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04/04/2024 | FRANCE | N°23/00014

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 04 avril 2024, 23/00014


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 23/00014 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2Z27

AFFAIRE : M. [O] [L] (Me Virgile REYNAUD)
C/ M. [H] [I] (Me Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA) et autres


DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Gref

fier lors des débats : BESANÇON Bénédicte


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées qu...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 23/00014 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2Z27

AFFAIRE : M. [O] [L] (Me Virgile REYNAUD)
C/ M. [H] [I] (Me Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [O] [L]
né le [Date naissance 2] 1999 à [Localité 9] (13)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

représenté par Maître Virgile REYNAUD, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur le Docteur [H] [I]
de nationalité Française, domicilié à [Adresse 8]

représenté par Maître Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA, avocat au barreau de NICE

CLINIQUE DE [7]
dont le siège social est [Adresse 10], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD
dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentées par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

défaillante

Mutuelle MMA IARD
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

défaillante

CPAM DU PUY-DE-DOME - PARTIE INTERVENANTE
dont le siège social est sis [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

Le 7 avril 2016, monsieur [L] subit une arthroscopie du genou droit, réalisée par le docteur [I], au sein de la Clinique de [7]. Pendant l’opération, le chirurgien retrouve une anse de seau méniscale interne luxée et la resèque.

Deux jours plus tard, le patient est à nouveau opéré en urgence, en raison d’une hémarthrose post-opératoire ; une nouvelle arthroscopie lavage est effectuée par le docteur [I].

Les suites sont marquées par d’importantes douleurs au genou droit, ainsi qu’un syndrome inflammatoire majeur.

Une ponction à visée bactériologique est pratiquée, laquelle met en évidence un staphylocoque aureus sensible, nécessitant divers interventions, soins et traitements.

Par ordonnance du 8 septembre 2020 le juge de référés de ce siège, à la demande de monsieur [L], a désigné le docteur [J] en qualité d'expert.
Celui-ci a rendu son rapport le 30 mars 2022.

L'expert a conclu que Monsieur [L] a présenté une hémarthrose aiguë ayant nécessité une ponction évacuatrice, puis une arthroscopie avec lavage drainage pour récidive d’hémarthrose. Il a présenté une infection en relation avec l’intervention du 9 avril 2016, pour laquelle il a bénéficié d’une antibiothérapie. Les préjudices retenus sont les suivants :
Consolidation : 19 décembre 2016.DFTT : du 8 avril 2016 au 13 avril 2016 imputable à la complication hémarthrosique, et du 14 avril 2016 au 20 avril 2016 imputable à l’infection nosocomiale.DFTP : de classe III à 50 % du 21 avril 2016 au 20 juin 2016 imputable à l’hémarthrose et l’infection, de classe II à 25 % du 21 juin 2016 au 21 juillet 2016 imputable également à l’hémarthrose et à l’infection, de classe I à 10 % imputable à l’infection du 22 juillet 2016 au 29 décembre 2016, (Sachant que sans complication, le DFTP aurait été de 15 jours à 25 % et de deux mois à 10 %).Les souffrances endurées : 3/7, dont 1,5 imputable à l’hémarthrose et 1,5 imputable à l’infection.Préjudice esthétique : 2/7 pour la période de DFTP à 50 %.Le DFP : 5 % imputables à l’infection.Préjudice d’agrément : il est retenu concernant la pratique du football. Monsieur [L] étant inapte à cette pratique dont l’imputabilité est à partager à parts égales entre la pathologie initiale et l’infection.
Par acte de commissaire de justice du 22 décembre 2022 monsieur [L] a fait assigner la docteur [I], la clinique de [7], la compagnie AXA FRANCE et la compagnie MMA IARD, en présence de la CPAM des Bouches du Rhône.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de son exploit introductif d'instance monsieur [L] demande au tribunal de condamner « tout succombant » à lui payer la somme de 19.213,10 € en réparation de son préjudice corporel, outre 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes monsieur [L] fait valoir que les examens bactériologiques pratiqués lors de sa seconde hospitalisation ont mis en évidence la présence d'un staphylocoque doré, le caractère nosocomial de cette infection étant établi par le rapport d'expertise. Sur l'indemnisation de ses dommages, il se fonde sur les conclusions du rapport de l'expert. Sur son préjudice d'agrément, il indique qu'il pratiquait le football à haut niveau.

La CPAM du Puy de Dôme, intervenante volontaire, a conclu le 7 septembre 2023 à la condamnation de « tout succombant » à lui payer la somme de 22.704,31 € au titre de ses débours, outre 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle produit à cette fin le décompte détaillé de ses débours et l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil.

Le docteur [I] a conclu le 15 mars 2023 au rejet des demandes formées à son encontre et à la condamnation de monsieur [L] à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs qu'aucune faute n'a été retenue à son encontre aux termes du rapport d'expertise. Il souligne en outre que monsieur [L], aux termes de son assignation, n'articule aucun grief à son encontre.

La Clinique de [7] et la compagnie AXA FRANCE ont conclu le 18 août 2023 à la réduction des sommes pouvant être allouées à monsieur [L] aux seuls postes de préjudices imputables à l'infection nosocomiale, et au rejet des demandes de la CPAM du Puy de Dôme en l'absence de preuve de l'imputabilité du versement de ses prestations à l'infection en cause. Elles demandent enfin la condamnation de monsieur [L] et de la CPAM à leur payer la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La compagnie MMA IARD et la CPAM des Bouches du Rhône n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'indemnisation de monsieur [L] :

En application de l’article L 1142-1 I al 2 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

Il n'est pas contesté en l'espèce que l'infection à staphylocoque doré contractée par monsieur [L] à l'occasion de son hospitalisation à la CLINIQUE DE [7] présente, ainsi qu'en a conclu l'expert, un caractère nosocomial. Il appartient donc à cette société, in solidum avec son assureur la compagnie AXA, d'indemniser monsieur [L] des dommages consécutifs à cette infection.

L'expert a noté, sans qu'aucun élément ne soit produit en sens contraire, que la prise en charge chirurgicale du docteur [I] est totalement conforme à l'art chirurgical pour le traitement de la pathologie initiale et des complications du traitement. En conséquence le docteur [I] sera mis hors de cause.

Il convient également de recevoir la CPAM du Puy de Dôme en son intervention volontaire.

Compte tenu de ces éléments, le préjudice de monsieur [L] sera indemnisé de la façon suivante :

I – Préjudices patrimoniaux temporaires :

A – Dépenses de santé actuelles :

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

La CPAM du Puy de Dôme justifie à ce titre, au moyen de la production de ses débours et d'une attestation d'imputabilité du docteur [K], médecin conseil, avoir exposé au titre des frais hospitaliers et frais médicaux imputables à la seule infection , une somme de 22.704,31 €, que LA CLINIQUE DE [7] et la compagnie AXA seront in solidum condamnées à lui payer.

Monsieur [L] justifie également avoir payé la somme de 540 € au titre des honoraires du médecin conseil lors de l'assistance à l'expertise. Ces frais sont une conséquence de l'infection et doivent être remboursés. LA CLINIQUE DE [7] et son assureur seront condamnés in solidum à lui payer cette somme.

II – Préjudices non patrimoniaux temporaires :

A – Déficit fonctionnel temporaire :

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’évaluation des troubles dans les conditions d’existence tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

Sur la base d'une indemnisation journalière de 30 €, il revient à monsieur [L] :
pour la période de déficit fonctionnel temporaire total imputable à l'infection nosocomiale, soit du 14 avril 2016 au 20 avril 2016, une somme de 7 x 30 = 210 €,pour la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 21 avril 2016 au 20 juin 2016, la somme de 60 x 30 x 50 % = 900 €, ramenée à 500 € conformément à la demande,pour la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % du 21 juin 2016 au 21 juillet 2016, la somme de 30 x 30 x 25 % = 225 €,pour la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 10 % du 22 juillet 2016 au 29 décembre 2016, la somme de 160 x 30 x 10 % = 480 €,soit un total de 1415 €.

B – Souffrances endurées :

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation.

Les souffrances résultant de la seule infection nosocomiale ont été fixées par l'expert à 1,5/7, et seront indemnisées à hauteur de 2.000 €.

C – Préjudice esthétique temporaire :

Ce chef de demande n’est pas repris dans le dispositif de l’assignation. En application de l’article 768 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point dont le tribunal n’est pas saisi.

III – Préjudices non patrimoniaux permanents :

A – Déficit fonctionnel permanent :

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

Il a été fixé par l'expert à 5 % imputable à l'infection. Compte tenu de l'âge de monsieur [L] au jour de la consolidation le 29 décembre 2016, soit 17 ans, il lui revient à ce titre une somme de 10.750 €, ramenée à 10.000 € conformément à la demande.

B – Préjudice d'agrément :

Ce chef de demande n’est pas repris dans le dispositif de l’assignation. En application de l’article 768 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point dont le tribunal n’est pas saisi.

Sur les autres demandes :

La CLINIQUE DE [7] et son assureur seront condamnés in solidum à payer à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale.

Ils seront encore condamnés in solidum à payer à monsieur [L] la somme de 2.500 € et à la CPAM du Puy de Dôme celle de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Monsieur [L], qui a appelé inutilement le docteur [I] en la cause tout en s'abstenant de former quelconque demande à son encontre, sera condamné à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Met hors de cause le docteur [H] [I] ;

Reçoit la CPAM du Puy de Dôme en son intervention volontaire ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD à payer à monsieur [O] [L] la somme de 13.955 € de dommages et intérêts ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 22.704,31 € au titre de ses débours ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD à payer à monsieur [O] [L] la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD à payer à la CPAM du Puy de Dôme la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne monsieur [O] [L] à payer au docteur [H] [I] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la CLINIQUE DE [7] et la société AXA FRANCE IARD aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/00014
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.00014 ?
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