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02/04/2024 | FRANCE | N°23/11969

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 9ème chambre jex, 02 avril 2024, 23/11969


MINUTE N° :
DOSSIER N° : N° RG 23/11969 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4E6P
AFFAIRE : [M] [L] / [F] [L]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 AVRIL 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL


PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,

GREFFIER : Madame NEGRE, Greffière





DEMANDEUR

Monsieur [M] [L]
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SELARL DEFENZ, société d’avocats prise en la personne de Maître Rémy STELLA, avocat

au Barreau de Marseille,




DEFENDEUR

Monsieur [F] [L]
né le [Date naissance 1] 1957 à , demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Anbre THOMA...

MINUTE N° :
DOSSIER N° : N° RG 23/11969 - N° Portalis DBW3-W-B7H-4E6P
AFFAIRE : [M] [L] / [F] [L]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE

LE JUGE DE L'EXECUTION

JUGEMENT DU 02 AVRIL 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Madame DESMOULIN, Vice-Présidente,

GREFFIER : Madame NEGRE, Greffière

DEMANDEUR

Monsieur [M] [L]
né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 5], demeurant [Adresse 4]

représenté par la SELARL DEFENZ, société d’avocats prise en la personne de Maître Rémy STELLA, avocat au Barreau de Marseille,

DEFENDEUR

Monsieur [F] [L]
né le [Date naissance 1] 1957 à , demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Anbre THOMAS AUBERGIER, avocate au Barreau de Marseille

NATURE DE LA DECISION : CONTRADICTOIRE

Le Tribunal après avoir entendu les parties et leurs avocats en leurs conclusions à l'audience du 22 février 2024 a mis l'affaire en délibéré et indiqué que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024, date à laquelle a été rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon ordonnance du 15 février 2022 le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille a autorisé Monsieur [F] [L] à pratiquer une saisie conservatoire sur Monsieur [M] [L] pour garantir une créance évaluée provisoirement à la somme de 66.781,20 euros.
Selon procès-verbal de saisie conservatoire de créance en date du 21 février 2022 agissant en vertu de la décision susvisée, Monsieur [F] [L] a procédé à la saisie conservatoire entre les mains de Maître [K] [B], liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI.
Cette mesure a été dénoncée à Monsieur [M] [L] par acte signifié le 25 février 2022.
Selon acte d’huissier en date du 23 novembre 2023 Monsieur [M] [L] a fait assigner Monsieur [F] [L] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Marseille en vue de la mainlevée de la saisie conservatoire ainsi pratiquée.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 22 février 2024.
Par conclusions réitérées oralement, Monsieur [M] [L] a demandé de
- juger que la créance alléguée par Monsieur [F] [L] pour un montant de 49.712,69 euros n’est fondée ni en son principe ni en son quantum
- juger que la créance alléguée par Monsieur [F] [L] pour un montant de 12.347,04 euros n’est fondée ni en son principe ni en son quantum
- juger que la créance alléguée par Monsieur [F] [L] pour un montant de 31.781,20 euros n’est fondée ni en son principe ni en son quantum
- juger qu’aucune menace ne pèse sur le recouvrement en l’état de sa solvabilité et des mesures conservatoires déjà entreprises
- constater que Monsieur [F] [L] n’a introduit aucune procédure visant à obtenir un titre exécutoire à l’encontre de Monsieur [M] [L] dans le mois de la saisie pratiquée au titre de la somme de 31.781,20 euros
- juger que la saisie-conservatoire du 21 février 2022 pratiquée entre les mains de Me [B] en sa qualité de liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI sur son compte courant d’associé pour un montant de 66.781,20 euros est caduque
- en tout état de cause ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire du 21 février 2022 pratiquée entre les mains de Me [B] en sa qualité de liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI sur son compte courant d’associé
- condamner Monsieur [F] [L] à lui payer la somme de 3.419 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier
- condamner Monsieur [F] [L] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus de saisie
- juger que Monsieur [F] [L] conservera la charge des frais occasionnés par la saisie-conservatoire pratiquée
- débouter Monsieur [F] [L] de ses demandes
- condamner Monsieur [F] [L] à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Il a soutenu que Monsieur [F] [L] ne justifiait pas d’un principe de créance ; que s’agissant de la créance
* au titre du prix de cession des parts sociales de la SCI MANAMA cette demande était infondée (notamment celle au titre des intérêts conventionnels de 7% et au titre des frais, lesquels doivent être avancés par le créancier) et se heurtait incontestablement à la prescription quinquennale ; que cette créance ne pouvait donc excéder 20.580,62 euros alors que Monsieur [F] [L] bénéficiait déjà d’une saisie-conservatoire à hauteur de 20.000 euros pour garantir cette créance et d’un nantissement de parts sociales à hauteur de 25.000 euros

* au titre du prêt du 28 juin 1993 cette demande était infondée (notamment celle au titre des frais qui doivent être avancés par le créancier) et se heurtait incontestablement à la prescription quinquennale ; que cette créance ne pouvait donc excéder 9.147,04 euros alors que Monsieur [F] [L] bénéficiait déjà d’une saisie-conservatoire sur son compte courant au sein de la SCI SALDUCCI
* au titre du compte courant d’associé de Monsieur [F] [L] au sein de la SCI MANAMA cette demande était infondée puisqu’il ne justifiait pas d’un titre exécutoire ni d’une créance exigible et qu’il n’était pas fondé à invoquer les dispositions de l’article 1857 du code civil à son encontre ; qu’en outre la créance alléguée était manifestement prescrite ; qu’enfin les frais étaient injustifiés puisque les frais engagés pour des mesures conservatoires l’étaient aux frais avancés du créancier et à ses risques. Il a ajouté que cette créance d’un montant de 31.781,20 euros n’avait jamais été évoquée dans la procédure ayant donné lieu au jugement de sursis à statuer du 15 octobre 2015 et qu’ainsi il pouvait être soutenu que l’obligation d’introduire une procédure aux fins d’obtention d’un titre exécutoire n’avait pas été respectée et que la saisie-conservatoire était donc caduque.
Enfin, il a affirmé que Monsieur [F] [L] ne démontrait aucunement que le recouvrement de sa créance était menacé. Il a rappelé que celui-ci avait déjà fait pratiquer à son encontre plusieurs mesures conservatoires qui garantissaient la prétendue créance (à hauteur de 55.000 euros) et à l’encontre de la SCI MANAMA (hypothèque judiciaire sur le bien immobilier d’une valeur de 800.000 euros pour garantir une créance d’un montant de 71.483,12 euros) ; que lui-même disposait d’un patrimoine immobilier suffisant pour faire face à un éventuel recouvrement en cas de condamnation.
Il a donc conclu que Monsieur [F] [L] devait être condamné à l’indemniser du préjudice subi résultant de la multiplication des procédures engagées dans le but non pas de garantir une prétendue créance mais de l’asphyxier financièrement.
Par conclusions réitérées oralement Monsieur [F] [L] a demandé de
- dire n’y avoir lieu à la mainlevée de la saisie-conservatoire du 21 février 2022 pratiquée entre les mains de Me [B] en sa qualité de liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI
- débouter Monsieur [M] [L] de ses demandes
- condamner Monsieur [M] [L] à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec distraction.
Il a soutenu qu’il était créancier de Monsieur [M] [L] à 3 titres
* au titre de la cession des 20 parts de la SCI MANAMA (49.712,69 euros)
* au titre du prêt de 60.000 francs consenti le 28 juin 1990 (12.347,04 euros)
* au titre de sa créance à l’égard de la SCI MANAMA à hauteur de 40% (31.781,20 euros).
Il a rappelé que ces 3 créances avaient déjà fait l’objet de mesures conservatoires autorisées le 31 mai 2013 ; qu’il avait, pour le recouvrement desdites créances, assigné Monsieur [M] [L] devant le tribunal de grande instance par acte signifié le 18 juillet 2013 et qu’ainsi ce dernier ne pouvait sérieusement affirmer que la saisie-conservatoire était caduque ; qu’en effet la cour de cassation jugeait de façon constante que dans l’hypothèse où le créancier saisissant avait déjà introduit contre son débiteur une citation aux fins d’obtention d’un titre exécutoire une nouvelle citation était parfaitement superflue. Sur le bien fondé des saisies pratiquées, il a fait valoir que le juge de l’exécution avait déjà tranché cette question par son jugement du 6 octobre 2015 ; qu’il avait admis que le principe de créance était établi et que des menaces existaient quant à son recouvrement ; qu’aujourd’hui la situation était demeurée inchangée. Il a rappelé qu’il craignait toujours que Monsieur [M] [L] organise son insolvabilité et souligné qu’il avait donc été contraint de multiplier les procédures puisqu’il se trouvait dans l’impossibilité de recouvrer ses créances (dont le montant avait évolué drastiquement depuis ces dernières années), Monsieur [M] [L] faisant preuve d’immobilisme tant délibéré que fautif.

MOTIFS

Sur la demande de mainlevée de la saisie conservatoire :
En vertu de l’article L511-1 du code des procédures civiles d’exécution toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
Il appartient au créancier de rapporter la preuve que les deux conditions cumulatives visées par l’article L511-1 sont remplies.

Il résulte des débats que Monsieur [F] [L] allègue être créancier de la somme de 66.781,20 euros et pour garantir sa créance a déjà fait pratiquer à l’encontre de Monsieur [M] [L] plusieurs mesures conservatoires :

- le 15 juin 2013 : un saisie conservatoire sur les comptes bancaires de Monsieur [M] [L] ouverts dans les livres du Crédit agricole pour garantir la somme de 10.000 euros
- le 18 juin 2013 : un nantissement de ses parts sociales dans la SCI LES DEUX J pour garantir la somme de 25.000 euros
- le 12 juillet 2016 : une saisie conservatoire sur le compte courant associé de la SCI SALDUCCI pour garantir la somme de 10.000 euros
- le 15 juillet 2016 : une saisie conservatoire sur le compte courant associé de la SCI SALDUCCI pour garantir la somme de 20.000 euros
Il est donc constant que Monsieur [F] [L] détient déjà des garanties sur Monsieur [M] [L], étant souligné que le compte courant associé de Monsieur [M] [L] dans la SCI SALDUCCI est créditeur, selon les déclaration de Me [B], à hauteur de 73.948,42 euros.

Monsieur [M] [L] justifie être propriétaire de son domicile pour lequel il paye une taxe foncière. Il a déclaré au titre de ses revenus 2022 la somme de 17.412 euros et il justifie percevoir des revenus fonciers à hauteur de 25.224 euros (la SCI LES DEUX J dont il est actionnaire étant propriétaire de deux biens immobiliers).

Enfin, Monsieur [F] [L] est actionnaire majoritaire de la SCI MANAMA (débitrice des services fiscaux à hauteur de 43.492,40 euros), laquelle détient l’immeuble “le Bruly” évalué à la somme de 880.233 euros et sur lequel Monsieur [F] [L] a également fait inscrire le 19 juin 2013 une hypothèque judiciaire provisoire pour garantir la somme 71.483,12 euros.

Il s’ensuit que Monsieur [F] [L] n’établit aucunement que Monsieur [M] [L] organise son insolvabilité et que le recouvrement de sa créance évaluée à la somme de 66.781,20 euros est menacé.

Il en résulte que la mainlevée de la saisie conservatoire opérée le 21 février 2022 entre les mains de Maître [K] [B], liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI doit être ordonnée.

Sur la demande de dommages et intérêts

L’article L512-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose “les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge.
Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire”.

Il est constant que ces dispositions n’exigent pas, pour son application, qu’une faute soit constatée.
Cette mesure s’inscrit dans un “combat” engagé par Monsieur [F] [L] -lequel multiplie les saisies et procédures judiciaire- à l’encontre de son frère, Monsieur [M] [L].
La saisie conservatoire querellée a causé à ce dernier un préjudice résultant de l’indisponibilité de la somme de 43.948,42 euros pendant plusieurs mois, préjudice qu’il convient de réparer en lui allouant la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En revanche Monsieur [M] [L] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive en l’absence de démonstration d’un préjudice distinct.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Monsieur [F] [L], succombant, supportera les dépens de la procédure, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Monsieur [F] [L], tenu aux dépens, sera condamné à payer à Monsieur [M] [L] une somme, qu’il paraît équitable d’évaluer à 3.000 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la présente procédure.

PAR CES MOTIFS,

Le juge de l’exécution, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition du public au greffe,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire opérée le 21 février 2022 entre les mains de Maître [K] [B], liquidateur amiable de la SCI SALDUCCI à la requête de Monsieur [F] [L] ;
Condamne Monsieur [F] [L] à payer à Monsieur [M] [L] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute Monsieur [M] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Monsieur [F] [L] aux dépens ;

Condamne Monsieur [F] [L] payer à Monsieur [M] [L] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;
Et le juge de l’exécution a signé avec le greffier ayant reçu la minute.  

Le greffier                                                                             Le juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 9ème chambre jex
Numéro d'arrêt : 23/11969
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.11969 ?
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