TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
PREMIERE CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT N°24/208 DU 23 Mai 2024
Enrôlement : N° RG 23/03192 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3D3T
AFFAIRE : Mme [F] [V] épouse [I]( Me Ali BADECHE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE
DÉBATS : A l'audience Publique du 14 Mars 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur
Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette
En présence de PORELLI Emmanuelle, vice-procureur de la République
Vu le rapport fait à l’audience
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 23 Mai 2024
Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
Madame [F] [V] épouse [I]
[Adresse 3]
[Adresse 3], C/O Madame [U] [Z] ;
née le 12 Février 1974 à [Localité 7] (ALGERIE) ([Localité 7])
de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Ali BADECHE, avocat au barreau de MARSEILLE,
CONTRE
DEFENDEUR
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE - [Adresse 8]
dispensé du ministère d’avocat
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [V] [F] épouse [I] a sollicité la délivrance d’un certificat de nationalité française qui lui a été refusé par décision en date du 03 août 2016 aux motifs suivants:
"Vous revendiquez la nationalité française par filiation paternelle et produisez l'acte de naissance local de votre père qui mentionne un mariage célébré avec votre mère le 18/05/1963 et une dissolution par jugement du Tribunal d'instance d'Oran le 05/06/1965.
Or, ce même acte mentionne aussi un mariage du 10/01/1974.
L'acte de naissance local de votre mère mentionne quant à lui, outre le mariage du 18/05/1963 et la dissolution du 18/06/1965, un mariage célébré à [Localité 7] le 06/09/1977 et un divorce du 16/09/1979.
Il vous a été demandé de produire les actes de mariage et les copies certifiées conformes des jugements de divorce de vos parents.
En réponse, vous avez produit un acte de mariage transcrit le 06/09/1977 validant un mariage religieux célébré le 08/06/1965 à [Localité 7] ainsi qu'un certificat de divorce faisant état d'un mariage contracté le 06/12/1977.
Enfin vous produisez à I'appui de votre demande un acte de naissance dressé le 21/09/1974 sur la déclaration de votre mère, soit en dehors du délai légal prévu par l'article 61 de l'ordonnance n°70-20 du 19/02/1970 relative à l'Etat civil algérien (rendue applicable le 01/07/1972 par le décret du 07/06/1972).
Par conséquent, ces constatations ne permettent pas d'accorder de force probante aux actes produits (article 47 du Code Civil) et d'établir votre filiation paternelle".
Suivant exploit en date du 28 février 2023, Madame [V] [F] épouse [I] née le 12 février 1974 à [Localité 7], Algérie, a assigné le Procureur de la République devant le tribunal de céans aux fins de dire et juger qu’elle est de nationalité française, pour avoir conservé son statut civil de droit commun, par application de l’article 32-1 du Code Civil ; qu’en tant que descendante de Messieurs [V] [G] et [V] [R], elle est de nationalité française par filiation suivant les dispositions de l'article 23-1 du Code de la nationalité pour avoir bénéficié de l’effet collectif attaché à la naturalisation de son grand-père ; dire que la mention du jugement à intervenir sera portée en marge de son acte de naissance à l’Etat civil consulaire du Ministère des Affaires Etrangères à [Localité 6] conformément à l’article 28 du Code Civil.
Au soutien de ses demandes, elle fait valoir qu’elle revendique la nationalité française par filiation pour être descendante dans la lignée paternelle de Monsieur [V] [G], français, qui relève du statut civil de droit commun et a conservé la nationalité française postérieurement à l'accession à l'indépendance de l'Algérie, pour avoir bénéficié d'un décret d'admission à la qualité de citoyen français le 03 juin 1930; que ce statut a été transmis à son père, Monsieur [V] [R] ; qu’elle justifie être la fille de Monsieur [V] [R] et de Madame [Y] [A], née le 23 août 1942 à [Localité 9] (Algérie) ; que ses parents se sont mariés deux fois et ont divorcé à deux reprises ; qu’ils se sont mariés une première fois le 18 mai 1963 et ont divorcé le 05 juin 1965 ; qu’ils se sont remariés selon la coutume le 1er février 1970 ; que ce mariage a été retranscrit le 18 janvier 1974 ; qu’ils ont par suite divorcé selon décision rendue le 16 septembre 1979 par le tribunal d’Oran ; que par ordonnance en date du 21 avril 1979, il a été constaté que l’acte de mariage du 18 janvier 1974 avait été transcrit deux fois soit le 18 janvier 1974 et le 06 septembre 1977 ; que l’acte de mariage transcrit le 06 septembre 1977 a été annulé ; que les actes de naissance de ses parents ont par suite été rectifiés.
Le Procureur de la République n’a pas conclu.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2024 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 14 mars 2024.
MOTIFS :
Vu les dispositions de l’article 31-3 du Code civil,
En application de l’article 18 du Code civil, est français l’enfant né dont l’un des parents au moins est français.
En l’espèce, l’acte de naissance de Madame [F] [V] mentionne qu’elle est la fille de Monsieur [V] [R], né le 21 février 1937 à [Localité 4] (ALGERIE) et de Madame [A] [Y].
Il est établi par les pièces versées aux débats que Monsieur [R] [V] né le 21 février 1937 à [Localité 4] (ALGERIE) est le fils de Monsieur [G] [V] né le 18 janvier 1901 à [Localité 5] (ALGERIE), admis à jouir des droits de citoyen français en application du sénatus-consulte du 14 juillet 1865, selon décret présidentiel en date du 03 juin 1930.
Monsieur [R] [V] s’est vu délivrer un certificat de nationalité française délivré le 11 août 2010 sur le fondement des dispositions de l'article 23-1 du Code de la Nationalité issu de l'ordonnance du 19 octobre 1945, comme étant “enfant légitime né dans un ancien département français d'Algérie d'un père qui y est lui-même né” ; que “Monsieur [V] [R] a conservé de plein droit la nationalité française lors de l'accession à l'indépendance de l'Algérie. En effet, son père a été admis à la qualité de citoyen par décret le 03/06/1930".
Ainsi, Monsieur [R] [V], âgé de sept ans lorsque son père a acquis la nationalité française, est devenu français par effet collectif et n’était pas tenu de faire une déclaration recognitive de nationalité française.
S’agissant de l’acte de naissance de sa mère, Madame [A] [Y], il est mentionné, comme dans l’acte de naissance de Monsieur [R] [V] qu’ils se sont unis en mariage le 18 mai 1963 et ont divorcé le 05 juin 1965, puis qu’ils se sont remariés le 18 janvier 1974 puis ont à nouveau divorcé le 16 septembre 1979.
L’acte de mariage entre Monsieur [R] [V] et Madame [N] [M], enregistré sur les registres d’état civil de la mairie d’[Localité 7] sous référence N°[Numéro identifiant 2] le 06 septembre 1977 a été annulé par ordonnance du 21 avril 2019, puisqu’il s’agissait en réalité d’un second enregistrement à la commune d’[Localité 7] du mariage célébré le 18 janvier 1974 et enregistré à cette date sous le N°[Numéro identifiant 1].
En conséquence de ce qui précède, Madame [F] [V] établit qu’elle est française par filiation paternelle.
Les dépens seront laissés à la charge du Trésor public.
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
CONSTATE qu’il a été satisfait aux formalités de l’article 1040 du code de procédure civile ;
DIT que Madame [F] [V], née le 12 février 1974 à [Localité 7] (Algérie) est française par application de l’article 23-1 du code civil ;
ORDONNE la mention prévue à l’article 28 du code civil ;
DIT que les dépens seront mis à la charge du Trésor Public.
AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 23 Mai 2024
LE GREFFIERLE PRESIDENT