TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N° 24/ DU 04 Juin 2024
Enrôlement : N° RG 22/12143 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2MAK
AFFAIRE : Mme [I] [Y] et M. [O] [P] [Y] (Me Pieyre- Eloi ALZIEU-BIAGINI)
C/ Mme [N] [L] [Y] (Me Charlotte DE VILLAINES)
DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier
Vu le rapport fait à l’audience
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juin 2024
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDEURS
Madame [I] [Y]
née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 7]
de nationalité Française, retraitée, demeurant [Adresse 8]
Monsieur [O] [P] [Y]
né le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 6]
de nationalité Française, retraité, demeurant [Adresse 8]
représentés par Maître Pieyre-Eloi ALZIEU-BIAGINI, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDERESSE
Madame [N] [L] [Y]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 14]
de nationalité Française, psychologue, demeurant [Adresse 5]
représentée par Maître Charlotte DE VILLAINES, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSÉ DU LITIGE :
[B] [G] est décédée le [Date décès 2] 2020 à [Localité 13], laissant pour lui succéder ses trois enfants, monsieur [O] [Y], madame [I] [Y] et madame [N] [Y].
Par acte d'huissier du 8 décembre 2022 monsieur [O] [Y] et madame [I] [Y] ont fait assigner madame [N] [Y].
Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 18 décembre 2023 ils demandent au tribunal d'ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre eux, de fixer leurs parts respectives à 2.471,16 €, de désigner maître [D], notaire, pour procéder aux opérations de partage et de condamner madame [N] [Y] à leur payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Au soutien de leurs demandes ils font valoir principalement que madame [N] [Y] ne justifie d'aucune créance à l'encontre de la succession, que ce soit au titre du mandat tacite, de la gestion d'affaires ou de la gestion des actifs de la succession, ou que les frais qu'elle a pu exposer ne l'ont pas été dans l'intérêt de l'indivision.
Madame [N] [Y] a conclu le 2 octobre 2023 à l'ouverture des opérations de partage, à la désignation de maître [D] pour y procéder et à la fixation à son profit d'une créance contre l'indivision d'un montant de 4.398,24 €, ainsi qu'à la condamnation de monsieur [O] [Y] et madame [I] [Y] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir qu'elle a exposé divers frais pour la gestion et l'administration de la succession avec mandat tacite de ses co-partageants, consistant en trois déplacements à [Localité 13], des frais de bureautique et des frais de gestion. Elle se prévaut également d'une économie réalisée par l'indivision grâce à une remise de dette obtenue dans le cadre de négociations avec le bailleur de la de cujus.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'ouverture des opérations de partage :
En application de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.
En l’espèce, les parties sont héritiers de [B] [G] et depuis son décès l’indivision successorale n’a pas pu être partagée.
En application de l’article 840 du code civil, le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837.
L’article 1364 du code de procédure civile prévoit que si la complexité des opérations le justifie le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller les opérations. Le notaire est choisi par les copartageants, et à défaut d’accord par le tribunal.
Il convient dès lors d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [B] [G].
Il apparaît à la lecture des conclusions respectives des parties et du projet de partage dressé par maître [D], notaire, que l'actif à partager ne comprend qu'une somme d'argent. Les opérations de partage sont donc dès lors simples, et il n'y a pas lieu de désigner un notaire pour y procéder et un juge commis pour les surveiller. Il sera donc procédé dans les conditions du premier alinéa de l'article 1361 du code de procédure civile.
Sur les comptes entre les parties :
L'article 815-12 du code civil dispose que « l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité, dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice ».
L'article 815-13 du même code précise qu'« il doit être tenu compte à l'indivisaire des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation des biens indivis, encore qu'elles ne les aient point améliorés ».
Madame [N] [Y] produit à l'appui de ses demandes au titre de la rémunération pour des actes de gestion une réservation émanant du site « Booking.com » pour un logement à [Localité 13] du 11 au 17 janvier (année non précisée). Si ce document indique bien que la réservation a été faite à son nom, il ne précise pas l'identité du payeur. Il en est de même pour la capture d'écran d'un site internet « Getaround.com » pour la location d'un véhicule au nom de « [N] » pour la période du 29 février au 5 mars 2020, soit plus d'un mois après le décès et sans précision sur le lieu de retrait dudit véhicule. L'estimation du coût d'un trajet [Localité 20]-[Localité 13] tirée du site « Mappy.com » ne saurait pour sa part prouver la réalité le l'exposition de la dépense correspondante.
Madame [N] [Y] produit encore deux billets de trains, en l'espèce un aller-retour [Localité 15] TGV-[Localité 13] du 11 au 18 janvier 2020 et un aller-retour [Localité 17]-[Localité 13] du 25 au 26 août sans précision d'année. Si ces billets ont bien été émis à son nom, l'identité du payeur n'est pas démontrée. En outre il ne résulte d'aucune autre des pièces produites que pendant ces séjours madame [N] [Y] aurait accompli des actes de gestion des biens indivis, dont il est rappelé qu'ils ne consistent qu'en une somme d'argent, ni quels seraient ces actes.
Sa lettre du 3 août 2020, envoyée de [Localité 10], à la société [19] précise d'ailleurs qu'elle n'a pas procédé elle-même à l'évacuation des biens présents dans l'appartement de la de cujus, mais qu'elle a confié cette tâche à la société [18].
Les quatre autres lettres produites, toutes expédiées de [Localité 10], contiennent essentiellement des réclamations auprès d'établissements bancaires et de la société [19], et un mandat donné à la société [18] pour le nettoyage de l'appartement.
En effet, les actes dont elle se prévaut, dont la remise de factures émises après le décès par la société [9] et des correspondances relatives au paiement de factures d'une entreprise de nettoyage et d'impôts, résultent tous de courriers électroniques ne nécessitant pas de déplacements.
Ils ne peuvent en outre être qualifiés d'actes de gestion au sens de l'article 815-12 précité, dans la mesure où, dans ces courriels adressés soit à maître [D], soit au conseil de ses co-partageants, elle ne fait que déplorer la lenteur des opérations de partage et réclamer le paiement des factures encore dues. Une simple réclamation envoyée par courriel au service clients d'[9] ne saurait pour sa part recevoir une telle qualification.
Le décompte de la société [19] ne fait pour sa part apparaître qu'une écriture postérieure au décès, soit un remboursement de solde créditeur pour 255,06 € le 1er octobre 2020. Cependant il n'est produit aucune lettre émanant de madame [N] [Y] relative à la restitution de cette somme. Elle ne saurait donc réclamer une rémunération à ce titre.
Il n'est pas non plus démontré en quoi les frais de papeterie, de poste et d'abonnement à un service téléphonique et internet n'auraient été exposés que dans l'intérêt de l'indivision. Le reçu émis par [12] de [Localité 10] pour 6,27 € n'est pas accompagné de la copie de la lettre correspondante, le ticket de caisse de la société [11] du 21 août 2020 portant mention d'une cartouche d'encre pour imprimante ne démontre pas l'usage qui a été fait de cet article et les factures de la société [16] pour l'ensemble de l'année 2020 ne démontrent pas que les 545 appels téléphoniques et 1672 SMS envoyés sur cette période l'ont été aux fins de gestion d'un ou plusieurs biens indivis.
Le facture d'un avocat consulté par madame [N] [Y] pour des conseils juridiques et la rédaction de lettres de mise en demeure à l'encontre des autres parties, n'est pour sa part relative ni à la gestion ni à la conservation d'un bien indivis, mais n'a été exposée que dans l'intérêt de madame [N] [Y].
Madame [N] [Y] ne démontre ainsi pas avoir exposé des frais pour la gestion ou la conservation des biens indivis, et il ne saurait être fixé une créance à son profit de ces chefs. Elle sera donc déboutée de ces demandes.
Il s'ensuit que le partage devra se faire par tiers entre chacun des trois enfants de la de cujus, soit une somme de 2.471,16 € chacun. La date de la jouissance divise sera en conséquence fixée au jour du présent jugement.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, et supportés par chacune des parties à proportion de sa part dans le partage. Dans ces conditions il ne peut y avoir lieu à distraction au profit des avocats en la cause.
L'instance ayant été engagée dans l'intérêt de toutes les parties, il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :
Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l’indivision résultant de la succession de [B] [G] ;
Fixe à la somme de 2.471,16 € la part de chacune des parties dans l'actif net à partager ;
Fixe au 4 juin 2024 la date de la jouissance divise ;
Déboute madame [N] [Y] de ses demandes de fixation d'une créance à son profit ;
Dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire pour procéder au partage ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, et supportés par chacune des parties à proportion de sa part dans le partage.
AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,