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07/05/2024 | FRANCE | N°22/09994

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 9ème chambre jex, 07 mai 2024, 22/09994


MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/09994 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RZE
AFFAIRE : [Z] [M], [J] [V] épouse [M] / S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 MAI 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier



DEMANDEURS

Monsieur [Z] [M]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7] (13),
demeurant [Adresse 8]

représenté par Maître Cécile PION de la SCP GOB

ERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [V] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7] (13),
demeurant [...

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/09994 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RZE
AFFAIRE : [Z] [M], [J] [V] épouse [M] / S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 07 MAI 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,
GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

DEMANDEURS

Monsieur [Z] [M]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 7] (13),
demeurant [Adresse 8]

représenté par Maître Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [J] [V] épouse [M]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 7] (13),
demeurant [Adresse 8]

représentée par Maître Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

DEFENDERESSE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 379 502 644
dont le siège social est sis [Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
venant au droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) inscrite au registre du commerce et de sociétés de Lyon sous le numéro 391 563 939 dont le siège social est [Adresse 6], suite à fusion par absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015, elle même venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA) suite à fusion par absorption selon procès verbal d’AGE et d’AGO en date du 24 décembre 2007

représentée par Maître Delphine DURANCEAU de la SELARL DURANCEAU PARTENAIRES & ASSOCIÉS, avocat au barreau de GRASSE

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 28 Mars 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par ordonnance du 8 septembre 2020 le juge de l’exécution de Marseille a autorisé le CIFD à pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire appartenant à [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] et notamment le compte ouvert à la banque Populaire Méditerranée pour garantir le paiement de la somme de 1.789.139,50 euros outre les intérêts à courir à compter du 23 août 2010.

En exécution de cette ordonnance une saisie conservatoire a été pratiquée le 28 septembre 2020.

Déclarant agir en vertu d’un acte notarié reçu le 12 décembre 2007 par Maître [R] [O], notaire, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a signifié à [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] un commandement de payer aux fins de saisie-vente le 17 août 2022 pour paiement de la somme de 339.392,15 euros.

Déclarant agir en vertu d’un acte notarié reçu le 12 décembre 2007 par Maître [R] [O], notaire, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a procédé le 2 septembre 2022 à une saisie-attribution sur les comptes d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ouverts dans les livres d’Axa Banque pour paiement de la somme de 290.359,74 euros.

Ce procès-verbal a été dénoncé à [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] par acte signifié le 9 septembre 2022.

Déclarant agir en vertu d’un acte notarié reçu le 12 décembre 2007 par Maître [R] [O], notaire, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT a procédé le 2 septembre 2022 à une saisie-attribution sur les comptes d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ouverts dans les livres de la Banque Populaire Méditerranée pour paiement de la somme de 290.359,74 euros.

Ce procès-verbal a été dénoncé à [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] par acte signifié le 8 septembre 2022.

Selon acte d’huissier en date du 10 octobre 2022 [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ont fait assigner la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille.

A l’audience du 28 mars 2024, [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ont, par conclusions réitérées oralement, demandé de
- à titre principal sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente et les saisies des comptes bancaires le 2 septembre 2022 ordonner leur mainlevée sur le fondement des articles L213-6 du code de l’organisation judiciaire, 1318 ancien du code civil, 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971 et de l’article 13-4 du décret 45-0117 du 19 décembre 1945
- subsidiairement au visa des articles L312-7 et L312-33 anciens du code de la consommation déchoir et débouter la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de ses demandes au titre des intérêts conventionnels à savoir:
* au titre des saisies des comptes bancaires Axa Banque et Banque Populaire Méditérranée du 2 septembre 2022 :
- le compte de créance de 4.589,99 euros lequel ne correspond qu’à des intérêts conventionnels
- les intérêts échus au 04/09/10 de 502,47 euros
- les intérêts acquis de 36.174,13 euros
- la provision sur intérêts d’un mois de 594,32 euros
* au titre du commandement de payer aux fins de saisie-vente
- le compte de créance de 4.589,99 euros lequel ne correspond qu’à des intérêts conventionnels
- les intérêts échus au 04/09/10 de 502,47 euros
- les intérêts acquis de 86.334 euros
- la provision sur intérêts d’un mois de 594,32 euros
- au visa de l’article L111-8 du code des procédures civiles d’exécution débouter la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de ses demandes au titre des saisies des comptes bancaires Axa Banque et Banque Populaire Méditérranée du 2 septembre 2022
- la somme de 572,71 euros
- des frais de certificat de non contestation et de signification
- des frais de mainlevée quittance
- débouter la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de ses demandes de la somme de 52.19 euros au titre du commandement de payer aux fins de saisie-vente
- en conséquence cantonner les saisies des comptes bancaires Axa Banque et Banque Populaire Méditérranée du 2 septembre 2022 aux sommes de
- capital restant dû :231.018 eurps
- indemnité d’exigibilité ;16.171,26 euros
- dénonce de saisie-attribution :91.36 euros
- coût de l’acte :116.87 euros
- cantonner le commandement de payer aux fins de saisie-vente à
- capital restant dû :231.018 eurps
- indemnité d’exigibilité ;16.171,26 euros
- coût de l’acte :63,71 euros
- sur la saisie conservatoire des comptes bancaires du 28 septembre 2020 au visa de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution l’annuler et ordonner sa mainlevée
- condamner la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT à leur payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par conclusions réitérées oralement, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA) suite à une fusion absorption selon déclaration de régularité et de conformité constatant la réalisation définitive de la fusion en date du 1er juin 2015 elle-même venant aux droits du CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE FINANCIERE RHONE AIN (CIFFRA) suite à une fusion par absorption selon procès-verbal d’AGE et d’AGO du 24 décembre 2007 a demandé de
- prononcer l’irrecevabilité des contestations élevées faute pour les époux [M] de justifier des diligences énoncées à l’article R211-11 du code des procédures civiles d’exécution
- subsidiairement rejeter les contestations prescrites, infondées et dilatoires des époux [M]
- en conséquence constater que la créance du CIFD s’élève à la somme de 352.530,44 euros outre les intérêts postérieurs au 19 juillet 2023 au taux de 3.32% l’an
- constater que les saisies attribution sont définitives car elles n’ont pas été contestées dans les délais ou ne font l’objet d’aucune contestation
* saisie-attribution pratiquée le 2 septembre 2022 entre les mains du LCL et dénoncée le 9 septembre 2022
* saisie conservatoire pratiquée le 28 septembre 2020 entre les mains de la Banque Populaire Méditérranée sur le fondement de l’ordonnance du juge de l’exécution rendue le 8 septembre 2020
* saisie-attribution pratiquée le 1er septembre 2022 entre les mains de la Banque Populaire Méditérranée sur le fondement de l’ordonnance rendue par le juge de l’exécution le 21 juillet 2022
- valider le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 17 août 2022 et valider les deux saisies pratiquer le 2 septembre 2022
- valider la saisie-attribution pratiquée le 1er septembre 2022 entre les mains de la Banque Populaire Méditérranée sur le fondement de l’ordonnance rendue le 21 juillet 2022 sur pied de requête du 18 juillet 2022 par le juge de l’exécution de Marseille dès lors que les demandeurs ne développent aucune contestation
- débouter [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] de leurs demandes
- condamner [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec distraction.

MOTIFS

A titre liminaire il sera rappelé que le“constat” n'est pas une prétention. Le juge de l’exécution n’a donc pas à statuer sur ces points.

Sur la recevabilité de la contestation :

En vertu de l'article R 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour, ou le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. 
En l’espèce, [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ont saisi la présente juridiction le lundi 10 octobre 2022 de leurs contestations afférentes aux saisies pratiquées 2 septembre 2022 et dénoncées le 8 septembre suivant.
Ils justifient avoir dénoncé à l’huissier poursuivant leurs contestations par lettre RAR du 11 octobre 2022.
Les dispositions du texte précité ont donc été respectées de sorte que les contestations de [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] sont jugées recevables.
Sur la demande de mainlevée du commandement de payer aux fins de saisie-vente et des saisies des comptes bancaires du 2 septembre 2022 sur le fondement des articles L213-6 du code de l’organisation judiciaire, 1318 ancien du code civil, 2 et 41 du décret du 26 novembre 1971 et de l’article 13-4 du décret 45-0117 du 19 décembre 1945 :
Les époux [M] rappellent que le présent dossier s’inscrit dans le cadre d’une escroquerie en bande organisée pour laquelle la société APPOLONIA et Maître [R] [O] notamment sont renvoyés par arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 15 mars 2023 devant le tribunal correctionnel. Ils demandent de disqualifier au visa des articles sus-visés l’acte notarié en acte sous seing privé en raison d’un conflit d’intérêt de Maître [R] [O], peu important que l’acte n’ait pas été l’objet d’une inscription de faux et que ce dernier ne soit pas renvoyé aux assises pour faux en écriture publique. Ils rappellent que “l’intérêt du notaire”, lequel a reçu par délégation une parcelle de puissance publique, n’est pas défini et qu’il appartient donc au juge de statuer au vu de l’espèce en fonction de l’obligation du notaire de n’avoir aucun intérêt à l’acte, quel que soit cet intérêt et aussi minime soit il, dès lors que cet intérêt lui fait perdre son indépendance et son impartialité et donc sa capacité à instrumenter. Ils ajoutent qu’ils peuvent, pour démontrer l’intérêt du notaire énoncé à l’article 2 alinéa 2 du décret du 26 novembre 1971 se prévaloir des dispositions de l’article 13-4 du décret du 19 décembre 1945 qui énonce “il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes soit par personne interposée soit directement soit indirectement de s’intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère”. Ils font donc valoir que pour établir cet intérêt il suffit donc de caractériser une dépendance du notaire vis à vis d’Appolonia (par exemple l’intérêt peut résulter de l’importance du volume de dossiers apportés par la société Appolonia, représentant ainsi un chiffre d’affaires conséquent ou encore de la mobilisation ou de l’organisation de l’étude notariale pour servir Appolonia). Ils font également valoir que Maître [R] [O] a été sanctionné par la chambre disciplinaire de la cour d’appel d’Aix-en-Provence pour violation des obligations d’impartialité et d’indépendance du fait de ses intérêts dans les affaires d’Appolonia (et ce peu important que ces décisions aient sanctionné le notaire sur la prise des procurations) ce qui démontre bien que l’intérêt du notaire à l’acte ne se résume pas à des liens de parenté ni des clauses en sa faveur dans l’acte litigieux mais doit être apprécié très largement. Ils concluent que ces dispositions ont pour objectif de garantir l’indépendance et l’impartialité du notaire et donc de protéger les parties et que dès lors l’appréciation doit se faire de manière concrète et au-delà de l’acte lui-même. Ils soulignent donc qu’en l’espèce Maître [R] [O] était intéressé à l’acte puisque cet acte faisait partie du contrat d’affaires qu’Appolonia a apporté à son étude (20% du chiffre d’affaires, une rémunération triplée en 2007) et que cet acte a été l’un des instruments de l’escroquerie dont ils sont victimes.
La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT soutient que les époux [M] sont irrecevables à former une telle demande de disqualification d’un acte de prêt faisant valoir que cette demande n’avait pas été soulevée devant le premier juge et que le délai de prescription applicable est le délai de prescription de 5 ans prévu à l’article 2224 du code civil et que le point de départ opposable à l’emprunteur qui conteste l’acte notarié par voie d’action ou d’exception est la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Sur le fond, elle rappelle que les juridictions civiles, notamment la cour d’appel d’Aix-en-Provence, rejettent cette demande jugeant que les notaires n’étaient aucunement “intéressés” à l’acte au sens des textes visés et que les actes ne pouvaient être qualifiés de frauduleux eu égard à leur ratification sans équivoque par les emprunteurs. Ils soulignent qu’en outre l’instruction pénale a permis d’établir qu’aucune altération de la vérité n’affectait les actes notariés. Elle ajoute que si la disqualification de l’acte intervenait en raison d’une incapacité du notaire, seule la banque, elle même victime, serait impactée et qu’en toute hypothèse Maître [R] [O], si sa responsabilité était retenue, aurait alors à répondre des conséquences dommageables de son comportement.
Les époux [M] procèdent par voie de défense au fond au sens de l’article 71 du code de procédure civile de sorte qu’aucune prescription ne peut leur être opposée.
Il résulte des dispositions de l’article 1318 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 que l'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties.
L’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971, dans sa version antérieure au décret n°2005-973 du 10 août 2005, énonce “Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur.
Les notaires associés d'une société titulaire d'un office notarial ou d'une société de notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels l'un d'entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par l'alinéa précédent sont parties ou intéressés”.
Enfin, l'article 41 du même décret dispose que tout acte revêtu de la signature des parties, fait en contravention de l'article 2 précité ne vaudra que comme écrit sous signature privée sauf, s'il y a lieu, les dommages et intérêts contre le notaire contrevenant.
Il est constant, contrairement à ce que soutiennent les époux [M], que la sanction de la perte d’authenticité d’un acte notarié présente un degré de gravité tel que les dispositions de l’article 1318 ancien, qui ne visent qu’une incapacité par rapport à un acte déterminé, désigné comme “l’acte qui n’est point authentique”, doivent être interprétées strictement. L’intérêt personnel de Maître [R] [O] doit être examiné pour le seul acte passé et non par rapport à une opération globale de promotion immobilière de la société Appolonia et de défiscalisation au profit d’acquéreurs, s’inscrivant dans l’exercice professionnel desdits notaires.
En l’espèce, les époux [M] (ni même la procédure pénale) ne démontrent que
- des proches de Maître [R] [O] (ou de l’un de leur associés) au degré défini par ce texte sont intéressés à l’acte
- l’acte litigieux contient des dispositions en faveur de Maître [R] [O]
- Maître [R] [O] a instrumenté pour une société dont il était associé ou actionnaire
- Maître [R] [O] a reçu à l’occasion de son intervention des droits autres que ceux qui résultent de l'exercice de sa profession et font l'objet d'une réglementation.
Il en résulte que les époux [M] n’établissement pas que Maître [R] [O] avait un intérêt personnel à la signature de l’acte litigieux de nature à constituer l’incapacité visée aux dispositions sus-rappelées de sorte que la disqualification de l’acte n’est pas encourue.
Il s’ensuit que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT était bien munie du titre exécutoire exigé par les articles L211-1 et L221-1 du code des procédures civiles d’exécution l’autorisant à délivrer tant le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 17 août 2022 qu’à pratiquer les saisies des comptes bancaires le 2 septembre 2022.
La demande de mainlevée de ces mesures sera rejetée de ce chef.
Sur la demande des époux [M] tendant à déchoir et débouter la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de ses demandes au titre des intérêts conventionnels au visa des articles L312-7 et L312-33 anciens du code de la consommation
* sur la recevabilité de leur demande :
Les époux [M] sont recevables en leur demande puisqu’ils procèdent en l’espèce par voie de défense au fond au sens de l’article 71 du code de procédure civile de sorte qu’aucune prescription ne peut leur être opposée
* Sur l’application des dispositions du code de la consommation :
Les époux [M] soutiennent que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT doit être déchue de son droit aux intérêts conventionnels en raison de l’irrégularité de l’offre et de l’absence de respect des dispositions protectrices du code de la consommation. Ils soutiennent que le prêteur a soumis volontairement l’offre de prêt aux dispositions dudit code et en parfaite conscience d’accorder aux emprunteurs un prêt dans le cadre d’une activité professionnelle de loueurs de meublés. Ils ont fait ainsi valoir qu’au moment de la souscription du prêt, le CIFFRA savait qu’Appolonia multipliait les investissements sur les emprunteurs en leur proposant du Loueur Meublé Professionnel / Loueur Meublé Non Professionnel puisque lui-même ampilait les prêts ; que s’agissant des époux [M], le CIFFRA a financé l’acquisition de 7 lots par l’octroi de 4 prêts entre 2006 et 2007 pour un montant total de 1.714.706 euros, le prêt litigieux étant le dernier octroyé ; que le CIFFRA les a assignés en se prévalant de la courte prescription du code de la consommation tout en exposant le mécanisme fiscal du LMP; que le prêteur ne peut donc se contredire aujourd’hui à leur détriment.
La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT rappelle que les dispositions du code de la consommation ne s’appliquent pas à des prêts destinés à financer une activité professionnelle ; que tel est le cas en l’espèce puisque les époux [M] ont acquis de nombreux biens immobiliers dans le but exclusif de les mettre en location, quasi-systématiquement sous la forme de baux commerciaux, pour en tirer des revenus, et dont l’investissement s’inscrit dans le cadre du statut de Loueur Meublé Professionnel. Elle ajoute qu’en outre les emprunteurs Appolonia, et donc les époux [M], ne peuvent revendiquer la qualification de consommateur car ils avaient pleinement conscience de participer à une opération d’investissement de grande envergure couplant défiscalisation massive et spéculation immobilière en reconnaissant que le montage proposé consistait à adopter un régime LMP. Par ailleurs, ces emprunteurs se sont tous inscrits au RCS en cette qualité. Elle soutient qu’en revanche, elle n’a, à aucun moment, eu connaissance de la situation exacte des emprunteurs et n’a souhaité placer les documents sous les dispositions du code de la consommation, lesquelles doivent donc être écartées.

Aux termes des dispositions de l’article L312-3 al 2 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de l’émission de l’offre de prêt litigieuse, soit antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, sont exclus des dispositions de ce code, les prêts destinés à financer les besoins d’une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.
Il est constant que l’appréciation de la qualité professionnelle de l’emprunteur s’apprécie au regard de la finalité de l’opération financée.
En l’espèce, [Z] [M] et [J] [V] épouse [M], respectivement chirurgien dentiste et fonctionnaire, ont acquis 21 lots para hôteliers accolés à des baux commerciaux pour un montant total de 4.991.839 euros. Il n’est pas contesté par les époux [M] que le prêt litigieux d’un montant de 230.755 euros était destiné à financer l’acquisition d’un appartement dans une résidence de services située à [Localité 9] aux fins de location en meublé et que cet investissement était destiné à leur faire bénéficier du statut de LMP et s’inscrivait dans le cadre d’une activité professionnelle, même accessoire. Le caractère professionnel de cette acquisition est donc incontestable et ne saurait donc relever des dispositions protectrices du code de la consommation.
En outre, les époux [M] procèdent à de nombreux développements sur le processus ayant abouti à ce qu’ils qualifient “d’escroquerie Appolonia” (le tribunal correctionnel, seul compétent, tranchera ce point) et sur les régimes LMP/LMNP et le régime fiscal en découlant mais échouent à démontrer que la banque avait une connaissance de la réalité de leur endettement total et du statut de LMP envisagé à la date de la souscription du prêt. Ils échouent également à démontrer que la banque, alors qu’ils ne contestent pas avoir manqué de transparence sur leur situation, a, sans équivoque possible et expressément, choisi de soumettre son prêt aux règles édictées par le code de la consommation.
Il en résulte dès lors que les dispositions du code de la consommation ne s’appliquent pas au prêt litigieux, lequel a été souscrit à des fins professionnelles. Dans ces conditions le visa des dispositions du code de la consommation dans l’acte de prêt ne suffit pas, eu égard aux circonstances de l’espèce, à établir la soumission volontaire aux dispositions dudit code et ne peut avoir pour effet de modifier la qualité des époux [M] ni la nature du prêt. Il s’ensuit que les sanctions, notamment celle de la déchéance du droit aux intérêts, prévue par le code de la consommation, n’est pas encourue.
Les demandes des époux [M] deviennent donc sans objet, et ce sans qu’il y ait lieu d’examiner la régularité de l’envoi de l’offre de prêt et du délai de rétractation.
Sur le bien fondé du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 17 août 2022 et des saisies des comptes bancaires du 2 septembre 2022
La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT était donc bien munie d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible à l’encontre des époux [M] lorsqu’elle a fait pratiquer à leur encontre les mesures querellées. Elle était également fondée à réclamer les intérêts conventionnels.
Il s’ensuit que le commandement de payer aux fins de saisie-vente sera validée. Les saisies seront également validées mais il conviendra de déduire les frais de certificat de non contestation et de sa signification mais également des frais de mainlevée quittance.
Sur la saisie conservatoire :
[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] soulignent que le juge de l’exécution a autorisé la saisie conservatoire pratiquée le 28 septembre 2020 sur leur seul compte joint. Or, le compte professionnel d’[Z] [M] a également été saisi en violation de l’ordonnance. Ils soulignent ainsi que la somme qui a été saisie sur ce compte à hauteur de 58.924,85 euros correspond à un PGE et que cette saisie, parfaitement illégitime, a été préjudiciable pour son activité professionnelle.
La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT soutient que les époux [M] se trompent d’ordonnance puisque la saisie pratiquée le 28 septembre 2020 l’a été en vertu d’une ordonnance datée du 20 juillet 2022 qui ne prévoit aucune circonspection des comptes saisis. Elle ajoute que la demande est tardive.
C’est d’une parfaite mauvaise foi que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT demande de débouter les époux [M] de cette demande puisqu’il ne peut être contesté que la banque a fait pratiquer le 28 septembre 2020 la saisie conservatoire querellée sur les comptes ouverts à la Banque Populaire Méditérranée à hauteur de 1.789.139,50 euros en vertu d’une ordonnance rendue le 8 septembre 2020 par le juge de l’exécution de Marseille et non en vertu d’une ordonnance postérieure. Sa contestation, qui n’est encadrée par aucun délai, n’est aucunement tardive.
Il résulte du procès-verbal que le compte chèque n° [XXXXXXXXXX03] présentait un solde créditeur à hauteur de 19.677,37 euros. S’agissant d’un compte joint des époux [M], la saisie conservatoire sera validée puisqu’autorisée par le juge de l’exécution.
En revanche, il est incontestable que ce dernier a entendu limiter son autorisation au seul compte joint ouvert dans les livres de la Banque Populaire Méditerranée puisque la requête initiale portait sur l’ensemble des comptes bancaires d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] mais que le juge de l’exécution a, dans son ordonnance, a barré les lettres ‘s’, souligné “le compte ouvert à la Banque Populaire Méditerranée” et barré la mention “ou tout autre compte bancaire dont sont titulaires les époux [M]”. Il s’ensuit que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT ne disposait pas de l’autorisation de saisir le compte professionnel d’[Z] [M] n°[XXXXXXXXXX04], créditeur à hauteur 58.924,85 euros.
La mainlevée partielle (et non la nullité) de la saisie doit donc être ordonnée.
Sur la demande de la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT tendant à valider la saisie-attribution pratiquée le 1er septembre 2022
La société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT demande de valider une saisie-attribution qui aurait été pratiquée le 1er septembre 2022 entre les mains de la Banque Populaire sur le fondement de l’ordonnance rendue le 21 juillet 2022 sur pied de requête du 18 juillet 2022 par le juge de l’exécution de Marseille dès lors que les époux [M] ne développent aucune contestation.
Si la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT produit effectivement aux débats en pièce 7 une requête aux fins d’autorisation de saisie conservatoire reçue au greffe du juge de l’exécution le 21 juillet 2022 et une ordonnance datée du même jour, elle ne produit aucun procès-verbal de saisie du 1er septembre 2022, les époux [M] n’ayant effectivement pas former de contestation afférente à une saisie-attribution pratiquée à leur encontre le 1er septembre 2022.
La demande de ce chef sera rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
[Z] [M] et [J] [V] épouse [M], succombant, supporteront les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, qui pourront être distraits au profit de Maître Delphine DURANCEAU, avocat.
[Z] [M] et [J] [V] épouse [M], tenus aux dépens, seront condamnés à payer à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.
PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,

Déclare les contestations d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] recevables ;

Déboute [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] de l’ensemble de leurs demandes ;

Valide le commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré le 17 août 2022;

Valide la saisie-attribution pratiquée le 2 septembre 2022 sur les comptes d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ouverts dans les livres d’Axa Banque et dénoncée par acte signifié le 9 septembre 2022, déduction faite des frais de certificat de non contestation, de signification et de mainlevée quittance ;

Valide la saisie-attribution pratiquée le 2 septembre 2022 sur les comptes d’[Z] [M] et [J] [V] épouse [M] ouverts dans les livres de la Banque Populaire Méditerranée et dénoncée par acte signifié le 8 septembre 2022, déduction faite des frais de certificat de non contestation, de signification et de mainlevée quittance ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée sur le compte professionnel d’[Z] [M] n°[XXXXXXXXXX04] ouvert dans les livres de la Banque Populaire Méditérranée et créditeur à hauteur 58.924,85 euros ;

Déboute la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de sa demande tendant à valider la saisie-attribution pratiquée le 1er septembre 2022 entre les mains de la Banque Populaire Méditérranée sur le fondement de l’ordonnance rendue le 21 juillet 2022 sur pied de requête du 18 juillet 2022 par le juge de l’exécution de Marseille ;

Condamne [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] aux dépens de la procédure ;
Condamne [Z] [M] et [J] [V] épouse [M] à payer à la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  

Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 9ème chambre jex
Numéro d'arrêt : 22/09994
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;22.09994 ?
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