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04/04/2024 | FRANCE | N°21/08695

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 04 avril 2024, 21/08695


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 21/08695 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBP4

AFFAIRE : M. [V] [H] et Mme [E] [P] (Me Fabrice ANDRAC)
C/ ONIAM (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS) et autres


DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Gr

effier lors des débats : BESANÇON Bénédicte


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 04 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 21/08695 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZBP4

AFFAIRE : M. [V] [H] et Mme [E] [P] (Me Fabrice ANDRAC)
C/ ONIAM (SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS) et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 04 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [V] [H] (fils de M. [L] [H])
né le [Date naissance 2] 1979 à [Localité 13], demeurant [Adresse 6]

Madame [E] [P]
née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 11]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

représentés par Maître Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

ONIAM
dont le siège social est sis [Adresse 12], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représenté par Maître Patrick DE LA GRANGE de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A. CLINIQUE [10]
dont le siège social est sis [Adresse 8], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL D E LA SNCF
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Vanina CIANFARANI-GILETTA, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES [Localité 9]
dont le siège social est sis [Adresse 7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

défaillante

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

[L] [H] a bénéficié d’une intervention au niveau du rachis en traitement de deux fractures tassements, consistant en une arthrodèse L1 à L4 avec cimentoplastie de L2 à L3, réalisée par le docteur [W] au sein de la Clinique [10] le 17 juillet 2017.

Dans les suites, il a présenté une spondylodiscite à Candida Albicans.

Par ordonnance du 13 février 2019 le juge des référés de ce siège, à la demande de monsieur [L] [H], a désigné les docteurs [U] et [O] en qualité d'expert. Les opérations ont été étendues au contradictoire de l'ONIAM et de l'AP-HM le 7 juin 2019, puis aux docteurs [Y], [A], [I] et [G] le 7 septembre 2021.

Les experts ont déposé leur rapport le 30 juin 2021.
Ils conclut à la nature nosocomiale de la spondylodiscite à Candida Albicans, en lien avec l'intervention initiale d'arthrodèse du 17 juillet 2017, à l'absence de faute des praticiens, sauf, sur le plan infectieux, à un défaut de conformité aux règles de l'art du traitement antifongique prescrit par les docteurs [I] et [W], mais sans lien de causalité avec les lésions de destruction de la colonne vertébrale.
Le préjudice est évalué de la façon suivante :
DFTT du 8 août 2017 au 25 mai 2018 puis du 17 juillet 2018 au 15 mai 2019.DFTP 80 % du 26 mai 2018 au 16 juillet 2018.Le pretium doloris est évalué à 6/7 avec une part à hauteur de 10 % au titre de l’aléa thérapeutique et 90 % au titre de l’infection nosocomiale.Le préjudice esthétique temporaire 5/7Aide humaine pendant la période de DFTP à 80% du 26 mai 2018 au 16 juillet 2018 à hauteur de 10 heures par jour (six heures d’aide spécialisée / 4 heures d’aide non spécialisée).Au titre des préjudices définitifs, l’expert indique : les préjudices définitifs sont en totalité imputable à l’infection nosocomiale.DFP 45 % imputable à l’infection nosocomiale (à noter qu’au global le patient présente un DFP de 55%, incluant l’état antérieur)Préjudice esthétique définitif : 4/7Préjudice d’agrément : il existe un préjudice d’agrément, le patient ne peut plus pratiquer les loisirs et activités sportives qu’il avait avant la complication infectieuse, (randonnées, raquette, bateau, jardinage, bricolage et ski).Dépenses de santé futures : Sur justificatif et selon l’usure, renouvellement du fauteuil roulant, du tabouret de douche, des cannes anglaises, du déambulateur, de la chaise pot. Soins de kinésithérapie : 15 séances par an 6 Soins cutanés locaux : si escarresFrais de logement adapté : Sur justificatif, douche à l’italienne, tabouret de douche, soutien au niveau de la douche, barre de soutien au niveau des toilettesFrais de véhicule adapté : L’état de santé de monsieur [H] à la consolidation nécessite une voiture équipée d’une boîte automatique et d’une commande de frein au volant (sur justificatif).Assistance par tierce personne définitive : Aide spécialisé par aide-soignant : deux heures par jour, Aide non spécialisée : 4 heures par jour ;Préjudice sexuel : monsieur [H] allègue ne plus avoir de sexualité depuis la première intervention du 17 juillet 2017 (érection impossible).
Par acte d'huissier des 22 et 23 septembre 2021 monsieur [L] [H] et madame [E] [P], sa compagne, ont fait assigner la clinique [10], la Caisse de Retraite et de Prévoyance de la SNCF et la CPAM des [Localité 9].
Le 13 décembre 2021 ils ont en outre fait assigner l'ONIAM.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 3 mai 2022.

Monsieur [L] [H] est décédé le [Date décès 4] 2022.

Par conclusions du 5 septembre 2023 monsieur [V] [H] est intervenu volontairement à la procédure.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de leurs dernières conclusions du 5 septembre 2023 monsieur [V] [H] et madame [E] [P] demandent au tribunal de condamner l'ONIAM ou la clinique [10] à payer :
à monsieur [V] [H] la somme de 132.044 € au titre des préjudices subis par son père, et 20.000 € au titre de son préjudice moral, outre 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;à madame [E] [P] la somme de 185.460 € au titre de ses préjudices, outre 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leurs demandes ils s'appuient sur les conclusions du rapport d'expertise, et ajoutent que le décès de [L] [H], dû à des complications consécutives à une chute de fauteuil roulant, est imputable aux conséquences de l'infection nosocomiale dont il a été victime.
Madame [P] évalue son préjudice aux frais de déplacement et d'hébergement exposés pendant la maladie de [L] [H] et à l'indemnisation au titre de la tierce personne.

La Caisse de Prévoyance et de Retraite de la SNCF a conclu le 15 novembre 2021 à la condamnation de la SA HÔPITAL PRIVÉ [10] à lui payer la somme de 150.546,35 € au titre de ses débours, outre 1.098 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SA HÔPITAL PRIVÉ [10] a conclu le 15 juin 2023 au rejet des demandes formées à son encontre et à la condamnation de monsieur [H] et de madame [P] à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs que le taux de déficit fonctionnel permanent dont a été atteint [L] [H] justifie que son préjudice et ceux de ses ayants droits soit pris en charge par l'ONIAM en application de l'article L1142-1-1 du code de la santé publique.
Elle ajoute que le décès de [L] [H] est survenu à la suite d'un choc hémorragique en post opératoire après une chute, et est sans lien avec l'infection nosocomiale.

L'ONIAM a conclu le 3 mars 2023 à la réduction des sommes pouvant être allouées aux demandeurs, au rejet des demandes formées au titre des préjudices en lien avec le décès (préjudice moral), de frais d'assistance par avocat, de frais de chambre individuelle, de télévision et du préjudice d'agrément, et au rejet des demandes de madame [P] au titre des frais de déplacement et d’hébergement, de l’assistance par tierce personne temporaire et permanente.

La CPAM des [Localité 9] n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'obligation d'indemnisation :

En application de l’article L 1142-1 II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit, au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret.

L’article D1142-1 du même code précise que “Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.
Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.
A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :
1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;
2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.”

Il résulte du rapport d'expertise, non contesté sur ce point que l'infection à candida albicans dont a été victime monsieur [H] est de nature nosocomiale et n'est pas liée à une faute des médecins.
En outre elle a entraîné chez monsieur [H] un déficit fonctionnel permanent évalué à 45 %.
Les critères ouvrant droit à une indemnisation par l'ONIAM sont donc remplis.

L'ONIAM ne conteste par ailleurs pas son obligation d'indemniser les préjudices résultant de cette infection.

L'Hôpital privé [10], à l'encontre de qui aucune faute n'est démontrée, et qui n'est pas tenue d'indemniser les consorts [H] en vertu des dispositions susvisées, sera mise hors de cause.

Monsieur [V] [H] et madame [P] demandent l'indemnisation des préjudices résultant du décès de monsieur [L] [H].

Ce décès est survenu le 18 juillet 2022, soit près de trois ans après la consolidation, le 16 mai 2019.
Selon l'attestation de monsieur [X], le 29 mars 2022 monsieur [L] [H] est tombé de son fauteuil roulant en essayant de se lever, ce qui a causé une fracture du fémur.

Par la suite le 8 avril 2022 monsieur [H] a été opéré d'une prothèse de hanche, et à nouveau le 18 juillet 2022 en raison de l'instabilité de cette prothèse.

Le compte rendu d'hospitalisation indique que monsieur [L] [H] est décédé d'un choc hémorragique dû à une coagulation excessive, probablement due au choc et à l'embole du ciment.

S'il est certain que la chute ne se serait pas produite si monsieur [H] ne se serait pas trouvé de se mouvoir, du fait de l'infection nosocomiale dont il a été victime, en fauteuil roulant, il ne peut pour autant être établi de lien de causalité direct et certain entre cette infection et le décès, dans la mesure où d'autres facteurs sont intervenus, dont la fracture, la pose d'une prothèse de hanche, la nécessité de reprendre celle-ci suite à son instabilité, et la coagulation excessive ayant conduit au choc hémorragique.

Monsieur [V] [H] et madame [P] seront donc déboutés de leurs demandes relatives aux préjudices résultant du décès de leur auteur.

Sur les demandes de monsieur [F] [H] :

I – Préjudices patrimoniaux temporaires :

A – Dépenses de santé actuelles :

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

La Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF justifie avoir exposé à une titre une somme de 131.473,25 € avant la date de consolidation, dont elle est fondée à solliciter le remboursement.

B – Frais divers restés à charge de la victime :

Les frais d'assistance à expertise sont une conséquence de l’accident et doivent être indemnisés. S'agissant d'investigations techniques, il est en effet justifié que la victime s'entoure de l'avis d'un médecin lors de ces opérations.

Monsieur [H] produit à ce titre une note d'honoraires de 7.000 € du docteur [T].

Les honoraires d'avocat seront indemnisés conformément à l'article 700 du code de procédure civile.

Le surcoût lié à l'octroi d'une chambre individuelle et à la location d'une télévision pendant l'hospitalisation de monsieur [H] est également justifié. En effet le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose que la victime soit replacée dans l'état où elle aurait été si l'accident ne s'était pas produit, et en l'espèce dans les mêmes conditions de confort qu'à son domicile. Il sera donc alloué, au vu des factures produites, une somme de 1.910,23 € à monsieur [V] [H] à ce titre.

II – Préjudices patrimoniaux permanents :

A – Frais de logement adapté :

Les experts ont indiqué dans leur rapport la nécessité d'aménager la salle de bains du domicile de monsieur [H] par la réalisation d'une douche à l'italienne, l'acquisition d'un tabouret de douche, d'un soutien au niveau de la douche, et d'une barre de soutien au niveau des toilettes.

Seul un devis du 10 juillet 2021 d'un montant de 18.156 € est produit à ce titre, non signé, à l'exception de toute facture acquittée, relevé de compte montrant le paiement de cette somme ou photographie attestant de la réalisation des travaux.

Même si monsieur [L] [H] n'a pas eu les ressources nécessaires pour réaliser ces travaux, ils ne peuvent plus donner lieu à réparation dès lors qu'ils sont devenus inutiles et n'ont plus vocation à être réalisés.

La demande à ce titre sera donc rejetée.

B – Frais de véhicule adapté :

Selon le rapport d'expertise, l’état de santé de monsieur [H] à la consolidation nécessitait une voiture équipée d’une boîte automatique et d’une commande de frein au volant.

Sont produits les justificatifs d'aménagement du véhicule de monsieur [H] et des factures de cours de conduite sur un véhicule ainsi modifié. Il sera donc fait droit à la demande à ce titre, soit 215 €.

C – Dépenses de santé futures :

La Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF justifie des dépenses de matériel médical et d'appareillage à hauteur de 180,83 €, outre le financement d'un fauteuil roulant pour 558,99 €.

Monsieur [H] étant décédé, il n'y a pas lieu de prévoir leur renouvellement et d'accorder un capital à ce titre.

En outre cette caisse a financé la prise en charge des séances de kinésithérapie pour un coût annuel de 645 € (soit 15 séances à 43 €).

De la consolidation au jour de la chute de monsieur [H] le 29 mars 2022 il s'est écoulé 2,87 ans, justifiant 43 séances de kinésithérapie. Il revient donc à la Caisse la somme de 43 x 43 = 1849 € ce titre.

La demande de la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF est donc justifiée à hauteur de 2.674,83 €.

III – Préjudices non patrimoniaux temporaires :

A – Déficit fonctionnel temporaire :

Il inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Pour les périodes du 8 août 2017 au 25 mai 2018 puis du 17 juillet 2018 au 15 mai 2019, et sur la base d'une indemnisation de 30 € par jour, il revient à monsieur [V] [H] une somme de 17.760 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total subi par son père.

Monsieur [L] [H] a encore subi une période déficit fonctionnel temporaire partiel à hauteur de 80 % du 26 mai 2018 au 16 juillet 2018, et qui sera indemnisée à hauteur de 1.248 €.

B – Souffrances endurées :

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu’à la consolidation.

Elles ont été évaluées à 6/7, dont 90 % imputables à l'infection nosocomiale en raison des cinq interventions chirurgicales, de la pose d'un picc-line, de l'antibiothérapie et de la prise d'antifongiques pendant une durée prolongée, des souffrances morales et physiques pendant un an et demi. Il convient donc de les réparer à hauteur de 45.000 €.

C – Préjudice esthétique temporaire :

Il a été évalué à 5/7 en raison de la position fœtale de monsieur [H] et de sa grande maigreur.

Selon la demande, il sera indemnisé à hauteur de 15.000 €.

IV – Préjudices non patrimoniaux définitifs :

A – Préjudice esthétique :

Il résulte de la présentation en fauteuil roulant, de l'aspect des cicatrices liées aux reprises chirurgicales imputables à la complication infectieuse et aux cicatrices pour ténotomie, et a été évalué à 4/7 par les experts.

Il sera fait droit à la demande de monsieur [V] [H] à ce titre, soit 1.872 €.

B – Préjudice d'agrément :

Ce poste de préjudice répare l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non plus, comme auparavant, la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il est justifié par la production du permis mer de monsieur [H] et de clichés photographiques que celui-ci se livrait à la pratique du nautisme de loisir. Il convient donc de faire droit à la demande présentée à ce titre, soit 468 €.

C – Déficit fonctionnel permanent :

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

La part du déficit fonctionnel permanent de monsieur [L] [H] a été évaluée à 45 % par les experts.

Compte tenu de l'âge de monsieur [H] au jour de la consolidation, il sera réparé conformément au montant demandé, soit 21.375 €.

Il revient donc à monsieur [V] [H], en qualité d'héritier de son père, une somme de 111.848,23 € en réparation du préjudice corporel de celui-ci.

Le décès, ainsi qu'il a été vu, n'étant pas imputable à l'infection nosocomiale, la demande au titre du préjudice moral personnel de monsieur [V] [H] résultant du décès de monsieur [L] [H] sera rejetée.

Sur les demandes de madame [E] [P] :

Madame [P] était la compagne de monsieur [L] [H] depuis 1994 ainsi qu'il résulte notamment des attestations produites.

Les proches d’un blessé hospitalisé peuvent exposer des frais de transport voire d’hébergement pour lui rendre visite. Ils peuvent être contraints de renoncer à un voyage et assumer des frais d’annulation d’un trajet ou d’une location. Ils pourront également lorsque le blessé demeure handicapé engager des frais pour aménager leur domicile afin de le recevoir durant des week-ends et des vacances.

Madame [P] justifie au titre des frais divers de transport et d'hébergement avoir exposé une somme de 5.536 € pour visiter son compagnon pendant ses hospitalisations. Il sera donc fait droit à cette demande.

Elle justifie également d'un préjudice d'affection causé par les blessures, le handicap, les souffrances de monsieur [L] [H], qui sera réparé à hauteur de 20.000 €.

S'agissant de l'assistance par une tierce personne, les experts ont indiqué que celle-ci était nécessaire :
du 26 mai au 16 juillet 2018 à raison de 10 heures par jour, dont 6 heures d'aide spécialisée et 4 heures d'aide non spécialisée,après la consolidation à raison de 2 heures d'aide spécialisée et 4 heures d'aide non spécialisée.
Dans la mesure où madame [P] a elle-même assisté monsieur [H] pendant sa maladie, sa demande faite à titre personnel pour la réparation de l'aide non spécialisée apparaît fondée, puisqu'il ne lui appartient pas de supporter la charge de cette assistance rendue nécessaire par l'infection dont a été victime son compagnon.

En revanche il n'est pas justifié du recours effectif à une aide-soignante ou à une autre structure de soins pour l'aide spécialisée comme indiquée dans le rapport d'expertise. Cette aide ne pouvant avoir été apportée par madame [P] elle-même, elle sera déboutée de ce chef de demande.

Sur la base d'un coût horaire de 20 €, il lui revient donc la somme de 96.880 €, dont à déduire la somme de 12,20 € revenant à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF, soit un total de 96.867,80 €.

L'ONIAM sera donc condamné à payer à madame [P] la somme de 122.403,80 €.

Sur les autres demandes :

L'ONIAM, qui succombe à l'instance, en supportera les dépens, y compris les frais de l'expertise ordonnée en référé, avec droit de recouvrement direct au profit de maître CIANFARANI-GILETTA conformément à l'article 699 du code de procédure civile .

Il sera encore condamné à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF la somme de 1.098 € en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale.

Enfin l'ONIAM sera condamné à payer à monsieur [V] [H] et madame [E] [P] la somme totale de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF la somme de 2.000 € au même titre.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Met hors de cause la SA CLINIQUE [10] ;

Condamne l'ONIAM à payer à monsieur [V] [H] la somme de 111.848,23 € de dommages et intérêts en réparation du dommage corporel subi par monsieur [L] [H] ;

Condamne l'ONIAM à payer à madame [E] [P] la somme de 122.403,80 € en réparation de son préjudice personnel ;

Déboute monsieur [V] [H] et madame [E] [P] de leurs demandes au titre de leur préjudice moral personnel résultant du décès de monsieur [L] [H] ;

Condamne l'ONIAM à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF la somme de 134.148,08 € au titre de ses débours ;

Condamne l'ONIAM à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF la somme de 1.098 € en application de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale ;

Condamne l'ONIAM à payer à monsieur [V] [H] et à madame [E] [P] la somme totale de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'ONIAM à payer à la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'ONIAM aux dépens, y compris les frais de l'expertise ordonnée en référé, avec droit de recouvrement direct au profit de maître CIANFARANI-GILETTA.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 21/08695
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;21.08695 ?
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