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02/04/2024 | FRANCE | N°23/05860

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 02 avril 2024, 23/05860


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 02 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 23/05860 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3PKS

AFFAIRE : S.A. SA [8] (AARPI ADSL)
C/ M. [Y] [L] et autres


DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier


Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de

la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Be...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 02 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 23/05860 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3PKS

AFFAIRE : S.A. SA [8] (AARPI ADSL)
C/ M. [Y] [L] et autres

DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Société [8]
SA immatriculée au RCS de STRASBOURG sous le numéro 568501282B, dont le siège social est sis [Adresse 2], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Sylvain DAMAZ de l’AARPI ADSL, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [Y] [L]
né le [Date naissance 3] 1941 à [Localité 7] (ALGERIE)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

défaillant

Madame [D] [N] épouse [L]
née le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 9]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

défaillante

Monsieur [U], [W] [L]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 11]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

défaillant

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre acceptée le 10 juin 2016 le [8] a prêté à monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] épouse [L] la somme de 112.000 € au taux d'intérêt de 6,53 %, remboursable en 108 mois.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 avril 2019 le prêteur a mis en demeure les emprunteurs de faire face à leurs obligations de paiements et a prononcé la déchéance du terme.

Par acte reçu le 5 juin 2019 par maître [S], notaire à [Localité 10], monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] ont fait donation de la nue-propriété d'un bien immobilier sis [Adresse 5] à [Localité 12] à monsieur [U] [L].

Monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] ont sollicité le bénéfice de l'admission de leur situation au traitement du surendettement des particuliers. Leur requête a été rejetée par la commission du surendettement le 14 août 2019, décision confirmée par jugement du juge des contentieux et de la protection du 9 novembre 2020.

Par jugement du 22 avril 2021 ce tribunal a notamment condamné monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] à payer au [8] la somme de 102.506,79 € avec intérêts au taux conventionnel depuis le 9 avril 2019, outre 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. L'appel interjeté par monsieur [L] et madame [N] à l'encontre de ce jugement a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller chargé de la mise en état le 10 juin 2022.

Par acte de commissaire de justice du 26 mai 2023 le [8] a fait assigner monsieur [Y] [L], madame [D] [N] épouse [L] et monsieur [U] [L].
Aux termes de son exploit introductif d'instance il demande au tribunal que lui soit déclarée inopposable la donation du 5 juin 2019, et que les défendeurs soient condamnés à lui payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes il fait valoir que la fraude paulienne visée à l'article 1341-2 du code civil est constituée dans la mesure où, à la date de la donation, monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] épouse [L] avaient connaissance au moins du principe de leur dette dès lors qu'ils avaient déjà été destinataires de la lettre de mise en demeure prononçant la déchéance du terme. Il ajoute que par le biais de cette donation, monsieur et madame [L] se dont dépouillés de leur seul patrimoine immobilier au profit de leur fils et se son rendus insolvables, ajoutant que leur dossier de surendettement a été déclaré irrecevable pour mauvaise foi au visa des mêmes circonstances.

Monsieur [Y] [L], assigné à sa personne, madame [D] [N] épouse [L], assigné à son domicile, et monsieur [U] [L], assigné à sa personne, n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2023, avec effet au 1er février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 1341-2 du code civil dispose que « le créancier peut aussi agir en son nom personnel pour faire déclarer inopposable à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits, à charge d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers contractant avait connaissance de la fraude ».

La fraude visée par ces dispositions résulte de la seule connaissance qu'a le débiteur du préjudice qu'il cause au débiteur en se rendant insolvable ou en augmentant son insolvabilité. Elle doit être appréciée à la date à laquelle le débiteur se dépouille de son bien.

S'il revient au créancier d'établir l'insolvabilité, au moins apparente, de son débiteur, c'est à ce dernier de prouver qu'il dispose de biens de valeur suffisante pour répondre de son engagement.

Enfin il n'est pas nécessaire, pour que l'action paulienne puisse être exercée, que la créance dont se prévaut le demandeur ait été certaine ni exigible au moment de l'acte argué de fraude ; il suffit que le principe de cette créance ait existé avant la conclusion de cet acte par le débiteur.

En l'espèce le prêt a été contracté le 10 juin 2016, et la déchéance du terme prononcée le 9 avril 2019, de sorte que le principe de la créance était existant dès cette date, même si celle-ci n'est devenue liquide et exigible qu'aux termes du jugement du 22 avril 2021. L'acte argué de fraude ayant été conclu le 5 juin 2019, l'antériorité de la créance est donc établie.

Il résulte en outre du certificat du service de la publicité foncière [Localité 11] 3 délivré le 28 octobre 2022 que monsieur et madame [L] n'étaient pas propriétaires d'autres immeubles que celui donné à leur fils. Le tribunal a par ailleurs relevé dans son jugement du 22 avril 2021 que monsieur et madame [L] n'ont justifié d'aucun paiement de leur dette depuis la mise en demeure. Une nouvelle lettre de mise en demeure adressée aux défendeurs le 3 avril 2023 fait encore apparaître une somme due de 102.506,79 €, démontrant que les causes du jugement n'ont pas été acquittées, et donc l'insolvabilité des débiteurs.

Enfin la fraude est établie, dans la mesure où ce n'est que deux mois après avoir été mis en demeure de payer le solde du prêt que monsieur et madame [L] se sont dépouillés de leur seul actif immobilier, afin, ainsi que l'a déjà relevé le juge des contentieux de la protection dans son jugement du 9 novembre 2020 de provoquer un appauvrissement volontaire au profit de monsieur [U] [L] tout en préservant leur bien.

En conséquence, les conditions de l'article 1341-2 susvisés étant réunies, il convient de faire droit à la demande principale et de déclarer inopposable au [8] la donation du 17 juin 2019.

Monsieur [Y] [L], madame [D] [N] épouse [L] et monsieur [U] [L], qui succombent à l'instance, en supporteront in solidum les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître DAMAZ, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Ils seront encore condamnés in solidum à payer au [8] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Déclare inopposable au [8] la donation reçue aux minutes de maître [P] [S], notaire à [Localité 10], le 5 juin 2019, publiée au service de la publicité foncière de [Localité 11] 3ème bureau le 17 juin 2019 sous le numéro 1314P01 2019 P4175, par laquelle monsieur [Y] [L] et madame [D] [N] épouse [L] ont donné à monsieur [U] [L] la nue propriété des biens et droits immobiliers sis [Adresse 5] à [Localité 12], cadastrés section 812C[Cadastre 6] pour une contenance de 1 are et 48 centiares consistant en :
lot n°1 : un appartement sis au rez de chaussée, avec jouissance de l'annexe 1 et les 50/100è des parties communes ;lot n°2 : un appartement sis au 1er étage avec jouissance de l'annexe 2 et réduit sous l'escalier et les 50/100è du terrain ;
Ordonne la publication du présent jugement au service de la publicité foncière de [Localité 11] 3ème bureau ;

Condamne in solidum monsieur [Y] [L], madame [D] [N] épouse [L] et monsieur [U] [L] à payer au [8] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum monsieur [Y] [L], madame [D] [N] épouse [L] et monsieur [U] [L] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de maître DAMAZ, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/05860
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;23.05860 ?
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