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04/06/2024 | FRANCE | N°21/07245

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 04 juin 2024, 21/07245


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE


PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 04 Juin 2024



Enrôlement : N° RG 21/07245 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZB5O

AFFAIRE : S.E.L.A.R.L. BAGNOLS & ASSOCIES (Me Denis GENTILIN)
C/ Me [Y] [D] (Me Guillaume MABRUT)


DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les part

ies ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Tho...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 04 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 21/07245 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZB5O

AFFAIRE : S.E.L.A.R.L. BAGNOLS & ASSOCIES (Me Denis GENTILIN)
C/ Me [Y] [D] (Me Guillaume MABRUT)

DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Juin 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Société BAGNOLS & ASSOCIES
SARL au capital social de 107.324,11 € N° SIRET 301 055 406 00021 SIRENE 301 055 406, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Denis GENTILIN, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

Maître [Y] [D]
né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 8]
de nationalité Française, huissier de Justice, domicilié en son étude [Adresse 7]

représenté par Maître Guillaume MABRUT, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Maître [D] a été nommé huissier de justice à [Localité 9] par arrêté du 25 septembre 1998. En décembre 2013 il a été nommé huissier de justice à [Localité 10].

Par arrêté du 23 novembre 2018, il a été nommé huissier de justice à la résidence de [Localité 6].

En janvier 2019 il a conclu avec la SCI FLOREAL un bail professionnel pour l'exercice de son activité à [Localité 4].

Par arrêté du 30 décembre 2019 son office a été transféré à [Localité 9].

Selon exploit du 16 juillet 2021 la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS a fait assigner maître [D].

Aux termes de ses dernières conclusions elle demande au tribunal de condamner maître [D] à régulariser son adresse, située aux Docks à [Localité 9], auprès de toutes autorités telles que les services des procureurs de la République du ressort, et pour le ressort de la cour d’appel, incluant celle-ci, en supprimant les références existantes à une étude à [Adresse 5] en date du 4 juin 2023 et à en justifier, le tout sous astreinte, et de condamner maître [D] à lui payer les sommes de 5.000 € de dommages et intérêts et 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que maître [D] n'a jamais eu d'adresse réelle à [Localité 4], le bail conclu ne correspondant qu'à une domiciliation administrative, mais que contrairement aux règles de la profession aucune plaque professionnelle n'y a jamais été apposée, que maître [D] a été référencé sur différents sites internet, et notamment sur le moteur de recherche « Google » en qualité d'huissier à [Localité 4] entretenant auprès de la clientèle une confusion sur son adresse, y compris au cours de l'année 2020 et jusqu'en 2022, alors qu'il n'a jamais exercé d'activité dans cette ville.

Maître [D] a conclu le 18 septembre 2023 au rejet des demandes formées à son encontre et à titre reconventionnel à la condamnation de la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS à lui payer la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs qu'il s'est effectivement installé à [Localité 4] en janvier 2019 jusqu'au 29 avril 2019, qu'il était dès lors fondé à en faire état sur des sites internet, la Chambre départementale des huissiers n'ayant relevé à son encontre aucun grief ni aucune faute. Il ajoute que les reproches qui lui sont faits, notamment l'absence de plaque professionnelle, ne sont pas justifiés, qu'en raison de la cessation de l’activité de son prestataire en communication ayant créé la visualisation digitale de son étude à [Localité 4] il a perdu l’ensemble des accès aux différentes plateformes sur lesquelles il apparaissait, de sorte que les modifications n'ont pu être faites qu'avec un retard qu'il n'a pu maîtriser, et qu'au 13 octobre 2022 aucune mention le concernant sur Internet ne fait état d'une adresse à [Localité 4].
Maître [D] conteste également tout détournement de clientèle de sa part, notamment dans les circonstances de rédaction d'un procès-verbal de constat au profit de monsieur [R], rappelant que même domicilié à [Localité 9] il gardait compétence pour instrumenter à [Localité 4]. Concernant la citation délivrée à la demande du procureur de la République, il soutient que celle-ci ne fait mention de son ancienne adresse qu'à la suite du défaut de mise à jour d'un fichier, et qu'en tout état de cause cette citation devait être signifiée à la SCP BAGNOL ET ASSOCIÉS qui ne pouvait se délivrer un acte à elle-même. Sur l'atteinte à l'image de la profession, il rappelle que la chambre départementale des huissiers n'a relevé aucun manquement à son égard et qu'en tout état de cause le préjudice allégué n'est pas démontré.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la concurrence déloyale :

La concurrence déloyale et le parasitisme consacrent des fautes susceptibles, dans les conditions fixées par l’article 1240 du Code civil, d’engager la responsabilité civile de leur auteur.

Ils supposent la démonstration d’une faute et d’un préjudice en lien de causalité direct avec celle-ci.

La faute en matière de concurrence déloyale s’apprécie au regard du principe général de libre concurrence qui est un principe fondamental des rapports commerciaux. Elle implique que tout acteur économique, ou en l'occurrence tout officier ministériel a la possibilité d’attirer à lui la clientèle de ses concurrents, dans le respect des règles régissant la profession, sans que ceux-ci puissent le lui reprocher. Ainsi, même si la reprise procure à celui qui la pratique des économies, elle ne saurait à elle seule être tenue pour fautive sauf à vider de toute substance le principe de liberté ci-dessus rappelé.

Il appartient donc à celui qui se plaint d’une concurrence déloyale de démontrer le caractère déloyal des méthodes développées par son concurrent.

Il en va de même du parasitisme qui suppose de démontrer l’existence d’actes de captation indue des efforts et investissements du concurrent.

Enfin et surtout, le demandeur doit démontrer l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

Concernant l'installation de maître [D] à [Localité 4], il résulte d'une lettre du président de la chambre régionale des huissiers de justice du 30 janvier 2019 que la chambre départementale en a été informée. La fermeture de l'office situé à [Localité 6] est pour sa part confirmée par l'extrait du répertoire SIRENE, avec une date du 3 janvier 2019.

La simple photographie non datée et non localisée d'un local professionnel et d'une sonnette au nom de « [D] » est insuffisante pour établir le caractère fictif d'une installation de maître [D] à [Localité 4] entre le 3 janvier et le 29 avril 2019. Celui-ci justifie d'ailleurs avoir conclu un bail professionnel en janvier 2019 avec la SCI FLOREAL.

Il ne peut dans ces conditions être reproché à maître [D] d'avoir fait apparaître une adresse à son nom à [Localité 4] au cours des quatre premiers mois de 2019.

En ce qui concerne la période postérieure au 29 avril 2019, la seule pièce ayant date certaine produite par le demanderesse est un procès-verbal de constat dressé le 24 septembre 2020 par un clerc habilité aux constats de la SCP d'huissiers FERES, MALES, RAYNAUD-SENEGAS, montrant qu'à cette date différentes recherches sur internet mentionnaient que maître [D] possédait des adresses professionnelles à [Localité 4], [Localité 9] et [Localité 6]. Le site « société.com » indiquait toutefois que l'établissement d'[Localité 4] était fermé depuis le 29 avril 2019.
Maître [D] indique d'ailleurs lui-même dans ses conclusions (page 4) avoir transféré son office à [Localité 9] le 29 avril 2019.

Maître [D] produit lui-même un procès-verbal de constat dressé par maître [M] le 16 mars 2023 dans lequel une recherche sur internet le fait apparaître comme étant domicilié au [Adresse 1] à [Localité 4].

Les autres captures d'écran ne pourront être retenues comme démontrant la persistance d'un référencement sur internet aux dates qui y sont mentionnées.
En effet ces dates ne sont pas établies à l'aide d'un moyen permettant d'en garantir la certitude, et en particulier de savoir s'il s'agit de la date de la rédaction de la page, de la date de consultation, de son éventuelle mise en mémoire ou de la date à laquelle la capture d'écran a été imprimée.

Il résulte encore d'un courriel de monsieur [R] du 17 avril 2020, que celui-ci, domicilié à [Localité 4], a cherché un huissier pour faire réaliser un constat, non produit aux débats. Ce courriel ne précise pas si monsieur [R] a cherché un huissier établi à [Localité 4], étant précisé que même installé à [Localité 9], maître [D] pouvait instrumenter à [Localité 4] en application de l'article 2 de l'ordonnance 2016-728 du 2 juin 2016.

Maître [D] a également réalisé le 2 décembre 2019 un procès-verbal de constat à [Localité 4], au profit de madame [U]. Il est bien spécifié dans ce procès-verbal que l'étude de maître [D] se trouve à [Localité 9]. Il s'ensuit qu'il pouvait, sans violer les règles de compétence territoriale qui viennent d'être rappelées, dresser un tel procès verbal dès lors que [Localité 9] et [Localité 4] se trouvent dans le ressort de la même cour d'appel.

La citation à partie civile signifiée le 11 mai 2021 à la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS l'a été, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de signification, par maître [M], même si le mandement de citation daté du 24 mars 2021 porte l'indication « maître [D] » avec une adresse à [Localité 4].

Ainsi et même si l'adresse de maître [D] à [Localité 4] a pu persister sur plusieurs sites et moteurs de recherche en ligne après le 29 avril 2019 et jusqu'au 16 mars 2023, il n'est pas démontré en l'état de ces éléments que celui-ci ait par ce moyen attiré de façon effective des clients de la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS.
Il n'est en particulier pas démontré, sur les deux seuls actes mis en évidence après le 29 avril 2019 dressé par le ministère de maître [D] (le procès-verbal de constat du 2 décembre 2019 et celui du 17 avril 2020) que monsieur [R] ou madame [U] aient en particulier fait le choix de cet huissier parce qu'il possédait un office à [Localité 4]. La citation à partie civile a pour sa part été signifiée par un autre huissier.

La SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS ne démontre donc pas l'existence d'un préjudice qu'elle aurait pu subir du fait du maintien sur les réseaux sociaux et internet d'une adresse de maître [D] à [Localité 4] postérieurement au 29 avril 2019. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par ailleurs la dernière pièce faisant état de mentions erronées concernant l'adresse de maître [D] à [Localité 4] est datée du 16 mars 2023. Il n'est donc pas établi qu'à ce jour de telles mentions persistent. En conséquence il n'y a pas lieu d'enjoindre à maître [D] de procéder à leur suppression.

Sur la demande reconventionnelle :

Maître [D] ne démontre pas que la présente instance aurait été engagée dans le but spécial de lui nuire ou avec une légèreté blâmable.

Il a été vu en effet qu'il a laissé persisté, postérieurement à son installation à [Localité 9], des mentions faisant état de son ancienne adresse à [Localité 4], même s'il n'en n'est résulté aucun dommage pour la demanderesse.

Dans ces conditions il ne peut être mis en évidence aucun abus du droit d'agir de la part de la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS et la demande reconventionnelle de maître [D] sera rejetée.

Sur les autres demandes :

La SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS, qui succombe à l'instance, en supportera les dépens.

Elle sera encore condamnée à payer à maître [D] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS de ses demandes ;

Déboute maître [Y] [D] de sa demande reconventionnelle ;

Condamne la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS à payer à maître [Y] [D] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL BAGNOL ET ASSOCIÉS aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 21/07245
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;21.07245 ?
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