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11/04/2024 | FRANCE | N°22/11152

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 11 avril 2024, 22/11152


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/166 DU 11 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/11152 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RQ3

AFFAIRE : Mme [E], [T] [I]( Me Laurence SMER-GEOFFROY)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE

Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laqu...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/166 DU 11 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/11152 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RQ3

AFFAIRE : Mme [E], [T] [I]( Me Laurence SMER-GEOFFROY)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [E], [T] [I]
née le 17 Novembre 2003 à [Localité 10]
de nationalité Britannique, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Laurence SMER-GEOFFROY, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Isabele DENISE, avocat plaidant au barreau de PARIS

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est [Adresse 9]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [E] [T] [I] née le 17 novembre 2003, à [Localité 10], de nationalité britannique, s’est vu opposer par décision du 26 janvier 2022 un refus de délivrance d’un certificat de nationalité française au motif qu’elle “n’apporte pas la preuve de sa nationalité française (...) Les conditions visées à l’article 21-7 du Code civil ne sont pas remplies, l’intéressée résidant à l’étranger au moment de sa majorité (scolarisée à l’étranger depuis 2020)”

Par acte en date du 14 novembre 2022, Madame [E] [T] [I] a assigné le Procureur de la République devant le tribunal de céans aux fins de dire qu’elle est de nationalité française.

Par conclusions notifiées le 30 novembre 2023, Madame [E] [T] [I] maintient ses demandes.

Elle fait valoir qu’elle est la fille de [O] [D] [I], né le 25 septembre 1973, à [Localité 2], en Grande-Bretagne et de [J] [A] [N] épouse [I], née le 21 juillet 1975, à [Localité 11], en Grande-Bretagne, tous deux sont de nationalité britannique ; qu’elle a effectué sa scolarité en France ; qu’elle justifie de sa résidence habituelle en France, n'étant jamais partie s'installer hors du territoire français ; qu’elle vit avec ses parents et ses deux frères, nés respectivement le 22 août 2005 et le 28 juin 2009 à [Localité 3] et [Localité 4] ; que son frère, [X], né en 2005, est aujourdhui de nationalité française ; qu’elle est titulaire d'un titre de séjour, délivré par la préfecture des Bouches-du-Rhône le 21 décembre 2021, valable jusqu'au 20 décembre 2031 ; qu’elle a successivement été scolarisée à l’école [8] à [Localité 10], de 2007 à 2011, maternelle et CP, puis à l’école élémentaire de [Localité 3], de 2011 à 2015, enfin au sein de l’établissement scolaire [5] ([5]) à [Localité 7], de 2015 à 2020, de la 6ème à la 2nde ; qu’elle a ensuite suivi effectivement des cours dans un établissement britannique pour l’année scolaire 2020/2021, les cours ayant été dispensés à distance en raison de la crise sanitaire ; qu’elle était donc sur le territoire français ; que pour l'année 2021/2022, elle s'est effectivement rendue à différentes reprises en Angleterre pour de courtes périodes ; que les allers et retours ainsi effectués ne sauraient constituer une résidence à l’étranger ; qu’elle figure sur les déclarations de revenus de ses parents, comme ses frères [X] et [P] [I] ; que ses parents certifient, en outre, que leur fille ne dispose pas d'une autre adresse de rattachement ; qu’elle est assurée sociale en France, titulaire de sa carte vitale, détient un compte bancaire au Crédit Mutuel ; que les opérations bancaires prouvent qu’elle réside bien en France ; qu’elle a été vaccinée contre le Covid en France en octobre puis en décembre 2021 ; qu’elle est inscrite dans une auto-école à [Localité 6] pour passer son permis de conduire ; que l’ensemble de ses centres d'intérêts familiaux et amicaux sont, eux aussi, concentrés sur le territoire français.
Elle indique que c’est à tort que le procureur de la République soutient qu'il n'est pas justifié qu’elle disposerait d'une assurance scolaire et extra-scolaire pour l'année 2021/2022, alors qu’elle justifie être bénéficiaire d'une assurance souscrite auprès du groupe AXA, renouvelée annuellement, jusqu'à ce jour ; qu’il n’y a jamais eu de transfert de sa résidence en Grande-Bretagne.

Par conclusions en date du 21 novembre 2023, le Procureur de la République demande au tribunal de :
- Dire la procédure régulière au sens de l’article 1040 du code de procédure civile ;
- Juger que Mme [E] [I] née le 17 novembre 2003 à [Localité 10] n’est pas française ;
- Ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
- Condamner la demanderesse aux entiers dépens.

S’il ne consteste ni le fait que la demanderesse soit née en France, ni l’extranéité de ses parents, et reconnait qu’elle a bien eu sa résidence habituelle en France sur une période continue ou discontinue d'au mois cinq ans, depuis l’âge de onze ans, il soutient en revanche qu’il n’est pas établi que Mme [E] [I] ait eu sa résidence effective en France à sa majorité en novembre 2021 ; que le rattachement au foyer fiscal de ses parents pour l’année 2020 et 2021 ne permet pas de l’établir ; qu’une partie des pièces produites concerne une période postérieure de plusieurs mois à sa majorité ; que ses justificatifs des dépenses de santé concernent la période d’avril à août 2022 uniquement ; qu’il en est de même pour les justificatifs bancaires produits, qui révèlent des dépenses effectuées en France et débitées sur un compte attribué à Mme [E] [I] pour le mois d’août 2022 seulement ; que l’attestation d’inscription au permis de conduire à compter du 29 mars 2022 est également postérieure à la date de la majorité de l’intéressée ; que l'attestation scolaire de sécurité routière, largement antérieure à la majorité de l’intéressé, ne peut justifier de sa résidence habituelle en France au mois de novembre 2021 ; qu’elle a en outre adressé un courrier au service de la nationalité du tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence au mois de novembre 2021, dans laquelle elle expliquait être scolarisée à l’étranger depuis 2020 et ne pouvait revenir en France que pour les vacances scolaires ; que la copie des cartes d’embarquement produites semblent indiquer des déplacements en France pour les vacances scolaires plutôt qu’une résidence sur le territoire français ; que la délivrance d’une carte vitale n’est pas conditionnée à la preuve d’une résidence effective en France étant observée qu’elle a été délivrée le 20 mars 2020 alors qu’elle était âgée de 16 ans et était scolarisée en France ; que les certificats de vaccination en octobre et décembre 2021 correspondent à des séjours en France pendant les périodes de vacances scolaires françaises ; que la période de validité de l’attestation d'assurance scolaire et extra scolaire est l’année scolaire 2020/2021 soit jusqu’en juin 2021 et donc antérieurement à la majorité de Mme [E] [I] survenue en novembre 2021 ; qu’en conséquence, ces pièces ne permettent pas d'établir que Mme [E] [I] avait sa résidence en France à sa majorité au mois de novembre 2021.

MOTIFS :

L’article 21-7 du code civil dispose que “tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s'il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d'au moins cinq ans, depuis l'âge de onze ans ”.

En l’espèce, le père de Madame [E] [I], Monsieur [O] [D] [I], est titulaire d'une carte de séjour permanent de dix ans, valable du 31 mai 2021 au 30 mai 2031, délivrée par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Sa mère, Madame [J] [N] épouse [I] a obtenu une carte de séjour permanent de dix ans, valable du 31 mai 2021 au 30 mai 2031, par les services préfectoraux des Bouches-du-Rhône.

Ainsi, il n’est pas contestable que la condition relative à l’extranéité des parents de l'enfant né et résidant en France est remplie.
S'agissant de la résidence habituelle Madame [E] [I] au moment de sa majorité, soit au mois de novembre 2021, s'il est effectif qu'elle suivait des cours en Angleterre pour l'année 2020/2021, ce qu'elle a d'ailleurs reconnu expressément à l'audience, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a jamais fixé sa résidence dans un autre pays que la France.
Le fait de pousuivre des études en Angleterre et d'être, à ce titre, hébergée en internat, ne permet pas de remettre en cause sa résidence habituelle en France où elle demeurait domiciliée.
Sur cette période, Madame [E] [I] a vécu en France pendant la pendémie de Covid, puis a pu reprendre ses cours en Angleterre ; elle passait ses vacances scolaires en France et revenait régulièrement chez ses parents. De ses retours au domicile familial, ses parents ont conservé quelques cartes d'embarquement et notamment un aller-retour France- Angleterre sur la période du 13 octobre 2021 au 1er novembre 2021.

Aussi, Madame [E] [I] était sur le territoire français pour se faire vacciner pour la seconde dose de vaccin contre le Covid le 20 décembre 2021.

Madame [E] [I] n'a jamais procédé à un quelconque transfert de sa résidence en Angleterre et a toujours conservé des liens étroits, constants et privilégiés avec son pays de naissance, ses attaches familiales, et amicales.
Les parents de Madame [E] [I] avaient souscrit une assurance scolaire et extra-scolaire pour leur fille auprès de la compagnie d'assurance AXA pour l'année 2021/2022, tel que cela ressort de l'attestation versée aux débats.
Ses centres intérêts sont demeurés en France, de sa minorité jusqu'à ce jour. Ses parents, ses frères - ressortissants français - vivent, travaillent, étudient en France. Elle ne dispose d'aucun lien familial ou professionnel en dehors du territoire français, et travaille actuellement avec sa mère selon ses propres déclarations ; elle est décrite par les personnes ayant témoigné comme une personne parfaitement intégrée dans la communauté française.
Ses parents confirment sa résidence au domicile familial en France, et il n'y a aucune raison de remettre en cause leurs déclarations d'ailleurs confirmées par les autres éléments communiqués par la demanderesse.

En conséquence, il convient d'ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française à Madame [E] [T] [I] et d'ordonner la mention en marge de ses actes d'état civils conformément aux dispositions des articles 28 et 28-1 du Code civil.

Les dépens de la procédure seront mis à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

ORDONNE la délivrance d'un certificat de nationalité française à Madame [E] [T] [I] née le 17 novembre 2003 à [Localité 10] ;

ORDONNE les mentions prévues aux articles 28 et 28-1 du Code civil ;

DIT que les dépens seront mis à la charge du Trésor Public.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Avril 2024

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/11152
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.11152 ?
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