La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°24/02970

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 9ème chambre jex, 11 avril 2024, 24/02970


MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 24/02970 - N° Portalis DBW3-W-B7I-4VLQ
AFFAIRE : [U] [G] / [L] [Z]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 11 AVRIL 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Mme BENHARKAT, Juge

GREFFIER : Madame KELLER, Greffier





DEMANDERESSE

Madame [U] [G]
née le 11 Octobre 1977 à [Localité 4] (93),
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Hedi SAHRAOUI de la SARL SUDAIX, avocats au barreau de MARSEILLE
(bénéficie d’une aide

juridictionnelle Totale numéro C13206/2024/002990 du 15/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)


DEFENDEUR

Monsieur [L] ...

MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 24/02970 - N° Portalis DBW3-W-B7I-4VLQ
AFFAIRE : [U] [G] / [L] [Z]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 11 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Mme BENHARKAT, Juge

GREFFIER : Madame KELLER, Greffier

DEMANDERESSE

Madame [U] [G]
née le 11 Octobre 1977 à [Localité 4] (93),
demeurant [Adresse 3]

représentée par Maître Hedi SAHRAOUI de la SARL SUDAIX, avocats au barreau de MARSEILLE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C13206/2024/002990 du 15/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Marseille)

DEFENDEUR

Monsieur [L] [Z]
né le 04 Novembre 1974 à [Localité 4] (93),
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Anna-clara BIANCHI de la SELARL JOB-RICOUART & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

NATURE DE LA DECISION : Contradictoire

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 14 Mars 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Avril 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance de référé du 10 août 2023, le juge du pôle de proximité près le tribunal judiciaire de MARSEILLE a notamment condamné [U] [G] à quitter les lieux occupés, à régler la somme de 7 676 euros à titre d’arriérés de loyers comprenant le mois de juin 2023, avec intérêts au taux légal du 1er août 2022, a fixé le montant de l’indemnité d’occupation à la somme de 700 euros par mois.

Cette ordonnance lui a été signifiée à l’étude le 20 octobre 2023.

Par jugement en date du 30 octobre 2023, le tribunal judiciaire de MARSEILLE a jugé que le logement loué par [L] [Z] propriétaire à sa locataire, [U] [G], indécent et l’a condamné à lui régler la somme de 14 400 euros au titre de son préjudice de jouissance, outre 100 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et 600 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux dépens de l’instance.

Par assignation en date du 27 février 2024, [U] [G] a saisi le juge de l’exécution aux fins de voir prononcer l’annulation de l’acte de signification emportant expulsion du 30 octobre 2023, déclarer nulle ladite expulsion, d’obtenir des délais de grâce de 24 mois à compter du jugement à intervenir et de voir condamner [L] [Z] au paiement de la somme de 1800 euros au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991ainsi qu’aux dépens.

Par conclusions communiquées à l’audience du 14 mars 2024, [U] [G] fait valoir au visa de l’article 1719 du code civil que le commandement de quitter les lieux et la procédure d’expulsion sont nulles car le logement occupé par la requérante a été jugé insalubre par décision du 30 octobre 2023, qu’elle n’est plus redevable de dette de loyers puisque le propriétaire ayant été condamné à la somme de 14 400 euros et que l’arriéré de loyers est inférieur d’un montant de 7 676 euros. Elle fait valoir qu’elle a rencontré des problèmes de santé, d’asthme liés à l’état insalubre du logement. Elle rejette toute compensation au motif que le décompte des sommes dues n’a pas été arrêté. A titre subsidiaire, elle sollicite des délais de grâce sur une période de 24 mois sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.

En défense, par conclusions communiquées à l’audience du 14 mars 2024, [L] [Z] fait valoir que la procédure d’expulsion ne peut faire l’objet d’une annulation, que la seule voie possible de réformation du jugement consiste en un appel, que cette demande n’est pas fondée car elle ne repose sur la démonstration ni de l’absence de validité du titre exécutoire, ni de s signification. Il sollicite à titre reconventionnel la compensation des deux créances, la sienne s’élevant selon lui à la somme de 13 076 euros au mois de mars 2024. Il s’oppose à l’octroi de délai de grâce au motif que la demanderesse n’établit pas sa bonne foi, ni sa situation financière, ni de sa situation médicale. Il s’oppose à tout délai pour quitter les lieux au visa de l’article L412-3 du code de procédure civile d’exécution, faisant observer que cette demande est légalement limitée à un an. Il sollicite que la demanderesse soit condamnée au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A l’audience du 14 mars 2024, les parties ont soutenu le bénéfice de leurs écritures.

[U] [G] a sollicité des délais de grâce et un délai pour quitter les lieux. Elle a précisé qu’elle bénéficiait du revenu de solidarité active (RSA), avait trois enfants à charge dont deux mineurs et que ses recherches de relogement étaient en cours.

[L] [Z] s’y est opposé. Il fait valoir que le jugement précité du 30 octobre 2023 ne lui a pas été signifié, il sollicite la compensation des sommes respectivement dues.

Une note en délibéré a été sollicitée.

L’affaire a été mise en délibéré au 14 mars 2024.

Par transmission RPVA du 25 mars 2024, [U] [G] a justifié avoir deux enfants mineurs à charge, avoir sollicité par courriel du 10 janvier 2024 auprès du maire de son arrondissement un logement en urgence, avoir sollicité par courriel du 23 novembre 2023 un logement auprès de la CDC HABITAT, avoir obtenu le 18 janvier 2024 un relogement auprès de la société UNICIL, avoir été hospitalisée le 11 mars 2024.

Par note en délibéré du 29 mars 2024, [L] [Z] a indiqué que la requérante n’avait procédé qu’à une seule recherche de logement auprès d’UNICIL, que celle auprès du maire n’est pas concrète, que son hospitalisation n’est accompagnée d’aucun suivi de soins, ni de traitement habituel, que ces éléments ne permettent pas d’étayer la bonne foi de [U] [G].

Par communication RPVA du 5 avril 2024, deux attestations d’hébergement pour les deux enfants majeurs de [U] [G] étaient transmises.

MOTIFS

Sur la qualification de la décision :
En l’espèce, toutes les parties ont comparu. La présente décision sera donc contradictoire, conformément aux dispositions de l’article 467 du code de procédure civile.
Par ailleurs la présente décision est rendue en premier ressort.

Sur la demande de nullité du commandement de quitter les lieux :

[U] [G] sollicite l’annulation de l’acte de signification emportant expulsion du 30 octobre 2023 au visa de l’article 1719 du code civil.

Il ressort des pièces versées aux débats qu’une ordonnance de référé en date du 10 août 2023 a ordonné l’expulsion de la requérante, que cette décision a été signifiée à l’étude le 20 octobre 2023, que cette décision est définitive.

Il est produit un jugement postérieur en date du 30 octobre 2023 jugeant le logement occupé par la requérante indécent.

Or, si l’article 1719 du code civil prévoit que le bailleur est obligé de délivrer au preneur un logement décent, que lorsque les locaux sont impropres à l’habitation, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation, ce dernier ne fonde pas la nullité du jugement prononçant une expulsion ou celle du commandement de quitter les lieux.

[U] [G] ne produit aucun élément permettant de justifier de la nullité de l’acte de signification.

En outre, la compensation ne justifie pas non plus l’annulation dudit acte.

Dans ces conditions, [U] [G] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En vertu de l’article L412-3 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut accorder des délais renouvelables aux occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.

Selon l’article L412-4 du code des procédures civiles d’exécution, la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

A la lecture du dossier, il apparait que [U] [G] justifie se trouver dans une situation financière et sociale délicate avec deux enfants mineurs à charge (attestation CAF pièce 16), une imposition nulle telle que cela apparait en pièce 16 du demandeur. Elle justifie avoir effectué des démarches pour se reloger en demandant le 23 novembre 2023 une demande de logement auprès de la CDC HABITAT, en sollicitant directement le maire de sa ville par courriel du 10 janvier 2024 et en lui exposant sa situation comme urgente, auprès d’UNICIL qui lui a accordé un logement par courrier du 18 janvier 2024 dans des conditions qui ne sont pas développées.

[L] [Z], propriétaire, indique être ingénieur dans le département du 93, il justifie d’un arriéré de loyers à la date du jugement de référé d’un montant de 7 676 euros, qui serait aggravé à la somme de 13 076 euros au mois de mars 2024. Toutefois, par jugement en date du 30 octobre 2023, ce dernier a été condamné à régler à la locataire la somme de 15 400 euros, diminuant ainsi la créance dont elle lui est redevable.

Dans ces conditions, il apparait que l’atteinte au droit de propriété du bailleur privé n’apparait pas disproportionnée par rapport aux droits de l’occupante qui a accompli les diligences lui permettant d’accéder à un autre logement alors qu’elle se trouve dans une situation de précarité avec deux enfants mineurs à charge.

Dans ces conditions, il sera accordé à [U] [G] un délai de six mois pour quitter les lieux occupés ainsi que ses occupants.

Sur la demande d’échelonnement ou de report de la dette :

Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge. Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.

En l’espèce, [U] [G] sollicite un échelonnement de sa dette locative sur 24 mois compte tenu de sa situation sociale au visa de l’article précité.

Toutefois, cette dernière ne justifie d’aucune prévision de retour à l’emploi permettant de fonder un échelonnement de cette dette. De surcroit, cette dernière a obtenu une condamnation de son bailleur au paiement de la somme de 15 400 euros qui permettrait de régler définitivement sa dette locative.

Dans ces conditions, [U] [G] sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la compensation des créances respectives :
Aux termes de l’article 1347 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes. Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.
En vertu de l’article 1347-1 du code civil, sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

En l’espèce, il apparait que la créance de [L] [Z] n’est pas arrêtée suivant un décompte établi, reprenant le montant des loyers dus et les intérêts légaux ne sont pas produits.

Par suite, ce dernier sera débouté de sa demande reconventionnelle de compensation.

Sur les frais du procès

[U] [G], qui succombe dans la présente instance, supportera les dépens de la procédure qui seront recouvrés comme ne matière d’aide juridictionnelle ;

Il n’y a lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit par application de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire, et en premier ressort,

Accorde à Madame [U] [G] un délai supplémentaire de six mois, à compter de la notification de la présente décision par le greffe pour quitter le logement sis [Adresse 1],

Dit que, pendant ce délai, la procédure d’expulsion engagée à son encontre est suspendue ;

Condamne [U] [G], aux dépens de l’instance, lesquels seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre chef de demande,

Ainsi Jugé et prononcé les jour, mois et an susdits, et ont signé après lecture le Juge et le Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXECUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 9ème chambre jex
Numéro d'arrêt : 24/02970
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;24.02970 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award