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04/06/2024 | FRANCE | N°23/00610

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 04 juin 2024, 23/00610


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 23/00610 - N° Portalis DBW3-W-B7H-24FC


AFFAIRE : Mme [V] [Y] divorcée [P] ( Maître Martin EIGLIER de l’ASSOCIATION EIGLIER - FRANZIS TAXIL ASSOCIATION D AVOCATS)
C/ S.D.C. SQUARE JEAN BOUIN GENERAL SIS [Adresse 1] [Adresse 5] [Localité 2] (Me Béatrice PORTAL)



DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPI

ERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 04 Juin 2024


PRONONC...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 23/00610 - N° Portalis DBW3-W-B7H-24FC

AFFAIRE : Mme [V] [Y] divorcée [P] ( Maître Martin EIGLIER de l’ASSOCIATION EIGLIER - FRANZIS TAXIL ASSOCIATION D AVOCATS)
C/ S.D.C. SQUARE JEAN BOUIN GENERAL SIS [Adresse 1] [Adresse 5] [Localité 2] (Me Béatrice PORTAL)

DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 04 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [V] [Y] divorcée [P]
née le 05 Décembre 1986 à [Localité 7] (31), de nationalité française, employée de banque, domiciliée et demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Martin EIGLIER de l’ASSOCIATION EIGLIER - FRANZIS TAXIL ASSOCIATION D AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

Le Syndicat des Copropriétaires de l’ensemble immobilier SQUARE JEAN BOUIN GENERAL sis [Adresse 1] /[Adresse 5] [Localité 2], représenté par son syndic en exercice, la SARL MARSEILLE SUD GESTION IMMOBILIERE ([J] IMMOBILIERE), dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en la personne de son gérant en exercice, Monsieur [M] [J]

représenté par Maître Béatrice PORTAL, avocat au barreau de MARSEILLE

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [Y], divorcée de Monsieur [P], est propriétaire d’un appartement, lot n°544, situé au 3e étage d'un immeuble sis [Adresse 3].

A la suite de son acquisition, elle a procédé au remplacement des volets en fer blancs à ouverture horizontale par des volets roulants blancs pouvant être fermés de l’intérieur.

Estimant que cette modification affectait l’aspect extérieur de l’immeuble et que cette installation n’avait pas été faite avec l'autorisation préalable du syndicat des copropriétaires, celui-ci a assigné en référé Mme [Y] devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.

Par ordonnance de référé du 26 mars 2021, Mme [Y] a été condamnée à déposer à ses frais les volets roulants de son appartement et à remettre les lieux dans leur état antérieur avec pose de volets à l’identique des autres volets à fermeture manuelle installés dans l’immeuble sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Suite au constat d'huissier du 14 juin 2022 constatant que les volets roulants blancs électriques n’avaient pas été changés, Mme [Y] a été assignée en référé par le syndicat des copropriétaires SQUARE JEAN BOUIN aux fins de liquidation de l’astreinte pour la période du 1er mai 2021 au 30 juin 2022.

Par ordonnance en date du 7 avril 2023, le juge des référés a condamné Mme [Y] à payer la somme de 10 000 euros au syndicat des copropriétaires au titre de l'astreinte et fixé une nouvelle astreinte provisoire de 50 euros par jour pour une durée de 6 mois à compter du prononcé de l'ordonnance.

****
 
Par acte extrajudiciaire en date du 10 janvier 2023, Mme [Y] a assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de déclarer non écrite la clause de règlement de copropriété de l’immeuble subordonnant la modification des volets et persiennes à l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 31 octobre 2023, Mme [Y] demande au Tribunal de :

DECLARER non écrite la clause du règlement de copropriété de l’immeuble sis Le Square Jean Bouin [Adresse 1] [Adresse 5] [Localité 2], article 16 alinéa 1er, en ce qu’elle subordonne la modification des volets et persiennes à l’autorisation de l’Assemblée Générale des Copropriétaires,
ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
CONDAMNER le Syndicat des Copropriétaires au paiement de la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procéder Civile,
Le CONDAMNER aux entiers dépens de l’instance,
DEBOUTER le Syndicat des Copropriétaires de ses demandes reconventionnelles.

Elle souligne que le fait d’avoir refusé ce remplacement et de lui interdire de changer ses volets constitue une restriction à ses droits de copropriétaire, le changement des volets étant imposé à l’époque des travaux par la dangerosité des volets d’origine, sa situation de handicap et les normes d'isolation thermique actuelles. Elle ajoute que cette restriction à ses droits n’est pas justifiée par la destination de l’immeuble telle qu’elle est définie aux actes, ni par les caractères de l’immeuble dans la mesure où il est situé dans un quartier sans harmonie architecturale particulière et ne se trouve pas dans un périmètre de protection des monuments historiques. Elle soutient que c'est de parfaite bonne foi et avec la certitude qu’elle pouvait opérer ces travaux qu'elle a acheté cet appartement et que les dispositions de l’article 16 du règlement de copropriété sont contraires à l’article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 26 avril 2023, le syndicat des copropriétaires demande au Tribunal de :

Vu la loi du 10 juillet 1965,
Et plus particulièrement :
Vu l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu la jurisprudence,

DEBOUTER purement et simplement Madame [V] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions comme injustes et non-fondées,
RECONVENTIONNELLEMENT : CONDAMNER Madame [V] [Y] à payer au syndicat des copropriétaires SQUARE JEAN BOUIN GENERAL la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du CPC,
CONDAMNER Madame [V] [Y] aux entiers dépens, article 696 du CPC.

Il soutient que l'autorisation donnée en 2007 concerne uniquement le syndicat secondaire du bâtiment N°17, différent des autres, dont le bâtiment 16 où se situe l’appartement de Mme [P] et que le syndic parle d’entretenir les volets existants pour des raisons d’harmonie et non de les remplacer par d’éventuels volets roulants. En outre, Mme [P] ne rapporte pas la preuve que les volets menaçaient de chuter, elle connaissait leur état au moment de son acquisition et la nécessité d'obtenir l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires.
Il ajoute que l’article 16 alinéa 1er du règlement de copropriété ne fait pas partie des dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 de la loi du 10 juillet 1965, ni de celles du décret de 1967 et que la clause imposant l’autorisation de l’assemblée générale pour la modification de portes et fenêtres est valable car elle affecte l’aspect extérieur de l’immeuble, participant à son harmonie et donc à sa destination.

***

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture du 6 février 2024 a été révoquée le 2 avril 2024 afin de permettre au défendeur de notifier ses pièces. Une nouvelle clôture a été prononcée le 2 avril 2024 avant l'ouverture des débats.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 2 avril 2024 et la décision a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les demandes présentées sous la forme de « dire et juger » et « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du Code civil.

Aux termes de l'article 8 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.

L'article 43 de la même loi ajoute que toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du règlement d'administration publique prises pour leur application sont réputées non écrites.

En l'espèce, le règlement de copropriété de l'immeuble LE SQUARE JEAN BOUIN prévoit, en son article 16 relatif à l'harmonie et à l'aspect extérieur de l'immeuble, que « les fenêtres et fermetures extérieures, bien que constituant des parties privatives, de même que les garde-corps, les balustrades, des volets, des balcons, loggias, terrasses, persiennes, vitrage, de même que les peintures et crépissages extérieurs, ne pourront être modifiés qu'avec l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires ».

Si Mme [Y] estime que cette clause constitue une restriction de ses droits de copropriétaire, il n'en demeure pas moins que le règlement de copropriété, de nature conventionnelle, s'impose à tous les copropriétaires, notamment s'agissant de la destination de l'immeuble et de son aspect extérieur. La réserve prévue à l'article 16 précité soumet la modification d'une partie privative, les volets, visibles de l'extérieur de l'immeuble, à l'accord de l'assemblée générale des copropriétaires et à une condition d'harmonie qui constitue incontestablement un élément de destination de l'immeuble auquel les copropriétaires ne peuvent porter atteinte.
Il est donc permis de déduire de cette clause que les volets de l'immeuble doivent rester identiques afin de préserver l'harmonie du bâtiment et que le copropriétaire ne peut valablement et unilatéralement modifier l'aspect extérieur de l'immeuble.

Aussi, le remplacement des volets d'origine du lot de Mme [Y] par des volets roulants modifie l'harmonie de l'immeuble ainsi que son aspect extérieur et seule l'assemblée générale des copropriétaires peut autoriser un tel changement en application de l'article 16 du règlement de copropriété, dont la régularité ne peut être contestée.

Les motifs avancés par la demanderesse, liés à la dangerosité des volets d'origine, à sa situation de handicap et à un défaut d'isolation thermique des anciens volets ne sont pas de nature à lui permettre de se dispenser de l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

La résolution n°17 adoptée par la majorité des copropriétaires le 31 mai 2007, ayant autorisé à remplacer tout ou partie des persiennes actuelles par des volets roulants de teinte beige rosé n'est aucunement transposable à la situation de Mme [Y], dans la mesure où elle concerne uniquement le syndicat secondaire de l'immeuble situé [Adresse 4], décrit comme différent des autres immeubles de la copropriété par son aspect général extérieur. En tout état de cause, Mme [Y], occupant un lot d'un immeuble distinct, devait bien solliciter l'autorisation du syndicat des copropriétaires avant de procéder au changement de ses volets.

Enfin, la note rédigée le 30 octobre 2019 par le syndic ne peut se substituer à cette autorisation délivrée par l'assemblée générale des copropriétaires et ne fait que rappeler aux copropriétaires la nécessité de procéder à un entretien des volets de leur logement, voire leur remplacement le cas échéant et non leur modification.

En conséquence, il ne peut être soutenu que l'article 16 du règlement de copropriété doit être réputé non écrit et Mme [Y] sera déboutée de cette demande.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. 

Madame [V] [Y] succombant dans le cadre de la présente procédure, elle sera condamnée aux dépens.
 
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.  
 
Madame [V] [Y] sera condamnée à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SQUARE JEAN BOUIN sis [Adresse 1] – [Adresse 5] [Localité 2], la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après audience publique, à juge unique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition des parties au greffe,

DEBOUTE Madame [V] [Y] de l'intégralité de ses demandes,

CONDAMNE Madame [V] [Y] aux dépens,

CONDAMNE Madame [V] [Y] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SQUARE JEAN BOUIN sis [Adresse 1] – [Adresse 5] [Localité 2], représenté par son syndic en exercice la SARL MARSEILLE SUD GESTION IMMOBILIERE, la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles,

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 04 juin 2024.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 23/00610
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;23.00610 ?
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