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04/06/2024 | FRANCE | N°22/05428

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 04 juin 2024, 22/05428


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 22/05428 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZQ4G


AFFAIRE : S.A.R.L. ABC ENTRETIEN ( Me Vanessa AVERSANO)
C/ Mme [U] [Z] épouse [O] et M. [M] [O] (Me Julien PINELLI)


DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a

été fixée au 04 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Mad...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 22/05428 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZQ4G

AFFAIRE : S.A.R.L. ABC ENTRETIEN ( Me Vanessa AVERSANO)
C/ Mme [U] [Z] épouse [O] et M. [M] [O] (Me Julien PINELLI)

DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 04 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

LA S.A.R.L. ABC ENTRETIEN, inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 403 674 245 et dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Vanessa AVERSANO, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Madame [U] [Z] épouse [O],
Monsieur [M] [O], tous deux domiciliés et demeurant [Adresse 6] - [Localité 4]

tous deux représentés par Maître Julien PINELLI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, [Adresse 1] [Localité 2]

***
EXPOSE DU LITIGE

Le 31 août 2017, les époux [O] ont conclu avec la société ABC ENTRETIEN un marché de travaux portant sur la réfection de la toiture et la rénovation de l’immeuble situé [Adresse 7] [Localité 3], sous la maitrise d'œuvre de la SARL DEMIURGE, marché ayant pour objet l’exécution des lots gros oeuvre, maçonneries diverses, réseaux divers, charpente-couverture, carrelages et revêtements et peintures pour un montant de 237 600 euros TTC.

Des modifications du marché initial et travaux supplémentaires sont intervenus.

La SARL ABC ENTRETIEN s'est plainte de ce que M. et Mme [O] ont seulement versé la somme de 204 222,49 euros TTC, laissant un reliquat de 68 551,75 euros TTC compte tenu des travaux supplémentaires rendus nécessaires par les choix des maîtres d'ouvrage et des recommandations de la Mairie.

Les époux [O] ont refusé de procéder à la réception des travaux demandée par la société en décembre 2019 en l'état de nombreuses malfaçons alléguées et des sommes demandées de façon injustifiée.

***

La société ABC ENTRETIEN a saisi le président du tribunal judiciaire de Marseille par acte du 9 octobre 2020, aux fins d'expertise judiciaire et de paiement d’une somme provisionnelle de 33 377.50 euros TTC au titre du solde du marché initial.

Par ordonnance du 23 avril 2021, le juge des référés près du tribunal judiciaire de Marseille a ordonné une expertise judiciaire, désigné Mme [F] et rejeté la demande de provision.

L'expert judiciaire a rendu son rapport définitif le 18 octobre 2022.

Par acte extrajudiciaire en date du 20 mai 2022, la SARL ABC ENTRETIEN a assigné les époux [O] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de réception judiciaire des travaux et de paiement du solde du marché.
****
 
Par conclusions récapitulatives notifiées le 3 novembre 2023, la SARL ABC ENTRETIEN demande au tribunal judiciaire de Marseille de :

Vu les dispositions de l’article 1792-6 et suivants du code civil, Vu les dispositions de l’article 1240 et suivants du code civil, Vu les dispositions de l’article 1303 et suivants du code civil,

A TITRE PRINCIPAL, PRONONCER la réception judiciaire du bien situé [Adresse 7] [Localité 3] au 22 juillet 2020, date à laquelle celui-ci était en état d’être reçu,
CONDAMNER M. et Mme [O] au paiement de la somme de 68 551,75 euros TTC, outre intérêts légaux courant à compter du 16 juillet 2020 (date de réception de la lettre de mise en demeure) et capitalisation des intérêts,
DIRE ET JUGER que doit être supporté par les époux [O] :
le coût de l'escalier sur mesure ( 6 314 euros HT ou 6 000 euros HT selon l'expert), à tout le moins le différentiel avec le coût de l'actuel escalier LAPEYRE ( 4350 euros),
le coût de la canalisation des EP de la toiture terrasse et prestation de pose ( 2819,12 euros HT),
DIRE ET JUGER que la société ABC ENTRETIEN n'est pas tenue contractuellement, comme ne faisant pas partie du marché ou n'ayant pas été contractualisé contre la concluante et les époux [O] :
la pose d'un sèche-serviettes, car relevant du lot électricité,
la livraison de clés définitives incrochetables et remplacement des barillets des portes,
l'entretien du réseau public, plus précisément le curage des racines du regard d'évacuation EU sous la voie publique,
le branchement au réseau France Télécom tel que confirmé par l'expert judiciaire dans son rapport (page 33),
A TITRE SUBSIDIAIRE, CONDAMNER M. et Mme [O] au paiement de la somme de 61 701,75 euros, déduction des reprises de menuiseries sur les deux bâtiments (68 551,75 euros TTC – 6850 euros) outre intérêts légaux courant à compter du 16 juillet 2020 (date de réception de la lettre de mise en demeure) et capitalisation des intérêts,
CONDAMNER M. et Mme [O] au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du refus injustifié et abusif de réceptionner les travaux, et rétention du solde du marché pendant plus de deux ans,
CONDAMNER M. et Mme [O] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente procédure, en ce compris les frais de consignation d'expertise judiciaire.

Elle souligne que le maître d'ouvrage ne peut pas refuser de réceptionner les travaux sans motif valable, les éventuelles contestations ou réserves ne pouvant faire obstacle à la réception des travaux. Or, les travaux étaient en état d’être reçus dès le mois de novembre 2019 et l’ouvrage, objet du marché, est habitable et loué depuis le mois de mars 2020.
Elle sollicite le paiement du solde du marché initial, du delta en raison de la modification du marché et des travaux supplémentaires imprévisibles et rendus nécessaires.
Elle conteste sa responsabilité et tout manquement aux règles de l'art s'agissant des malfaçons relevées par l'expert judiciaire, notamment les fissures, le défaut d'application de l'enduit, le défaut de canalisation en l'état d'une prestation non réalisée par ses soins, les serrureries des portes d'entrée, les menuiseries, l'escalier, le défaut de fixation du sèche-serviette et le défaut d'évacuation des eaux usées, arguant que l'état du réseau public ne relève pas de sa responsabilité.
Elle ajoute que le devis de 20 864,71 euros produit par les défendereurs n'a pas été transmis à l'expert judiciaire et que les travaux ont déjà été pris en compte par Mme [F].
Elle précise que les postes non exécutés ont déjà été déduits de la situation n°6 et que les époux [O] ne justifient aucunement de leur préjudice moral.

***

Dans leurs conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 27 juin 2023, les époux [O] demandent au Tribunal de :

Vu l’article 1231-1 et suivants du code civil,
Vu l’ancien article 1147 du code civil,
Vu l’article 700 du code procédure civile,

DEBOUTER la société ABC ENTRETIEN de l’ensemble de ses demandes,
PRONONCER que les époux [O] ne sont redevables à l’égard de la société ABC ENTRETIEN que de la somme de 3.659,01 euros ;
A titre reconventionnel, CONDAMNER la société ABC ENTRETIEN à payer au titre du préjudice moral causé aux époux [O] la somme de 15.000 euros ;
CONDAMNER la société ABC ENTRETIEN à payer au titre du préjudice matériel causé aux époux [O] la somme de 20.864,71 euros ;
CONDAMNER la société ABC ENTRETIEN au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que les travaux effectués comportent de nombreuses malfaçons qui ont été constatées par l'expert, qui a évalué le montant des travaux de reprise à la somme de 32.450 euros ; que la société ABC ENTRETIEN n’a jamais produit d’avenant d’un montant de 10.181,03 euros en mars 2020 et ce d’autant plus que la proposition de réception des travaux a été effectuée en décembre 2019 ; et que certains postes n’ont pas été réalisés, de sorte qu'ils ne peuvent être contraints de les régler. Aussi, ils ne s'estiment redevables à l’égard de la société ABC ENTRETIEN que de la somme de 3.659,01 euros, seul le premier avenant d’un montant de 22.873 euros ayant fait l’objet d’une acceptation, étant précisé que le débroussaillage et une partie de la mise en forme du terrain n'ont jamais été effectués. Ils sollicitent l'indemnisation de leur préjudice matériel, le montant de ces malfaçons devant être supporté intégralement par la société ABC ENTRETIEN.
Ils affirment que les travaux ne sont pas achevés et l’immeuble n’est pas en état d’être reçu depuis le mois de novembre 2019 en l'état de l'importance des malfaçons.
Ils font état de leur préjudice moral compte tenu des malfaçons et puisqu'ils ont ont dû supporter la réalisation de l’expertise sur leur terrain, se rendre disponibles et justifier de l’ensemble des malfaçons, puis solliciter de nouveaux professionnels de la rénovation afin de terminer les travaux et de procéder à la réparation des désordres.

***

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 2 avril 2024 et la décision a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

Le conseil des époux [O] ne s'est pas présenté à l'audience du 2 avril 2024 et n'a pas déposé son dossier de plaidoirie avant le 5 avril 2024 malgré rappel en ce sens adressé par RPVA le 2 avril 2024.

***

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les demandes présentées sous la forme de « dire et juger » et « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du Code civil.

I/ Sur la réception judiciaire

En application de l’article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l’espèce, il est constant qu’aucune réception expresse n’est intervenue entre les parties.

La SARL ABC ENTRETIEN sollicite le prononcé d'une réception judiciaire, estimant que les travaux étaient achevés et l'immeuble en état d'être reçu à la date du 22 juillet 2020.

Toutefois, il résulte de l'article précité qu'une réception, qu'elle soit expresse, tacite ou judiciaire, ne peut intervenir que de façon contradictoire, l'ensemble des intervenants aux opérations de construction devant être valablement convoqués ou parties à la procédure.

Or, force est de constater que la SARL ABC ENTRETIEN fait elle-même état, dans ses écritures, de ce que la maîtrise d'œuvre des travaux a été confiée à la SARL DEMIURGE.
La lecture du contrat de marché de travaux conclu le 31 août 2017 entre les époux [O] et la SARL ABC ENTRETIEN laisse effectivement apparaître la SARL DEMIURGE, représentée par son gérant M. [H] [D], en qualité de maître d'œuvre d'exécution.
Le rapport d'expertise judiciaire fait également référence à l'intervention de M. [D] sur le chantier, celui-ci ayant déposé le permis de construire, dressé les plans d'exécution et le marché de travaux, contrôlé les opérations de construction et proposé de procéder à la réception des travaux.

Il ressort de ces éléments que l'ensemble des intervenants aux opérations de construction n'ont pas été valablement mis en cause dans le cadre de la présente instance, l'architecte n'ayant pas été cité par l'une des parties, même si aucun grief n'est formulé à son égard.

Par conséquent, la demande de prononcé d'une réception judiciaire doit être rejetée.

II/ Sur la demande en paiement de la SARL ABC ENTRETIEN et les désordres allégués par les époux [O]

En vertu des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Ainsi, il est constant que la charge de la preuve de l'existence d'un contrat incombe à celui qui s'en prévaut et il appartient à l'entrepreneur d'établir que les missions dont il demande le paiement ont bien été commandées par le client. Le contrat d'entreprise est un contrat consensuel qui n'est soumis à aucune forme déterminée.

Il sera en outre rappelé qu'aux termes de l'article 1363 du code civil, nul ne peut se constituer de titre à soi-même. Dès lors, un demandeur en paiement ne peut justifier de l’existence ou du montant de la dette contractuelle alléguée par la seule production de factures, relevés de comptabilité, lettres de relance, mises en demeure émanant de lui.

Le maître de l'ouvrage a l'obligation de payer le prix convenu à l'entrepreneur. Quelle que soit la qualification du marché retenue, il est nécessaire de constater que les travaux supplémentaires dont un entrepreneur demande le paiement ont été soit commandés soit acceptés par le maître d’ouvrage sans équivoque après leur exécution. Les travaux supplémentaires, dans les marchés non soumis à l’article 1793 du code civil, échappent à la nécessité d’une autorisation écrite mais ne peuvent pas être exécutés unilatéralement par l’entrepreneur. Le client peut accepter, même oralement, l'exécution de travaux supplémentaires.

Il ressort des pièces communiquées que les époux [O] ont confié à la SARL ABC ENTRETIEN, par contrat en date du 31 août 2017, l'exécution de travaux de gros œuvre, maçonneries diverses, réseaux divers, charpente, couverture, peintures, carrelages et revêtements pour un montant total de 237 600 euros TTC.

La SARL ABC ENTRETIEN a adressé aux époux [O] :

- une situation n°1 en date du 22 septembre 2017 d'un montant de 34 331,40 euros TTC, portant sur l'exécution de travaux de démolition, d'infrastructure et de charpente, réglée par chèque du 11 octobre 2017,
- une situation n°2 en date du 20 octobre 2017 d'un montant de 45 533,73 euros TTC, ajoutant des travaux de couverture, réglée par virement du 8 novembre 2017,
- une situation n°3 en date du 20 novembre 2017 d'un montant de 55 618,10 euros TTC, ajoutant des travaux de maçonnerie, de réfection des réseaux intégrés et du perron d'entrée de l'appartement nord, d'ouvertures, d'enduit, de reprise d'un mur en pierre, de menuiseries extérieures, de pose d'un escalier, de carrelages, de ferronneries, d'aménagement de stationnements et de démolition d'un mur de soutènement, réglée par virement du 1er décembre 2017,
- une situation n°4 en date du 29 janvier 2019 d'un montant de 32 159,91 euros TTC, ajoutant des travaux de terrassement et de gros oeuvre, réglée par virement du 18 mars 2019,
- une situation n°5 en date du 30 juin 2019 d'un montant de 36 579,35 euros TTC, complétant les travaux précités, réglée par virement du 7 août 2019,
- une situation n°6 en date du 30 novembre 2019, modifiée le 16 mars 2020, d'un montant de
44 794,15 euros TTC, portant sur l'intégralité des travaux sauf les sanitaires de chantier non installés et la pose des gouttières, et ajoutant la prestation de montage et démontage d'un échafaudage dû à l'arrêt du chantier pour un montant de 4500 euros.

Il ressort du courriel adressé à Mme [O] le 16 avril 2020 que le règlement d'un montant de « 2273, 20 euros » à la société ABC ENTRETIEN n'a pu être effectué en raison d'une erreur sur l'adresse de facturation, ce règlement correspondant au paiement de travaux supplémentaires.

Le conseil de la SARL ABC ENTRETIEN a mis en demeure les époux [O] par courrier recommandé du 10 juillet 2020 de procéder à la réception des travaux et de payer le solde du marché d'un montant de 68 551,75 euros TTC.

Dans son rapport du date du 3 octobre 2022, l'expert judiciaire que l'ancien bâtiment agricole a été entièrement rénové et transformé en quatre logements et qu'une petite construction neuve reliée au premier bâtiment par une toiture terrasse triangulaire abrite un cinquième logement, tous les logements étant meublés et habités.

Il est constant que le marché initial s'élevait à la somme de 237 600 euros. Les époux [O] reconnaissent, dans leurs écritures, avoir accepté l'avenant n°1 d'un montant de 22 873,20 euros, portant le marché à la somme de 260 473,20 euros TTC.

Concernant cependant l'avenant n°2 du 16 mars 2020, d'un montant de 12 301 euros, contesté par les époux [O], force est de constater que le devis n'a été communiqué ni au tribunal, ni à l'expert judiciaire qui mentionne qu'aucune pièce descriptive ne permet d'évaluer le rapport entre les prestations de revêtements scellés effectivement prévues et les plus et moins-values et qu'en outre, la nécessité de la plus value de 9500 euros HT liée à la facturation d'échafaudages, de démolitions et d'aménagements imposés par le nouveau permis de construire n'est pas établie par la production d'un procès-verbal de chantier.
Le seul courriel adressé le 1er avril 2020 par les époux [O] au maître d'œuvre ne permet aucunement d'établir leur accord ou la ratification de ces travaux supplémentaires, dans la mesure où ni leur nature ni leur montant n'est précisé et où les prestations concernées semblent en réalité correspondre à l'avenant n°1, puisque le courriel adressé par l'établissement bancaire le 16 avril 2020 fait état d'un règlement de « 22 73,20 euros », ceci procédant nécessairement d'une erreur de frappe et d'une référence à l'avenant n°1 d'un montant de 22 873,20 euros.

Aussi, il n'est pas établi que les travaux supplémentaires relatifs à l'avenant n°2 dont la société demande le paiement été commandés ou acceptés par le maître d’ouvrage sans équivoque après leur exécution. La somme de 12 301 euros TTC sera donc déduite du solde réclamé par la SARL ABC ENTRETIEN.

S'agissant des postes jugés comme non réalisés par les époux [O], contenus dans la situation n°6 modifiée le 16 mars 2020, cette facture déduit déjà le poste relatif à l'installation de sanitaires sur le chantier, celui relatif à la pose des gouttières et celui relatif à la place d'un carrelage antidérapant posé sur la chape ciment.
S'agissant par ailleurs de la peinture mat utilisé par la société ABC ENTRETIEN, les époux [O] ne démontrent pas, par la production du devis correspondant, que l'application d'une peinture satinée était initialement prévue et doit correspondre à une déduction de 20% du prix, d'autant plus que cette non-conformité n'a pas été signalée à l'expert judiciaire, de même s'agissant du débroussaillage et une partie de la mise en forme du terrain. Ces moyens seront donc écartés.

Toutefois, il résulte de l'expertise judiciaire que le poste relatif à la réparation des regards SEM et égout inclus dans la facture des travaux supplémentaires du 27 décembre 2019 n'a pas été réalisé, de sorte qu'il convient de déduire la somme correspondante de 720 euros TTC.

Il résulte des éléments du dossier que les époux [O] ont réglé la somme globale de 204 222,29 euros. En effet, les époux [O] n'ayant pas communiqué leur dossier de plaidoirie comprenant leurs pièces malgré relance du tribunal le 2 avril 2024, ils n'établissent nullement avoir versé la somme complémentaire de 21 233,20 euros à la société ABC ENTRETIEN le 27 avril 2020.

Dès lors, il sera retenu que les époux [O] sont redevables à l'égard de la SARL ABC ENTRETIEN de la somme de 55 530,91 euros TTC au titre du solde du chantier.

Les époux [O] s'opposent au règlement de la totalité du solde du marché en raison de divers désordres affectant les ouvrages réalisés.

Aux termes de l'article 1147 ancien du code civil, désormais 1231-1, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

La responsabilité contractuelle de droit commun doit trouver application lorsque les travaux ne concernent pas un ouvrage, n’ont pas fait l’objet d’une réception ou ont été réservés à la réception, lorsque les dommages intermédiaires n’étaient pas apparents à la réception ou encore lorsque les défauts ou des non-conformités apparaissent sans gravité décennale.

Il appartient au maître d'ouvrage de démontrer la faute de l'entrepreneur, qui est tenu, de façon générale, à un devoir de conseil et à une obligation de résultat.

L'expert judiciaire mentionne dans son rapport l'existence des désordres suivants, s'agissant du bâtiment ancien rénové :
- des fissures en façade ouest, sud et est en allège des maçonneries anciennes ou au niveau des encastrements du plancher de la terrasse, étant précisé que l'absence de pose d'une toile de verre à enduire sous le corps d'enduit pour l'armer localement et éviter les fissures constitue une malfaçon,
- un défaut d'application de l'enduit mêlé à des toitures endommagées aux extrémités de la génoise en façade nord, alors même que l'enduit est neuf,
- trois fissures structurelles en façade nord, la troisième correspondant à une malfaçon dans la pose du plancher dans un mur ancien en moellons de pierre, les poutrelles du plancher ne s'appuyant pas sur des sommiers béton mais sur des moellons disloqués localement, créant des efforts mal répartis et cette fissure dans le mur de façade,
- une fissure rectiligne dans la dalle entre les deux corps de bâtiment, correspondant à une rupture entre la structure de la dalle et celle du bloc BA de l'escalier, due à un joint de tassement manquant entre la dalle et la terrasse et l'emmarchement, constituant une malfaçon,
l'absence de canalisation des EP de la toiture terrasse, figurant au devis de travaux mais non facturée,
- dans les logements n°1, 2, 3, 4 et 5, une mise en jeu de l'ouvrant de la porte PVC est nécessaire et la clé délivrée par l'entreprise correspond à une serrure ordinaire alors que celle attendue correspondait à une serrure incrochetable, le devis faisant état d'une porte d'entrée renforcée avec serrure 5 points,
- dans le logement n°2, le volet roulant de la baie du séjour reste bloqué à un tiers de sa hauteur et doit être manœuvré manuellement par l'extérieur, ceci constitue une malfaçon ; l'escalier installé est non conforme aux plans en ce qu'il présente une largeur de volée inférieure de plus de 20 centimètres, le descriptif sommaire ayant été réalisé par la SARL ABC ENTRETIEN, étant précisé que cette non-conformité au plan contractuel rend difficile le passage d'un sommier ou d'une armoire dans l'escalier, que la balustrade est branlante et mal fixée et que le palier du premier étage présentant un vide supérieur à 11 cm est dangereux ; l'ouvrant de la baie de la chambre fonctionne mal et nécessite un réglage,
- dans le logement n°4, la porte d'entrée mal jointive cause un sentiment de courant d'air inconfortable dans le salon.

S'agissant du logement n°5, l'expert judiciaire met en évidence :
- un dysfonctionnement du rideau roulant du séjour et de la porte fenêtre mal jointive, le volet électrique reste bloqué à un tiers de sa hauteur et doit être manoeuvré manuellement par l'extérieur, constituant une malfaçon,
- la porte d'entrée ouvrante à droite non conforme au plan, l'expert judiciaire ne pouvant imputer avec certitude cette malfaçon au maître d'œuvre, à l'entreprise d'électricité ou à la SARL ABC ENTRETIEN en l'absence de production du plan d'électricité correspondant,
- un défaut de fixation du sèche-serviette, posé au sol, étant précisé que ce désordre relève du lot électricité non attribué à la société ABC ENTRETIEN.

Mme [F] fait également état d'un défaut d'évacuation des eaux usées, le bouchement périodique de la canalisation étant causé par le tabouret situé sous la voie publique raccordant le réseau privé au collecteur public obturé à 80% par les racines des platanes plantés à proximité, cet état de fait étant antérieur au travaux de la société demanderesse. Toutefois, la société a inclu dans un devis et une facture de travaux supplémentaires la réfection des regards SEM et des égouts sur la RN 396 pour un montant de 600 euros HT et a facturé cette prestation, l'expert indiquant que cet ouvrage est manquant.

Enfin, l'expert judiciaire n'a pu relever un défaut de branchement au réseau France Telecom, dans la mesure où la matérialité du désordre n'a pas été constatée et où aucun CCTP ni aucun procès-verbal de chantier n'a été communiqué.

Les désordres liés à la porte d'entrée du logement n°5 et au défaut de fixation du sèche-serviette ne pouvant être imputés avec certitude aux lots attribués à la SARL ABC ENTRETIEN, la responsabilité contractuelle de cette dernière ne peut être valablement engagée à ce titre, étant précisé que l'expert judiciaire n'avait pas chiffré les travaux de reprise de ces désordres.

S'agissant des fissures sur les façades, si la société ABC ENTRETIEN conteste l'utilité de la précaution visée par l'expert judiciaire, il résulte bien du rapport que la pose d'une toile de verre sous le corps d'enduit est de nature à armer celui-ci et à éviter l'apparition de fissures. Cette malfaçon dans l'application de l'enduit constitue donc une faute imputable à la société défenderesse, dont la réparation est fixée à la somme de 12 000 euros HT.

Mme [F] fait ensuite état d'un défaut d'application de l'enduit à chaque extrémité du dépassé de toiture, et non d'un désordre lié à la réfection de la génoise. La dégradation des tuiles n'est pas non plus imputée à la SARL ABC ENTRETIEN. Cette malfaçon dans l'application de l'enduit constitue bien une faute imputable à la société défenderesse.

S'agissant de la fissure horizontale à l'angle nord-est correspondant à l'apposition d'un plancher neuf mis en oeuvre par la SARL ABC ENTRETIEN, le rapport d'expertise établit que cette fissure structurelle tous comme les deux autres est due à des ouvrages incorrectement exécutés. Cette fissure ne préexistait donc pas à la pose du plancher et ces malfaçons dans la réalisation des ouvrages constituent une faute imputable à la société défenderesse, le rejointement des moellons disloqués dans le mur de la cave étant chiffré à la somme de 750 euros HT.

De même, l'absence de joint de tassement entre la dalle de terrasse et l'emmarchement constitue une malfaçon imputable à la SARL ABC ENTRETIEN, dont la reprise s'élève à la somme de 750 euros HT.

Concernant le défaut de canalisation des EP, ce poste initialement prévu n'a pas été réalisé ni facturé par la SARL ABC ENTRETIEN. Le coût lié à la réalisation de cette canalisation des EP ne peut être imputé à la société demanderesse, dans la mesure où les époux [O] ne peuvent prétendre qu'à une réparation intégrale de leurs préjudices et non à un enrichissement sans cause et où ils ne font état d'aucun préjudice particulier à ce titre.

S'agissant des menuiseries, la mise en jeu des portes d'entrée mal jointives, des fenêtres PVC et des volets roulants bloqués constituent des malfaçons imputables à la SARL ABC ENTRETIEN.
Si le remplacement des barillets est contesté par cette dernière, il incombe nécessairement à la société chargée de travaux de serrurerie d'installer des barillets et de fournir des clés qui n'ont pas circulé pour les besoins du chantier afin d'assurer la sécurité des ouvrages. Les situations produites font état de la fourniture d'une serrure 5 points, attestant de l'exigence de sécurité attendue par les maîtres d'ouvrage. Il ne peut être soutenu qu'il n'incombait pas à la SARL ABC ENTRETIEN de fournir une clé définitive mais au maître d'ouvrage de procéder lui-même au changement de barillets.
Les travaux de reprise des menuiseries sont estimés à la somme globale de 6 850 euros HT. Les époux [O] ne produisent pas le devis établi postérieurement par la société ASAP FERMETURES et n'établissent pas en quoi le réglage des portes et fenêtres préconisé par Mme [F] s'avère insuffisant.
Seul le montant évalué par l'expert judiciaire sera donc retenu et les époux [O] seront déboutés de leur demande de paiement d'une somme de 20 864,71 euros au titre de leur préjudice matériel.

Concernant l'escalier, la SARL ABC ENTRETIEN, professionnelle et redevable d'une obligation d'information et de conseil, ne démontre aucunement que la mise en place de l'escalier litigieux résulte du choix des époux [O] par souci d'économie. Le rapport précise au surplus que la société a dressé le descriptif sommaire sans mentionner les cotes de l'escalier. L'installation par la société d'un escalier étroit et dangereux dont les dimensions ne sont pas conformes à la configuration des lieux, constitue nécessairement une non-conformité et un manquement à son devoir de conseil.
Le coût de la dépose et du remplacement de l'escalier d'un montant de 6000 euros HT doit être supporté par la SARL ABC ENTRETIEN, puisqu'il s'agit de travaux de reprise de la non-conformité précitée et non de travaux supplémentaires.

Concernant enfin le défaut d'évacuation des eaux usées, s'il est constant que ce tabouret se situe sous la voie publique, il n'en demeure pas moins que la SARL ABC ENTRETIEN a facturé le 27 décembre 2019 à hauteur de 720 euros TTC des travaux supplémentaires portant sur « la réfection des regards SEM et égouts sur la RN 396 » et ne les a manifestement pas exécutés. Toutefois, ce poste a déjà été précédemment déduit du solde réclamé par la société demanderesse et la cause des désordres n'est pas liée à son intervention mais à la présence antérieure de racines de platanes. Les époux [O] n'ayant pas réglé cette prestation inexécutée et ne démontrant l'existence d'aucun préjudice particulier, le coût du curage des racines ne peut être imputé à la SARL ABC ENTRETIEN.

En définitive, le montant global des travaux de reprise des désordres retenus s'élève à la somme de 27 550 euros HT soit 30 305 euros TTC, incluant le coût de l'installation et du repliement du chantier.

La demande des époux [O] de prononcer qu'ils ne sont redevables à l'égard de la société ABC ENTRETIEN que de la somme de 3 659,01 euros doit s'analyser comme reconnaissance de responsabilité partielle et une demande de compensation des dettes et créances contractuelles respectives des parties.

Compte tenu des inexécutions, désordres et non-conformités précités, la SARL ABC ENTRETIEN ne démontre donc le bien-fondé de sa créance qu'à hauteur de 25 225,91 euros TTC.

Aussi, les époux [O] seront condamnés à payer à la SARL ABC ENTRETIEN la somme de
25 225,91 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 16 juillet 2020. En application de l’article 1343-2 du Code civil, il y a lieu de décider que, le cas échéant, les intérêts à taux légal dus par les époux [O] seront capitalisés par année entière.

En revanche, les époux [O] ne démontrent l'existence d'aucun préjudice moral, étant précisé qu'ils n'occupent pas le bien objet des travaux et ne justifient pas avoir subi un trouble lié aux désordres susvisés.

S'agissant enfin de la demande indemnitaire à hauteur de 5000 euros formulée par la société ABC ENTRETIEN, en l'absence de réception judiciaire des travaux ordonnée par le présent jugement et compte tenu des désordres constatés ayant pour partie justifié la rétention du solde du marché, elle doit être rejetée.

III/ Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Aux termes de l'article 695.4° du code de procédure civile, les honoraires de l'expert entrent dans l'assiette des dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Dans la mesure où il n'a été fait droit qu'à une partie des prétentions de la SARL ABC ENTRETIEN compte tenu des inexécutions et malfaçons mises en évidence par le rapport d'expertise judiciaire, chaque partie succombant in fine, les dépens de l’instance comprenant les frais d'expertise judiciaire seront partagés par moitié entre elles.

Pour ces mêmes motifs, les demandes présentées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

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PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après audience publique, à juge unique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition des parties au greffe,

DEBOUTE la SARL ABC ENTRETIEN de sa demande de réception judiciaire des travaux,

CONDAMNE Monsieur [M] [O] et Madame [U] [O] à payer à la SARL ABC ENTRETIEN la somme de 25 225,91 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure du 16 juillet 2020,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

DEBOUTE la SARL ABC ENTRETIEN de sa demande de dommages et intérêts au titre du refus injustifié et abusif de réception des travaux et au titre de la rétention du solde du marché pendant plus de deux ans,

DEBOUTE Monsieur [M] [O] et Madame [U] [O] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral et de leur préjudice matériel,

CONDAMNE Monsieur [M] [O] et Madame [U] [O] d'une part, la SARL ABC ENTRETIEN d'autre part, aux dépens partagés par moitié entre les parties, comprenant les frais d’expertise judiciaire,

REJETTE les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 04 juin 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 22/05428
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;22.05428 ?
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