La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°19/11822

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 02 avril 2024, 19/11822


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 02 Avril 2024


Enrôlement : N° RG 19/11822 - N° Portalis DBW3-W-B7D-W5CF

AFFAIRE : Mme [S] [K] et Mme [K] [D] épouse [F] (Maître Michel LAO de la SELARL MICHEL LAO)
C/ L’ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES


DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier


Vu le rapport fait à l’audiencer>
A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Avr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 02 Avril 2024

Enrôlement : N° RG 19/11822 - N° Portalis DBW3-W-B7D-W5CF

AFFAIRE : Mme [S] [K] et Mme [K] [D] épouse [F] (Maître Michel LAO de la SELARL MICHEL LAO)
C/ L’ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

DÉBATS : A l'audience Publique du 06 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette, Greffier

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 02 Avril 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSES

Madame [S] [K]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant [Adresse 5]

Madame [D] [K] épouse [F]
née le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 9], de nationalité française, demeurant [Adresse 6]

représentées par Maître Michel LAO de la SELARL MICHEL LAO, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Maître Martin REY

C O N T R E

DEFENDERESSE

L’ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES
poursuites et diligences de la Directrice Régionale des Finances Publiques élisant domicile en ses bureaux : Division des affaires juridiques, Pôle juridictionnel judiciaire - [Adresse 1]

dispensée du ministère d’avocat

EXPOSÉ DU LITIGE :

[U] [K] est décédée le [Date décès 4] 2013, laissant pour lui succéder madame [D] [K] épouse [F] et madame [S] [K].

Le 17 août 2015 le notaire chargé de la succession, maître [I] [X], a adressé aux services fiscaux la déclaration de succession et la somme de 78.642 € correspondant aux droits de mutation.

Auparavant le 25 novembre 2014 l’administration fiscale a procédé à une taxation d’office. Un avis de mise en recouvrement pour la somme de 260.107 € a été émis le 27 février 2015.

Un nouvel avis de mise en recouvrement a été émis le 31 octobre 2016, suite à la contestation des contribuables, pour la somme de 170.150 €. Une nouvelle réclamation formée le 16 décembre 2016 a reçu un avis de rejet le 5 septembre 2019.

Par acte d’huissier du 15 octobre 2019 mesdames [K] ont fait assigner le Directeur Général des Finances Publiques afin que le tribunal annule l’avis de mise en recouvrement du 31 octobre 2016 et à titre subsidiaire ordonne une expertise afin de déterminer la valeur du bien immobilier dépendant de la succession sis [Adresse 5] à [Localité 10].

Le 5 mai 2020 mesdames [K] ont fait signifier des conclusions d’incident devant le juge de la mise en état afin que soit ordonnée une expertise destinée à déterminer la valeur vénale du bien immobilier dépendant de la succession sis [Adresse 5] à [Localité 10]. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 3 novembre 2020.
L'expert a déposé son rapport le 16 mars 2023.

Aux termes de leurs dernières conclusions 15 juin 2023 madame [D] [K] épouse [F] et madame [S] [K] demandent au tribunal l'annulation du rejet de réclamation du 5 septembre 2019 et de la mise en recouvrement, et au fond de juger que la réclamation du 9 septembre 2019 est fondée et que les droits réclamés doivent être annulés.
Au soutien de leurs demandes elles font valoir que la procédure de proposition de redressement est entachée de plusieurs irrégularités, en ce que l'administration a procédé à la mise en recouvrement avant tout débat avec le contribuable, qu'elle n'a pas répondu à la réclamation du 30 mars 2015, qu'elle n'a pas motivé son acceptation de dégrèvement du 18 décembre 2015, et qu'elle n'a pas répondu aux observations du 23 mars 2016.
Sur le montant des droits elles exposent que les biens immobiliers situés à [Localité 8] ont été vendus le 5 février 2016 pour 35.000 € et qu'il convient donc de retenir cette valeur, nonobstant le fait que ce bien figure dans la déclaration de succession pour 42.000 €. Concernant l'appartement sis à [Localité 9] elles exposent que l'expert a fixé sa valeur à 525.141 €, soit une valeur conforme à celle figurant dans la déclaration de succession pour 530.000 €.

La Direction Générale des Finances Publiques a conclu le 24 août 2023 au rejet des demandes de mesdames [K], et subsidiairement de retenir une valeur du bien immobilier sis à [Localité 9] de 669.008 €.
Elle expose qu'en application des articles 641 et 800 du code général des impôts la déclaration de succession devait être déposée dans les six mois du décès, et qu'en son absence elle était fondée à mettre en œuvre la procédure de taxation d'office prévue à l'article L67 du livre des procédures fiscales. Elle rappelle que le 3 mars 2014 madame [S] [K] alors seule héritière connue, a été mise en demeure de déposé la déclaration de succession, puis a été destinataire le 25 novembre 2014 d'une proposition de rectification, les lettres recommandées étant revenues avec la mention « non réclamé ». Elle ajoute que la réclamation du 30 mars 2015 a fait l'objet d'une décision d'acceptation le 18 décembre 2015, puis d'une nouvelle proposition de rectification le 15 janvier 2016, et que la procédure de rectification contradictoire n'était pas applicable en l'espèce en application de l'article L56 du livre des procédures fiscales. Elle fait encore valoir que la nouvelle proposition de rectification du 15 janvier 2016 tient compte des éléments portés à sa connaissance par la déclaration de succession souscrite le 12 août 2015, et qu'elle a mis fin à la première procédure.
Sur le montant de l'actif successoral elle fait observer que la valeur du bien situé à [Localité 8] proposée par les demanderesses ne peut être retenue dans la mesure où la vente est intervenue près de trois ans après le fait générateur de l'impôt, et qu'en l'absence de preuve contraire la valeur fixée à 54.000 € doit être retenue. S'agissant du bien situé à [Localité 9] elle critique le rapport d'expertise en ce qu'il ne permet pas d'identifier les éléments de comparaison retenus et qu'il retient un état dégradé du bien alors que les opérations d'expertise se sont déroulées près de dix ans après le décès, ajoutant que le coût des travaux de rénovation n'est pas justifié.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la procédure :

Aux termes de l'article 641 du code général des impôts, les délais pour l'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont de six mois, à compter du jour du décès, lorsque celui dont on recueille la succession est décédé en France métropolitaine.

[U] [K] étant décédée le [Date décès 4] 2013, le délai pour l'enregistrement de la déclaration susvisée a donc commencé à courir ce jour (et non à compter du jour de l'acceptation de la succession comme le soutiennent sans fondement les demanderesses) et a expiré le 16 août 2013.

Selon l'article L67 du code de procédure fiscale, la procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, le délai de régularisation est fixé à quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration mentionnée à l'article 641 du code général des impôts.

En application de l'article L56 du même code, la procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable dans les cas de taxation ou d'évaluation d'office des bases d'imposition.

En l'espèce, madame [S] [K] a été mise en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 mars 2014, envoyée le 5 mars 2014 selon le timbre, de produire la déclaration visée à l'article 641 du code général des impôts relativement à la succession de madame [U] [B]. L'accusé de réception de cette lettre porte la mention « absence 10h30 avisé ». La case « pli avisé et non réclamé » a ensuite été cochée par les services postaux.

Dans ces conditions et en l'absence de réponse l'administration fiscale était fondée à mettre en œuvre à compter du 25 novembre 2014 une procédure non contradictoire de taxation d'office. Le grief tiré du défaut de caractère contradictoire de cette procédure doit dès lors être écarté.

Par la suite la réclamation présentée à l'administration fiscale le 30 mars 2015 a fait l'objet d'une décision d'acceptation le 18 décembre 2015 par laquelle était accordé un dégrèvement total des droits réclamés.

La procédure de taxation d'office entreprise le 25 novembre 2014 a dès lors été abandonnée, ainsi que le fait justement remarquer l'administration fiscale. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les éventuelles irrégularités dont elle pourrait être affecté, ce point étant devenu sans objet.

De même mesdames [K] ne sont pas fondées à critiquer la décision de dégrèvement du 18 décembre 2015 dans la mesure où elle leur est favorable.

Par la suite l'administration fiscale a notifié à madame [S] [K] le 19 janvier 2016 une proposition de rectification contradictoire et sollicité ses observations dans le délai de trente jours conformément aux articles L57 et L11 du code des procédures fiscales. Les observations ont été présentées par lettre recommandée du 17 février 2016 et par réponse motivée du 7 mars 2016 l'administration fiscale a maintenu sa proposition.

Aucune des dispositions du code de procédure fiscale ne fait obstacle à ce que l'administration, après avoir reconnu l'irrégularité d'une procédure de taxation d'office, reprenne la procédure afin de fixer les bases d'imposition dans des conditions régulières, dès lors qu'elle a expressément constaté l'irrégularité de la première procédure en notifiant le dégrèvement des impositions précédentes et qu'elle a préalablement informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.

Ces conditions sont remplies en l'espèce puisque la lettre du 18 décembre 2015 mentionne un dégrèvement total des impositions réclamées à madame [S] [K] et lui indique que « l'administration fiscale n'entend pas renoncer par ce dégrèvement aux rectifications envisagées mais reprendra la procédure par l'envoi de nouvelles propositions de rectification ».

Le délai de trente jours pour répondre à la proposition de rectification envoyée le 19 janvier 2016 ayant expiré le 19 février 2016, l'administration fiscale n'était pas tenue, en vertu de l'article L57 précité, de répondre aux observations ultérieures.

Il s'ensuit que la procédure de rectification n'encourt aucun chef d'irrégularité.

Sur les bases d'imposition :

L'article 761 du code général des impôts dispose que « Pour la liquidation des droits de mutations à titre gratuit, les immeubles, quelle que soit leur nature, sont estimés d'après leur valeur vénale réelle à la date de la transmission, d'après la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf, en ce qui concerne celles-ci, ce qui est dit aux articles 767 et suivants.
Pour les immeubles dont le propriétaire a l'usage à la date de la transmission, la valeur vénale réelle mentionnée au premier alinéa est réputée égale à la valeur libre de toute occupation.
Néanmoins, si, dans les deux années qui ont précédé ou suivi, soit l'acte de donation, soit le point de départ des délais pour souscrire la déclaration de succession, les immeubles transmis ont fait l'objet d'une adjudication, soit par autorité de justice, soit volontaire, avec admission des étrangers, les droits exigibles ne peuvent être calculés sur une somme inférieure au prix de l'adjudication, en y ajoutant toutes les charges en capital, à moins qu'il ne soit justifié que la consistance des immeubles a subi, dans l'intervalle, des transformations susceptibles d'en modifier la valeur».

Conformément à l'article L193 du code des procédures fiscales, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition.

S'agissant du bien situé à [Localité 8], mesdames [K] produisent un acte de vente daté du 5 février 2016 au prix de 35.000 €.

Cette seule pièce n'est toutefois pas de nature à établir la valeur vénale de ce bien au [Date décès 4] 2013, jour du décès. C'est donc à juste titre que l'administration fiscale a retenu une valeur de 54.000 €.

S'agissant du bien situé à [Localité 9], l'expert a retenu deux méthodes d'évaluation de la valeur vénale en 2013, dont une méthode par comparaison directe des autres biens vendus de surface comparable dans la même section cadastrale à partir de la base PERVAL, et une méthode par capitalisation du revenu réel ou théorique. Elle a en outre constaté que le bien était en mauvais état au jour de ses opérations, que ces dégradations étaient anciennes et qu'aucune rénovation n'avait été entreprise depuis 2013 au moins.

L'administration fiscale n'apporte pour sa part aucun élément nouveau pour remettre en cause les conclusions de l'expert que ceux qu'elles lui avaient déjà soumis dans le cadre de ses dires auxquels il a été répondu. La valeur vénale de 525.141 € retenue par l'expert apparaît donc justifiée, de même que la somme de 530.000 € portée dans la déclaration de succession.

Sur les autres demandes :

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, elles conserveront la charge de leurs dépens respectifs, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL D'AVOCATS MICHEL LAO, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute madame [D] [K] épouse [F] et madame [S] [K] de leurs demandes d'annulation de la procédure de taxation d'office du 25 novembre 2014 et de la procédure de rectification du 19 janvier 2016 ;

Dit que la valeur vénale de l'immeuble dépendant de la succession de [U] [K] sis [Adresse 5] est de 530.000 €, que la valeur vénale du bien situé [Adresse 7] est de 54.000 € et que l'administration fiscale devra établir un nouvel avis de mise en recouvrement des droits de succession à l'encontre de madame [D] [K] épouse [F] et madame [S] [K] sur ces bases ;

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens respectifs avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL D'AVOCATS MICHEL LAO, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 19/11822
Date de la décision : 02/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-02;19.11822 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award