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11/04/2024 | FRANCE | N°22/04837

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab3, 11 avril 2024, 22/04837


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/168 DU 11 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/04837 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z7MQ

AFFAIRE : M. [V] [A]( Me Pieyre-eloi ALZIEU-BIAGINI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Be

rnadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquell...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/168 DU 11 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/04837 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z7MQ

AFFAIRE : M. [V] [A]( Me Pieyre-eloi ALZIEU-BIAGINI)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [V] [A]
né le 26 Juillet 1949 à [Localité 3] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 1]

Monsieur [N] [A]
né le 30 Août 1982 à [Localité 2] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 1]

Madame [E] [B] [A] épouse [R]
née le 24 Juillet 1987 à [Localité 8] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 1]

Monsieur [G] [A]
né le 04 Février 2000 à [Localité 8] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 1]

représentés tous les quatre par Me Pieyre-eloi ALZIEU-BIAGINI, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Janine BERMOND AUDINTET, avocat plaidant au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE - [Adresse 9]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte en date du 10 mai 2022, [V] [A], [N] [A], [E] [B] [A] Epouse [R] et [G] [A] ont assigné le Procureur de la République devant le tribunal de céans aux fins de :
-Constater que [V] [A], né le 26 juillet 1949, est le fils légitime d'[T] [A], qui a signé, le 4 juin 1963, en application de l'article 2 de l’ordonnance N°62-825 du 21 juillet 1962, une déclaration recognitive de nationalité française,
-Juger que [V] [A], mineur à la date de ladite signature, a bénéficié de l'effet collectif attaché à ladite déclaration,
-Juger que [V] [A] est français,
-Juger que ses trois enfants, [N] [A], [E] [B] [A] (Epouse
[R]) et [G] [A], sont de nationalité française en application de l’article 18 du Code Civil,
-Ordonner la mention du jugement à intervenir en marge de l'acte de naissance de chacun,
-Condamner le Trésor public aux entiers dépens.

Par ordonnance d’incident en date du 27 février 2023, le juge de la mise en état a rejeté la fin de non recevoir soulevée par le Procureur de la République et l’exception de nullité de l’assignation en justice.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 10 novembre 2023, [V] [A], [N] [A], [E] [B] [A] (Epouse [R]) et [G] [A] maintiennent leurs demandes au motif qu’ils rapportent la preuve de la chaine de filiation légitime et ininterrompue les reliant à [T] [A].

Ils font valoir qu’ils sont descendants en ligne directe d’[T] [A], né le 13 décembre 1927 à [Localité 5] (ALGERIE) et décédé le 29 juin 2008 à [Localité 7] en Seine et Marne ; qu’[T] [A] s’est marié le 28 octobre 1948 (transcription du 4 mai 1953) à [Localité 6] à [K] [A], née le 21 mai 1927 à [Localité 5] ; qu’un enfant est né de cette union, [V] [A] ; que [K] [A] est décédée le 28 août 1955 à [Localité 4] ; qu’[T] [A] s’est remarié le 19 septembre 1959 à [Localité 10] à Pierrette [D] [H] dont il a divorcé par jugement rendu par le TGI de VERSAILLES en date du 30 mai 1962 ; qu’il a souscrit une déclaration recognitive de nationalité française le 4 juin 1963 (N° 24.072 DR 63) par-devant le Juge du Tribunal d’Instance de PARIS ; qu’il s’est marié une troisième fois le 10 avril 1965 avec [U] [Y] [M] ; que [N] [A], [E] [B] [A] (Epouse [R]) et [G] [A] sont issus de l’union entre [V] [A] et [O] [J].
Ils soutiennent que lorsqu’[T] [A] a signé la déclaration recognitive de nationalité française le 4 juin 1963, son fils [V] [A], né le 26 juillet 1949 de son mariage avec [K] [A], n’avait que 13 ans ; qu’en tant qu’enfant mineur, il a suivi la condition de son père en bénéficiant de l’effet collectif attaché à ladite déclaration ; que dès lors [N] [A], [E] [B] [A] (Epouse [R]) et [G] [A], enfants légitimes de [V] [A] et [O] [J] sont, comme leur père, français, en leur qualité de fils et fille de français ; que le Procureur de la République ne conteste pas la nationalité française d’[T] [A], ni la filiation légitime entre [V] [A] et ses trois enfants.
Ils soutiennent que les actes d’état civil de [V] [A] sont probants, qu’ils versent à cet effet aux débats une copie certifiée conforme par l’Officier d’Etat-Civil de la page du registre des actes de naissance contenant l’acte de naissance N° 85 de [V] [A] ; que [X] [A], son arrière grand-père paternel ayant assisté à l’accouchement, avait qualité pour déclarer la naissance de [V] [A] ; que l’acte de naissance d’[T] [A] mentionne qu’il est « Fils de [F], fils de [X] » ; que son acte de décès porte la même mention ; que le livret de famille d’[T] [A] indique qu’il est « fils de [F] [L] », soit [F] fils de [X] [A].
Ils indiquent qu’en tout état de cause, la mauvaise tenue des registres d’état-civil, y compris du temps de la souveraineté française en ALGERIE, ne saurait leur causer grief; que le Tribunal demeure libre d’apprécier les éléments qui lui sont soumis dès lors que la présence de mentions concordantes sur des actes (naissance, décès, mariage) ou des documents (décisions de Justice, livret de famille) relatifs à un même individu permet d’établir une réalité incontournable ; que la réalité de la filiation légitime entre [T] [A] et son fils, [V] [A], est encore prouvée, de manière incontestable, par le livret de famille d’[T] [A], qui mentionne [V] [A] comme premier enfant, et l’acte de mariage N°622 de [V] [A], où il est indiqué " le nommé [A] [V] … fils de [T] " et le livret de famille de [V] [A], qui précise « Fils de [T] [A] ».
Ils soutiennent qu’il n’existe aucune contestation sur le fait qu’[T] [A] a épousé [K] [A] devant le Cadi le 28 octobre 1948 et que leur mariage religieux a été transcrit à l’état-civil le 4 mai 1953 ; que l’acte de naissance N°85 de [V] [A] né le 26 juillet 1949 a été initialement dressé le 30 juillet 1949, de sorte que ce dernier a été reconnu par son père avant même la transcription du mariage d’[T] [A], le 4 mai 1953 ; que la filiation de [V] [A] à l’égard de son père [T] [A] étant déjà établie à la date du 4 mai 1953, il n’avait pas à faire l’objet d’une reconnaissance au moment de la transcription du mariage de ses parents ; que même à considérer qu’il serait né « hors mariage », et avant la transcription de 1953, il a nécessairement été légitimé de plein droit par la transcription du mariage de ses parents.

Par conclusions du 16 octobre 2023, le Procureur de la République indique que le récépissé a été délivré conformément à l’article 1040 du code de procédure civile.
Il soutient que la copie de l’acte de naissance de [V] [A] N°85 du 13 mars 2022 n’est pas probante faute de comporter les informations permettant de vérifier que le déclarant, [X] [A], avait qualité pour déclarer la naissance ; que cette mention est d'autant plus substantielle que les personnes habilitées à déclarer une naissance étaient le père, ou, à défaut du père, les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes ayant assisté à l'accouchement ; et, lorsque la mère était accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle était accouchée ; qu’en l’espèce, il est seulement précisé que le déclarant est “propriétaire”, ce qui ne permet pas de vérifier s'il avait ou non qualité pour déclarer la naissance de [V] [A].
Il soutient que l’original de la copie délivrée le 15 février 2022 de l’acte de mariage N°340 entre [T] [A] et [K] [A], et les deux traductions selon lesquelles le mariage présumé le 28 octobre 1948 à [Localité 6] a été transcrit à [Localité 6] et, selon la seconde traduction célébré le 4 mai 1953, ne sont pas probants au motif, d’une part, qu’il n’est pas précisé que le mariage a été célébré devant le cadi, et que, d’autre part, il ne peut être indiqué que le mariage a été célébré le 04 mai 1953 alors qu’il est mentionné qu’il est présumé avoir eu lieu le 28 octobre 1948 ; que dans l’hypothèse où le mariage se serait tenu devant le cadi, la transcription aurait dû intervenir dans les huit jours de la déclaration en présence de deux témoins, le mariage étant lui-même déclaré dans les trois jours (selon la loi du 23 mars 1882 alors en vigueur) ; que ce mariage n’est pas porté en marge de l’acte de naissance d’[T] [A] ; qu’il n’est donc pas justifié du mariage par une copie probante de l’acte de mariage ; que [V] [A] né le 26 juillet 1949 ne justifie pas d’une reconnaissance par [T] [A] et d’une légitimation par le mariage enregistré à l’état civil le 04 mai 1953, de sorte que sa filiation avec [T] [A] n’est pas établie.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoirie du 08 février 2024.

MOTIFS :

En vertu des dispositions de l’article 30 du code civil, "La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause”.

L’article 47 du même code dispose que “tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française”.

En l’espèce, pour justifier de sa filiation avec [T] [A], [V] [A] produit outre l'acte de naissance de [T] [A] :

- la copie intégrale de son acte de naissance en date du 13 mars 2022 mentionnant qu’il est né le 26 juillet 1949 de [T] [Z] et de [A] [K] [S] ;
- la copie intégrale de l'acte de mariage n°340 délivrée le 15 février 2022, et deux traductions de l’acte en langue arabe selon lesquelles le mariage présumé le 28 octobre 1948 à [Localité 6] a été transcrit à [Localité 6] et, selon la seconde traduction célébré le 4 mai 1953, entre [T] [A], fermier, né le 13 décembre 1927 et [K] [A], sans profession, née le 21 mai 1927.
Or, d'une part, il n’est pas précisé que le mariage a été célébré devant le cadi conformément aux dispositions légales en vigueur à la date du mariage et plus précisément en application des dispositions de la loi du 23 mars 1882 relative aux actes d’état civil ; d'autre part, si le mariage a été célébré le 4 mai 1953, il ne peut être mentionné que ce mariage est "présumé le 28 octobre 1948", ce qui n'est pas cohérent, selon la seconde traduction.
S'il s'agit bien de la transcription d'un mariage célébré devant le cadi, cette transcription aurait dû intervenir dans les huit jours de la déclaration de mariage en présence de deux témoins, le mariage devant lui-même être déclaré dans les trois jours selon les dispositions des articles 17 et 18 de la loi du 23 mars 1882 alors en vigueur.
De plus et surtout, si la mention portée en marge de l'acte de naissance d’[T] [A] ainsi que son livret de famille mentionnent que l'acte de mariage a été inscrit ou enregistré le 04 mai 1953, l’acte de mariage communiqué (pièce des requérants N°29) mentionne quant à lui que le mariage “présumé le 28 octobre 1948" a été célébré et non pas transcrit le 04 mai 1953.

Dès lors, compte-tenu des incohérences susvisées, l’acte de mariage d’[T] [A] et de [K] [A] n’est pas probant.

Dans l’hypothèse où leur mariage aurait été célébré le 04 mai 1953 et non le 28 octobre 1948, [V] [A] né le 26 juillet 1949 serait alors né avant le mariage de ses parents, sans que son présumé père, [T] [A] ne l’ait ainsi reconnu.

En tout état de cause, la seule mention du nom d’[T] [A] dans l'acte de naissance de [V] [A] ne permet pas de déduire la reconnaissance de [V] [A] par [T] [A].

En conséquence de ce qui précède, le lien de filiation entre [T] [A] et [V] [A] n’est pas établi de façon certaine.
Faute de justifier du lien de filiation à l'égard d'[T] [A], [V] [A] ainsi que ses descendants n'ont pu bénéficier des effets de la déclaration souscrite par d'[T] [A].
En conséquence de ce qui précède, les requérants seront déboutés de leurs demandes.
En application de l'article 28 du code civil, mention de la présente décision sera portée en marge de la déclaration ayant pour effet l’acquisition de la nationalité française.
Les frais de procédure seront laissés à la charge des consorts [A].

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

CONSTATE l’extranéité de [V] [A], [N] [A], [E] [B] [A] Epouse [R] et [G] [A] ;

ORDONNE en tant que de besoin la mention prévue à l'article 28 du code civil ;

LAISSE les dépens à la charge de [V] [A], [N] [A], [E] [B] [A] Epouse [R] et [G] [A].

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 11 Avril 2024

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab3
Numéro d'arrêt : 22/04837
Date de la décision : 11/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-11;22.04837 ?
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