supporter les servitudes passives grevant ce bien, sauf à s’en défendre, et profiter de celles actives, le tout à ses risques et périls, sans recours contre l’ancien propriétaire déclarant, en outre, n’avoir constitué aucune servitude sur ce bien, à l’exception d’une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée section CT N°[Cadastre 15], suivant acte reçu par Maître [S] [TI], notaire à [Localité 9] en date du 21 novembre 1994 dont une expédition a été publiée au quatrième bureau des hypothèques de Marseille le 13 décembre 1994, volume 94 P numéro 5026 .”

En effet, l’acte de vente dressé le 21 novembre 1994 entre les consorts [M]-[Z] et les époux [E], par Maître [S] [TI], notaire à [Localité 9] prévoit expressément la constitution d’une servitude dans les termes suivants :
« pour permettre à Mesdames [Z] et [T] d’accéder à l’immeuble restant leur propriété cadastrée commune d’[Localité 9], lieu-dit [Localité 18], section CT N° [Cadastre 15] pour 1 are 05 ca (formant le solde de la propriété dont est détaché l’immeuble présentement rendu) Monsieur et Madame [E], leur concèdent ainsi qu’à leurs ayants droits et ayant cause, à titre de servitude réelle et perpétuelle, le droit de passage sur l’immeuble présentement acquis portée au cadastre de la commune d’[Localité 9] section CT N° [Cadastre 14] pour 4 ares 40 ca. Etant ici préciser que le propriétaire de la parcelle [Cadastre 5] utilise déjà pour parti ledit passage.
Cette servitude est délimitée par les lettres A, B, C, D, E, A sur le plan dressé par Monsieur [V], géomètre expert à [Localité 19], demeuré ci-joint et annexé après mention.
Le droit de passage ainsi concédé pourra être exercé en tout temps et à toute heure par Mesdames [Z] et [T], les membres de leur famille, les domestiques et employés, puis ultérieurement et dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs de leurs parcelles, pour se rendre à celle-ci et en revenir avec tous véhicules et autres (...)”.

Si l’acte de vente dressé le 22 décembre 1997 entre les époux [E] et Madame [NR] omet de mentionner l’existence de la servitude de passage susvisée, en revanche, l’acte de vente notarié du 11 octobre 2002 dressé par Maître [S] [TI], notaire à [Localité 19], le 11 octobre 2002 entre Madame [NR] et les époux [X] stipule expressément la servitude de passage constitué suivant acte reçu le 21 novembre 1994.

Or, contre toute attente l’acte de vente notarié dressé le 8 décembre 2020 entre les époux [X] et les consorts [GR]-[TR] par Maître [P] [F], notaire à [Localité 9], avec la participation de Maître [J], notaire à [Localité 19], assistant les vendeurs, stipule que :
« Le VENDEUR déclare :
ne pas avoir créé ou laissé créer de servitude ou de droit de jouissance spéciale qui ne serait pas relatée aux présentes,qu’à sa connaissance, il n’existe pas d’autres servitudes ou droits de jouissance spéciale que celles ou ceux résultant, le cas échéant, de l’acte, de la situation naturelle et environnementale des lieux et de l’urbanisme. »
En conséquence, et dès lors qu’ils ont faussement affirmé dans l’acte de vente qu’ils n’ont constitué sur le fond aucune servitude et qu’il n’en existe pas à leur connaissance, les époux [X] ont commis une faute contractuelle dont ils doivent réparation.
De plus, et contrairement à ce qu’ils affirment, l’existence de deux portails sur le chemin d’accès de la propriété vendue aux consorts [GR]-[TR] ne laissait pas présumer l’existence d’une servitude de passage sur la portion délimitée par les deux portails, celui au sud ouvrant sur la voie publique, le second au nord ouvrant sur la propriété vendue.

S’agissant de la responsabilité des notaires :

L’article 1240 du Code civil dispose que :
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Les obligations du notaire, qui tendent à assurer l’efficacité d’un acte rédigé par lui et qui constituent le prolongement de sa mission de rédacteur d’acte, relèvent de sa responsabilité délictuelle.

En conséquence, le notaire qui, violant ses obligations professionnelles, fait subir un préjudice à ses clients, est tenu de réparer intégralement ce préjudice. Une faute doit donc être caractérisée.

L’article 3.2. du Règlement National des notaires précise que :
« Le notaire doit à sa clientèle sa conscience professionnelle, ses égards, l’impartialité, la probité et l’information la plus complète. L’intérêt du client prime toujours le sien. Il doit choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat désiré par le client, en conformité avec la loi (...) »

Le notaire est ainsi tenu d’un devoir d’authentification de l’acte, d’efficacité de l’acte, ou encore de conseil et d’un devoir d’information vis-à-vis des parties.

Au titre de son devoir de s’assurer de l’efficacité de ses actes ainsi que de son devoir de conseil et d’information, le notaire est soumis à un devoir de vérification. Il doit ainsi procéder à des recherches complètes sur le bien acheté, à savoir l’origine de la propriété, sa situation hypothécaire, mais aussi les charges grevant le bien.

En l’espèce, à l’examen des titres de propriété antérieurs à celui passé par les demandeurs avec les époux [X] en date du 8 décembre 2020, force est de constater que Me [J], notaire assistant les vendeurs, comme Me [F] rédacteur de l’acte de vente ont failli à leurs obligations envers les acquéreurs en ce qu’elles étaient tenues de s’assurer de la validité et de l’efficacité de l’acte de vente ainsi dressé, et de les éclairer sur l’étendue de leurs droits et plus précisément sur l’existence du droit de passage, servitude réelle et perpétuelle constituée par acte authentique en 1994.

En effet, le compromis de vente dressé le 2 septembre 2020 par Maître [G] [J] ne mentionne pas l’existence de servitude de passage et précise à l’inverse que :
« Le VENDEUR déclare :
ne pas avoir créé ou laissé créer de servitude ou de droit de jouissance spéciale qui ne serait pas relatée aux présentes,qu’à sa connaissance, il n’existe pas d’autres servitudes ou droits de jouissance spéciale que celles ou ceux résultant, le cas échéant, de l’acte, de la situation naturelle et environnementale des lieux et de l’urbanisme. »
L’acte notarié ultérieurement dressé par Maître [F] le 8 décembre 2020 reprend la même erreur, de sorte que ni Maître [J] ni Maître [F] n’ont effectué les vérifications d’usage qui s’imposaient par un examen scrupuleux des titres de propriété antérieurs enregistrés au service de la Publicité Foncière de Marseille, ce qui aurait permis à l’une comme à l’autre de rectifier leurs actes et de mentionner expressément la servitude de passage.

Ce manquement entraîne une privation de jouissance au préjudice des consorts [GR]-[TR] qu’il y a lieu d’indemniser.

Sur l’indemnisation des préjudices :

Monsieur [VJ] [K], expert évaluateur, mandaté par les consorts [GR]-[TR] a donné un avis le 17 septembre 2021 au terme duquel il indique que :
«La vente du bien immobilier a été réalisée pour un montant de 465 000 € le 8 décembre 2020. On peut considérer que la perte en valeur de ce bien immobilier, du fait de l’existence d’une servitude de passage s’élève à la somme de 70 244,35 € représentant 15 % du prix d’acquisition du bien immobilier, montant actualisé au jour du présent rapport soit 468 295 €. La valeur réelle du bien grevé de la servitude de passage s’élève donc à ce jour à la somme de 394 735,75 €.
Monsieur [GR] et Madame [TR] subissent également un préjudice de jouissance d’un montant forfaitaire de 20 000 €. »

Il indique que la bande de terre qui fait l’objet de la servitude de passage est d’une surface utile d’environ 39,50 m² et qu’elle est limitée par deux parcelles bâties et non bâties EN N°[Cadastre 2] et [Cadastre 4] appartenant à des tiers ; que cet espace permet l’accès vers la partie nord où se situe la construction d’habitation, la partie agréement végétalisée et la piscine des demandeurs.
Il considère que le [Adresse 17] ne possède pas de parking véhicules le long de la voie de circulation alors que le parking des véhicules était un élément très important dans l’acte d’achat de Monsieur [GR] et de Madame [TR] tous deux infirmiers, leur profession ne leur permettant pas d’être éloignés de leur véhicule, précisant en outre que les emplacements de parking extérieurs étaient rares et onéreux.

Les notaires ont quant à elles mandaté Monsieur [ZE] [LB], expert évaluateur foncier et expert judiciaire, qui a donné un avis le 6 septembre 2022, au regard notamment du rapport de Monsieur [VJ] [K], des actes de vente antérieurs, du compromis de vente du 2 septembre 2020, de l’acte de vente du 8 décembre 2020 et des actes de procédure signifiés par les parties à cette date.

Il ressort du rapport de Monsieur [LB] que la servitude de passage au profit de la parcelle N°[Cadastre 2] ne fait mention d’aucune interdiction de stationner pour les propriétaires du fonds servant ; qu’il s’agit donc d’une servitude mise en place uniquement pour permettre au propriétaire du fonds dominant (la parcelle N°[Cadastre 2]) d’accéder à sa propriété en voiture ou à pied lorsqu’il le souhaite ; que la servitude n’interdit en aucun cas aux consorts [GR]-[TR] de stationner sur son emprise ; qu’il n’en demeure pas moins qu’elle limite l’utilisation de cette partie en stationnement mais dans des proportions très inférieures à celles qu’elles seraient si la servitude mentionnait une stricte interdiction de stationner.

À ce stade il est important de préciser, ainsi que l’a indiqué Monsieur [LB], qu’il apparaît sur les photographies prises par Monsieur [K] que la propriété mitoyenne ayant pour terrain d’assiette la parcelle cadastrée N°[Cadastre 2] ne dispose d’aucun accès piéton ou automobile sur l’emprise de la servitude ; que dès lors cette servitude n’a pas vocation à être utilisée de manière récurrente par le propriétaire de la parcelle N°[Cadastre 2] puisqu’elle ne donne aucun accès piéton ou automobile ; que l’accès à la parcelleN°[Cadastre 2] se fait directement depuis le [Adresse 17], de sorte que le stationnement de véhicules sur l’emprise de la servitude ne crée aucune gêne.
Il précise en outre qu’au vu de la configuration des lieux, il est possible de stationner au moins un véhicule sur la partie du terrain qui n’est pas soumise à l’emprise de la servitude, située après le deuxième portail d’une part et, que d’autre part, contrairement à ce qu’indique Monsieur [K], il existe bien des places de stationnement sur le [Adresse 17] à moins de 70 m de la propriété.

Dès lors l’indemnité pour trouble de jouissance doit être proportionnée aux dommages causés.

Or, au regard de la surface d’emprise de la servitude (39,50 m2), de la valeur vénale retenue au mètre carré par observation du marché local et d’un taux d’abattement couramment compris entre 40 et 50%, Monsieur [LB] a retenu une valeur de base au m2 de terrain nu et libre de 400 €et un taux d’abattement de 40 %.
Il a ainsi retenu un préjudice de trouble de jouissance égale à 9500 €.

Compte tenu de la précision des modalités de calcul ainsi définies par Monsieur [LB], il y a lieu de condamner in solidum les époux [X], Maître [P] [F] et Me [G] [J] à payer à Monsieur [OW] [GR] et Madame [H] [TR] la somme de 9500 € en réparation du trouble de jouissance subi.

Compte tenu de leurs obligations renforcées tenant à leurs qualités de notaires, rédacteurs d’actes, Me [P] [F] et Me [G] [J] seront condamnées à relever et garantir les époux [X] de la condamnation prononcée.

En outre, et concernant la perte de valeur vénale du fonds servant, il est de principe que la valorisation d’une emprise de passage ne peut excéder ou même atteindre celle du sol sur lequel s’exercent les droits, car l’indemnité devant être fixée en considération du seul dommage occasionné, elle ne peut se monter à la valeur vénale du terrain correspondant à l’assiette du passage.

La perte de valeur vénale a été évaluée par Monsieur [K] à la somme de 70 244,35€.
Or comme l’indique justement Monsieur [LB] ce prix correspondrait à une valeur de base au m2 de l’assiette foncière de 1778 €/m2 ce qui paraît totalement disproportionné eu égard aux valeurs de base du secteur qui se situent environ à [Cadastre 15] €/m2.
La base de 1778 €/m2 correspondrait à une valeur vénale du terrain de 712 089 € si l’on exclut la partie comprise dans la servitude (39,50 m2) et une valeur vénale de 782 320€ si l’on prend en considération la totalité du terrain soit 440 m2.
Or, l’étude de marché réalisée par Monsieur [LB] lui a permis de constater que des propriétés similaires se sont négociées sur une valeur de base moyenne de 3804 €/m2.
La propriété objet du litige s’est vendue le 8 décembre 2020 au prix de 465 000 € pour une surface d’habitation de 132 m², soit pour une valeur de base de 3523 €/m2.

Il en conclut que cette propriété s’est vendue sur une base moyenne inférieure de 281 €/m2 par rapport à la moyenne des références qu’il a cités ce qui représente une valeur vénale de 37. 092 €/m2 en moins, alors même qu’elle disposait d’une piscine.
Il estime donc que la valeur vénale de la propriété objet du litige est a minima égale au prix de cession de l’époque voir même supérieure et qu’en conséquence les demandeurs n’ont subi aucun préjudice au titre d’une perte de valeur vénale liée à l’omission par le notaire rédacteur de l’acte d’une servitude de passage.

Monsieur [OW] [GR] et Madame [H] [TR] n’ayant versé aux débats aucune étude critique de nature à contredire les conclusions détaillées et argumentées de Monsieur [LB], il y a lieu de les débouter de leur demande d’indemnisation au titre de la prétendue dépréciation de la valeur du bien acquis, cette dépréciation n’étant pas suffisamment caractérisée par les éléments qu’ils ont communiqués.

Enfin, les demandeurs seront déboutés de leur demande d’indemnisation d’un préjudice moral à défaut d’en justifier, étant observé que l’anxiété dont ils se prévalent est d’autant plus limitée qu’ils ne justifient pas d’une absolue impossibilité de stationner d’une part, et d’autre part, compte tenu de l’absence d’accès sur cette bande de terre à la propriété N°[Cadastre 2] en voiture ou à pied, aucune porte ni aucun portail n’étant matérialisés sur le mur séparant la servitude de passage de cette maison voisine ; qu’ils ne justifient pas davantage du prétendu conflit qui les opposerait à leurs voisins à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Madame [ZM] [O], épouse [X] et Monsieur [R] [X], Maître [P] [F] et Me [G] [J], qui succombent, seront condamnés aux entiers dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il n’est pas inéquitable de les condamner in solidum à payer à Monsieur [OW] [GR] et Madame [H][TR] la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier resssort,

CONDAMNE in solidum Madame [ZM] [O], épouse [X] et Monsieur [R] [X], Maître [P] [F] et Me [G] [J] à payer à Monsieur [OW] [GR] et Madame [H][TR] la somme de 9500 € en réparation de leur trouble de jouissance ;

CONDAMNE Me [P] [F] et Me [G] [J] à relever et garantir Madame [ZM] [O], épouse [X] et Monsieur [R] [X] de cette condamnation ;

DEBOUTE Monsieur [OW] [GR] et Madame AuroreVIGNES de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la dépréciation du bien immobilier acquis et au titre d’un préjudice moral ;

CONDAMNE in solidum Madame [ZM] [O], épouse [X] et Monsieur [R] [X], Maître [P] [F] et Me [G] [J] à payer à Monsieur [OW] [GR] et Madame AuroreVIGNES la somme de de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Madame [ZM] [O], épouse [X] et Monsieur [R] [X], Maître [P] [F] et Me [G] [J] aux entiers dépens.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 06 Juin 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 21/10444
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;21.10444 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award