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14/05/2024 | FRANCE | N°22/11698

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab a4, 14 mai 2024, 22/11698


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 14 MAI 2024



Enrôlement : N° RG 22/11698 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2X4U

AFFAIRE : M. [M] [V] (Me PONTIER)
C/ Mme [L] [N] (Me INNOCENTI)





DÉBATS : A l'audience Publique du 23 janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 9 avril 2024 puis prorogée au 14 mai 2024 <

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PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A

JUGEMENT N°24/
du 14 MAI 2024

Enrôlement : N° RG 22/11698 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2X4U

AFFAIRE : M. [M] [V] (Me PONTIER)
C/ Mme [L] [N] (Me INNOCENTI)

DÉBATS : A l'audience Publique du 23 janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Présidente : Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Greffière : Madame Pauline ESPAZE

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au 9 avril 2024 puis prorogée au 14 mai 2024

PRONONCÉ : Par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024

Par Madame Nathalie YON-BORRIONE, Vice-présidente
Assistée de Madame Pauline ESPAZE, Greffière

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [M] [V]
né le 29 février 1944 à [Localité 2] (89)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Sylvain PONTIER de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DÉFENDERESSE

Madame [L] [N]
née le 21 octobre 1950 à [Localité 3] (84)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître David INNOCENTI, avocat au barreau de MARSEILLE

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [M] [V] est propriétaire d'une habitation, située [Adresse 1]) dans un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété.

Madame [L] [N] est propriétaire d'un lot de la même copropriété. Elle est la voisine immédiate de Monsieur [V]. Leurs domiciles sont accolés et leurs jardins séparés par un mur dont la mitoyenneté n'est pas contestée.

Monsieur [V] estime subir depuis 2021 des troubles anormaux du voisinage en raison de l'installation par Madame [N], d'un treillis en bois en surplomb du mur mitoyen, lequel supporte des plantations.

Monsieur [V] a adressé le 17 mai 2021 un premier courrier à Madame [N] l'enjoignant de retirer cette installation.

Le 26 novembre 2021, Madame [P], conciliatrice de Justice, a dressé un procès verbal d'échec de la tentative de conciliation dans le cadre d’une précédente action judiciaire.

*

Suivant exploit du 21 mars 2022, Monsieur [M] [V] a fait assigner Madame [L] [N] devant la juridiction de proximité du tribunal judiciaire de Marseille.

Par soit-transmis du 22 novembre 2022, le pôle de proximité a transmis la procédure à la 3ème chambre A du tribunal judiciaire de Marseille, relevant que Monsieur [V] formule une demande indéterminée, fondée pour partie sur des troubles du voisinage.

Par ordonnance du 11 avril 2023, le juge de la mise en état a enjoint les parties de rencontrer un médiateur.

Par courrier du 23 juin 2023, Madame [Z], médiatrice, a informé le Juge de la mise en état que Monsieur [M] [V] ne s’était pas présenté à la réunion du 22 mai 2023, malgré plusieurs relances.

Par conclusions notifiées par RPVA le 14 février 2023, Monsieur [M] [V] demande au tribunal de :
- prendre acte que le treillis en bois et la végétation afférante posée par Madame [N] en surplomb du mur mitoyen ne respectent pas les dispositions légales et réglementaires,
- prendre acte de l'échec des démarches amiables entreprises par Monsieur [V] pour résoudre le litige,
- juger que Madame [N] est à l'origine d'un trouble anormal de voisinage du fait de l'installation du treillis en bois et de la végétation afférente sur le mur mitoyen,
- juger que ce trouble du voisinage cause un préjudice direct et certain à Monsieur [V], caractérisé par un trouble de jouissance sur sa propriété,
- condamner Madame [N] à remettre en état d'origine le mur mitoyen en retirant le treillis installé et les plantes invasives afférentes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du mois suivant la décision à intervenir,
- condamner Madame [N] à verser à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de la réparation de son préjudicie de jouissance,
- condamner Madame [N] à verser à Monsieur [V] la somme de 1000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral,
- condamner Madame [N] à verser à Monsieur [V] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [N] aux entiers dépens

Par conclusions notifiées par RPVA le 27 octobre 2023, Madame [N] demande au tribunal de:
- débouter Monsieur [M] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Monsieur [M] [V] à payer à Madame [L] [N] la somme de 1500 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
- condamner Monsieur [M] [V] à payer à Madame [L] [N] la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [M] [V] aux dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 28 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de remise en état de Monsieur [M] [V]

Il est constant que nul ne peut causer à autrui de trouble anormal du voisinage.

Le droit d’un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à la propriété d’autrui aucun dommage excédant les inconvénients anormaux du voisinage.

Il s’agit d’une responsabilité sans faute à laquelle est tenue le maître de l’ouvrage en tant que voisin occasionnel, du seul fait de l’apparition du trouble excédant les inconvénients anormaux du voisinage.

L’article 671 du Code civil énonce qu’il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers.

En l’espèce, Monsieur [M] [V] produit des photographies en noir et blanc qui montrent qu’un treillis en bois dépasse du mur mitoyen et que sur ce dernier poussent des végétaux grimpants, qui ne sont soumis à aucune réglementation de distance par rapport aux limites de propriété suivant les termes de l’article 671 du Code civil.

Il est notable de constater que Monsieur [M] [V] n’apporte aucune mesure au sujet de la hauteur du mur réhaussé par ce treillis, qui prend appui sur le mur du côté de la propriété de Madame [L] [N].

Les photographies montrent qu’il s’agit d’une installation légère destinée à laisser pousser de la végération à titre de brise vue.

Monsieur [M] [V] estime que cette installation était soumise à demande d’autorisation préalable par la copropriété car elle porte selon lui atteinte à l’harmonie de l’immeuble telle qu’évoquée dans l’article 11 du règlement de copropriété.

Toutefois, les photographies produites ne caractérisent aucune atteinte à cette harmonie et le règlement de copropriété ne soumet à aucune autorisation préalable de tels aménagements paysagés.

L'article 9 du règlement de copropriété stipule que chaque copropriétaire aura le droit de jouir comme bon lui semble des parties privatives comprises dans son lot, à la condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires et de ne rien faire qui puisse compromettre la solidité ou la sécurité de l'immeuble ou porter atteinte à sa destination.

Monsieur [M] [V] n’apporte aucune pièce de nature à démontrer que cette installation nuit à ses droits.

En conséquence, Monsieur [M] [V] ne démontre pas que ce treillis végétalisé viole les dispositions du code civil et du règlement de copropriété.

Par ailleurs, il n’établit pas que ce dernier lui cause un trouble anormal du voisinage, l’aspect inesthétique invoqué étant certes subjectif mais en l’espèce parfaitement contestable.

Monsieur [M] [V] sera débouté de sa demande de remise en état du mur.

Sur les demandes de dommages et intérêts de Monsieur [M] [V]

Monsieur [M] [V] fait valoir un préjudice de jouissance et un préjudice moral en lien avec l’installation. Toutefois, ayant succombé en sa démonstration de la responsabilité de Madame [L] [N], il ne pourra qu’être débouté de ces deux demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts de Madame [N] au titre de la procédure abusive

L'abus de droit peut être caractérisé dès que la personne qui en est titulaire en outrepasse l'exercice dans le dessein de nuire à autrui, ce qui conduit à le détourner de sa finalité, ou lorsqu'une personne l' utilise sans motif légitime, voire de manière inutile.

La mise en œuvre de l'abus de droit répond aux mécanismes de la responsabilité civile délictuelle. Dè lors qu'une personne dépasse les limites d'exercice de son droit, sa responsabilité est engagée, l'abus impliquant une faute.

En l'espèce, il a été constaté que l’installation de Madame [L] [N] répondait à toutes les exigences légales et résultant du règlement de copropriété et que Monsieur [M] [V] n’établissait pas en quoi cette dernière était susceptible de lui porter préjudice.

Les pièces et courriers montrent un acharnement de ce dernier à l’égard de sa voisine alors même qu’il n’établit aucune gêne ni aucun préjudice.

Alors qu’il était obligé par décision du juge de la mise en état de se présenter à une réunion d’information à la médiation, il n’a pas comparu. Il doit être rappelé à ce sujet que l’information de l’absence de comparution d’une partie à cette réunion n’est pas soumise au secret et que le médiateur doit aviser le juge d’une telle situation.

Il convient de dire que l’attitude procédurale de Monsieur [M] [V] est abusive.

Il sera condamné à payer à Madame [L] [N] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

L'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une partie à la charge de l'autre partie.
Succombant en l’intégralité de ses demandes, Monsieur [M] [V] sera tenu des dépens.

Il résulte de l'article 700 du code de procédure civile que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

En l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [L] [N] la totalité des frais irrépétibles qu'elle a pu engager et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Monsieur [M] [V] sera condamné à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,

Déboute Monsieur [X] [V] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne Monsieur [M] [V] à payer à Madame [L] [N] la somme de 500 euros à titre de dommages intérêts,

Condamne Monsieur [M] [V] aux dépens,

Condamne Monsieur [M] [V] à payer à Madame [L] [N] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ PAR MISE À DISPOSITION AU GREFFE DE LA TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATORZE MAI DEUX MIL VINGT QUATRE.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab a4
Numéro d'arrêt : 22/11698
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;22.11698 ?
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