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11/04/2024 | FRANCE | N°22/08522

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 11 avril 2024, 22/08522


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/170 DU 11 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/08522 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KKP

AFFAIRE : Mme [R] [K]( Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier l

ors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’aud...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/170 DU 11 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/08522 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2KKP

AFFAIRE : Mme [R] [K]( Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [R] [K]
née le 06 Juin 1987 à [Localité 2] (COMORES), domiciliée : chez Madame [R] [V], [Adresse 1]

représentée par Maître Alice ARCHENOUL de la SELARL CARLINI & ASSOCIES, avocats postulant au barreau de MARSEILLE et par Maître Inna HARMEGNIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE - [Adresse 3]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [R] [K], se disant née le 6/06/1987 à [Localité 2] (Comores) s’est vue refuser un certificat de nationalité française par le directeur de greffe du tribunal judiciaire de Marseille le 30/10/20 au motif qu’il résulte de l’enquête diligentée auprès des autorités comoriennes que l’acte produit n’était pas conforme, l’année de naissance étant différente.

Par acte en date du 24 août 2022, Madame [R] [K] a assigné devant le tribunal de céans le Procureur de la République aux fins de :
- déclarer qu’elle est française,
- ordonner en conséquence la transcription de cette nationalité sur les actes d'état civil conformément à l'article 28 et 28-1 du Code civil,
- dire que les dépens seront à la charge de I'Etat,
- condamner l'Etat à verser à Madame [R] [K] la somme de 2000€ au titre des frais exposés pour la présente instance en application de l'article 700 du Code de la procédure civile.

Par conclusions notifiées le 08 septembre 2023, Madame [R] [K] maintient ses demandes.

Elle revendique la nationalité française par filiation paternelle ; elle fait valoir qu’elle est née le 06 juin 1987 et qu’elle a été reconnue par Monsieur [P] [K] ; que sa filiation avec ses parents est établie par l'acte de naissance qu’elle verse aux débats ; que son père, Monsieur [P] [K], est français par déclaration de reconnaissance de la nationalité française souscrite le 20 décembre 1976 ; qu’il s’est marié à [Localité 2] le 01/02/73 avec [L] [D] qui n’est pas sa mère, et dont il n’a divorcé que le 04/02/92 ; qu’elle est née hors mariage le 6/06/87 de [P] [K] et de [I] [G] ; que toutefois aucune disposition de la loi comorienne n’interdisait au moment de sa naissance à un officier d’état civil d’inscrire le nom de son père sur son acte de naissance en l’absence d’acte de mariage de ses parents ; que le certificat de coutume comorien établi par un avocat comorien précise le cadre juridique de la reconnaissance paternelle d’un enfant né hors mariage tel qu’il résulte de l’article 34 de la loi N°84-10 du 15 mai 1984.
Elle indique par ailleurs qu’une erreur sur l’indication de l’année de sa naissance a été commise au moment de la délivrance de son acte de naissance établi en 2020 ; que si la décision du refus de la délivrance du certificat de nationalité française rappelle que l'année indiquée dans l'acte de naissance présenté dans le dossier de Madame [R] [K] (1986) est différente de celle indiquée dans le registre de l'état civil comorien (1987), un constat d'huissier a été dressé sur la base du registre n°4 comportant l'acte de naissance n°330 du 7 juin 1987 établissant que son année de naissance est 1987 ; qu’elle fournit une copie de son acte de naissance datant du 7 juin 1987, délivrée le 25 mars 2021, qui a été établie sur la base de la déclaration de son père, [P] [K] ; qu’il est effectif qu’il ne comporte pas les indications d’heure de naissance et d’enregistrement d’acte comme c’est d’ailleurs le cas de la plupart des actes de naissances délivrés aux Comores, les enfants étant souvent nés à domicile ; que le défaut de ces mentions est sans effet sur la validité de l’acte.

Par conclusions notifiées le 19 janvier 2023, le Procureur de la République demande au tribunal de :
- dire que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré;
- débouter l’intéressée de sa demande ;
- constater son extranéité ;
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Il soutient que la copie de son acte de naissance n°330 (registre n°4) délivrée le 24/03/21 par l’officier d’état civil du centre de [Localité 2], aux termes duquel elle est née le 06/06/1987 à...h (heure non précisée) à [Localité 2], de [K] [P] né le 23/12/51, cuisinier, né à [Localité 2], demeurant à [Localité 2], et de [I] [G] née le 31/12/53 à [Localité 2],ménagère, demeurant à [Localité 2], acte dressé le 7/06/1987 à...h (heure non précisée) sur déclaration du père n’est pas conforme à la législation comorienne relative à l’état civil (articles 16 et 33); qu’il ne précise pas davantage l’heure à laquelle il a été dressé, en violation de la législation comorienne ; que dès lors, l’acte n’est pas probant ; que surtout lors de sa demande de délivrance d’un certificat de nationalité française, l’intéressée a produit une autre copie de son acte de naissance ne comportant pas les mêmes mentions (sa pièce 9) ; qu’en effet, elle a alors produit une copie, délivrée le 8/02/2020, de son acte de naissance n°330 aux termes duquel elle est née le 06/06/1986, l’acte ayant été dressé le 07/06/1987 ; que la date de la naissance et la date de l’acte sont des mentions substantielles de l’acte ; que les copies d’un même acte doivent comporter les mêmes mentions puisqu’elles sont censées être chacune la reproduction complète et fidèle de l’acte original figurant au registre ; que dès lors, aucune de ces copies ne peut faire foi, et l’acte n’est pas probant au sens de l’article 47 du code civil ; que le PV d’huissier ayant constaté dans le registre que son acte de naissance mentionne bien l’année 1987 et non pas l’année 1986 comme indiqué par erreur sur la copie produite n’est pas probant ; que l’huissier vise notamment deux copies d’un acte du 07/06/1887 remises par la demanderesse (et non pas du 7/06/1987) ; que ce PV d’huissier ne mentionne qu’une erreur quant à l’année de l’établissement de l’acte et non pas une erreur sur l’année de naissance ; qu’il ne permet dès lors pas “d’expliquer” cette divergence selon les copies et ne constate nullement que l’intéressée est bien née le 6/06/1987 selon l’acte figurant au registre ; que de plus, aucune décision de rectification de l’acte n’est produite à l’appui de l’acte rectifié produit par la demanderesse en date du 24/03/2021, et aucune décision de rectification n’est visée dans cet acte.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 8 février 2024.

MOTIFS :

En application de l’article 30 du Code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause.

En application de l’article 47 du même code, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.

Il est de principe que nul ne peut revendiquer la nationalité française s’il ne dispose d’un
état civil certain et fiable.

Les textes applicables aux Comores en matière de filiation ne prévoient que la filiation légitime, lorsqu'un mariage est antérieur à la naissance. La reconnaissance paternelle d'un enfant naturel n'est en effet pas prévue aux Comores puisque la filiation paternelle naturelle n'y est pas reconnue.
En effet, l'article 100 du code de la famille comorien dispose que “la filiation d’un enfant né hors mariage ne crée aucun lien de parenté vis-à-vis du père et ne produit, d’une façon générale aucun des effets prévus à l’article 99 ci-dessus. Par contre cette filiation entraîne vis-à-vis de la mère les mêmes effets que la filiation d’un enfant né dans les liens du mariage.”.
Ainsi, la déclaration de la naissance de Madame [R] [K] par Monsieur [P] [K] le 07 juin 1987, alors marié à Madame [L] [D] qui n’est pas la mère de la requérante ne permet pas de considérer que le lien de filiation paternelle est établi dès lors que la loi comorienne ne reconnaît pas la filiation naturelle.
En conséquence, Madame [R] [K] sera déboutée de sa demande.
En application de l'article 28 du code civil, mention de la présente décision sera portée en marge de l'acte de naissance.
Les frais de procédure seront laissés à la charge de Madame [R] [K].

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DEBOUTE Madame [R] [K] de ses demandes ;
CONSTATE l’extranéité de Madame [R] [K] ;
ORDONNE en tant que de besoin la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

LAISSE les dépens à la charge de Madame [R] [K].

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Avril 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/08522
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.08522 ?
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