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14/05/2024 | FRANCE | N°22/12312

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 14 mai 2024, 22/12312


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 14 MAI 2024



Enrôlement : N° RG 22/12312 - N° Portalis DBW3-W-B7G-22GI

AFFAIRE : M. [P] [X], Mme [T] [L] ép. [X] (Me BENEFICE)
C/ S.A.S. PRO ELITE + (Me DAGOT), Cie d’ass.MIC INSURANCE COMPANY (Me BOUTY-DUPARC)





DÉBATS : A l'audience Publique du 23 janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la dat

e du délibéré a été fixée au 9 avril 2024 puis prorogée au 14 mai 2024



PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024

P...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 14 MAI 2024

Enrôlement : N° RG 22/12312 - N° Portalis DBW3-W-B7G-22GI

AFFAIRE : M. [P] [X], Mme [T] [L] ép. [X] (Me BENEFICE)
C/ S.A.S. PRO ELITE + (Me DAGOT), Cie d’ass.MIC INSURANCE COMPANY (Me BOUTY-DUPARC)

DÉBATS : A l'audience Publique du 23 janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 9 avril 2024 puis prorogée au 14 mai 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [P] [I] [J] [Y] [X]
né le [Date naissance 6] 1963 à [Localité 7]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]

Madame [T] [R] [L] épouse [X]
née le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 8]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]

tous deux représentés par Maître Ludivine BENEFICE, avocate au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DÉFENDERESSES

S.A.S. PRO ELITE +
immatriculée au RCS de Marseille sous le numéro 910 132 737
dont le siège social est sis [Adresse 1]
prise en la personne de son Président en exercice

représentée par Maître Claire DAGOT, avocate au barreau de MARSEILLE

Compagnie d’assurances MIC INSURANCE COMPANY
dont le siège social est sis [Adresse 4]
prise en la personne de son représentant légal

représentée par Maître Armelle BOUTY-DUPARC de la SELARL RACINE, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont acquis une maison d’habitation sise [Adresse 3].

Suivant devis accepté le 14 juin 2022, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont confié à la SAS PRO ELITE+ les travaux de rénovation de la maison pour un montant de 108.625 € TTC.

La SAS PRO ELITE+ a souscrit une police d’assurance de responsabilité civile et décennale auprès de la SA MIC INSURANCE COMPANY.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont emménagé dans la maison le 5 septembre 2022 alors que les travaux étaient inachevés.

Par courriel du 28 octobre 2022, la SAS PRO ELITE+ a soumis à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] un devis supplémentaire.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du même jour, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont mis en demeure la SAS PRO ELITE+ d’achever les travaux et notamment de livrer la baie-vitrée du salon/salle à manger.

Par courrier recommandé du 31 octobre 2022, la SAS PRO ELITE+ a conditionné au paiement des devis supplémentaires la reprise du chantier.

*

Autorisés par ordonnance du 8 décembre 2022, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont fait assigner à jour fixe pour l’audience du 24 janvier 2023 la SAS PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY.

Par conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2023, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] demandent au tribunal, sur le fondement des articles 1122, 1217, 1222 et 1231-1 et 1792 et suivants du code civil, de :
- déclarer recevables et bien-fondées les demandes des époux [X] formulées à l'endroit de la société PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY, ès qualité,
- à titre principal,
- déclarer que la société PRO ELlTE+ a commis une faute professionnelle engageant pleinement sa responsabilité civile professionnelle à l'endroit des époux [X] qui leur occasionne des préjudices directs et certains,
- prononcer la résiliation du marché de travaux du 29 avril 2022 aux torts exclusifs de la société PRO ELITE+ en raison de ses manquements professionnels, à compter du 28 octobre 2022,
- prononcer la mobilisation de la garantie de la SA MIC INSURANCE COMPANY, es qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle, à l'endroit des époux [X], qui devra couvrir le coût des travaux de reprise et d'achèvement du chantier ainsi que l'ensemble des préjudices subis,
- autoriser les époux [X] à faire terminer les travaux par des prestataires autres que la société PRO ELITE+,
- débouter la SA MIC INSURANCE COMPANY ès qualité, de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- débouter la société PRO ELITE + de l’ensemble de ses demandes, fin et conclusions contraires,
- condamner la société PRO ELITE + à verser aux époux [X] la somme de 137,89 TTC au titre des frais afférents au remplacement des serrures du portail extérieur et de la porte d'entrée de leur propriété,
- condamner in solidum la société PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY, ès qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle, à verser aux époux [X] :
- 36.870,57 € au titre des devis établis pour l'achèvement et la reprise des travaux,
- 300 € au titre de l'intervention de la société ALIZES PLOMB VENTIL,
- 9.398,95€ au titre des travaux de peinture suite au dégât des eaux du mois de décembre,
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance partiel,
- 4.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- à titre subsidiaire,
- débouter la société PRO ELITE + et la SA MIC INSURANCE COMPANY, es qualité, de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
- prononcer la réception judiciaire des travaux au 28 octobre 2022, date de la première mise en demeure de terminer le chantier des époux [X] à la société PRO ELITE +,
- prononcer la mobilisation de la garantie de la SA MIC INSURANCE COMPANY, es qualité d'assureur décennal et de bon fonctionnement des éléments d'équipement dissociables, à l'endroit des époux [X] qui devra couvrir l'ensemble des préjudices subis,
- condamner in solidum la société PRO ELITE+ et la société MIC INSURANCE COMPANY, ès qualité d'assureur décennale et de bon fonctionnement des éléments d'équipement dissociables, à verser aux époux [X] :
- 36.870,57 € au titre des devis établis pour l'achèvement et la reprise des travaux,
- 300 € au titre de l'intervention de la société ALIZES PLOMB VENTIL,
- 9.398,95 € au titre des travaux de peinture suite au dégât des eaux du mois de décembre,
- 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance partiel,
- 4.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
- en tout état de cause,
- condamner la société PRO ELITE + à relever et garantir les époux [X] du paiement de toute franchise conventionnelle qui leur serait opposable par la SA MIC INSURANCE COMPANY,
- prononcer l'exécution provisoire de droit parfaitement compatible avec la nature de l'affaire,
- condamner la société PRO ELITE+ au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens en ceux comprenant les frais d'huissier relatifs au procès-verbal de constat du 17 novembre 2022,
- déclarer que les sommes allouées aux époux [X] seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la date de mise en demeure du 28 octobre 2022,
- rejeter toutes demandes contraires.

Par conclusions notifiées par RPVA le 22 mai 2023, la SAS PRO ELITE+ demande au tribunal, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, 1217, 1227 et 1792-6 du code civil, de :
- à titre principal : rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] comme étant irrecevables en raison de la fin de non recevoir tirée de l’absence de justification de la mise en oeuvre de la clause de conciliation préalable prévue au marché de travaux,
- à titre subsidiaire :
- constater l’absence de faute imputable à la SAS PRO ELITE+ dans le cadre de l’exécution du marché de travaux et de ses avenants régularisés et acceptés par Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X],
- constater l’absence de démonstration des malfaçons qui seraient imputables à la SAS PRO ELITE+,
- constater l’absence de démonstration de préjudices qui seraient imputables à la SAS PRO ELITE+,
- rejeter l’exécution provisoire,
- condamner la SA MIC INSURANCE COMPANY à mobiliser les garanties souscrites par la SAS PRO ELITE+,
- rejeter l’ensemble des demandes et conclusions de la SA MIC INSURANCE COMPANY comme étant contraires,
- à titre reconventionnel :
- constater le manquement de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à leurs obligations contractuelles,
- ordonner la résiliation du marché à leurs torts exclusifs,
- prononcer la réception judiciaire du chantier à la date de la suspension des travaux, soit le 1er novembre 2022,
- condamner Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à payer les sommes suivantes :
- 9.979,20 € au titre du solde du marché,
- 2.717 € au titre de l’avenant D-220060,
- 11.627 € au titre des travaux supplémentaires du studio,
- 3.509 € au titre des travaux supplémentaires du local technique,
- 11.440 € au titre des travaux supplémentaires de ponçage + peinture,
- 9.322,50 € au titre des travaux supplémentaires de salle de bains,
- soit un total de 48.594,77 €,
- outre le paiement des pénalités de retard contractuelles à hauteur de 3 fois le taux d’intérêts légal à dater de l’exigibilité des factures jusqu’à paiement effectif,
- le tout avec anatocisme,
- condamner Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] au paiement de la somme de 13.945,80 € TTC au titre du dédommagement pour gains manqués, avec intérêts et anatocisme,
- condamner Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à permettre à la SAS PRO ELITE+ de récupérer le matériel lui appartenant et laissé sur le chantier sous astreinte de 1.000 € par refus constaté,
- ordonner l’exécution provisoire des demandes formulées par la SAS PRO ELITE+,
- condamner Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2023, la SA MIC INSURANCE COMPANY demande au tribunal de :
- juger que la police d’assurance souscrite par la SAS PRO ELITE+ n’est pas mobilisable,
- rejeter l’ensemble des demandes dirigées à l’encontre de la SA MIC INSURANCE COMPANY,
- subsidiairement,
- rejeter les demandes formées par Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à l’encontre de la SA MIC INSURANCE COMPANY au titre des devis des sociétés CLIMEO, O2 DC et AMG d’un montant global de 6.209 €,
- rejeter les demandes présentées par Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] au titre des dommages et intérêts au titre du prétendu préjudice de jouissance et moral,
- en tout état de cause,
- dire que les obligations de la SA MIC INSURANCE COMPANY devront tenir compte en toute hypothèse des franchises conventionnellement stipulées opposables à tout contestant à défaut de mise en jeu d’une quelconque garantie obligatoire,
- en cas de condamnation prononcée à l’encontre de la SA MIC INSURANCE COMPANY au titre du préjudice de jouissance allégué, faire application des franchises contractuelles,
- juger qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement,
- condamner tout succombant à payer à la SA MIC INSURANCE COMPANY la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens distraits au profit de Maître Armelle BOUTY.

Par jugement avant dire droit du 27 juin 2023, le présent tribunal a notamment :
- Déclaré recevable l’action de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à l’encontre de la SAS PRO ELITE+,
- Sursis à statuer sur l’intégralité des demandes,
- Ordonné une expertise,
- Commis [H] [C] pour y procéder.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont refusé de procéder à la consignation ordonnée par le tribunal. La SAS PRO ELITE+ n’y a pas davantage procédé malgré ses demandes reconventionnelles.

Les parties n’ont pas modifié leurs demandes depuis le jugement de réouverture des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de résiliation du marché

Suivant devis accepté le 14 juin 2022, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont confié à la SAS PRO ELITE+ les travaux de rénovation de la maison pour un montant de 108.625 € TTC. Le devis ne stipule aucun délai pour la réalisation des travaux.

Par courriel du 24 octobre 2022, la SAS PRO ELITE+ a interrogé Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] sur de nombreux points techniques et difficultés de livraison du carrelage et des baies vitrées.

Par courriel du 28 octobre 2022, la SAS PRO ELITE+ a soumis à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] un devis supplémentaire compte tenu d’une erreur de mesurage de la superficie de la terrasse. Elle s’est engagée à procéder à une rectification de la pente de la douche à l’italienne.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du même jour, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont mis en demeure la SAS PRO ELITE+ d’achever les travaux et notamment de livrer la baie-vitrée du salon/salle à manger. Ils ont visé les dispositions des articles L216-1 à L216-3 du code de la consommation et l’article 1610 du code civil pour dire qu’à défaut ils solliciteront la résolution du contrat.

Par courrier du 30 octobre 2022, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont déclaré à la SAS PRO ELITE+ accepter un devis supplémentaire de 500 € au titre de l’erreur de superficie de la terrasse.

Par courrier recommandé du 31 octobre 2022, la SAS PRO ELITE+ a réclamé le paiement de la somme de 14.300 € TTC suivant facture du 14 octobre 2022, outre celle de 2.717 € au titre de l’avenant D 220060. Elle a indiqué qu’à défaut de ce paiement, elle serait obligée de suspendre l’exécution du chantier conformément à l’article 13 des conditions générales du contrat.

Par courriel du 6 novembre 2022, Monsieur [P] [X] a indiqué être disposé à payer le montant des travaux sur le local technique, ainsi que la somme de 2.717 € au titre du parquet en plus.
La SAS PRO ELITE+ lui a répondu qu’il est indispensable que les fractures soient réglées pour qu’il puisse achever le chantier.

Par courrier officiel de leur avocat du 10 novembre 2022, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont mis en demeure la SAS PRO ELITE+ de terminer le chantier.

Dans le procès-verbal de constat du 17 novembre 2022 dressé à la demande de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] l’huissier déclare que :
- des bâches ont été installées pour pallier l’absence de pose de menuiseries au rez-de-chaussée, donnant sur des pièces à vivre de la maison,
- la pose de travertin sur la terrasse n’est pas achevée,
- la baie vitrée donnant sur la cuisine n’est pas à galandage à un seul vantail comme prévu et qu’elle n’est ni étanche à l’eau ni à l’air,
- le système de climatisation n’a pas été installé,
- la porte à galandage entre la cuisine et la salle d’eau du rez-de-chaussée n’a pas été installée,
- la salle d’eau n’est pas achevée, le WC n’ayant pas été posé et le carrelage n’étant pas terminé,
- les travaux d’électricité ne sont pas achevés,
- l’isolation derrière le chauffe-eau n’a pas été réalisée,
- le carrelage n’a pas été posé dans le garage, ce dernier n’étant pas isolé,
- les plinthes sont manquantes dans certaines pièces, ainsi que certaines finitions non réalisées comme dans l’escalier,
- la terrasse de l’étage n’est pas carrelée,
- des prises de la chambre ne fonctionnent pas et la porte à galandage se manipule difficilement,
- l’eau stagne dans un coin dans la douche à l’italienne et les carreaux de cette dernière ne sont pas uniformes,
- le silicone autour de la fenêtre de la salle d’eau n’a pas été posé,
- des auréoles sous la fenêtre de la cage d’escalier, ainsi que dans l’entrée de la maison, évoquant des infiltrations,
- la porte d’entrée de la maison n’a pas été remplacée,
- les détritus de chantier n’ont pas été débarrassés,
- l’interphone n’est pas fonctionnel.

Par courrier officiel du 23 novembre 2022, le conseil de la SAS PRO ELITE+ a mis en demeure Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] de payer la somme de 17.017 €, restée impayée malgré courrier du 31 octobre 2022.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] estiment que la SAS PRO ELITE+ a abandonné le chantier et réclament la résiliation du marché à ses torts exclusifs.

Pour sa part, la SAS PRO ELITE+ indique qu’elle a fait application de l’article 13 du contrat suivant lequel elle était fondée à suspendre ses travaux dans l’attente du paiement des sommes dues au regard de l’avancement des travaux.

La lecture de échanges entre les parties montrent que d’une part le chantier connaissait des retards en raison notamment de l’absence de livraison des baies vitrées du rez-de-chaussée et que d’autre part l’absence de paiement par les maîtres d’ouvrage des factures présentées mettait la SAS PRO ELITE+ en difficulté pour poursuivre les travaux.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] estiment qu’ils avaient payé au delà du taux d’avancement des travaux. Toutefois, cette argumentation n’est pas vérifiable en l’absence de rapport d’expertise, seul susceptible d’évaluer le taux d’avancement du chantier au 14 octobre 2022, date de la facture non acquittée.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] sont défaillants à démontrer l’abandon de chantier de la SAS PRO ELITE+, alors que cette dernière se déclare dans ses courriers disposée à terminer le chantier.

La SAS PRO ELITE+ réclame également la résiliation du marché aux torts exclusifs de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X].

Or, les torts exclusifs de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ne sont pas susceptibles d’être reconnus dans la mesure où au 1er novembre 2022 la maison n’était toujours pas hors d’eau et hors d’air, les baies-vitrées n’étant pas encore posées.

Il convient de résilier le marché au 1er novembre 2022, aux torts partagés des parties.

Il n’y a pas lieu d’autoriser explicitement Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] de poursuivre les travaux avec des tiers.

Sur la demande de prononcé de la réception des travaux

L’article 1792-6 al 1er du Code civil énonce que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l’espèce, les maîtres d’ouvrage et la SAS PRO ELITE+ réclament que soit prononcée la réception des travaux.

Or, il a été constaté que le procès-verbal de constat du 17 novembre 2022 montre que les baies vitrées du rez-de-chaussée n’étaient pas posées, la maison n’étant toujours pas hors d’eau et hors d’air. Par ailleurs, de très nombreux postes de travaux n’étaient pas achevés.

Les parties ont fait le choix de ne pas consigner et de ne pas participer à l’expertise ordonnée par le tribunal, alors que seule une telle mesure aurait permis de faire la liste des travaux exécutés et restant à exécuter et de permettre au tribunal d’avoir une appréciation sur la possibilité de prononcer une réception et avec quelles réserves précises.

En l’état, la demande de réception judiciaire ne pourra qu’être rejetée.

Sur les demandes de condamnation de la SAS PRO ELITE+ au bénéfice de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X]

L’article 1231-1 du Code civil énonce que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

- Sur les frais aux fins d’achèvement des travaux

En l’espèce, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] réclament le paiement des devis qu’ils ont fait établir pour procéder à la fin des travaux.

Toutefois, l’absence d’expertise judiciaire les prive de la possibilité de démontrer le montant des travaux payés non réalisés par la SAS PRO ELITE+, alors qu’ils reconnaissent qu’ils n’ont pas honoré toutes les factures réclamées par cette dernière.

L’expertise aurait permis d’évaluer précisément le montant payé par eux sans contre-partie et de déterminer quelles factures engagées avec des tiers sont susceptibles d’être imputées à la charge de la SAS PRO ELITE+.

Ils ne pourront qu’être déboutés de leurs demandes relatives aux devis de travaux à réaliser pour achever le chantier.

- Sur les désordres allégués

S’agissant des désordres qu’ils évoquent, ils produisent des photographies datées du 22 décembre 2022 qui montrent une aggravation des infiltrations dans l’entrée, située sous la salle de bains. Des infiltrations sont apparues également dans la chambre de l’étage située contre la salle d’eau.
Des photographies du 31 janvier 2023 montrent une aggravation de la dégradation du placo de diverses pièces.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont fait intervenir la société ALIZES PLOMB’VENTIL’ du 15 décembre 2022 pour une recherche de fuite, qui a facturé à 300 € TTC son intervention, concluant à une fuite sur l’alimentation de la robinetterie de la baignoire dans la salle de bain de l’étage.

Cette facture est justifiée dans la mesure où les désordres sont démontrés par les photographies produites. La responsabilité contractuelle de la SAS PRO ELITE+ sur ce désordre sera retenue compte tenu du manquement à son obligation de résultat sur cette prestation.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] réclament le remboursement de la facture de société BESSON CONCEPTION du 3 avril 2023 au titre des reprises des malfaçons. Cette facture comporte divers postes de travaux, dont la reprise de placo suite au dégât des eaux et la remise en peinture. Ces travaux seront indemnisés à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à hauteur de 467,50 + 1.237,50 + 734,50 + 880 + 370,50 + 450 = 4.140 € TTC.

La SAS PRO ELITE+ sera alors condamnée à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 300 + 4.140 = 4.440 € TTC au titre du dégât des eaux.

Le lien de causalité entre le reste des travaux apparaissant sur cette facture et la responsabilité de la SAS PRO ELITE+ n’est pas établi.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] se prévalent ensuite d’autres malfaçons dans la maison, sur l’électricité et divers autres postes de travaux.
Cependant, afin de les établir, ils se bornent à produire, outre le procès-verbal de constat de commissaire de justice, diverses attestations rédigées par des professionnels venus faire des devis. Ces attestations n’ont aucune valeur probante et seule une expertise aurait été de nature à établir contradictoirement ces désordres.

En l’état, Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ne peuvent qu’être déboutés de leurs demandes à ce titre.

- Sur les frais de remplacement de la serrure du portail et de la porte d’entrée

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] font valoir que la SAS PRO ELITE+ a conservé des clés du portail et de la porte d’entrée qu’ils ont dû procéder au changement de ces serrures.

La SAS PRO ELITE+ n’apporte aucune contestation sur ce point.

La somme de 137,89 € TTC sera allouée à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X].

- Sur les dommages et intérêts

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] se prévalent d’un préjudice de jouissance du fait du retard dans l’exécution du marché et du fait qu’ils ont dû emménager dans une maison non achevée et non fermée par des baies vitrées.

Il convient de constater toutefois qu’aucun délai d’exécution du marché n’était stipulée dans le devis contrairement à ce que déclarent Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X]. Ces derniers versent une attestation de Madame [U] [F], agent immobilier qui leur a vendu la maison, suivant laquelle les travaux devaient être réalisés en deux mois et seraient finis mi-août. Toutefois, cette attestation n’est pas de nature à démontrer que la SAS PRO ELITE+ s’est réellement engagée à réaliser l’intégralité des travaux en deux mois au cours de l’été.

Par ailleurs, la lecture des échanges de SMS entre les maîtres d’ouvrage et la SAS PRO ELITE+ montre qu’en juillet 2022 Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] n’avaient pas réalisé les déclarations de travaux nécessaires pour la création des baies vitrées et de la piscine, induisant un retard dans l’exécution de ces postes.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] ont fait le choix délibéré de s’installer dans la maison dans les conditions décrites le 5 septembre 2022. En l’absence d’engagement de la SAS PRO ELITE+ à achever les travaux à cette date, ils ne sont pas fondés à lui opposer leur installation prématurée dans la maison, cette installation étant par ailleurs de nature à nuire à la bonne exécution des travaux restant à effectuer.

Ils seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance.

S’agissant du préjudice moral, cette demande sera également rejetée.

Sur la garantie de la SA MIC INSURANCE COMPANY

La SAS PRO ELITE+ avait souscrit auprès de la SA MIC INSURANCE COMPANY une garantie :
- responsabilité civile exploitation pendant les travaux,
- responsabilité civile après livraison,
- obligatoire décennale,
- biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement dissociables.

Les désordres indemnisés relatifs aux fuites de la robinetterie ne sont pas susceptibles de recevoir une nature décennale en l’absence de réception des travaux.

La garantie décennale ne peut donc pas être mobilisée. Il en va de même pour la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement dissociables.

S’agissant de la garantie responsabilité civile exploitation pendant les travaux, le contrat définit cette garantie comme celle des conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l’assuré en raison des dommages causés aux tiers, résultant de faits dommageables survenus du fait de l’exercice des seuls activités assurées décrites aux conditions particulières.

Cette garantie contient une garantie pour les dommages causés aux existants. Aucune des exclusions de garantie relative à cette garantie n’est applicable au présent litige. Les frais engagés pour remettre en état le placo et la peinture ne sont pas des frais pour réparer, parachever ou refaire le travail de plomberie.

Cette garantie est alors mobilisable pour les travaux de reprise de placo et de peinture à la suite du dégât des eaux.

La SAS PRO ELITE+ sera condamnée in solidum avec la SAS PRO ELITE+ à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 4.440 € au titre des conséquences du dégât des eaux.

La SA MIC INSURANCE COMPANY pourra opposer sa franchise contractuelle.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS PRO ELITE+

La SAS PRO ELITE+ réclame la condamnation de Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à leur régler le solde du marché et des travaux supplémentaires, avec pénalités de retard, outre une indemnisation du manque à gagner pour les travaux qu’elle aurait dû terminer de réaliser.

Toutefois, la SAS PRO ELITE+ a fait le choix de ne pas consigner la provision pour les frais d’expertise à la place des maîtres d’ouvrage alors qu’elle avait également intérêt à voir cette expertise se réaliser, car elle aurait permis d’évaluer le montant des travaux réalisés et de faire les comptes entre les parties.

En l’état des contestations respectives des parties et du peu de pièces sur l’avancement exact des travaux et de l’impossibilité pour le tribunal d’évaluer le montant des travaux réellement réalisés et de statuer sur les travaux supplémentaires acceptés, les demandes reconventionnelles de la SAS PRO ELITE+ ne pourront qu’être rejetées.

Sur la demande de la SAS PRO ELITE+ aux fins de restitution de son matériel resté sur place

La SAS PRO ELITE+ déclare que du matériel est resté sur les lieux. Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] contestent cette déclaration.

Toutefois, il apparaît plausible que les conditions de fin de relations contractuelles entre les parties aient rendu possible le maintien d’outils ou matériel sur les lieux.

Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] seront condamnés à restituer à la SAS PRO ELITE+ le matériel qu’elle est susceptible d’avoir pu laisser sur place. Selon les dires de la SAS PRO ELITE+, il s’agit d’une échelle télescopique, d’un niveau à laser Bosch et d’une perceuse visseuse Makita.

Il n’y a pas lieu de fixer une astreinte au soutien de cette condamnation dans la mesure où la SAS PRO ELITE+ n’établit pas avec certitude du maintien de ces objets chez Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X].

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.

La SAS PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY seront tenues in solidum des dépens.

Il doit être rappelé que les frais de constat ne sont pas inclus dans les dépens mais sont pris en compte au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.
La somme allouée au titre du 2° ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %.

En l'espèce, la SAS PRO ELITE+ sera condamnée à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Aucune circonstance ne justifie d’écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats en audience publique par jugement mis à la disposition des parties au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Ordonne la résiliation du marché conclu entre Monsieur [P] [X], Madame [T] [L] épouse [X] et la SAS PRO ELITE+ aux torts partagés des parties,

Rejette la demande de déclaration de réception judiciaire,

Condamne in solidum la SAS PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 4.440 € au titre des conséquences du dégât des eaux,

Condamne la SAS PRO ELITE+ à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 137,89 € TTC au titre des changements de serrures,

Dit que ces condamnations sont assorties des intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Dit que la SA MIC INSURANCE COMPANY pourra opposer sa franchise contractuelle,

Déboute Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] du surplus de leurs demandes,

Condamne Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] à restituer à la SAS PRO ELITE+ les outils laissés sur le chantier, en l’espèce une échelle télescopique, d’un niveau à laser Bosch et d’une perceuse visseuse Makita,

Dit n’y avoir lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte,

Déboute la SAS PRO ELITE+ du surplus de ses demandes,

Condamne in solidum la SAS PRO ELITE+ et la SA MIC INSURANCE COMPANY aux dépens,

Condamne la SAS PRO ELITE+ à payer à Monsieur [P] [X] et Madame [T] [L] épouse [X] la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit n’y avoir lieu d’écarter le bénéfice de l’exécution provisoire.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATORZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 22/12312
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;22.12312 ?
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