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07/05/2024 | FRANCE | N°24/02393

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 9ème chambre jex, 07 mai 2024, 24/02393


MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 24/02393 - N° Portalis DBW3-W-B7I-4P7A
AFFAIRE : [S] [X], [P] [T] épouse [X] / [W] [D], [K] [O], S.A.S. LCS ET ASSOCIES - NOTAIRES DU [Adresse 17], [H] [G], S.C.P. DE NOTAIRES [G] - ROUVIER, S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier





DEMANDEURS

Monsieur [S] [X]
né le 27 Décembr

e 1961 à [Localité 21] (13),
demeurant [Adresse 23]

représenté par Maître Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au bar...

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 24/02393 - N° Portalis DBW3-W-B7I-4P7A
AFFAIRE : [S] [X], [P] [T] épouse [X] / [W] [D], [K] [O], S.A.S. LCS ET ASSOCIES - NOTAIRES DU [Adresse 17], [H] [G], S.C.P. DE NOTAIRES [G] - ROUVIER, S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

DEMANDEURS

Monsieur [S] [X]
né le 27 Décembre 1961 à [Localité 21] (13),
demeurant [Adresse 23]

représenté par Maître Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [P] [T] épouse [X]
née le 02 Avril 1962 à [Localité 21] (13),
demeurant [Adresse 23]

représentée par Maître Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDEURS

Monsieur [W] [D]
né le 31 Mars 1948 à [Localité 14] (Algérie),
domicilié : [Adresse 1]

représenté par Maître Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE (avocat plaidant) et Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE (avocat postulant)

Monsieur [K] [O]
né le 22 Juin 1970 à [Localité 19] (13),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE (avocat plaidant) et Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE (avocat postulant)

S.A.S. LCS ET ASSOCIES - NOTAIRES DU [Adresse 17],
dont le siège social est sis [Adresse 20]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Maître Philippe KLEIN de la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d’AIX EN PROVENCE (avocat plaidant) et Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE (avocat postulant)

Monsieur [H] [G]
né le 11 Octobre 1960 à [Localité 21] (13),
domicilié en son Etude [Adresse 16]

représenté par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.C.P. DE NOTAIRES [G] - ROUVIER,
dont l’Etude est sise [Adresse 16]

représentée par Maître Thomas D’JOURNO de la SELARL PROVANSAL D’JOURNO GUILLET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 379 502 644
dont le siège social est sis [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
venant au droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) inscrite au registre du commerce et de sociétés de Lyon sous le numéro 391 563 939 dont le siège social est [Adresse 12], suite à fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015, elle même venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA) suite à fusion par absorption selon procès verbal d’AGE et d’AGO en date du 24 décembre 2007

représentée par Maître Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 28 Mars 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Déclarant agir en vertu de
- un acte de prêt n°300004000138783 en date du 13/11/2007 reçu par Maître [D], notaire associé à [Localité 13]
- un acte de prêt n°300004000099467 en date du 29/11/2006 reçu par Maître [O], notaire associé à [Localité 13]
- un acte de prêt n°300004000094888 en date du 30/10/2006 reçu par Maître [D], notaire associé à [Localité 13]
- un acte de prêt n°300004000145872 en date du 12/12/2007 reçu par Maître [G], notaire associé à [Localité 21]
la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD) venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) suite à une fusion absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015 elle-même venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA) suite à une fusion par absorption selon procès-verbal d’AGE et d’AGO du 24 décembre 2007 a fait inscrire le 11 janvier 2024 une hypothèque judiciaire provisoire sur les droits qu’[S] [X] et [P] [T] épouse [X] détiennent sur un appartement situé dans une résidence “[Adresse 18]" sise [Adresse 6] à [Localité 21] figurant au cadastre section 839 K n°[Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11] n°[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] pour garantir une créance évaluée à 700.000 euros.

Cette inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire a été dénoncée à [S] [X] et [P] [T] épouse [X] le 16 janvier 2024.

Selon acte d’huissier en date des 14, 15 et 16 février 2024 [S] [X] et [P] [T] épouse [X] ont fait assigner la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, [W] [D], [K] [O], la S.A.S LCS ET ASSOCIES (anciennement SCP RAYNAUDO [D] [O] LETROSNE), [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille.

A l’audience du 28 mars 2024, par conclusions réitérées oralement, [S] [X] et [P] [T] épouse [X] ont demandé de
- à titre principal, surseoir à statuer sur leurs contestations jusqu’à la décision définitive à rendre sur leur plainte pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille
- à titre subsidiaire, surseoir à statuer sur leurs contestations jusqu’aux décisions définitives à rendre par le juge de l’exécution d’Aix-en-Provence sur saisie immobilière du bien de la résidence [Adresse 15] et par le juge de l’exécution de Thonon Les Bains sur les saisies immobilières des biens de la résidence [Adresse 22]
- à titre encore plus subsidiaire, au visa des articles 30 du code de procédure civile et 1383-2 du code civil, ordonner l’irrecevabilité de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT à agir en vertu des actes notariés
- en conséquence ordonner l’irrecevabilité de l’hypothèque judiciaire provisoire et ordonner sa mainlevée
- à titre très subsidiaire, au visa des articles 1318 ancien du code civil, 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971, ordonner la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire
- à titre encore infiniment subsidiaire, au visa des articles L511-1 et R512-1 du code des procédures civiles d’exécution ordonner la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire
- déclarer le présent jugement commun à [W] [D], [K] [O], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER
- débouter la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, [W] [D], [K] [O], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER de leurs demandes
- condamner la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT à leur payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a, par conclusions réitérées oralement, demandé de
- rejeter les prétentions prescrites, infondées et dilatoires des époux [X]
- lui donner acte de ce qu’il s’en rapporte sur la demande de déclaration de jugement commun aux notaires
- condamner [S] [X] et [P] [T] épouse [X] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec distraction.

Par conclusions réitérées oralement, [K] [O] a demandé de
- débouter [S] [X] et [P] [T] épouse [X] de leurs demandes
- subsidiairement, de les déclarer prescrits en leur demande de disqualification
- les déclarer irrecevables en raison de la ratification par leurs soins de l’acte critiqué
- condamner [S] [X] et [P] [T] épouse [X] à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions réitérées oralement, [W] [D] et la S.A.S LCS ET ASSOCIES ont demandé de
- débouter [S] [X] et [P] [T] épouse [X] de leurs demandes
- subsidiairement, de les déclarer prescrits en leur demande de disqualification
- les déclarer irrecevables en raison de la ratification par leurs soins de l’acte critiqué
- condamner [S] [X] et [P] [T] épouse [X] à leur payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions réitérées oralement, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER ont demandé de
- débouter [S] [X] et [P] [T] épouse [X] de leurs demandes
- subsidiairement, de les déclarer prescrits en leur demande de disqualification
- les déclarer irrecevables en raison de la ratification par leurs soins de l’acte critiqué
- condamner [S] [X] et [P] [T] épouse [X] à leur payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande principale tendant à surseoir à statuer sur les contestations jusqu’à la décision définitive à rendre sur la plainte d’[S] [X] et [P] [T] épouse [X] pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille :

Les époux [X] rappellent que le présent dossier s’inscrit dans le cadre d’une escroquerie en bande organisée pour laquelle la société APPOLONIA, Maître [W] [D] et Maître [H] [G] sont renvoyés par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 15 mars 2023 devant le tribunal correctionnel. Ils rappellent que cette escroquerie leur a fait acquérir 21 lots para hôteliers accolés à des baux commerciaux et à des prêts pour un montant total de 4.991.839 euros. Ils rappellent également que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT leur a consenti 4 prêts en un an pour un montant total de 1.714.706 euros pour l’acquisition de 7 lots. Ils soutiennent ainsi que les actes notariés fondant l’hypothèque judiciaire provisoire querellée ont été les instruments de l’escroquerie en bande organisée et que “la fraude corrompant tout” la nature exécutoire de ces actes est nécessairement affectée et partant leur caractère exécutoire. Ils demandent donc de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’il soit statué sur leur plainte et sur la nature exécutoire des actes du fait de la fraude des notaires et ce d’autant que le dossier pénal sera jugé au cours du 2è trimestre 2025, soit dans un délai raisonnable.

La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT s’oppose à cette demande et rappelle qu’après 14 années, l’instruction de “l’escroquerie APPOLONIA” s’achève et qu’un non lieu partiel, confirmé par la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a été ordonné ; qu’ainsi ni les banques ni leurs employés ne sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour ces faits ; que l’infraction de faux et usage de faux dans les actes authentiques n’a pas été retenue ; que ni les dispositions de la loi Scrivener ni de celles du code de la consommation ne peuvent bénéficier aux emprunteurs comme l’a rappelé la chambre de l’instruction. Elle conclut que les actes notariés ne sont aujourd’hui plus contestables et valent donc titres exécutoires jusqu’à inscription de faux et soulignent que les époux [X] n’ont, à aucun moment demandé leur annulation.

Selon l’article 378 du code de procédure civile “la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine”.

Il est constant que hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer et ce dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En application de l'article 4 du code de procédure pénale la mise en mouvement de l'action publique n'impose le sursis à statuer que sur le seul jugement de l'action civile exercée devant les juridictions civiles en réparation du dommage causé par l'infraction.

Ainsi, les autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'avoir une influence directe ou indirecte sur la solution du procès civil, ne sont pas soumises à l'obligation de surseoir à statuer dans l'attente de la décision pénale.

Il est constant que la présente instance tend à la mainlevée d’une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire opérée à la requête de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT à l'encontre des époux [X] et ne tend incontestablement pas à la réparation du dommage causé par les infractions de la procédure pénale.

Par voie de conséquence, le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale présente un caractère facultatif en application des article 377 et suivants du code de procédure civile.

En outre, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT entend se prévaloir d’actes notariés établis par des notaires qui certes sont renvoyés devant le tribunal correctionnel pour être jugés (prochainement) pour des faits de complicité d’escroquerie en bande organisée (à l’exception de [K] [O]) mais contre lesquels l’infraction de faux n’a pas été retenue et qui bénéficient de la présomption d’innocence. En outre, il est souligné que les époux [X] ne se sont pas inscrits en faux à l’encontre de ces actes et n’en demandent pas davantage la nullité - même si leurs arguments pour justifier de cette absence de demande eu égard à l’ampleur de l’affaire, son ancienneté et les conséquences sur le plan des restitutions ou absence de restitution en découlant peut s’entendre. Enfin, aux termes de l’instruction il est acquis que les banques ne sont pas pénalement poursuivies pour avoir consenti les prêts litigieux aux emprunteurs. Aujourd’hui la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT est donc en droit de garantir, par le biais d’une sûreté, une créance d’un montant de 700.000 euros, laquelle résulte du défaut de remboursement de 4 crédits (consentis en 2006 et 2007) et restés impayés depuis le 10 février 2010, soit depuis plus de 14 années.

Cette demande tendant en définitive à retarder l’issue de la présente instance, afférente au demeurant à une mesure conservatoire, il est donc de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de statuer dans un délai raisonnable. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner un sursis à statuer.

Sur la demande tendant à surseoir à statuer sur leurs contestations d’[S] [X] et [P] [T] épouse [X] jusqu’aux décisions définitives à rendre par le juge de l’exécution d’Aix-en-Provence sur saisie immobilière du bien de la résidence [Adresse 15] et par le juge de l’exécution de Thonon Les Bains sur les saisies immobilières des biens de la résidence [Adresse 22] :

Les époux [X] formulent cette demande pour éviter, selon eux, toute contrariété de jugements sur la nature exécutoire des actes notariés établis par Maîtres [O] et [D] le 30 octobre 2006. Ils soutiennent qu’il importe peu que les deux autres actes ne soient pas encore l’objet d’une procédure en saisie immobilière puisque la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a fait le choix de prendre l’hypothèque judiciaire provisoire litigieuse en exécution de tous ses actes pris de manière globale. Ils ajoutent qu’il y a un risque de contrariété de décisions sur la recevabilité à agir de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT au regard de son aveu sur la nature non exécutoire des actes notariés.

Eu égard à l’ancienneté de la dette d’[S] [X] et [P] [T] épouse [X], il apparaît là encore d’une bonne administration de la justice de statuer dans un délai raisonnable et de rejeter la demande de sursis à statuer formée.

Sur le défaut d’intérêt à agir de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT :

Les époux [X] rappellent que dans une requête déposée devant le juge de l’exécution le 8 septembre 2020 aux fins d’être autorisé à prendre une mesure conservatoire à leur encontre, le CIFD avait déclaré avoir fait le choix de renoncer à ses actes notariés non pas seulement du fait des poursuites engagées contre les notaires pour faux en écriture publique mais aussi pour escroquerie ; qu’il avait réitéré cette position dans sa requête du 21 juillet 2022 et qu’il avait, du fait de cette renonciation, demandé au juge de l’exécution de l’autoriser à prendre une mesure conservatoire; que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait confirmé l’ordonnance de rejet du juge de l’exécution aux motifs que la banque “dans ses écrits” avait reconnu “le fait qu’elle disposait déjà d’un titre exécutoire”. Ils soutiennent que de deux choses l’une : soit la banque admet disposer d’un acte notarié exécutoire et alors elle ne peut pas agir en vertu de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution soit elle considère que son acte notarié n’est pas valable et alors elle peut agir dans le cadre de l’article L511-2 du même code. Ils concluent qu’en agissant dans le cadre de l’article L511-2 au motif “qu’il sait que les actes authentiques de prêt sont affectés d’irrégularités” et en déclarant “qu’il entend donc renoncer à son acte”, le CIFD a bien renoncé à son exécution forcée et a même reconnu la nature non exécutoire de l’acte notarié ; qu’il s’agit alors d’un aveu judiciaire qui est irrévocable, sauf erreur de droit, au visa de l’article 1383-2 du code civil. Ils soutiennent ainsi que le CIFD a bien renoncé à son acte notarié du fait des seules poursuites pénales des notaires pour complicité d’escroquerie il est désormais irrecevable à agir en exécution de son acte.

La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT soutient que jusqu’à l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 15 mars 2023 il était risqué d’engager des procédures d’exécution ce qu’il l’a amenée à solliciter l’autorisation du juge de l’exécution pour engager une saisie conservatoire ou inscrire une sûreté mais qu’il n’a jamais été question de renoncer aux actes authentiques et qu’elle entendait seulement requérir la validation par le juge des mesures envisagées sans utilisation des copies exécutoires toujours arguées de faux et qu’il n’y a rien d’irrégulier.

Il n’est pas très sérieux de soutenir que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a fait le choix de renoncer à son acte authentique alors que les époux [X] avaient déposé une plainte le 5 mai 2010 pour faux et usage de faux et que l’instruction était en cours sur ce point. Il n’est pas davantage sérieux d’affirmer que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a reconnu que les actes notariés fondant l’hypothèque judiciaire provisoire querellée étaient irréguliers et partant perdaient leur caractère exécutoire. En effet, l’aveu judiciaire exige de la part de son auteur une manifestation non équivoque de sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

Il s’ensuit que la fin de non recevoir soulevée par les époux [X] de ce chef doit être écartée et la demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire rejetée.

Sur la demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire fondée sur l’absence d’autorisation du juge de l’exécution et le bien fondé de la mesure :

Le juge de l’exécution est saisi d’une contestation afférente à une hypothèque judiciaire provisoire soumise aux dispositions des articles L511-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution qui imposent au créancier de démontrer un principe, une apparence de créance et que le recouvrement de celle-ci est menacé.

En l’espèce, l’hypothèque judiciaire provisoire a été prise en vertu de
- un prêt n°300004000138783 en date du 13/11/2007
- un prêt n°300004000099467 en date du 29/11/2006
- un prêt n°300004000094888 en date du 30/10/2006
- un prêt n°300004000145872 en date du 12/12/2007,
tous les 4 consenti par le CIFFRA, lequel a mis en demeure les époux [X] de régulariser les échéances impayées par lettre RAR du 23 août 2010 sous peine de déchéance automatique du terme du contrat et de l’exigibilité de l’intégralité des sommes restant dues. En l’absence de régularisation, la déchéance du terme est intervenue. Le principe de créance est donc établi.

La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT justifie également -même si le CIFD a inscrit une première inscription d’hypothèque judiciaire provisoire en juillet 2023 pour garantir une créance de 700.000 euros- qu’eu égard au montant de la créance (plus de 2 millions d’euros), à l’endettement exceptionnel des époux [X] et à leur refus de régulariser leur dette le recouvrement de la créance apparaît incontestablement menacé.

Il s’ensuit que les conditions exigées pour procéder à une mesure conservatoire sont réunies.

La question qui se pose alors est de savoir si la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT pouvait se dispenser de l’autorisation du juge de l’exécution pour y procéder.

En effet, l’article L511-2 du code des procédures civiles d’exécution précise qu’une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.

En l’espèce, il est acquis que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT n’a pas sollicité l’autorisation du juge de l’exécution puisqu’elle était munie de titres exécutoires.

Or, les époux [X] demandent de disqualifier au visa des articles 1318 ancien du code civil, 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971 les actes notariés en actes sous seing privé en raison d’un conflit d’intérêt des notaires (intérêt qui doit être apprécié très largement), peu important que les actes n’aient pas été l’objet d’une inscription de faux et que les notaires ne soient pas renvoyés aux assises pour faux en écriture publique. Ils font valoir que le conflit d’intérêt (qui n’est défini par aucun texte) résulte de l’importance du volume de dossiers apporté aux notaires par la société APOLLONIA, lequel représente pour les études notariales un chiffre d’affaires très important. Ils soulignent également que
- les études notariales se sont mobilisées et organisées au service de cette dernière
- elles ont exercé leur ministère sous les instructions et le contrôle de la société APOLLONIA
- aux termes de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre des notaires, ces derniers ont été sanctionnés pour violation de leur obligation d’indépendance et d’impartialité. Ils concluent qu’en conséquence la mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire doit être ordonnée puisque la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT n’a pas sollicité préalablement à la mise en oeuvre de la mesure l’autorisation du juge de l’exécution.

Maîtres [D], [O] et [G] mais également la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT soutiennent que les époux [X] sont irrecevables à former une telle demande de disqualification d’un acte de prêt faisant valoir que cette demande n’avait pas été soulevée devant le premier juge et que le délai de prescription applicable est le délai de prescription de 5 ans prévu à l’article 2224 du code civil et que le point de départ opposable à l’emprunteur qui conteste l’acte notarié par voie d’action ou d’exception est la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Sur le fond, ils rappellent que les juridictions civiles, notamment la cour d’appel d’Aix-en-Provence, rejettent cette demande jugeant que les notaires n’étaient aucunement “intéressés” à l’acte au sens des textes visés et que les actes ne pouvaient être qualifiés de frauduleux eu égard à leur ratification sans équivoque par les emprunteurs. Ils soulignent qu’en outre l’instruction pénale a permis d’établir qu’aucune altération de la vérité n’affectait les actes notariés. La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT ajoute que si la disqualification de l’acte intervenait en raison d’une incapacité du notaire, seule la banque, elle même victime, serait impactée et qu’en toute hypothèse les notaires, si leur responsabilité était retenue, auraient alors à répondre des conséquences dommageables de leur comportement.

Les époux [X] -qui procèdent par voie de défense au fond au sens de l’article 71 du code de procédure civile de sorte qu’aucune prescription ne peut leur être opposée- se prévalent des articles 1318 ancien du code civil, 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971.

Il résulte des dispositions de l’article 1318 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 que l'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties.

L’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971, dans sa version antérieure au décret n°2005-973 du 10 août 2005, énonce “Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur.
Les notaires associés d'une société titulaire d'un office notarial ou d'une société de notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels l'un d'entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par l'alinéa précédent sont parties ou intéressés”.

Enfin, l'article 41 du même décret dispose que tout acte revêtu de la signature des parties, fait en contravention de l'article 2 précité ne vaudra que comme écrit sous signature privée sauf, s'il y a lieu, les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant.

Il est constant, contrairement à ce que soutiennent les époux [X], que la sanction de la perte d’authenticité d’un acte notarié présente un degré de gravité tel que les dispositions de l’article 1318 ancien, qui ne visent qu’une incapacité par rapport à un acte déterminé, désigné comme “l’acte qui n’est point authentique”, doivent être interprétées strictement. L’intérêt personnel de Maîtres [D], [O] et [G] doit être examiné pour chaque acte passé et non par rapport à une opération globale de promotion immobilière de la société Apollonia et de défiscalisation au profit d’acquéreurs, s’inscrivant dans l’exercice professionnel desdits notaires.

En l’espèce, les époux [X] (ni même la procédure pénale) ne démontrent que
- des proches des notaires (ou de l’un de leur associés) au degré défini par ce texte sont intéressés aux actes
- les actes litigieux contiennent des dispositions en faveur des notaires instrumentaires
- les notaires ont instrumenté pour une société dont ils étaient associés ou actionnaires
- les notaires ont reçu à l’occasion de leur intervention des droits autres que ceux qui résultent de l'exercice de leur profession et font l'objet d'une réglementation.

Il en résulte que les époux [X] n’établissement pas que Maîtres [D], [O] et [G], même sous couvert de la SCP, avaient un intérêt personnel à la signature des actes litigieux de nature à constituer l’incapacité visée aux dispositions sus-rappelées de sorte que la disqualification de l’acte n’est pas encourue et la demande de mainlevée de l’hypothèque judiciaire provisoire pour défaut de titre exécutoire doit être rejetée.

Sur la demande tendant à déclarer le présent jugement commun à [W] [D], [K] [O], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER :

L’article 331 du code de procédure civile énonce “Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal. Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement. Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense”.

Il est constant que la mise en cause d'un tiers aux fins de jugement commun a pour seul effet de lui rendre la chose jugée opposable sans que la décision rendue constitue un titre exécutoire pour lui.

L’inscription litigieuse contestée par les époux [X] a été prise sur le fondement d’actes notariés établis par Maîtres [D], [O] et [G], lesquels ne formulent, en définitive, aucune contestation sur ce point.

Les époux [X] justifiant en conséquence d’un intérêt à ce que la décision soit rendue à l’encontre des notaires, y compris de Me [O] même s’il n’est pas renvoyé devant le tribunal correctionnel, il sera fait droit à cette demande .

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Les époux [X], succombant, supporteront les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Les époux [X], tenus aux dépens, seront condamnés à payer à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.

L’équité et l’absence de demande formée par les époux [X] à l’encontre des notaires commandent de débouter [K] [O], [W] [D], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER de leur demande au titre des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour la présente procédure.

PAR CES MOTIFS,
Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,

Déboute [S] [X] et [P] [T] épouse [X] de l’ensemble de leurs demandes à l’exception de la demande tendant à déclarer le présent jugement commun aux notaires ;

Déclare le présent jugement commun à [K] [O], [W] [D], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER ;

Condamne [S] [X] et [P] [T] épouse [X] aux dépens ;

Condamne [S] [X] et [P] [T] épouse [X] à payer à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute [K] [O], [W] [D], la S.A.S LCS ET ASSOCIES, [H] [G] et la SCP [G] ROUVIER de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  
Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 9ème chambre jex
Numéro d'arrêt : 24/02393
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;24.02393 ?
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