La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/2024 | FRANCE | N°20/10707

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a1, 04 juin 2024, 20/10707


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024


Enrôlement : N° RG 20/10707 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YEOC


AFFAIRE : S.N.C. [Adresse 3] ( la SELARL RACINE)
C/ M. [H] [M] et Mme [D] [O] épouse [M] (la SCP COVADONGA FERNANDEZ Y MIRAVALLES & MARIE FRANCE GARCIA BAYAT)




DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :


Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,


A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 04 Juin 2024


PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Par Mad...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A1

JUGEMENT N°
du 04 Juin 2024

Enrôlement : N° RG 20/10707 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YEOC

AFFAIRE : S.N.C. [Adresse 3] ( la SELARL RACINE)
C/ M. [H] [M] et Mme [D] [O] épouse [M] (la SCP COVADONGA FERNANDEZ Y MIRAVALLES & MARIE FRANCE GARCIA BAYAT)

DÉBATS : A l'audience Publique du 02 Avril 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats :

Président : Madame Aurore TAILLEPIERRE,


Greffier : Madame Sylvie HOBESSERIAN,

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 04 Juin 2024

PRONONCE : Par mise à disposition au greffe le 04 Juin 2024

Par Madame Aurore TAILLEPIERRE, Juge

Assistée de Madame Sylvie HOBESSERIAN, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

LA S.N.C. [Adresse 3], inscrite au RCS de Marseille sous le numéro 821 319 357 et dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Armelle BOUTY de la SELARL RACINE, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [H] [C] [U] [S] [M], né le 30 novembre 1957 à [Localité 8],
et Madame [D] [O] épouse [M], née le 25 août 1959 à [Localité 2],
tous deux domiciliés et demeurant [Adresse 9]

représentés par Maître Marie-France GARCIA-BAYAT de la SCP COVADONGA FERNANDEZ Y MIRAVALLES & MARIE FRANCE GARCIA BAYAT, avocats au barreau de MARSEILLE, avocat postulant de Maître Patricia GIRAUD, avocat au barreau de Paris, [Adresse 1], qui a plaidé

***

EXPOSE DU LITIGE

La SNC [Adresse 3] a réalisé, en qualité de maître d’ouvrage, une opération dénommée « [Localité 5] GREEN ISLAND » consistant en la construction d’un ensemble immobilier de quatre bâtiments comportant 191 logements et 249 places de stationnement.

Par acte authentique du 29 octobre 2018, Monsieur et Madame [M] ont acquis en l’état futur d’achèvement un appartement T5 situé au 5ème étage du bâtiment A de cet ensemble immobilier, un emplacement de stationnement extérieur, un box double en infrastructure et une cave, moyennant le prix de 518.000 euros euros payable à hauteur de 30 % à la date de la signature de l'acte authentique, 5 % à l'achèvement des fondations, 20 % à l’achèvement du plancher bas du rez-de-chaussée, 15 % à la mise hors d'eau, 20 % au début des cloisons, 5 % à l'achèvement du second oeuvre et 5 % à la remise des clés.

Postérieurement à leur acquisition, ils ont sollicité la réalisation de travaux modificatifs et la SNC [Adresse 3] a adressé à Monsieur et Madame [M] un plan actualisé de leur appartement le 27 novembre 2018.

Les époux [M] ont été conviés à une visite de chantier de leur appartement en juillet 2019 et ont contesté par courriel du 13 juillet 2019 l'ajout d'un soffite volumineux abritant une gaine technique, sur le plafond du séjour et de l'entrée, à un emplacement différent de celui figurant sur les plans remis lors de la vente.
Ils ont mis en demeure le maître d’ouvrage de modifier les plans de l’appartement par courrier du 31 juillet 2019.

La SNC [Adresse 3] a objecté que l’existence du faux-plafond constituait une tolérance prévue dans l’acte de vente.

Les époux [M] ont refusé, en février 2020, la remise des clés de l'appartement au motif que le faux-plafond situé sur une partie du séjour ne figurait pas dans les plans de vente.

Les époux [M] ont pris livraison de leur appartement avec réserves le 12 mars 2020 et ont refusé de verser le solde du prix de vente restant à payer. Ils ont consigné auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations la somme de 25.900 euros, correspondant au solde du prix de vente.

****
 
Par acte extrajudiciaire en date du 9 novembre 2020, la SNC [Adresse 3] a assigné les époux [M] devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de paiement du solde du prix de vente et de déconsignation des fonds.

***

Dans ses conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 24 octobre 2023, la SNC [Adresse 3] demande au Tribunal de :

Vu les articles 1193 et suivants du code civil,
Vu les articles 1130 et 1137 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

- JUGER que le déplacement du soffite constitue une tolérance expressément visée à l’acte de vente et acceptée par les parties;
- JUGER que l’existence d’une non-conformité n’est pas rapportée ;
- JUGER que ni la preuve de l’existence d’un dol, ni celle d’un manquement au devoir d’information n’est rapportée ;
- JUGER que le préjudice invoqué par Monsieur [M] et Madame [M] n’est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum ;
- DEBOUTER Monsieur [M] et Madame [M] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et Madame [M] à payer à la SNC [Adresse 3] de la somme de 25.900 euros au titre du solde du prix de vente de l’appartement et des emplacements de parking ;
- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et Madame [M] sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à donner toutes instructions à la Caisse des Dépôts et Consignations en vue de procéder à la déconsignation des fonds qu’elle détient en vertu de la déclaration de séquestre du 3 avril 2020, et ce au bénéfice de la SNC [Adresse 3] ;
- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et Madame [M] à payer à la SNC [Adresse 3] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
- CONSTATER que l’exécution provisoire est de droit,
- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et Madame [M] au paiement de la somme de 3.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER in solidum Monsieur [M] et Madame [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Armelle BOUTY.

Elle souligne que le paragraphe 2° de l’article intitulé « Poursuite et achèvement de la construction » de l’acte de vente du 29 octobre 2018 relatif aux tolérances prévoit que seront admises de plein droit toutes modifications de structure et d’agencements intérieurs ayant pour but de résoudre un problème technique, notamment concernant les faux plafonds, cette tolérance étant rappelée au sein de la notice descriptive et sur le plan annexés à l’acte de vente. Aussi, les époux [M] ont été informés que les plans et descriptions figurant sur les documents contractuels étaient susceptibles d’être modifiés en raison de contraintes techniques. Elle ajoute que le plan actualisé a été transmis aux époux [M] par courriel du 27 novembre 2018, indiquant expressément l’ajout d’une zone technique de faux-plafond et la suppression de la gaine dans l’angle du séjour, sans réaction de leur part. Elle relève que le 10 juillet 2019, M. [M] a matérialisé son accord sur ce plan en y apposant la date et sa signature et que la hauteur sous le faux-plafond est de 220 cm, de sorte que l’appartement est tout à fait habitable.
Elle explique que le faux-plafond recèle une gaine qui alimente le ballon d’eau chaude thermodynamique de l’appartement, dès lors la suppression de cette gaine et du faux-plafond n’est pas envisageable et il n’est pas nécessaire de justifier d’une contrainte technique « nouvelle » pour que s’applique la clause de tolérance prévue à l’acte de VEFA. Elle fait état de la résistance abusive des défendeurs.
Elle mentionne que M. et Mme [M] ne démontrent ni que la SNC [Adresse 3] leur aurait intentionnellement caché le changement opéré sur le plafond du séjour, ni que la position du soffite au milieu de la pièce, tel que prévu sur le plan initial, était un élément déterminant de leur consentement.
Elle relève qu'elle n’a pas élaboré les plans de construction et de vente de l’immeuble, confiés au groupement chargé de la maîtrise d’oeuvre d’exécution des travaux, et n'est donc pas à l’origine des modifications techniques ayant présidé au changement d’emplacement de la gaine dans le séjour de l’appartement acquis par les époux [M], de sorte qu’elle ne pouvait en cacher intentionnellement l’existence. Aussi, les défendeurs ne démontrent pas qu'elle aurait eu effectivement connaissance de cette information dès le 9 octobre 2018 et qu’elle aurait disposé du plan modifié dès son établissement par la maîtrise d'œuvre.
En outre, les défendeurs n’ont jamais, au cours de leurs échanges avec la SNC [Adresse 3], fait état de l’importance du positionnement du soffite et n'ont émis aucune remarque sur sa modification, s'agissant d'un simple désagrément dont l’impact sur l’aménagement du séjour n’est d’ailleurs pas établi, et non d’un fait qui, s’il avait été connu d’eux, les auraient empêchés de contracter.
Elle conteste tout manquement à son obligation d'information et l'existence d'un préjudice indemnisable, le préjudice d’aménagement allégué n'étant pas démontré dans son principe ou dans son quantum.

***

Dans leurs conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 24 mai 2023, les époux [M] demandent au Tribunal de :

Vu les articles 1112-1, 1217, 1601-3, 1602 et 1604, 1130 et 1137 du Code Civil
Vu les articles L 261-11, R 261-1 et R 261-13 du Code de la construction et de l'habitation,

- DIRE ET JUGER Monsieur et Madame [M] recevables et biens fondés en leur demandes,
- DIRE ET JUGER que la SNC [Adresse 3] n’a pas respecté son obligation de délivrance conforme, en livrant à Monsieur et Madame [M] un appartement ne correspondant pas à la description contractuelle contenue dans l’acte de vente notarié du 29 octobre 2019 et ses annexes, suite au changement d’emplacement des soffites dans l'entrée et le séjour,
- En conséquence, ORDONNER en application de l’article 1217 du Code Civil, la diminution du prix de vente de l’appartement vendu par la SNC [Adresse 3] à Monsieur et Madame [M] suivant acte notarié en date du 29 octobre 2018,
- DIRE ET JUGER que la réfaction du prix de vente sera de 18.000 euros,
- A titre subsidiaire, DIRE ET JUGER que la SNC [Adresse 3] a commis un dol en ne communiquant pas, avant la signature de l’acte de vente le 29 octobre 2018 à Monsieur et Madame [M] et au notaire, le plan de l’appartement daté du 9 octobre 2018 comportant le changement d’emplacement des soffites dans le séjour et l'entrée de l’appartement,
- DIRE ET JUGER que la SNC [Adresse 3] a manqué à son obligation de renseignement et de conseil,
- DIRE ET JUGER que la SNC [Adresse 3] n’a pas contracté de bonne foi avec les époux [M],
- En conséquence, CONDAMNER la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur et Madame [M] la somme de 18.000 euros a titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elle leur a occasionné,
- CONDAMNER la SNC [Adresse 3] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la SNC [Adresse 3] aux entiers dépens,

Ils soutiennent que le manquement à l’obligation de délivrance conforme porte sur l’emplacement des soffites qui, dans les plans remis aux acquéreurs le jour de la signature de l’acte de vente, se situaient initialement dans la partie centrale du plafond du séjour et étaient positionnés de manière longitudinale. Or, ce n’est que le 27 novembre 2018, soit un mois et demi après la signature de l’acte notarié de vente, que la société a adressé un nouveau plan des lieux comportant de nombreuses annotations manuscrites désignant principalement les modifications souhaitées par les acquéreurs alors même qu'il était très difficile de localiser le nouvel emplacement des soffites/faux plafond, ceux-ci étant matérialisés par une zone hachurée peu visible.
Selon eux, le 13 juillet 2019, M. [M] a envoyé un courriel pour dénoncer leurs préjudices, aussi en signant le document, il n’a eu ni la conscience, ni le souhait de donner son consentement sur la modification litigieuse.
Ils affirment que le soffite dans son positionnement actuel traverse le mur arrière du séjour, limite considérablement les possibilités d'aménagement de cette pièce et diminue de façon très importante la hauteur sous plafond. Or, la hauteur sous plafond était un critère déterminant relatif à la pièce principale de l’appartement et l'explication de la SNC invoquant le ballon thermodynamique du logement pour tenter de justifier les changements n'est pas recevable puisque lors du dépôt du permis de construire, les plans initiaux de l’immeuble et de l’appartement comportaient nécessairement l’emplacement de l’ensemble de l’installation. Aussi, le changement de localisation des soffites dans le séjour et l'entrée n'est pas justifié par une contrainte technique nouvelle.
Ils ajoutent que l’obligation de délivrance du maître d’ouvrage donne lieu à réparation sur le terrain de l'inexécution contractuelle de droit commun et que la caractérisation d'un défaut de conformité est indépendante de l'existence d'un préjudice subséquent pour l'acquéreur.
Ils expliquent qu'ils ont été dans l’obligation de se départir du mobilier familial auquel ils tenaient et d’organiser son transport chez d’autres membres de la famille.
Ils font également état du dol et de la violation de l'obligation d'information de la SNC qui a sciemment attendu le 27 novembre 2018 pour révéler le changement aux acquéreurs, soit un mois après la signature de l’acte authentique de vente. Dès lors, la demanderesse les a laissé acquérir un appartement sur la base d’un plan daté de février 2018 qui venait d'être modifié 3 semaines plus tôt, de sorte que le bien livré ne correspondrait pas au descriptif figurant sur les plans annexés à l’acte de vente. Ils estiment que la SNC [Adresse 3] n’a pas contracté de bonne foi et que leur consentement a été vicié par cette rétention d’information.
En outre, l’annonce de ce changement a été noyée dans les autres modifications qui avaient été voulues par eux ; ni ce plan, ni le courriel d’accompagnement ne comportaient une quelconque cotation des soffites ; il était donc impossible de déterminer les dimensions et l'épaisseur de cette zone technique, la perte de la hauteur sous plafond en résultant et ils ne pouvaient pas en être informés en novembre 2017.
Enfin, le fait de ne pas avoir élaboré elle-même les plans de construction et de vente de l’immeuble ne décharge pas la société de son obligation d’informer les acquéreurs des modifications survenant pendant le cours de la construction, de recueillir leur accord à ce sujet et la révélation tardive des modifications actées dès le 9 octobre 2018 par la société, soit 20 jours avant la signature de l’acte authentique de vente, doit être qualifiée de fautive.

***

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 octobre 2023.

L'audience de plaidoiries s'est tenue le 2 avril 2024 et la décision a été mise en délibéré au 4 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé aux parties que les demandes présentées sous la forme de « dire et juger » et « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du Code civil.

I/ Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme

En application des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur en état futur d'achèvement est tenu de réaliser un immeuble conforme aux prévisions du contrat. Il s'agit de déterminer toute différence existant entre le bien tel qu'il a été promis au contrat et le bien tel qu'il est finalement livré à l'acquéreur.

La conformité de l’immeuble édifié est appréciée non seulement par référence aux stipulations du contrat de vente, c'est à dire l'acte de vente, ses annexes ou les documents auxquels l'acte s'est référé, mais également au regard des dispositions du permis de construire et des documents publicitaires lorsque, par leur présentation et leur précision, ceux-ci ont pu exercer une réelle influence sur le consentement de l’acquéreur.

Le seul constat d'un défaut de conformité aux prévisions contractuelles, quelle que soit son importance, caractérise un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme.

En l'espèce, il résulte des pièces communiquées que les époux [M] ont acquis de la SNC [Adresse 3] par acte authentique du 29 octobre 2018, en l'état futur d'achèvement, les lots de copropriété [Cadastre 6] (appartement de type T5 au 5e étage du bâtiment A), n°52 (box double dans le bâtiment A), n°56 (une cave au premier sous-sol) et [Cadastre 7] (un parking extérieur) dans l'ensemble immobilier GREEN ISLAND.

L'acte notarié précise en page n°31 « seront admises de plein droit toutes modifications de structure et d'agencement intérieurs ayant pour but de résoudre un problème technique (par exemple : poutres, retombées de poutres, soffites, faux-plafonds, joints de dilatation, gaines techniques), de compléter ou parfaire, soit l'effet architectural, soit l'harmonie de l'immeuble, et qui seraient apportées par le constructeur en accord avec l'architecte au cours des travaux ».
Le plan du lot n°121 daté du 26 février 2018 annexé à l'acte de vente laisse apparaître la présence d'un faux-plafond, dont les dimensions ne sont pas cotées, situé dans la partie centrale du plafond du séjour et de manière longitudinale, parallèle à la terrasse.

Postérieurement à la vente, le maître d'ouvrage a adressé par courriel du 27 novembre 2018 à M. [M] un plan modificatif de son logement annoté compte tenu des modifications sollicitées par les acquéreurs et l'a informé en ces termes « vous constaterez sur le plan, l'ajout d'une zone technique de faux plafond et la suppression de la gaine dans l'angle du séjour ». Ledit plan joint, daté du 9 octobre 2018 soit antérieurement à l'acte de vente, prévoit effectivement et clairement une nouvelle localisation du faux-plafond litigieux contre le mur Est du séjour et non plus au centre de cette pièce.

M. [M] a accusé réception de ce courriel dès le 27 novembre 2018 et a transmis la fiche de modification corrigée le 3 décembre 2018, sans faire état du changement de localisation du faux-plafond.

La fiche de visite du logement après cloisons signée le 10 juillet 2019 par les époux [M] ne mentionne aucune observation ni réserve quant au changement de positionnement du soffite. Le plan annexé matérialisant le déplacement du faux-plafond, non coté, le long du mur Est du séjour, a également été signé par l'acquéreur.

Les époux [M] se sont néanmoins plaints par courriel du 13 juillet 2019 puis par courrier recommandé du 31 juillet 2019 du passage d'une gaine technique très volumineuse dans le séjour le long du mur Est, constituant une non-conformité au plan annexé à l'acte de vente et abaissant le plafond disponible d'une dizaine de centimètres.

Le commissaire de justice mandaté par les époux [M] a constaté le 12 mars 2020, en présence d'un représentant du maître d'ouvrage, la présence d'un ballon thermodynamique dans un placard du couloir, une hauteur de 2,19 mètres du sol au coffrage dans le salon et une hauteur de 2,484 mètres du sol au plafond dans le salon.

L'ensemble de ces éléments établit que le positionnement du faux-plafond renfermant la gaine technique dans le lot des époux [M] diffère bien de celui prévu par le plan du 26 février 2018 annexé à l'acte authentique du 29 octobre 2018 et dûment communiqué aux acquéreurs.
L'analyse du plan modifié laisse apparaître que la modification est survenue le 9 octobre 2018, soit antérieurement à la vente, mais que les époux [M] n'ont en été informés que postérieurement, par courriel du 27 novembre 2018.
L'affirmation selon laquelle la SNC [Adresse 3] n'avait pas été informée de cette modification par le maître d'œuvre avant la signature de l'acte notarié apparaît totalement inopérante, dans la mesure où en sa qualité de maître d'ouvrage et de vendeur en l'état futur d'achèvement, il lui appartenait de réclamer aux architectes et locateurs d'ouvrage les plans et documents actualisés afin de les communiquer aux acquéreurs.

De même, le moyen selon lequel M. [M] aurait accepté le changement d'emplacement du faux-plafond le 10 juillet 2019 en signant le plan joint à la fiche de visite du logement ne peut être retenu, puisque l'engagement contractuel de la SNC [Adresse 3] résulte des stipulations de l'acte authentique de vente, des pièces et plans annexés à ce dernier et non de documents postérieurs. En effet, la signature d’un tel acte dans le cadre protecteur de la vente en l'état futur d'achèvement ne constitue en aucun cas un avenant contractuel matérialisant le consentement éclairé de l’acquéreur, d’autant plus que les époux [M] se sont plaints de cette modification par courriel du 13 juillet 2019 et que le plan signé le 10 juillet 2019 ne comporte aucunement la mention « bon pour accord » indiquée.
L'absence de réaction décrite par la société demanderesse n'est aucunement assimilable à un accord des acquéreurs.

Le vendeur n’a donc pas signalé ce changement avant la signature de l’acte authentique en adressant au notaire et aux acquéreurs le plan modifié du 9 octobre 2018 et il n'est nullement démontré que les époux [M] ont valablement donné leur accord pour cette modification.

Aussi, force est de constater que la localisation du soffite à la livraison du lot ne correspond pas aux prévisions contractuelles telles qu'issues du plan du 26 février 2018 annexé à l'acte authentique de vente.

La société demanderesse ne démontre aucunement, conformément aux stipulations contractuelles, l'existence d'un problème technique ayant justifié le changement d'emplacement du faux-plafond en question et ne produit aucune attestation, aucun rapport du constructeur ou du maître d'oeuvre ni aucun procès-verbal de chantier en ce sens. A ce titre, la notice descriptive du 16 mai 2017 également annexée à l'acte de vente mentionnait déjà l'installation d'un système de production d'eau chaude sanitaire individuel par chauffe-eau électrique thermodynamique sur air extrait.

Il s'ensuit que le changement de localisation du soffite abritant la gaine technique constitue indéniablement une non-conformité aux prévisions contractuelles de l'acte authentique de vente, caractérisant un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, cette seule inexécution étant à l'origine d'un préjudice pour les acquéreurs.

Le défaut de conformité, lorsqu'il ne génère pas de désordres décennaux, est sanctionné par application du droit commun de l'inexécution contractuelle et peut ainsi donner droit à indemnisation sous forme de dommages et intérêts, justifier une résolution judiciaire de la vente en raison d'un manquement suffisamment grave ou la mise en conformité de l'immeuble ou de la partie d'immeuble, avec ses accessoires et équipements.

En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Une aucune solution de mise en conformité aux prévisions contractuelles n'est proposée par les parties, seule une réfaction du prix de vente étant envisagée par les époux [M].

Il résulte des photographies communiquées et du procès-verbal de constat de commissaire de justice que le positionnement actuel du soffite engendre un abaissement du plafond de 29,4 centimètres le long du mur Est du salon et limite nécessairement les possibilités d'aménagement de cette pièce en empêchant d'y installer des meubles d'une hauteur supérieure.

Les époux [M] ont déploré, par courriel du 13 juillet 2019, par lettre recommandée du 31 juillet 2019 puis du 12 février 2020, l'impossibilité d'installer leur mobilier de famille le long du mur et dans l'entrée compte tenu de la hauteur sous plafond disponible à ces endroits.

Les défendeurs ne produisent aucune estimation immobilière permettant d'évaluer la perte de valeur de leur bien compte tenu de cette perte de volume. Les photographies non datées transmises ne permettent pas non plus d'établir les dimensions et la localisation des meubles en question. Toutefois, ils communiquent un devis établi par un menuisier-ébéniste portant sur la création de deux meubles empilés sur mesure, chiffrés entre 4000 et 7000 euros HT par pièce.

En conséquence, la réduction du prix de vente doit être évaluée à la moyenne TTC des coûts précités pour la réalisation des deux meubles, soit la somme de 12 100 euros TTC.

Il convient ainsi d'ordonner la diminution du prix de vente de l'appartement acquis par les époux [M] à hauteur de 12 100 euros.

Les moyens fondés sur l'existence d'un dol et d'un manquement à l'obligation de conseil du vendeur, formulés à titre subsidiaire, ne seront donc pas examinés par la présente juridiction.

II/ Sur la demande en paiement du solde du prix de vente et de déconsignation des fonds

Aux termes de l'article R. 261-14 du code de la construction et de l'habitation, les paiements ou dépôts ne peuvent excéder au total:
* 35 % du prix à l'achèvement des fondations;
* 70 % à la mise hors d'eau;
* 95 % à l'achèvement de l'immeuble.
Le solde est payable lors de la mise à la disposition du local de l'acquéreur; toutefois il peut être consigné en cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat.
Si la vente est conclue sous condition suspensive, aucun versement ni dépôt ne peut être effectué avant la réalisation de cette condition.
Dans les limites ci-dessus, les sommes à payer ou à déposer en cours d'exécution des travaux sont exigibles:
— soit par versements périodiques constants;
— soit par versements successifs dont le montant est déterminé en fonction de l'avancement des travaux.
Si le contrat prévoit une pénalité de retard dans les paiements ou les versements, le taux de celle-ci ne peut excéder 1 % par mois.

Ces paiements ne peuvent être opérés, conformément à cet échelonnement, que si les travaux sont valablement achevés, ce qui suppose qu'ils soient terminés, mais également conformes aux règles de l'art et aux stipulations du contrat.

Les époux [M] ont procédé le 3 avril 2020 à la consignation de la somme de 25 900 euros auprès de la caisse des dépôts et consignations, correspondant aux 5% du prix de vente de l'immeuble, soit le solde exigé par la société, en raison d'une contestation sur la non-conformité de l'appartement avec les prévisions du contrat du 29 octobre 2018.

Compte tenu de la non-conformité précitée et de la réfaction du prix de vente, il convient de condamner in solidum Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] épouse [M] à payer à la SNC [Adresse 3] la somme de 13 800 euros au titre du solde du prix de vente de l'appartement et des emplacements de parking.

Il convient également de condamner in solidum Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] épouse [M] à donner toutes instructions à la Caisse des dépôts et consignations en vue de procéder à la déconsignation des fonds qu'elle détient en vertu de la déclaration de séquestre du 3 avril 2020, et ce au bénéfice de la SNC [Adresse 3] à hauteur de la somme de 13 800 euros, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai d'un mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai d'un mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à la SNC [Adresse 3] de faire liquider l’astreinte.

III/ Sur la résistance abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La SNC [Adresse 3] échoue à démontrer l'existence d'une résistance abusive des époux [M], dans la mesure où la présente décision a bien retenu l'existence d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme du vendeur et ordonné la diminution du prix de vente.

Par conséquent, la SNC [Adresse 3] doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.

IV/ Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Aux termes de l'article 695.4° du code de procédure civile, les honoraires de l'expert entrent dans l'assiette des dépens.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.

Dans la mesure où une partie des demandes indemnitaires de la SNC [Adresse 3] d'une part, de la demande de diminution du prix de vente des époux [M] d'autre part, a été rejetée, chaque partie succombant in fine mais ayant également vu une partie de ses demandes accueillie, les dépens de l’instance seront partagés par moitié entre elles, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

Pour ces mêmes motifs, les demandes présentées au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

En application de l’article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à la présente instance, l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après audience publique, à juge unique, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la diminution du prix de vente de l'appartement constituant le lot [Cadastre 6] au sein de l'ensemble immobilier en copropriété GREEN ISLAND situé [Adresse 10], vendu par la SNC [Adresse 3] à Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] suivant acte authentique du 29 octobre 2018, à hauteur de 12 100 euros,

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] épouse [M] à payer à la SNC [Adresse 3] la somme de 13 800 euros au titre du solde du prix de vente de l'appartement et des emplacements de parking,

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] épouse [M] à donner toutes instructions à la Caisse des dépôts et consignations en vue de procéder à la déconsignation des fonds qu'elle détient en vertu de la déclaration de séquestre du 3 avril 2020, et ce au bénéfice de la SNC [Adresse 3] à hauteur de la somme de 13 800 euros, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter d’un délai d'un mois à partir de la signification du jugement, ladite astreinte courant dans un délai d'un mois passé lequel, à défaut d’exécution, il appartiendra à la SNC [Adresse 3] de faire liquider l’astreinte,

DEBOUTE la SNC [Adresse 3] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive,

CONDAMNE la SNC [Adresse 3] d'une part, Monsieur [H] [M] et Madame [D] [O] épouse [M] d'autre part, aux dépens partagés par moitié entre les parties, dont distraction au profit des avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre,

REJETTE les demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre civile section A1 du tribunal judiciaire de Marseille, le 04 juin 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a1
Numéro d'arrêt : 20/10707
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;20.10707 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award