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11/04/2024 | FRANCE | N°22/05414

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 11 avril 2024, 22/05414


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/169 DU 11 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/05414 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2CW7

AFFAIRE : M. [H] [C]( Me Alexandre ROBELET)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette



En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les p...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/169 DU 11 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/05414 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2CW7

AFFAIRE : M. [H] [C]( Me Alexandre ROBELET)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [H] [C]
né le 20 Juillet 1978 à [Localité 2], [Localité 5] ( SÉNÉGAL ), domicilié: chez Monsieur [D] [C], [Adresse 3]

représenté par Me Alexandre ROBELET, avocat au barreau de MARSEILLE

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis [Adresse 4]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Par décision du 14 mars 2015, Monsieur [H] [C] se disant né le 20 juillet 1992 à [Localité 2] (Sénégal) s’est vu opposer un refus de délivrance d’un certificat de nationalité par le greffier en chef du tribunal d’instance du [Localité 1], au motif “qu’il résulte de nos vérifications que votre père, originaire du Sénégal, n’aurait pu conserver la nationalité française que s’il avait établi, à l’indépendance de ce pays, son domicile de nationalité hors d’un des Etats qui avaient eu antérieurement le statut de territoire d’outremer de la République française. Le domicile de nationalité s’entend d’une résidence effective présentant un caractère stable et permanent et coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles. En outre, il a été constaté certaines incohérences dans les documents que vous avez fournis à l’appui de votre demande. Cette constatation ne permet pas d’accorder une force probante suffisante aux actes produits (article 47 du code civil). Par ailleurs, il vous appartient en application de l’article 30 du code civil de faire la preuve de votre nationalité française. Le fait qu’un certificat ( dont vous produisez une copie) ait été délivré à votre père le 16/11/1971 par le juge du tribunal d’instance de Saint-Quentin ne vous dispense pas de rapporter la preuve de sa conservation de la nationalité française lors de l’indépendance de son pays d’origine (...)”.

Par acte d’huissier en date du 06 décembre 2016, Monsieur [H] [C] a assigné le Procureur de la République devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir reconnaître sa nationalité française par filiation paternelle, en application de l’article 18 du Code civil.

L’affaire a fait l’objet d’un jugement de radiation le 08 juillet 2021, puis de conclusions de remise au rôle signifiées le 1er juin 2022 par lesquelles il soutient qu’il remplit les conditions pour prétendre à la qualité de français au sens des articles 18 et suivants du Code civil, et sollicite que lui soit octroyée la nationalité française ; il réclame le versement d’une somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que le tribunal d'instance de Saint Quentin a délivré à son père, Monsieur [D] [C] un certificat de nationalité française le 16 novembre 1971 retenant notamment « un certificat de résidence établissant sa résidence en France au moment de l’indépendance ›› ; que la présence de Monsieur [D] [C] sur le sol français au moment de l'accession du Sénégal à l’indépendance est démontrée par son relevé de carrière établi par l'ARRCO sur la période du 31 décembre 1956 au 30 avril 2001 ; que dès lors que son fils [H], né postérieurement à l'établissement de la nationalité française de son père, et quoique né au Sénégal, peut prétendre à la nationalité française par filiation, en application des dispositions de l'article 18 du code civil.

Par conclusions notifiées par RPVA le 23 juin 2023, le Procureur de la République soutient que l’assignation doit être déclarée caduque à défaut de dépôt au ministère de la Justice de ladite assignation contre récépissé conformément aux dispositions de l’article 1043 du code de procédure civile ; que le demandeur produit pour justifier de l’accomplissement de cette formalité un courrier daté du 25 novembre 2020 ainsi qu’un avis de dépôt de lettre recommandée avec avis de réception qui ne permet de s’assurer de la réception de l’assignation au ministère de la justice.

Il soutient que Monsieur [H] [C] n’étant pas personnellement titulaire d’un certificat de nationalité française, il lui appartient de rapporter la preuve d’une part de la qualité de français de Monsieur [D] [C] à la date de sa naissance, d’autre part de justifier, par la production d’actes probants, d’un lien de filiation légalement établi durant sa minorité à son égard, faute de quoi il serait dépourvu d’effet sur sa nationalité en application de l’article 20-1 du Code civil ; qu’il ne rapporte pas la preuve que son père allégué, Monsieur [D] [C] était français avant l’accession du Sénégal à l’indépendance, et qu’à supposé sa nationalité française établie, il ne rapporte pas davantage la preuve que Monsieur [D] [C] l’aurait conservée à l’indépendance du Sénégal ; que le récapitulatif de carrière le concernant ne permet pas de s’assurer qu’il avait fixé son domicile de nationalité en dehors de l’un des Etats qui avaient eu antérieurement le statut de territoire d’Outre Mer de la République française, au moment de l’indépendance du Sénégal, ce document couvrant la période d’activité professionnelle de Monsieur [D] [C] à compter du 20 septembre 1961, soit bien postérieurement à la date d’accession du Sénégal à l’indépendance, survenue le 20 juin 1960 ; qu’en outre le domicile de nationalité ne se limite pas aux seules occupations professionnelles ; que le demandeur n’apporte aucun élément de nature à justifier que son père avait également ses attaches familiales hors de l’un des Etats de la Communauté lorsqu’ils sont devenus indépendants ; que le demandeur qui n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, ne peut se contenter d'invoquer le certificat de nationalité française délivré à son prétendu père.
Il indique par ailleurs qu’au terme de son acte de naissance, Monsieur [H] [C] est né le 20 juillet 1978 à [Localité 2] (Sénégal) de [D] [C] et [M] [K] ; que son acte a été transcrit le 31 décembre 1992 suivant jugement rendu le 22 septembre 1992 par le tribunal départemental de [Localité 5], et que ledit jugement n’est pas versé aux débats ; qu’en l’absence de production de ce jugement, le tribunal n’est pas en mesure d’exercer son contrôle étant observé que la fiche individuelle de renseignements de naissance ne saurait supplééer à la décision non produite.
Il indique enfin que le code de la famille sénégalais prévoit que la filiation paternelle est établie par la seule indication du nom du père déclarant la naissance, cette déclaration valant reconnaissance ; que l’acte de naissance de Monsieur [H] [C] a été dressé suivant jugement supplétif ; que la filiation ne peut donc résulter que du mariage de ses parents ; que pour en justifier, le requérant produit une copie de l’acte de mariage de ses parents mentionnant que celui-ci a été célébré le 30 mars 1980, soit postérieurement à sa naissance ; que le lien de filiation paternelle de Monsieur [H] [C] n’est donc pas établi ; qu’en considération de l’ensemble de ces éléments, le tribunal ne pourra que constater l’extranéité de Monsieur [H] [C].

MOTIFS :

Sur la caducité de l’assignation :

L’article 1043 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur jusqu’au 1er septembre 2022, dispose que “dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation ou, le cas échéant, une copie des conclusions soulevant la contestation sont déposées au ministère de la justice qui en délivre récépissé. Le dépôt des pièces peut être remplacé par l'envoi de ces pièces par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
La juridiction civile ne peut statuer sur la nationalité avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la délivrance du récépissé ou de l'avis de réception. Toutefois, ce délai est de dix jours lorsque la contestation sur la nationalité a fait l'objet d'une question préjudicielle devant une juridiction statuant en matière électorale.
L'assignation est caduque, les conclusions soulevant une question de nationalité irrecevables, s'il n'est pas justifié des diligences prévues aux alinéas qui précèdent.”

En l’espèce, l’assignation et les conclusions de réenrôlement après radiation ont été adressées au ministère de la justice par le conseil de Monsieur [H] [C] par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 novembre 2020, le dépôt ayant été effectif au 27 novembre 2020.

Dès lors, le requérant justifie avoir effectué les diligences imposées par la Loi, et ne ne peut être responsable du défaut de récépissé que le ministère de la justice est tenu de lui adresser.

En outre, il convient de rappeler que le juge de la mise en état est seul compétent à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les exceptions de procédure en vertu des dispositions de l’article 789 du Code de procédure civile, et que les parties ne sont plus recevables à les soutenir ultérieurement.

En conséquence, la fin de non recevoir soulevée par le Procureur de la République sera rejetée.

Sur le refus de délivrance d’un certificat de nationalité française :

En application de l’article 30 alinéa 1 du Code civil, la charge de la preuve en matière de la nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de Français lorsqu’il n’est pas déjà titulaire d’un certificat de nationalité délivré à son nom conformément aux dispositions des articles 31 et suivants du même Code.

En application de l’article 47 du Code civil, « tout acte de l’état civil des français et des
étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité».

En l’espèce, Monsieur [H] [C] verse aux débats une copie de son acte de naissance et la copie d’un extrait du registre des actes de naissance datés du 09 juillet 2014 établis sur la base d’un jugement supplétif délivré le 22 septembre 1992 par le juge de paix de Ziguinchor (Sénégal). Or, ce jugement supplétif n’est pas communiqué, de sorte que l’acte d’état civil communiqué est incomplet.

En conséquence, Monsieur [H] [C] sera débouté de sa demande.

En application de l'article 28 du code civil, mention de la présente décision sera portée en marge de l'acte de naissance.

Les frais de procédure seront laissés à la charge de Monsieur [H] [C].

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par le Procureur de la République ;

DEBOUTE Monsieur [H] [C] de ses demandes ;
CONSTATE l’extranéité de Monsieur [H] [C] ;
ORDONNE en tant que de besoin la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

LAISSE les dépens à la charge de Monsieur [H] [C].

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Avril 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/05414
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.05414 ?
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