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28/03/2024 | FRANCE | N°23/07104

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab1, 28 mars 2024, 23/07104


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N° 24/ DU 28 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/07104 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3U64

AFFAIRE : Mme [W] [L]( Me Nicolas BERTHIER)
C/ M. [R] [C] (Me Nicolas RUA)


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatricer>

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N° 24/ DU 28 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/07104 - N° Portalis DBW3-W-B7H-3U64

AFFAIRE : Mme [W] [L]( Me Nicolas BERTHIER)
C/ M. [R] [C] (Me Nicolas RUA)

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président (juge rapporteur)
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par ALLIONE Bernadette, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [W] [S] [E] [L]
née le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 5]
de nationalité Française, demeurant et domiciliée [Adresse 2]

représentée par Maître Nicolas BERTHIER, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur le Docteur [R] [C]
chirurgien orthopédiste, de nationalité Française, domicilié en son cabinet [Adresse 3]

représenté par Maître Nicolas RUA de la SELARL CABINET ESTEVE-RUA substitué par Maître Alice TELMON, avocats au barreau de NICE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE
dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

défaillante

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

Le 26 septembre 2013, madame [L] a subi une intervention chirurgicale pratiquée par le docteur [C] en raison d’une « Ténosynovite appareil fléchisseur D2 + D3 droit (avec une) limitation importante de la mobilité » diagnostiqué par ce dernier.

Le 29 septembre 2013, madame [L] s'est plainte auprès du secrétariat du docteur [C] de ses douleurs faisant suite à son opération.

Le 30 septembre 2013, ses douleurs se sont intensifiées. Le même jour, madame [L] a de nouveau contacté le docteur [C] qui lui a prescrit des antibiotiques sans consultation préalable et lui a fixé un rendez-vous pour le 02 octobre suivant.

Le 30 janvier 2014, madame [L] a subi une seconde intervention chirurgicale, faisant suite aux conclusions des différentes radiographies et à la persistance des souffrances.

Par acte d'huissier du 11 juin 2016 madame [L] a fait assigner le docteur [C] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, lequel a, par ordonnance du 30 août 2016, désigné le docteur [D] en qualité d'expert.

Ce dernier a déposé son rapport le 6 juillet 2017, concluant à l'absence de faute du docteur [C].

Par acte de commissaire de justice du 21 septembre 2022 madame [L] a fait assigner le docteur [C], en présence de la CPAM des Bouches du Rhône.

L'affaire a été radiée par ordonnance du juge de la mise en état du 21 mars 2023, et remise au rôle le 28 août 2023.

Demandes et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 juillet 2023 madame [L] demande au tribunal de désigner un nouvel expert, de condamner le docteur [C] à lui payer une somme de 10.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, de dire que le docteur [C] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, et de le condamner à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes madame [L] fait valoir qu'elle n'a pu, lors de l'expertise, se faire assister par un médecin conseil compte tenu du bref délai entre la convocation et l'accédit, que l'expert n'a pas répondu à son dire n°3, qu'il a tenu compte d'un état antérieur qui en réalité n'existe pas, les douleurs subies étant imputables à la seule inflammation de sa plaie. Elle ajoute qu'il résulte d'une note du docteur [M] que le docteur [C] a commis une faute en ne prescrivant pas de rééducation à la suite de la seconde opération, et que le rapport d'expertise contient des inexactitudes.
Sur l'existence de la faute madame [L] reproche au docteur [C] un retard de prise en charge post-opératoire lors de la première intervention du 26 septembre 2013, puisqu'alors que dès le 28 septembre elle a présenté une inflammation de la plaie, elle n'a été reçue que le 2 octobre. Elle ajoute, contrairement à ce qu'affirme l'expert, que l'allergie au fil Vicryl n'existe pas et n'a pas pu causer cette inflammation, que l'œdème très douloureux dont elle a souffert a causé l'immobilisation de sa main, aucun traitement chirurgical n'étant proposé jusqu'en janvier 2014 malgré une radiographie et une échographie du 5 novembre 2013 mettant cet œdème en évidence.
Elle soutient également que le docteur [C] a commis un manquement dans la prise en charge post-opératoire du 30 janvier 2014 en ne prescrivant pas de séance de kinésithérapie, ne permettant pas de récupérer un fonctionnement normal de son doigt.

Le docteur [C] a conclu le 20 février 2023 au rejet des demandes de madame [L] et à sa condamnation à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile aux motifs que le rapport d'expertise a été rendu conformément à la procédure applicable en la matière, au contradictoire des parties, l'expert ayant répondu aux dires qui lui ont été adressés. Il ajoute que la note du docteur [M] produite par madame [L] n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, ce dernier expliquant que les manquements relevés ont été sans conséquence sur la situation de madame [L]. Il rappelle que le fil chirurgical employé est bien susceptible de causer une réaction allergique, laquelle a d'ailleurs disparu lors de son ablation. Le docteur [C] indique encore avoir prescrit une auto-rééducation dans les suites de l'opération du 30 janvier 2014, et critique les affirmations en sens contraire du docteur [M].
Sur le principe de sa responsabilité le docteur [C] affirme que dans les suites de la première intervention madame [L] n'a pas présenté une infection, mais un hématome à la suite de l'ablation du drain, complication connue et fréquente, et une allergie au fil Vicryl, ces deux complications étant non fautives, et rappelle la prescription d'auto-rééducation dans les suites de l'opération du 30 janvier 2014. Il rappelle que selon l'expert l'état actuel de madame [L] est sans lien avec la prise en charge qu'il a effectuée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l’article L 1142-1 I du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
La faute médicale se rattache à un manquement du médecin à son obligation de délivrer à son patient des soins consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science au moment où il dispense les soins.

La faute du médecin ne peut être déduite de la seule survenance d’un dommage.

En l’espèce à l'appui de sa demande de nouvelle expertise madame [L] indique qu'elle n'a pu se faire assister d'un médecin conseil lors de la réunion d'expertise, en raison du bref délai écoulé entre la réception de la convocation et cette réunion, soit cinq jours.

Cependant, il sera relevé que ce délai a également été imposé au docteur [C]. Par ailleurs madame [L] n'a pas sollicité de l'expert le report de la réunion d'expertise. Elle a en outre pu, après le dépôt du pré-rapport, soumettre ses conclusions à l'appréciation d'un médecin conseil et formuler des dires, ce qu'elle n'a pas manqué de faire, les 9 et 11 juin 2017 (cf pages 16 à 33 du rapport).

Aucun grief n'est donc constitué de ce chef.

La note du docteur [M] du 29 mai 2022, après un rappel des documents présentés, et un bref rappel des faits, se contente d'affirmer que la complication post opératoire ne peut être due à une allergie au Vicryl car ce type d'allergie n'existe pas, et que la seconde intervention du 30 janvier 2014 était indiquée mais qu'une rééducation immédiate et régulière était nécessaire pour conserver le résultat obtenu par l'intervention.

Cependant l'expert a déjà répondu à la première de ses observations en pages 13 et 34 de son rapport, en indiquant que l'allégation d'infection est totalement erronée en l'absence de prélèvement biologique, de prélèvement sanguin et d'écoulement purulent ou louche, la reprise chirurgicale du 30 janvier 2014 étant liée au syndrome adhérentiel lié à la présence d'un hématome post-opératoire, syndrome inflammatoire lié à la présence de fils de suture.
Selon la photographie présentée à l'expert, il s'agit d'une réaction inflammatoire, qui se rencontre régulièrement.

Le docteur [C] justifie pour sa part de la connaissance de ce syndrome par la production d'éléments de littérature médicale, notamment un article publié dans l'International Surgery Journal en janvier 2021.

Sur la seconde des observations contenues dans la note du docteur [M], il résulte du rappel des faits repris dans le rapport d'expertise que le docteur [C], dans les suites de l'intervention du 30 janvier 2014, a indiqué des séances d'auto-rééducation, le 5 février 2014, et de kinésithérapie, le 13 février 2014.
Madame [L] a cependant indiqué à l'expert ne pas avoir réalisé de séances de rééducation.

Ces éléments ont permis à l'expert de conclure à l'existence d'un suivi consciencieux de la part du docteur [C], auquel le défaut de compliance du patient ne peut être reproché.

En l'absence d'élément médical nouveau de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert, il n'y a pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise.

Il n'est produit en outre aucun élément de nature à démontrer que le retrait du drain deux jours après la première intervention aurait pu être la cause de l'inflammation de la main de madame [L]. Par ailleurs l'expert relève à deux reprises dans son rapport que la prescription d'antibiotiques par téléphone n'a pas participé à l'aggravation de la douleur ou aux suites dommageables concernant la main droite de madame [L], et il n'est apporté aucune pièce de nature médicale tendant à démontrer le contraire.

En l'état de ces éléments, et en l'absence d'état antérieur de madame [L] ayant pu influer sur les suites opératoires connues du docteur [C], il n'apparaît pas que l'inflammation développée à la suite de l'utilisation de fils de suture de type Vicryl ait eu un caractère fautif. Il n'apparaît pas non plus que le docteur [C] ait fait preuve de négligence dans le suivi post-opératoire dès lors qu'il a procédé à l'ablation de ces fils le 2 octobre 2013 et qu'il a indiqué des séances d'auto-rééducation dans les suites de la seconde intervention.

Dans ces conditions madame [L] sera déboutée de ses demandes.

Succombant à l'instance, elle en supportera les dépens. Elle sera également condamnée à payer au docteur [C] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

Déboute madame [W] [L] de ses demandes ;

Condamne madame [W] [L] à payer au docteur [R] [C] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne madame [W] [L] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab1
Numéro d'arrêt : 23/07104
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.07104 ?
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