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04/04/2024 | FRANCE | N°22/08600

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 04 avril 2024, 22/08600


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 22/08600 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2ITD

AFFAIRE : S.A. AXA FRANCE IARD (SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ ONIAM (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS)


DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier

lors des débats : BESANÇON Bénédicte


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 22/08600 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2ITD

AFFAIRE : S.A. AXA FRANCE IARD (SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ ONIAM (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Société AXA FRANCE IARD
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 722 057 460, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEUR

ONIAM
dont le siège social est sis [Adresse 4], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTERVANTE VOLONTAIRE

CAISSE COMMUNE DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES ALPES venant aux droits de la CPCAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Régis CONSTANS de la SCP VINSONNEAU PALIES-NOY-GAUER & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [Z] a reçu divers produits sanguins entre le 30 mars et le 5 avril 1983 et entre le 14 avril 1983 et le 3 avril 1984 en raison d'une thrombopénie. Le 2 avril 2009 il a découvert son infection par le virus de l'hépatite C, confirmée par un examen du 14 mai 2009.

Par décision du 29 mars 2012 l'ONIAM, au vu d'un rapport du docteur [O] du 23 novembre 2011, a reconnu l'origine transfusionnelle de l'infection de monsieur [Z]. Un protocole d'indemnisation a été conclu les 6 mai 2012 pour un total de 1.840 €.

Le 1er juillet 2014 monsieur [Z] a présenté une requête auprès du président du tribunal administratif de Marseille afin que soit désigné un expert et que lui soit alloué une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice. Par ordonnance du 25 août 2014 le docteur [T] a été désigné en qualité d'expert, et la demande de provision rejetée. Le docteur [T] a déposé son rapport le 12 décembre 2014.

Par requête du 28 janvier 2016 monsieur [Z] a saisi le tribunal administratif de Marseille afin d'obtenir l'indemnisation définitive de son préjudice, et par jugement du 6 novembre 2017 le tribunal administratif de Marseille a condamné l'ONIAM à lui payer la somme de 23.400 €, outre 1.500 € au titre des frais irrépétibles et 960 € au titre des frais d'expertise.

Le 13 juillet 2018 l'ONIAM a émis contre la compagnie AXA un titre exécutoire n°2018-786 pour la somme de 25.860 €. La société AXA FRANCE a contesté cet avis devant le tribunal administratif de Montreuil, lequel s'est déclaré territorialement incompétent au profit du tribunal administratif de Marseille. Par ordonnance du 5 juillet 2021 le tribunal administratif de Marseille a déclaré la requête de la compagnie AXA irrecevable comme étant portée devant une juridiction incompétente.

Par acte de commissaire de justice du 26 août 2022 la société AXA FRANCE IARD a assigner l'ONIAM devant le tribunal judiciaire de Marseille.
Aux termes de ses dernières conclusions du 25 juillet 2023 elle demande au tribunal d'annuler le titre de recette n°2018-786, de débouter l'ONIAM de ses demandes reconventionnelles et de le condamner à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conclut également au rejet des demandes de la CPAM.
Au soutien de ses demandes elle fait valoir que le titre de recette est entachés d'illégalités externes en ce qu'il ne précise pas les bases de la liquidation du préjudice, et en ce qu'il ne porte pas la signature de l'ordonnateur.
Elle ajoute que ce titre est également entaché d'illégalités internes en l'absence de preuve du contenu du contrat d'assurance souscrit par le CTS à l'époque des transfusions en cause, et en l'absence de preuve de responsabilité du CTS dès lors que l'ONIAM ne démontre pas l'origine transfusionnelle de la contamination, ni l'administration de produits sanguins à monsieur [Z] (seule la délivrance étant attestée), ni l'identité du centre ayant fourni les produits délivrés, ce qui empêche de déterminer le contrat d'assurance applicable.
Elle conclut également au rejet des demandes subsidiaires de l'ONIAM et des demandes au titre des intérêts en application du principe de non cumul de l'action juridictionnelle et de l'émission d'un titre.
Sur les demandes de la CPAM, la compagnie AXA expose que celle-ci ne démontre pas le lien de causalité entre les débours exposés et l'infection de monsieur [Z], et qu'en outre elle n'identifie pas ses débours poste par poste.

Le 12 juin 2023 l'ONIAM a conclu au rejet des demandes de la société AXA FRANCE IARD et subsidiairement à sa condamnation à lui payer la somme de 25.860 € en remboursement des sommes payées à monsieur [Z], avec intérêts au taux légal depuis le 15 octobre 2018. Il demande également la capitalisation des intérêts sur la somme due depuis le 16 octobre 2019 et la condamnation de la société AXA FRANCE IARD à lui payer la somme de 700 € au titre des frais d'expertise et celle de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ONIAM indique verser aux débats le contrat d'assurance souscrit par le CTS de 1977 à 1992, et invoque pour fonder sa créance les dispositions de l'article L1221-14 du code de la santé publique. Il soutient que les éléments caractérisant la responsabilité de l'EFS Alpes Méditerranée sont établis dès lors que la matérialité des transfusions résulte du rapport du docteur [O], d'un échange de courriers entre le CTS de [Localité 3] et le professeur [V] des 28 mars et 16 avril 1983 et d'un courrier de l'EFS du 3 mars 2023 ; que ces produits n'ont pu être innocentés, le docteur [O] et le docteur [T] n'ayant par ailleurs mis en évidence aucun autre facteur de risque de contamination, et qu'il résulte d'une lettre du 3 mars 2023 que seul le CTS de [Localité 3] a délivré les produits sanguins administrés à monsieur [Z]. Il rappelle enfin que ces questions ont déjà été tranchées par le jugement du 6 novembre 2017.
Sur la légalité externe du titre, il produit l'ordre à recouvrer signé de l'ordonnateur, et fait valoir qu'il détaille les bases de liquidation de la somme réclamée, dont les sommes payées en vertu du protocole d'accord transactionnel et celles payées en vertu du jugement du 6 novembre 2017.
Sur ses demandes subsidiaires il soutient que l'éventuelle annulation du titre n'emporte pas extinction de sa créance.

La CCSS des Hautes Alpes, intervenante volontaire, a conclu le 12 septembre 2023 à la condamnation de la société AXA à lui payer la somme de 52.165,18 € au titre de ses débours, outre 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs. Elle expose que son recours ne porte que sur des dépenses de santé actuelles, exclusivement imputables à la contamination de monsieur [Z] par le VHC ainsi qu'il résulte d'une attestation du médecin conseil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société AXA sollicitant à titre principal l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre, le tribunal examinera en premier lieu les critiques formulées à l’encontre de sa régularité externe.

Sur la régularité externe du titre exécutoire :

- Sur la signature du titre :

Aux termes de l’article L212-1 du code des relations entre le public et l’administration toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur, ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.

En l’espèce l’ordre à recouvrer exécutoire produit aux débats est revêtu d’un timbre humide comportant la mention « [X] [R], directeur de l'ONIAM », suivi d'une signature. Ce dernier figure également en tête de ce document comme étant l'ordonnateur.

Il résulte de ces éléments que monsieur [R] doit être considéré comme étant l’auteur de la décision contestée au sens de l’article L212-1 précité, dont l’objet est de permettre au public d’identifier les personnes ayant matériellement pris les décisions qui les concernent.

Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions sera écarté.

- Sur la motivation du titre :

La société AXA se prévaut encore d’une violation de l’article 24 du décret du 7 novembre 2012, lequel précise que toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre à recouvrer indique les bases de sa liquidation.

Or la simple lecture de l’ordre à recouvrer permet de constater que celui-ci indique que la somme correspond à celle versée à monsieur [Z] en vertu d'un protocole transactionnel d’indemnisation et d'un jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 novembre 2017, dont les copies sont jointes au titre. Par ailleurs l'avis des sommes à payer joint à l'ordre à recouvrer se réfère expressément aux dispositions de l’article L1221-14 du code de la santé publique, et distingue précisément les sommes versées à monsieur [Z], que ce soit au titre du protocole, du jugement, des frais d'expertise et des frais irrépétibles.

Le protocole et le jugement précisent le détail des sommes versées au bénéficiaire.

Il apparaît dans ces conditions que le titre exécutoire répond aux exigences de motivation en ce qu’il indique clairement de façon détaillée les bases de la liquidation des sommes exigées de la compagnie AXA.

Le titre exécutoire n’encourt donc aucun grief de nullité relativement à sa régularité externe.

Sur la régularité interne du titre exécutoire :

- Sur l’existence et le contenu du contrat d’assurance :

La société AXA conteste être l’assureur du CTS de [Localité 3], dont l’ONIAM a assumé l’obligation d’indemnisation.

Cependant l’ONIAM produit aux débats le contrat d’assurance conclu les 30 et 31 août 1970, avec effet au 6 août 1970, entre la compagnie UAP et le Centre de transfusion sanguine de [Localité 3]. Ce contrat a été conclu pour une durée de un an avec tacite reconduction. Il était encore en vigueur au moment du traitement administré à monsieur [Z] en 1983 ainsi qu'en atteste la lettre de la compagnie UAP en date du 20 mai 1992 selon laquelle la police n°313850409920 N garantissait l'activité du CTS entre le 9 mars 1977 et le 31 décembre 1984. D'autres contrats d'assurance ont ensuite été conclus avec la même compagnie pour les périodes du 1er janvier 1985 au 31 décembre 1989, du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 et du 1er janvier au 30 juin 1992.

Par ailleurs ce contrat indique en son article II, 3°), que la garantie de l’assureur est acquise à l’égard de tout receveur de sang, conformément aux articles 1382 et suivants du code civil, pour les dommages corporels ou matériels dont il pourrait être victime du fait, soit d’une transfusion ou injection de sang (ou de ses dérivés) fourni par le Centre (que la transfusion ou injection soit effectuée par le personnel du Centre ou par toute autre personne), soit d’une transfusion ou injection de sang frais effectuée par un médecin extérieur au Centre par prélèvement sur les donneurs envoyés par le Centre.

La société AXA, venant aux droits de la compagnie UAP, est donc bien l’assureur du CTS de [Localité 3] pour les activités pour lesquelles sa garantie est recherchée.

- Sur la preuve la responsabilité du Centre de transfusion sanguine de [Localité 3] :

L’article L1221-14 du code de la santé publique dispose que “Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa.

Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.

La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.

La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.

La transaction intervenue entre l'office et la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article est opposable à l'assureur, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables, ou, le cas échéant, au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. L'office et l'Établissement français du sang peuvent en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit leur reste acquis.

Lorsque l'office a indemnisé une victime ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu'ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l'Établissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute.

L'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.”

Par ailleurs l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé précise qu’en “cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.”

C’est donc vainement que la société AXA prétend que l’ONIAM ne pourrait se prévaloir de la présomption de l’article 102 de la loi du 4 mars 2002, l’article L1221-4 du code de la santé publique disposant expressément le contraire.

Le rapport d'expertise du professeur [O] du 23 novembre 2011 indique qu'antérieurement à la découverte de la contamination par VHC en avril 2009, on ne relève dans les antécédents de monsieur [Z] aucun facteur de risque de contamination en dehors des plasmaphérèses de mars-avril 1983 et de l'exploration isotopique des plaquettes en 1984.

L'expert rappelle encore que monsieur [Z] a subi trois plasmaphérèses en 1983 et une exploration isotopique des plaquettes en 1984. Au cours des plasmaphérèses, il a reçu des produits sanguins labiles provenant de trente à quarante donneurs. Lors de l'exploration isotopique il a reçu un concentré plaquettaire provenant de quatre donneurs. Tous ces produits provenaient du Centre de Transfusion Sanguine de [Localité 3].

La matérialité de l'administration de ces produits est démontrée par la facture émise par le CTS le 15 avril 1983 ainsi que par les deux lettres du professeur [V] du 28 mars 1983 indiquant les plasmaphérèses, et la réponse du docteur [M] du 16 avril 1983 mentionnant les résultats de ce traitement.

La lettre de l'Établissement Français du Sang du 3 mars 2023 permet d'établir pour sa part que monsieur [Z] a reçu le 2 avril 1984 un concentré standard de plaquettes, constitué de quatre unités provenant de quatre donneurs différents. Selon la lettre du même organisme du 20 janvier 2011, il n'a pas été possible de retrouver ces quatre donneurs, de sorte que ces produits n'ont pas pu être innocentés.

Dans le cadre de la présente instance, la société AXA ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe pour renverser la présomption légale instaurée au profit de la victime, qu'au moins l'un des produits sanguins utilisés n’a pas été à l’origine de la contamination par le virus de l’hépatite C.

C’est donc en vain que la société AXA conteste son obligation de garantir les dommages causés par son assuré.

Elle sera donc déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Sur les demandes de la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes :

En application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, celle-ci sera reçue en son intervention volontaire.

La CCSS des Hautes Alpes produit au soutien de ses demandes une attestation d'imputabilité du médecin-conseil.

Le fait que cette pièce soit établie par le médecin-conseil chargé du contrôle médical du régime de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à ce que cette attestation soit prise en compte pour apprécier les droits de la Caisse, dès lors que ce médecin n'est pas salarié de la Caisse et ne lui est pas soumis par un lien de subordination hiérarchique, et que l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C aux transfusions de produits sanguins est établie non seulement par ce qui vient d'être dit et par le jugement du 6 novembre 2017.

Il résulte de cette attestation, et du décompte produits aux débats, que les prestations exclusivement imputables à cette contamination s'élèvent à la somme de 52.165,18 €, constituées de frais médicaux (52.060,95 €) et pharmaceutiques (160,23 €), dont à déduire 56 € de franchises.

La CCSS est donc fondée à solliciter le remboursement de cette somme à la compagnie AXA.

Sur les autres demandes :

L’article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

La créance du tiers payeur, dont le paiement est poursuivi par subrogation dans le droit d’action de la victime, n’est pas indemnitaire et se borne au paiement d’une somme d’argent. Elle est donc soumise à ces dispositions.

Par ailleurs la demande de l’ONIAM au titre des intérêts ne se heurte pas au principe du non cumul de l’action juridictionnelle et de l’émission d’un titre, dès lors que les intérêts réclamés au titre de l’action ne sont pas visés dans le titre.

En conséquence la somme due par la société AXA en vertu du titre émis à son encontre produira des intérêts au taux légal à compter de la requête en contestation de l'ordre à recouvrer, le 15 octobre 2018. En application de l’article 1343-2 du code civil, ces intérêts produiront eux-mêmes des intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour au moins une année entière.

En application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, la société AXA sera également condamnée à payer à la CCSS des Hautes Alpes la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

La société AXA, qui succombe à l’instance, en supportera les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître CONSTANS et de maître de la GRANGE, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera en outre condamnée à payer à l’ONIAM la somme de 2.000 € et à la CCSS des Hautes Alpes la somme de 600 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Reçoit la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes en son intervention volontaire ;

Déboute la SA AXA FRANCE IARD de ses demandes ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM les intérêts au taux légal sur la somme mise à sa charge en vertu du titre exécutoire n°2018-786, soit 25.860 €, depuis le 15 octobre 2018 ;

Dit que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront eux-mêmes des intérêts ;

Condamne la société AXA FRANCE IARD à payer à la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes la somme de 52.165,18 € au titre de ses débours ;

Condamne la société AXA FRANCE IARD à payer à la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes la somme de 1.162 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société AXA FRANCE IARD à payer à la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes Alpes la somme de 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître CONSTANS et de maître de la GRANGE.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 22/08600
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;22.08600 ?
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