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04/06/2024 | FRANCE | N°22/11503

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 04 juin 2024, 22/11503


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 04 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/11503 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2OJ2

AFFAIRE : M. [V] [G] [T] (Me Richard BRICOT)
C/ Mme [J] [D] [Y] épouse [L] (Me Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS) et autres


DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier


Vu le rapport fa

it à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 04 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/11503 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2OJ2

AFFAIRE : M. [V] [G] [T] (Me Richard BRICOT)
C/ Mme [J] [D] [Y] épouse [L] (Me Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [V] [G] [T]
né le [Date naissance 5] 1935 à [Localité 13]
de nationalité Française, demeurant et domicilié [Adresse 6]

représenté par Maître Richard BRICOT, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Madame [J] [D] [Y] épouse [L]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 12] (13)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]

Madame [A] [D] [Y] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 12] (13)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 8] (ITALIE)

représentées par Maître Ariane CAMPANA, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître [O] [E]
Notaire associé au sein de la S.C.P. [10], [O] [E] [11]
de nationalité Française, domiciliée [Adresse 7]

S.C.P. [10], [O] [E] [11]
dont le siège social est sis [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentées par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE
substitué par Maître Alizé HOULES

EXPOSÉ DU LITIGE :

[S] [T] est décédé le [Date décès 3] 2017, laissant pour lui succéder monsieur [V] [T], madame [X] [T] veuve [Y] et monsieur [B] [T], ses frères et soeur.

Une déclaration de succession a été régularisée le 6 septembre 2018 faisant état d'un actif net de 241.027,02 €. Pour le paiement des droits de succession, messieurs [V] et [B] [T] ont bénéficié d'un abattement légal de 15.932 € et madame [Y] d'un abattement au profit des personnes handicapées de 159.325 €, outre l'abattement légal. Messieurs [V] et [B] [T] ont donc payé chacun la somme de 26.542 €, madame [Y] n'ayant rien à payer.

Madame [Y] est à son tour décédée le [Date décès 4] 2019, laissant pour lui succéder ses filles mesdames [J] [Y] épouse [L] et [A] [Y] épouse [M].

Le 5 janvier 2021 une déclaration de succession rectificative a été déposée, mentionnant un abattement en faveur des personnes handicapées au profit de monsieur [V] [T], et le 15 février 2021 maître [E] a demandé à l'administration fiscale la restitution de la somme de 26.542 €.

Le 13 avril 2021 l'administration fiscale a répondu que si monsieur [V] [T] était éligible à cet abattement, tel n'était pas le cas de [X] [Y], et qu'en conséquence elle était en droit de compenser l'abattement reconnu à monsieur [T] avec celui non justifié reconnu à madame [Y].

Par acte de commissaire de justice du 11 octobre 2022 monsieur [V] [T] a fait assigner mesdames [J] [L] et [A] [M], ainsi que maître [E] et la SCP [10] [E] [11].
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 août 2023 il demande au tribunal de condamner, sur le fondement de l'article 1302-2 du code civil, mesdames [J] [L] et [A] [M] à lui payer la somme de 26.542 € correspondant au montant de la somme dont il s'est acquittée à tort, en lieux et place de leur auteur [X] [Y]. Il expose qu'il n'a commis aucune négligence, étant dans l'ignorance de la possibilité où il était de bénéficier de l'abattement en cause, tandis que [X] [Y] était atteinte de la maladie d'Alzheimer et représentée par madame [L] lors de la signature des divers actes chez maître [E]. Il ajoute que c'est l'administration fiscale qui a remis en cause l'avantage consenti à [X] [Y].
Il ajoute que le préjudice allégué par ses nièces est inexistant dès lors qu'il correspond à une imposition qui était due.
À titre subsidiaire monsieur [T] forme les mêmes demandes à l'encontre de maître [E] et la SCP [10] [E] [11], leur reprochant un manquement à leur devoir de conseil lors de l'établissement de la première déclaration de succession, soutenant qu'il leur appartenait de vérifier les conséquences fiscales des déclarations qui leur était faites et que le notaire ne pouvait se contenter des déclarations des héritiers.
Monsieur [T] demande encore la condamnation de ses nièces, subsidiairement de maître [E] et de la SCP de notaires, à lui payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mesdames [J] [L] et [A] [M] ont conclu le 16 juin 2023 au rejet des demandes de monsieur [V] [T], subsidiairement à la condamnation de maître [E] à leur payer la somme de 26.542 € de dommages et intérêts, et en tout état de cause à ce que l'exécution provisoire du jugement soit écartée et à la condamnation de tout succombant à leur payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir que monsieur [T] est seul responsable de son propre dommage dans la mesure où il n'a pas informé le notaire de son handicap, de sorte que celui-ci n'était pas en mesure de lui faire bénéficier de l'abattement correspondant, que la demande formée en ce sens par l'intermédiaire de sa fille trois ans plus tard était tardive, et ajoutent que l'administration fiscale n'était pas fondée à appliquer une compensation légale entre les sommes dues par [X] [Y] et monsieur [V] [T] en l'absence d'identité de débiteur et de proposition de rectification et qu'il appartient à ce dernier de réclamer les sommes indument payées à ladite administration sans qu'elles aient à répondre de son erreur.
À titre subsidiaire elles reprochent à maître [E] un défaut d'information, n'ayant pas été destinataires des courriers des 27 avril et 2 juin 2021 les informant de la position de l'administration fiscale, et consistant également dans la rédaction erronée de la déclaration de succession mentionnant au profit de leur mère un abattement auquel elle ne pouvait pas prétendre.

Le 6 avril 2023 maître [E] et la SELARL [10], [E] [11] ont conclu au rejet des demandes de monsieur [T], subsidiairement à la condamnation de mesdames [L] et [M] à les relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, en tout état de cause à ce que soit écartée l'exécution provisoire du jugement et à la condamnation de tout succombant à leur payer la somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles exposent que monsieur [T] n'a pas informé maître [E] de son handicap, alors qu'aux termes de la déclaration de succession il s'était engagé à lui fournir tous les renseignements nécessaires et que celle-ci mentionnait l'abattement pour personnes handicapées au profit de [X] [Y]. Elles ajoutent qu'informée de la situation de monsieur [T] deux ans plus tard maître [E] a accompli les diligences nécessaires, et que la décision de l'administration fiscale de remettre en cause l'abattement consenti à [X] [Y] n'a fait l'objet d'aucune contestation. Elles font encore valoir qu'il résulte de cette décision qu'il appartient désormais aux héritières de [X] [Y] de s'acquitter de la somme de 26.542 € due par leur mère entre les mains de monsieur [V] [T] qui s'en est acquitté à tort.
Elles ajoutent, concernant la mention erronée dans la déclaration de succession de l'abattement handicapé au profit de [X] [Y], que le notaire n'est pas tenu d'un devoir d'investigation dans la mesure où il n’a aucune raison légitime de remettre en cause les déclarations des héritiers au regard des éléments et documents en sa possession pour l’établissement de la déclaration. Enfin elles font valoir que le montant de l'impôt ne constitue pas un préjudice indemnisable.
À titre subsidiaire elles soutiennent que seules mesdames [L] et [M] sont débitrices de l'imposition en cause, et qu'elles doivent les relever et garantir des sommes qui pourraient être mises à leur charge à ce titre.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 1302-2 du code civil dispose que « celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance.
La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur ».

Il résulte de la lettre adressée le 13 avril 2021 par la DRFIP PACA 13 à maître [E] que monsieur [T] remplissait les conditions pour bénéficier de l'abattement en faveur des handicapés, et madame [Y] [X] ne remplissant pas ces conditions, il y a lieu de compenser l'abattement reconnu justifié pour monsieur [T] et celui non justifié appliqué à la part successorale de madame [Y].

Il résulte des échanges de correspondances produits aux débats que maître [E] a cherché dès le 20 avril 2021 à récupérer les sommes indument perçues par [X] [Y].

Cette décision de l'administration n'a fait l'objet d'aucun recours. Il en découle que le montant des droits sur la part revenant à monsieur [V] [T], après prise en compte de l'abattement spécial auquel il avait droit, était nul, tandis que le montant des droits sur la part revenant à [X] [Y], après remise en cause de cet abattement, était de 26.542 €.

Il importe peu que monsieur [T] n'ait fait état de son handicap que de façon tardive, dès lors que l'administration fiscale a accepté de le prendre en compte pour la révision des droits de chacun des héritiers.

Par conséquent et en application des dispositions susvisées, monsieur [V] [T] est fondé à demander la restitution desdites impositions aux ayants droits de [X] [Y] dont il a payé la dette indument, soit 26.542 € que mesdames [L] et [M] seront in solidum condamnées à lui payer.

Les droits de succession sont réclamés à chacun des héritiers en vertu de la loi et en fonction du montant qu’il a reçu de la succession, de sorte qu’ils ne sauraient être regardés comme résultant de la faute commise par le notaire.

Ainsi, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'existence ou non d'une telle faute, mesdames [L] et [M] ne sont pas fondées à demander la condamnation du notaire à leur payer à titre de dommages et intérêts une somme égale au montant des impositions dont elles sont débitrices en vertu de la loi et qui ne sauraient constituer un préjudice.

Elles seront donc déboutées de leur appel en garantie.

Mesdames [L] et [M] succombent à l'instance et en supporteront in solidum les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Thomas D'JOURNO conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Elles seront encore condamnées in solidum à payer à monsieur [V] [T] la somme de 2.000 € et à maître [E] et la SELARL [10], [E], [11] la somme totale de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'existe aucune circonstance de nature à justifier que soit écartée l'exécution provisoire de plein droit attachée au présent jugement et il n'y a donc pas lieu de faire droit à ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Condamne in solidum mesdames [J] [D] [Y] épouse [L] et [A] [D] [Y] épouse [M] à payer à monsieur [V] [T] la somme de 26.542 € ;

Déboute mesdames [J] [D] [Y] épouse [L] et [A] [D] [Y] épouse [M] de leurs demandes à l'encontre de maître [E] et de la SELARL [10], [E], [11] ;

Condamne in solidum mesdames [J] [D] [Y] épouse [L] et [A] [D] [Y] épouse [M] à payer à monsieur [V] [T] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum mesdames [J] [D] [Y] épouse [L] et [A] [D] [Y] épouse [M] à payer à maître [E] et à la SELARL [10], [E], [11] la somme totale de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum mesdames [J] [D] [Y] épouse [L] et [A] [D] [Y] épouse [M] aux les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître Thomas D'JOURNO conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/11503
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;22.11503 ?
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